Introduction
La perception généralement négative de la croissance hypertrophiée de certaines capitales africaines aux dépens du monde rural et des villes secondaires a été quelque peu tempérée dans les deux dernières décennies par l'intérêt porté au secteur informel de l'économie urbaine, perçu par de nombreux chercheurs comme une source potentielle de développement.
Le concept de secteur informel fut introduit par Keith Hart dans une étude portant sur le Ghãna (Hart 1973) ; mais c'est le rapport du Bureau international du travail sur le Kenya qui en assura la popularité (BIT 1975). La plupart des études subséquentes s'effectuèrent dans le cadre d'organisations internationales, tels le BIT ou la Banque mondiale. Elles visaient à fournir des informations sur la contribution économique réelle et/ou potentielle du secteur informel et à suggérer les grands axes de promotion de sa fraction la plus dynamique. En termes méthodologiques, ces objectifs se sont traduits, le plus souvent, par un souci d'exhaustivité, de représentativité de l'échantillon et de quantification, afin de respecter la précision et la rigueur de la démarche scientifique.
Le grand questionnaire est la technique de collecte de données privilégiée. Le contenu des questions souligne le choix d'une approche à dominante économique. En Afrique, l'entreprise, l'établissement ou l'activité est l'unité d'observation et les questions portent surtout sur les modes d'organisation et de gestion (Lachaud 1982, Van Dijk 1983). La définition de l'objet de recherche se limite à quelques critères descriptifs et le choix d'une démarche méthodologique semble relever du seul poids de l'évidence.
Tout chercheur doit savoir à quel point le critère d'évidence attaché à un phénomène social peut être trompeur. En ce sens, le filtre à dominante économique risque de le conduire à négliger des éléments agissant sur les activités étudiées et relevant d'autres niveaux - politique, idéologique et culturel. Le chercheur qui se méfie des évidences et reconnaît la nécessité de pénétrer dans le social un peu à la manière d'un explorateur doit choisir une méthode adaptée à la fois à cet objectif et au contexte culturel étudié.
Ces réflexions nous ont conduit à choisir une approche anthropologique pour étudier le secteur économique informel de Dakar. Cette méthode, malgré ses avantages sur le grand questionnaire, soulève des problèmes spécifiques que nous abordons dans ce texte.
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