[199]
Marie-France LABRECQUE
Professeure titulaire, département d’anthropologie,
Université Laval
“Femmes, travail et domination masculine
au Mexique”. *
Un article publié dans la revue Anthropologie et Sociétés, vol. 10, no 1, 1986, pp. 199-217. Québec : département d'anthropologie, Université Laval.
- L'exploitation spécifique des femmes latino-américaines
- La population féminine économiquement active
- La spécificité de la participation des femmes au secteur agricole
- Le travail informel
- Travail des femmes et domination masculine
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- Conclusion
- BIBLIOGRAPHIE
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- Résumé / Summary
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- Tableau 1. Population féminine économiquement active en général et par secteur (1979-1980)
L'exploitation spécifique
des femmes latino-américaines
Une tendance dominante du courant féministe associe de façon bien déterminée la libération des femmes avec l'accès à l'autonomie économique, autrement dit, avec leur intégration au marché du travail. Cette tendance considère la croissance du taux de population féminine économiquement active comme un indice de libération accrue des femmes. Même s'il rallie des féministes d'orientations diverses, ce concept de population économiquement active (P.E.A.) n'en provient pas moins de l'approche néo-classique de l'économie. Il constitue la négation même de tout un aspect du travail des femmes en ne tenant pas compte des activités informelles et du travail ménager. Le concept de P.E.A. occulte, particulièrement dans le cas de cette dernière force de travail, son caractère central dans la reproduction du capital.
La critique de ce concept nous place donc à la fois sur le terrain de l'économique et de l'idéologique. On se retrouve en effet dans le domaine de l'économique parce qu'il est possible de montrer que les femmes produisent des valeurs d'usage et des valeurs d'échange sur la base du travail informel et du travail ménager. Les arguments strictement économiques militent pour l'insertion de ces activités dans les statistiques officielles sur le travail. Leur exclusion nous projette donc d'emblée sur le terrain de l'idéologique. En effet, il y a tout lieu de croire que le rejet du travail informel et du travail ménager des statistiques officielles repose sur le fait que ce sont des femmes qui pratiquent ces activités, soit principalement dans le cas du travail informel, soit en totalité dans le cas du travail ménager (Reicher Madeira 1978 : 61). [200] Le point de vue à partir duquel sont élaborées les catégories statistiques est sans aucun doute masculin. L'idéologie dominante revêt donc dans ce cas précis la forme de la domination masculine [1].
Élaboré dans et pour les pays développés, le concept de P.E.A. n'en déforme pas moins leur réalité. Dans les pays sous-développés, l'approche néo-classique dont est issu ce concept s'est traduite par la théorie de la modernisation. Selon cette théorie, encore virulente malgré les critiques (Beneria et Sen 1981), le développement est conçu comme un processus de rattrapage. Dans une version modifiée de cette approche, l'intégration des femmes au marché du travail constitue une des façons d'augmenter le revenu familial. Par cette démarche, sont visées la satisfaction des besoins essentiels et la résolution d'un ensemble de problèmes sociaux [2]. La catégorie de P.E.A. qui comptabilise cette intégration, continue néanmoins de nier là comme ailleurs le travail informel en général et en particulier le travail ménager des femmes. Lorsqu'on sait en effet qu'une très grande partie de la population de ces pays n'est intégrée que très faiblement à l'économie formelle, les contradictions entraînées par des concepts comme celui de P.E.A. risquent d'être encore plus prononcées. Dans ce contexte, on peut se demander quels seront les effets de la domination masculine notamment sur le travail des femmes et sa reconnaissance ? C'est la question principale que pose cet article.
Cet article se base principalement sur des données mexicaines qui concernent plus particulièrement les femmes mexicaines mais aussi l'ensemble des femmes de l'Amérique latine. La documentation est en général académique (livres, articles, thèses), elle vient également des milieux gouvernementaux (textes officiels, publicité, etc.) mais aussi quelquefois des milieux militants (revues féministes, programmes, pamphlets). L'article repose par ailleurs sur une connaissance préalable de la paysannerie mexicaine (Breton et Labrecque 1981, Labrecque et Breton 1982, Labrecque 1982a et b) qui fonda en partie les propos de la deuxième section.
Des préoccupations féministes et matérialistes animent cet article, de même que le désir d'établir des termes de comparaison entre les femmes [201] appartenant à la même classe sociale mais dans des régions et des pays différents. Or le contexte historique général d'établissement de cette comparaison demeure celui du développement, du sous-développement et de la dépendance dont plusieurs auteurs ont déjà traité (notamment Cardoso et Faletto 1969, Michel 1983, etc.). Nous ne reprendrons pas ici les éléments que ces auteurs ont exposés avec brio. C'est la situation de dépendance qui caractérise l'exploitation subie en Amérique latine par rapport à celle que l'on connaît en Amérique du Nord. Contrairement à ce que prétend la théorie de la modernisation, il ne s'agit pas d'une différence de degré qui s'atténuerait au fur et à mesure d'un éventuel développement. L'exploitation en Amérique latine repose en fait sur des structures qui sont spécifiques à cette région du monde et il importe d'en tenir compte aussi lorsque l'on parle des femmes. Partout les femmes de la classe laborieuse subissent une exploitation à la fois comme travailleuses face au capital et comme genre dominé face aux hommes. Les conséquences de cette double exploitation s'expriment cependant différemment selon que les femmes se trouvent dans un pays développé ou non. Les possibilités et les implications de l'intégration des femmes au marché du travail ne sont pas non plus les mêmes. Nous laissons à regret de côté dans cet article l'exploitation des femmes indigènes, triple exploitation parce que sont cumulés la classe, le genre et l'ethnie. Même incomplets, les instruments et concepts développés ici pourront éventuellement aider à comprendre aussi cette exploitation.
La population féminine
économiquement active
Il est incontestable que la crise économique de ces dernières années et la croissance dramatique de la dette extérieure des pays de l'Amérique latine forment un contexte contraignant pour les activités des travailleurs et travailleuses de cette région du monde. Au Mexique, cette crise économique s'est traduite par une baisse de production alimentaire de l'ordre de 10% en 10 ans (entre 1964 et 1974) alors que les cultures d'exportation croissaient de 27%, (Bisilliat et Fieloux 1983 : 31). L'accaparement des terres pour ces cultures signifie moins de terres pour les cultures de subsistance comme le maïs et le haricot. De quelle façon cette situation de crise affecte-t-elle les femmes ?
Malgré leur caractère hautement inadéquat, les statistiques officielles concernant la population économiquement active permettent dans un premier temps de poser le problème. Rappelons que seul le travail rémunéré fait partie de cette catégorie, excluant du même coup l'immense majorité des femmes au foyer, sur lesquelles nous reviendrons plus loin en montrant qu'elles sont loin d'être inactives. Ainsi, les femmes d'Amérique latine ont un des taux d'activité les plus bas du monde, 12% à 14% (selon les sources) seulement contre 28% pour l'Amérique du nord (Michel 1983 : 65). Ce taux varie évidemment selon les différents pays comme nous le montre le tableau suivant :
[202]
Population féminine économiquement active
en général et par secteur (1979-1980)
Pays ou région
|
% de la population
totale féminine
|
% de la population active
travaillant dans
|
Agr.
|
Indust.
|
Services
|
Amérique latine et et centrale (1)
|
14,0
|
15,7
|
17,1
|
67,2
|
Argentine (2)
|
20,0
|
13,0
|
28,0
|
59,0
|
Brésil (3)
|
13,6
|
30,0
|
24,0
|
46,0
|
Mexique (4)
|
21,5
|
5,6
|
22,3
|
71,6
|
Canada (5)
|
51,5
|
1,6
|
17,2
|
81,1
|
Sources : (1), (2) et (3) : d'après Bisilliat et Fieloux (1983, Annexe, Tableau 3). On présume que l'utilisation de l'expression « Amérique latine et centrale » par les auteures vise à souligner que les pays compris en Amérique centrale ne sont pas nécessairement latins (ex. : Caraïbes).
(4) d'après CONAPO 1983 : 15 et 18.
(5) d'après Statistique Canada 1980 : 33-34.
|
On constate que, comparativement aux autres pays de l'Amérique latine, le Mexique présente une proportion relativement élevée de femmes sur le marché du travail mais que cette proportion se situe loin derrière un pays industrialisé comme le Canada. Ces chiffres masquent néanmoins une situation fortement inégalitaire selon l'endroit ou selon l'âge des femmes et leur statut. Ainsi, les femmes auront deux fois plus d'opportunités de travailler formellement si elles demeurent dans une grande ville (Conapo 1983 : 16-17, Pedrero et Rendon 1982 : 449). De plus, ce sont surtout des femmes jeunes qui pourront travailler, soit parce que le type d'emploi le requiert, soit parce qu'elles ne sont pas encore retenues à la maison par un trop grand nombre d'enfants. Ainsi 33,4% des femmes actives ont entre 20 et 24 ans (Conapo 1983 : 14-15). Notons au passage que certains planificateurs espèrent que l'intégration de ces jeunes femmes au marché du travail aura un effet bénéfique sur le contrôle de la démographie. Comme l'affirme une chercheuse :
[203]
- L'augmentation de la participation féminine au marché du travail est (aussi) proposée dans les politiques de contrôle de la population, avec la croyance qu'une participation croissante induira les femmes à avoir moins d'enfants.
- Reicher Madeira 1978 : 52-53. [3]
D'après une enquête réalisée dans la ville de Mexico dès 1964, les femmes travailleuses avaient en moyenne 3,77 enfants nés vivants alors que les femmes au foyer en avaient 4,8 (Elu de Leñero 1975 : 122). Le contrôle des naissances s'impose donc aux femmes sans que celles-ci l'aient véritablement choisi.
D'un autre côté les employeurs préfèrent les célibataires qui, libérées des « charges » de la maternité, auraient une meilleure productivité tout en étant disponibles lorsque l'entreprise a besoin de main-d'oeuvre surnuméraire (De Barbieri 1978 : 129).
Ce sont aussi des femmes jeunes et célibataires que l'on retrouvera dans le secteur des services qui accapare 71,6% de la main-d'œuvre féminine. Ce secteur ne comprend pas seulement les élégantes vendeuses des grands magasins de Mexico ou les charmantes hôtesses des grands hôtels touristiques - qui soit dit en passant ne reçoivent que rarement le salaire minimum ; le secteur comprend également les femmes de chambre, et toutes ces femmes affectées au nettoyage, à l'entretien, à la préparation et à la vente d'aliments, etc. (Pedrero et Rendon 1982 : 455-456). Il est remarquable que plusieurs des activités du secteur des services constituent une extension des tâches domestiques traditionnellement réservées aux femmes. Comme nous le verrons plus loin, cette particularité contribuera à renforcer la domination masculine malgré la nouveauté apparente du rôle de la femme sur le marché du travail.
Pour ce qui est du secteur industriel sur ce tableau, signalons que, depuis 1975 surtout, les femmes ont trouvé à s'employer dans ce que l'on appelle les maquiladoras nord-américaines situées à la frontière des États-Unis (Pedrero et Rendon 1982 : 442). Ces maquiladoras sont des succursales d'entreprises nord-américaines qui se redéploient au Mexique afin de réduire leurs coûts de production. En employant des femmes, ces entreprises profitent d'un double avantage : d'une part, les bas salaires qui sont généralisés au Mexique et d'autre part les salaires encore plus bas réservés aux femmes. Il faut également mentionner qu'étant donné le type d'éducation reçu par les femmes, elles ont développé des habiletés et des attitudes de docilité vis-à-vis le travail qui font la joie des patrons (de Villalva 1983 : 8). C'est ce que des chercheuses mexicaines ont appelé « les avantages comparatifs des handicaps des femmes » (Arizpe et Aranda 1981). Ces avantages sont très élevés puisque dans certains cas la productivité des travailleuses mexicaines dans les maquiladoras est de 40% plus élevée que leur contrepartie nord-américaine (de Villalva, ibid.).
[204] Pour terminer l'examen de ce tableau, il va sans dire que la proportion de femmes actives dans le secteur agricole, qui est de 5,6%, ne tient pas compte du travail non rémunéré des femmes paysannes et indigènes qui exploitent leur parcelle avec leur mari. Le travail non rémunéré et non reconnu de ces femmes fait aussi partie de ce que l'on appelle le travail informel, sur lequel nous reviendrons plus loin. Auparavant, nous nous arrêterons sur le secteur agricole, particulièrement important et stratégique pour le Mexique.
La spécificité de la participation des femmes
au secteur agricole
Les raisons de considérer particulièrement le secteur agricole sont nombreuses, nous en retenons deux : la participation des femmes a souvent été ignorée et, d'autre part, en raison de la crise agricole et de l'exode rural, ce secteur constitue une fois de plus le théâtre de plusieurs expériences de développement. L'une d'elles s'adresse spécifiquement aux femmes : la Unidad Agricola Industrial para la Mujer (UAIM). Cette expérience concerne justement des femmes impliquées dans le secteur informel, elle nous permettra de comprendre les contrastes entre les activités formelles abordées dans la section précédente et les activités informelles qui constituent l'objet de la prochaine section.
Mises sur pied en théorie en 1971 dans la Ley de Reforma Agraria, les UAIM ont été réactivées surtout après l'Année internationale de la femme (de Barbieri 1981 : 2), apparemment dans le cadre du SAM (Sistema Alimentario Mexicano). Ce programme, commencé en 1979, visait à améliorer la production de biens de subsistance de première nécessité comme le mais et le haricot. Le contexte de mise en place des UAIM en est un de sous-emploi et de chômage à la campagne, qui provoque une émigration vers des villes déjà surpeuplées. Le gouvernement croyait que les UAIM amèneraient un complément de revenus aux familles paysannes et éviteraient l'exode rural (Calderon 1983 : 25).
L'organisation des UAIM repose sur le postulat explicite de la part du féminisme officiel gouvernemental que ce n'est qu'à partir du moment où elles commencent à participer au travail salarié que les femmes peuvent véritablement atteindre l'égalité (Ochoa de Aguirre 1982 : 5). Étroitement encadrée par des organismes gouvernementaux, la formation d'une UAIM requiert le regroupement d'au moins 20 femmes de plus de 16 ans qui veulent travailler dans le domaine de l'agriculture, de l'élevage, de l'artisanat, de l'alimentation, de la santé, de l'éducation et des services (Barcelo 1981 : 5-7). Les buts explicites des UAIM sont l'augmentation du revenu familial paysan et de la production agricole de même que la résorption du chômage (Guerrero de Castro 1981 : 9).
[205] Comme dans tout projet parachuté par le gouvernement et ne représentant pas nécessairement la volonté du peuple, plusieurs problèmes ont surgi et la littérature officielle reconnaît que sur plusieurs milliers de UAIM créées, à peine quelques centaines fonctionnent adéquatement (Barcelo 1981 : 7). En effet, la Secretaria de Reforma Agraria signale en 1980 que 280 environ des 4 950 unités créées par décret présidentiel étaient opérationnelles (De Barbieri 1983 : 17).
Les problèmes soulevés sont de plusieurs ordres. L'activité même de production est souvent imposée aux femmes sans études de faisabilité préalables (De Barbieri 1983 : 17). Par conséquent, l'unité a quelquefois du mal à s'approvisionner en matières premières et à écouler les produits. Au Yucatan par exemple, il semble que les unités pratiquant l'artisanat entrent en concurrence avec de petites entreprises déjà bien implantées dans le secteur touristique. On connaît même un cas dans le Michoacan où une unité entre en concurrence avec une transnationale au moment de la commercialisation (De Barbieri 1981 : 10-12) ! D'un autre côté, les modalités d'obtention du crédit sont telles qu'on peut se demander si le projet a jamais été conçu de façon à ce que les femmes conservent vraiment le contrôle du procès de production. Actuellement en tout cas, elles ne semblent pas l'avoir au niveau économique. La situation n'est pas plus intéressante au point de vue politique. Les femmes n'échappent pas au phénomène généralisé de la corruption et on a constaté, dans les cas étudiés, une absence de démocratie interne dans la gestion (De Barbieri 1981 : 21).
L'administration de plusieurs unités serait en effet tombée dans les mains de femmes incorporées aux différentes organisations du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) et celles-ci empêchent les femmes adhérant à d'autres partis de se joindre à l'unité (Calderon 1983 : 26). Enfin, au niveau idéologique intervient le machisme des maris, des frères ou des fils aînés qui voient d'un mauvais œil que la femme sorte de la maison pour vaquer à des activités autres que domestiques même si ces activités rapportent un supplément de revenu. Au Yucatan, par exemple, les conseillers masculins qui aidaient les femmes à organiser leur unité ont dû être remplacés par des conseillères, à cause de la jalousie des autres mâles de la communauté.
Il est entendu que gagner un salaire peut améliorer de façon sensible la condition des femmes et que, d'un point de vue féministe, tout projet dans ce sens doit être défendu (Arizpe et Aranda 1981 : 473). Cependant, on peut émettre des réserves lorsque ces projets ne tiennent pas compte des conditions réelles des femmes. Dans la campagne mexicaine, la femme contribue pour plus de 50% au revenu brut de sa famille avant toute participation à un projet de développement (Calderon 1983 : 25, voir également Michel 1983 : 68). Même si la femme paysanne ne fait pas partie de la population officiellement active, elle apporte de l'argent à sa famille. En effet, elle élève des poulets, des dindes et des cochons qu'elle vend au marché local ou à des particuliers ; elle cultive également des légumes et exploite des [206] arbres fruitiers ; la femme paysanne s'adonne également à l'artisanat sur commande de particuliers ou pour des revendeurs qui lui fournissent la matière première (voir Littlefield 1979 et Royer 1981) ; elle fait la lessive pour les femmes mieux nanties de même que de la couture ; enfin elle confectionne des friandises que ses enfants iront vendre dans les maisons ; dans quelques cas, elle est sage-femme et rezadora [4] professionnelle.
Comme on le voit, les occupations informelles sont abondantes : elles requièrent énormément d'énergie lorsque l'on considère que la femme doit d'abord assurer la reproduction de la force de travail de sa famille - elle est souvent enceinte - de même que son entretien. Or faire la cuisine en milieu rural n'est pas chose facile : on doit d'abord veiller à disposer de bois en quantité suffisante pour le foyer ; sinon il faut le chercher parfois à grande distance ; ensuite il faut confectionner les tortillas, galettes à base de maïs indispensables à chaque repas. Il s'agit là d'une tâche journalière qui prend au moins quatre heures à partir de la transformation des grains de mais en pâte de nixtamal jusqu'à la confection et la cuisson de la tortilla elle-même. Si on les achète toutes faites - ce qui n'est pas toujours facile - il faut aller au magasin puis attendre, parfois très longtemps, selon notre expérience.
C'est à cet éventail d'activités et de responsabilités (dont nous n'avons pas fait le tour exhaustif) que vient s'ajouter un projet comme celui des UAIM. Plutôt que de faciliter l'exécution de certaines tâches génératrices de revenus, les UAIM s'inscrivent comme une activité supplémentaire pour les femmes des zones rurales. Ces femmes se retrouvent alors dans la situation de leurs sœurs des zones plus développées confrontées à la double journée de travail, sinon à la triple journée lorsqu'en plus elles sont militantes. On comprend donc que les difficultés d'implantation des UAIM soient en partie liées à une résistance implicite des femmes déjà grandement impliquées dans le secteur informel.
Le travail informel
Les activités informelles sont précisément celles qui ne sont pas incluses dans les statistiques officielles ayant servi à la confection du tableau ci-haut. En Amérique latine, ces activités occupent entre 43 et 59% de la population en âge de travailler (Campos Sevilla 1983 : 80). Malgré qu'il soit difficile de le vérifier, on pense qu'une large proportion du travail informel est dévolue aux femmes de même qu'aux habitants des bidonvilles. Le travail informel peut être rémunéré : on pense alors au travail au noir à domicile. Il s'agit bien sûr d'un travail aléatoire et rémunéré bien en deçà du salaire minimum légal. Enfin le travail informel peut aussi inclure, à la limite de la légalité, [207] les vendeurs et les vendeuses ambulantes - les Marias - que l'on voit en plein centre-ville de Mexico, indigènes unilingues récemment immigrées des régions rurales marginalisées. Les paysannes migrant vers les villes se retrouvent surtout dans les services (qui absorbent environ 70% des femmes salariées) et dans le secteur informel (Arizpe 1983 : 5).
La limite entre le travail formel et informel est dans certains cas très mince (Arizpe 1977 : 36). La crise économique et le ré-aménagement de la division internationale du travail ont même provoqué le repli d'activités formelles dans le secteur informel, par exemple le cas de l'industrie mexicaine de la robe. Cette industrie relevait traditionnellement du secteur manufacturier contrôlé par le capital national mexicain. En 1955, le gouvernement mexicain a ouvert ses portes à l'investissement étranger direct en ce domaine. Depuis lors le capital des États-Unis a graduellement absorbé les industries mexicaines qui produisaient des biens de consommation durables. En même temps, le marché domestique pour ces biens s'est rétréci en raison d'un taux important d'inflation et des dévaluations successives du peso mexicain depuis 1976. C'est donc la petite industrie nationale qui a été affectée. Celle-ci s'est repliée sur le travail à domicile afin de continuer à fonctionner. L'industrie mexicaine de la robe repose donc sur le travail clandestin (échappant à la législation du travail) de milliers de couturières habitant des villes marginalisées comme celle de Ciudad Nezahualcoyotl, ville de quelque quatre millions d'habitants, voisine de Mexico, sans infrastructure véritable et où il est même difficile de contrôler quoi que ce soit, encore moins le travail à domicile (voir Alonso 1982, pour une analyse de l'industrie de la robe). Les chercheurs pensent d'ailleurs que le travail informel se généralise dans la mesure où ces ciudades perditas se développent (Campos Sevilla 1982 : 83 ; 1983 : 87).
Le travail informel comprend également le travail ménager non rémunéré que la femme (en général) effectue pour sa famille. Il faut néanmoins distinguer entre travail effectué à domicile pour un patron et travail ménager. Le lieu de travail est le même, mais la « matière » du travail diffère grandement, puisque le travail ménager concerne directement la production et la reproduction de la force de travail. C'est le caractère d'invisibilité du travail ménager qui permet de l'associer au travail informel en général.
Le travail ménager regroupe une série de tâches que peu d'auteurs se sont donné la peine de préciser. M. Teresita de Barbieri, auteure déjà citée, distingue trois catégories de tâches sous cette rubrique : 1) celles qui sont rattachées à l'achat de marchandises et au paiement des services consommés ; 2) celles qui concernent le transport des enfants soit pour des fins éducationnelles ou de santé, etc. ; 3) enfin, les tâches qui impliquent la transformation des marchandises acquises, les rendant aptes à la consommation (de Barbieri 1978 : 130-131).
[208] Toutes ces tâches demandent beaucoup de temps. Dans les classes mieux nanties, elles peuvent être allégées par le recours à du personnel domestique ou aux appareils électro-ménagers. La responsabilité des tâches demeure néanmoins celle des femmes. Dans le prolétariat et le sous-prolétariat, les femmes conservent à la fois la responsabilité et l'exécution des tâches ménagères. Dans une étude de cas concernant le « secteur moyen » à Mexico, on a constaté que les maîtresses de maison consacrent 36 heures par semaine au travail ménager si elles n'ont pas d'enfant, 75 heures avec un enfant de moins de un an et 77 heures avec quatre enfants âgés de six à douze ans (de Barbieri 1978 : 134). Avec la crise qui provoque des pénuries se traduisant par d'interminables queues dans les magasins d'alimentation, les femmes doivent accroître le temps consacré au travail domestique (Iturralde 1983 : 37). Même en milieu rural, les études montrent que les femmes travaillent beaucoup plus que les hommes en terme de temps (Margolis First 1982 : 246).
Le travail ménager échoit aux femmes, même à celles qui soit travaillent au noir, soit travaillent à l'extérieur du foyer, les obligeant ainsi à la double journée de travail. On doit mentionner également le problème des occupations multiples dans lesquelles sont souvent insérés les hommes et les femmes des milieux défavorisés. Même là, les femmes assument différents emplois plus souvent que les hommes. Une enquête dans un quartier populaire à Mexico a montré que des 63 personnes (hommes et femmes) qui avaient plus d'une occupation à l'extérieur de la maison, 51 femmes avaient deux, trois ou même quatre emplois simultanés (Cohen Alfie 1983 : 57).
L'investissement en temps-travail que représente le travail ménager, en soi et combiné à un ou plusieurs emplois rémunérés, a comme conséquence immédiate une faible participation des femmes à la vie syndicale ou encore à la vie politique en général (de Barbieri 1978 : 129). Les rares femmes qui s'y impliquent finissent bien souvent par le payer de leur santé.
L'importance du travail informel des femmes en Amérique latine souligne le caractère inapproprié de la catégorie de départ, soit celle de population économiquement active. La remise en question de cette catégorie par les féministes latino-américaines touche également la notion de travail ménager : pour certaines, c'est l'occasion de reconsidérer la théorie marxiste de la valeur (de Barbieri 1978) ; pour d'autres, il s'agit de contester la validité pour les pays sous-développés des concepts élaborés dans les pays industrialisés, y compris bien sûr les concepts marxistes (Reicher Madeira 1978). Ces féministes rejoignent donc des débats plus larges mais tout en conservant une conscience aiguë de la spécificité latino-américaine, donc de l'impérialisme et d'une lutte des classes contenue par une répression accentuée. La vigueur de la domination masculine donne également une coloration particulière aux débats. C'est sur cette vigueur et ses conséquences sur le travail des femmes latino-américaines que la prochaine section s'attarde.
[209]
Travail des femmes et domination masculine
Le fait que les femmes s'intègrent à la population économiquement active et sortent, théoriquement, de leur isolement parce qu'elles se retrouvent sur le marché du travail ne constitue pas nécessairement un recul de la domination masculine au niveau idéologique. Bien que les femmes s'insèrent de plus en plus dans le marché du travail, il est important de remarquer les limitations externes au potentiel libérateur du travail. Dans une étude portant sur l'insertion des femmes dans une culture d'exportation (la tomate) dans l'état de Sinaloa, au Mexique, Iris Martha Roldan remarque que ces limitations externes sont celles qui :
- (...) tirent leur origine des caractéristiques de l'emploi son insécurité, son intermittence, le niveau minimum de salaire, le non-respect des prestations légales auquel sont liés notamment les risques professionnels, l'usure physique et nerveuse (...).
Comme le fait remarquer une autre chercheuse mexicaine :
- Quand il coïncide avec un manque de qualification des femmes, avec une discrimination occupationnelle sur une base sexuelle et enfin avec des structures familiales traditionnelles, le travail peut se transformer en tout autre chose qu'une situation libératrice.
Dans le secteur des services, le travail des femmes se trouve la plupart du temps en continuité avec les tâches ménagères. Dans ce cas, le travail salarié ne présente guère non plus d'occasions de s'épanouir. Or c'est là le sort de la plupart des femmes insérées sur le marché du travail. On le constate notamment au Mexique où 71,6% de la population féminine économiquement active se trouve dans le secteur des services. L'analyse des données sur une période de dix ans montre que l'insertion grandissante des femmes dans les services s'est d'ailleurs faite aux dépens des secteurs primaires et industriels (Conapo 1983 : 18). La situation est encore plus prononcée si l'on considère une plus longue période. Ainsi, entre 1900 et 1940, la participation des femmes au secteur industriel mexicain est passée de 76 542 à 34 041 individus (Vaughan 1979 : 78). La tendance semble généralisée en Amérique latine.
Au Guatemala, depuis 1950 les femmes sont entrées sur le marché du travail à un rythme plus grand que les hommes (Chinchilla 1977 : 54). Cependant, on constate depuis 1954 un déclin des emplois industriels réservés aux femmes. La création de nouvelles industries a plutôt favorisé les hommes. Par contre le nombre de femmes impliquées dans le travail domestique rémunéré s'est accru de 28,9% depuis 1964 (ibid : 48-53).
À Puerto Rico, pour prendre un autre exemple, la population féminine active est passée de 22,1% en 1960 à 27,8% en 1980 alors que, chose étonnante [210] à première vue, la population active masculine a diminué (Safa 1983 : 461). En effet le processus d'industrialisation et d'autres facteurs (comme sans nul doute l'émigration aux États-Unis) ont tendu à favoriser davantage l'intégration des femmes au marché du travail (ibid : 463). Mais encore là si les femmes ont échappé au chômage, c'est qu'elles sont concentrées dans des emplois typiquement féminins. Les familles paysannes plus particulièrement demeurent patriarcales, malgré la perte d'opportunités de travail pour les hommes. Une enquête réalisée auprès de jeunes ouvrières célibataires montre que la part du salaire qu'elles cédaient ne constituait jamais moins que 40% du revenu total de leur famille (ibid : 476). Au Mexique, le même type d'enquête a révélé que 73% des femmes interviewées cédaient entre la moitié et les trois quarts de leur salaire au budget familial (de Villalva 1983 : 8). L'autonomie des femmes célibataires vivant chez leurs parents demeure donc toute relative puisqu'elles sont limitées non seulement par les obligations familiales mais aussi par le bas niveau de leurs revenus au départ (Roldan 1981 : 114). D'autre part, de toutes les situations familiales expérimentées par les femmes recevant un salaire, c'est lorsqu'elles sont chefs de famille, donc en l'absence de l'homme, qu'elles disposent de plus d'autonomie (Roldan 1981 : 114-121). Bien qu'elles affirmeront travailler par nécessité, surtout dans les situations les plus défavorisées (Roldan 1981 : 114), les femmes semblent apprécier justement les occasions où le travail leur permet de se valoriser, de s'estimer davantage et de se sentir « utiles » ; on apprécie de ne pas se trouver complètement à la merci d'un conjoint irresponsable. Dans plusieurs cas, ce sentiment sera plus fort que la médiocrité des salaires et que l'opposition des maris et incitera les femmes à travailler à l'extérieur du foyer (Cohen Alfie 1983 : 63-64, 118).
Conclusion
Nous avons évoqué assez d'exemples pour affirmer que pour les latino-américaines, comme pour des femmes de plusieurs autres pays, le fait d'intégrer le marché du travail ne met pas nécessairement fin à la domination masculine, Certaines chercheuses vont même jusqu'à affirmer que cette intégration provoque une « recomposition », un renforcement de la subordination des femmes, parfois sous de nouvelles formes (Elson et Pearson 1982 : 170-17 1). Ainsi, on pourra constater un relâchement dans le contrôle que les ouvriers établissent sur la vie de leur épouse, leur mère ou leur fille. Par contre, cette nouvelle attitude n'empêchera pas le renforcement de la division capitaliste du travail basée sur cette croyance que les femmes sont naturellement plus patientes, plus minutieuses et plus habiles que les hommes pour certaines tâches. Quoi qu'il en soit, les capitalistes vont tenter de profiter au maximum de ces « qualités » des travailleuses qui s'avèrent « fonctionnelles » pour la production (Roldan 1981 : 61). Actuellement, la présence même au Mexique des industries maquiladoras électroniques, de même que l'organisation de la division du travail dans ces industries [211] reposent sur la disponibilité des femmes, leur soumission et leur entraînement depuis leur tout jeune âge à des tâches délicates au sein de leur famille.
Cette division du travail basée sur leur prétendue nature est très profondément intériorisée par les femmes. Leur acceptation des rôles et des nouveaux stéréotypes qu'on leur impose fait véritablement du travail une source d'aliénation (Elu de Leñero 1975 : 30). Il faut donc questionner le caractère même de l'intégration des femmes au marché du travail, évaluer ses limites et ses possibilités, et aussi réfléchir sur les moyens d'extirper les formes pré-existantes de subordination (Roldan 1983 : 21). La tâche est rendue particulièrement difficile par le fait que les hommes appartenant à la même classe sociale que les femmes salariées n'ont pas intérêt à ce que la division sexuelle du travail subisse des changements importants. La subordination générique qui accompagne l'accès des femmes au salaire a en effet abouti à l'occupation systématique par les hommes des postes de commande, de contrôle, et de ceux qui requièrent une meilleure qualification (Roldan 1981 : 61).
Dans ces conditions, l'aliénation des femmes par le travail salarié se traduit par une reproduction de leur soumission aux modèles masculins dominants. Dans une enquête menée par l'Instituto Mexicano de Estudios Sociales (IMES) en 1966-67, on a demandé à 2 500 couples qui devait décider si la femme travaillerait ou non : 57% des femmes et 74,4% des hommes considéraient que cette décision revenait à l'homme (Elu de Leñero 1975 : 102).
L'enquête est déjà ancienne et se déroulait en milieu urbain mais l'on peut assumer qu'à quelques nuances près, la situation s'est maintenue en faveur de la domination masculine. En 1970, une autre enquête menée auprès de femmes sur le point de se marier a révélé que 40% d'entre elles ne pensaient pas continuer à travailler après le mariage, convaincues que leur futur mari ne leur permettrait pas (Elu de Leñero 1975 : 105).
Plus récemment, dans les années 1980, une autre enquête dans un milieu rural montre que le travail des femmes àl'extérieur du foyer, s'il arrive qu'il soit accepté individuellement par les hommes directement concernés, est par contre mal perçu par la communauté dans son ensemble (Margolis First 1982 : 230).
L'insertion des femmes sur le marché du travail rencontre donc d'énormes résistances idéologiques. Lorsqu'enfin les femmes s'y intègrent, elles sont encore et toujours en butte aux mêmes résistances. Les hommes sur le marché du travail subissent bien sûr l'exploitation. Cependant, seule leur force de travail est exploitée. Les femmes pour leur part offrent bien sûr leur force de travail, mais traînent avec elles leur position subordonnée au départ. Ainsi, en plus d'être exploitées pour leur force de travail, elles le sont aussi en tant que genre dominé. Elles sont donc doublement exploitées [212] et une partie de l'exploitation se cristallise dans une division sexuelle renouvelée du travail que les hommes et la classe dominante ne veulent pas remettre en question.
On comprend donc que les revendications des femmes concernant non seulement la division du travail mais aussi leur corps et leur bien-être sont réellement subversives pour le système capitaliste puisque celui-ci repose en grande partie sur la soumission corporelle spécifique des femmes.
En Amérique latine, ces revendications se sont exprimées d'une façon particulière par rapport aux pays développés et l'étude du mouvement féministe latino-américain nous éclaire singulièrement [5]. Ces féministes doivent dans un même souffle remettre en question la pertinence des catégories économiques qu'on leur a imposées de l'extérieur et qui sont acceptées par le féminisme institutionnel [6]. Elles ont également à combattre l'idéologie de domination masculine qui sous-tend ces catégories de même que leurs effets. Un combat qui n'a certes rien de facile.
Ces constatations empêchent de conclure cet article sans approfondir la critique déjà amorcée en introduction de la catégorie de population économiquement active. Lorsqu'il implique simultanément des femmes des pays développés et sous-développés, l'enlignement des taux de P.E.A. pourrait laisser croire que la différence entre les uns et les autres finira par se résorber. Or on sait déjà que le fameux développement tant attendu ne se produira pas et qu'au contraire, le fossé entre nations se creuse encore plus profondément. L'augmentation de la participation des hommes et des femmes au marché du travail dans les pays sous-développés, visible dans les statistiques, masque l'agrandissement de l'écart entre les revenus des différentes classes, autre conséquence du développement dépendant (Reicher Madeira 1978 : 48).
Catégorie typique de l'approche néo-classique, la P.E.A. ne mesure bien en fait que des phénomènes propres aux pays industrialisés et son application à l'économie des pays sous-développés ne traduit nullement la réalité de ces pays (ibid : 57). Son utilisation est illusoire pour l'ensemble de la force de travail féminine encore plus impliquée dans le travail invisible. Par conséquent, une étude, même brève, du travail des femmes mexicaines ne saurait se contenter de ce qu'en disent les statistiques officielles.
[213] Un effort de la part des chercheurs pour contrer à la fois l'idéologie dominante et la domination masculine s'impose. Il s'agit d'aller au delà des versions officielles des gouvernements quant au travail des femmes, de remettre en question les concepts qui le maintiennent dans l'invisibilité et d'examiner dans les faits en quoi consistent les activités féminines dans la production. L'adoption d'une perspective globale permettrait de prendre en considération la production économique dans son ensemble et pas seulement celle qui génère des profits pour les entreprises capitalistes. Les activités féminines liées à la réalisation de ce profit, comme celles de reproduction et d'entretien de la force de travail, sont en effet centrales non seulement pour le capitalisme mais également pour l'impérialisme, Pour qui veut remettre en question l'un et l'autre, il est donc urgent de le reconnaître. Encore faut-il placer le combat contre la domination masculine sur le même agenda de luttes.
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L'article veut dégager la spécificité de l'exploitation économique des femmes de l'Amérique latine. Par la critique de la catégorie de population économiquement active, l'auteure examine les problèmes d'invisibilité du travail des femmes dans le secteur agricole au Mexique, dans le travail ménager de même que dans le travail au noir. Elle aborde enfin les formes de la domination masculine dans un contexte de sous-développement et compare la condition féminine dans ce pays et dans le reste de l'Amérique latine.
Women, Jobs and Male Domination
in Mexico
The study proposes to identify the characteristics of the exploitation of women in the marketplace in Latin America. Through an analysis of those population groups now [217] economically active, the author studies the problems of female labour-force « invisibility » in Mexico's agricultural sector, in domestic work, and in undeclared, moonlight labour. Lastly, she deals with the forms of male domination occurring in a context of underdevelopment and compares the status of women in Mexico with the picture through out Latin America.
Marie France Labrecque
Département d'anthropologie
Université Laval
Ste-Foy (Québec)
Canada G1K 7P4
* La documentation sur laquelle se base cet article a été recueillie en 1984 au Mexique dans le cadre d'un congé sabbatique. Une subvention de la Faculté des Sciences sociales de l'Université Laval (Budget spécial de la recherche) a permis à deux candidats au doctorat, Mariette Gobeil et Françoise Vityé, de participer avec moi au dépouillement de cette documentation.
[1] La tentation d'utiliser le terme patriarcat a été très forte. Cependant, j'ai opté pour J'expression « domination masculine » en me rendant aux arguments de Mackintosh qui, comme d'autres auteurs, « réserve le terme patriarcat à des situations où la société se trouve soumise à des patriarches véritables (par exemple dans les sociétés lignagères ou paysannes où c'est l'homme le plus âgé de la maisonnée qui domine) »(Mackintosh 1984 : 9-10). Edholm, Harris et Young partagent sensiblement la même opinion (1982 : 39).
[2] L'approche qui vise la satisfaction des besoins essentiels (Basic Needs Approach) est en général considérée comme étant à l'opposé de la théorie de la modernisation (Palmer 1977 : 113). En fait, elle a émergé suite aux critiques adressées à cette théorie et à la désillusion devant le peu de résultats positifs des mesures prises dans ce cadre. Bien que désormais, les projets de développement soient ramenés à des proportions plus modestes, les décisions quant à la satisfaction des besoins essentiels sont encore prises en dehors des populations concernées. Les gouvernements locaux relaient les décisions de la Banque mondiale. On peut se demander si l'approche des besoins essentiels ne serait pas après tout une version édulcorée de la théorie de la modernisation.
[3] J'ai traduit toutes les citations des auteurs latino-américains dans cet article.
[4] Littéralement « pieuse » : il s'agit de femmes qui animent par leurs chants et leurs prières les neuvaines que les familles font en l'honneur de tel ou tel saint.
[5] L'étude du mouvement féministe mexicain fera l'objet d'un autre article. On pourra dans l'immédiat consulter l'article en français de Silva-Labarca (1984). Une lecture régulière de la revue mexicaine Fem nous permet un contact avec les différentes facettes du féminisme latino-américain.
[6] Par féminisme institutionnel nous entendons celui qui est véhiculé par les organismes gouvernementaux de promotion de la femme, Par exemple, le DIF (Desarrollo Integral de la Familia) ; le PRONAM (Programa Nacional de la Mujer), et même les UAIM dont nous avons parlé dans cet article.
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