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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Jean-Guy Lacroix, La télévision, bientôt quarante ans” (1999)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Jean-Guy Lacroix, La télévision, bientôt quarante ans”. Un article publié dans la revue Possibles, Montréal, vol. 13, no 3, été 1999, pp. 27-34. [M Jean-Guy Lacroix, nous a accordé le 19 juillet 2005 son autorisation de diffuser électroniquement cet article].

Introduction

En 1952, Radio-Canada commençait à diffuser des émissions de télévision. L’ébahissement de la population devant cette boite domestique à « images-parlantes » et l'engouement qu'elle manifesta dès le début malgré le rachitisme de la programmation indiquèrent qu'une nouvelle ère culturelle avait débuté. Dans les années qui suivirent et jusqu'à nos jours, la culture télévisuelle n'allait que chaque jour s'affirmer davantage. 

Rétrospectivement, plusieurs indices nous permettent de visualiser le chemin parcouru par la télévision. 

À l'appareil habillé d'un meuble rondouillard, intrus, énigmatique et dérangeant a succédé un appareil sophistiqué aux lignes épurées et froides, un appareil dépouillé d'habit-meuble, presque sans cadre et qui ne laisse à la perception de l'auditeur que l'image. Dorénavant, le meuble c'est l'image. 

À l'appareil qui arrivait seul, qui se présentait comme singulier et qui canalisait l'attention de toute la famille, souvent même de la famille étendue, a succédé une multiplicité d'appareils. Aujourd'hui, plus de 60% des foyers québécois possèdent deux récepteurs et plusieurs Familles en ont trois ; certaines en ont même plus, de sorte u'avec la multiplication des canaux, l'écoute ans les foyers tend à s'individualiser. De plus, l'appareil de télévision se conjugue maintenant avec le câblosélecteur, le magnétoscope, l'ordinateur et bientôt le vidéo-disque. Bref, la télévision est devenue l'opérateur central d'un ensemble de plus en plus large de pratiques culturelles et économiques, car à la télétransmission classique (par ondes hertziennes) en flot continu se sont ajoutées la câblodistribution, la télépayante, la télématique grand-public (le système Vidéoway de Vidéotron) et les télétransactions (télé-achats, etc.). 

Le chemin parcouru par la télévision s'évalue également à l'allongement de la plage horaire. De quelques heures à l'origine, la diffusion quotidienne s'est graduellement étirée, de sorte qu'actuellement nous nous acheminons vers une diffusion de 24 heures par jour. 

Nous devons également souligner l'importance de la transformation des émissions et de l'évolution dans la façon de les produire. Ainsi, des émissions en noir et blanc construites selon un langage médiatique hérité de la radio, du cinéma et du théâtre et transmises en direct, est-on passé à des émissions en couleurs construites selon un langage propre à la télévision et diffusées en différé grâce à la magnétoscopie. 

Ces quelques constats nous permettent de voir que l'histoire de la télévision, bien que jeune, est très riche. En considérant cette histoire à partir de l'évolution de la technique, de l'accroissement quantitatif des téléviseurs et de la sophistication des appareils et des programmes, on a l'impression que cette histoire est synonyme de progrès. Mais, pour bien comprendre toute la portée socio-culturelle du développement de la télévision, il faut exhumer et tenir compte d'une autre histoire. Au-delà de l'appareil, au-delà des objets techniques, il y a aussi un objet social. Là, l'histoire de la télévision est moins brillante. 

Conçue dès le départ comme un service public, la télévision canadienne n'a cessé, durant ses trente-sept premières années, d'évoluer vers un système où domine l'entreprise privée [1]. 

En 1951, la commission Massey-Lévesque avait recommandé que le développement de la télévision se fasse sous l'égide de la Société Radio-Canada parce que, selon les auteurs, seule une organisation nationale était en mesure de protéger le Canada d'une commercialisation et d'une américanisation outrancières [2]. En plus de pallier la faiblesse des entrepreneurs canadiens et de mieux résister à l'envahissement américain, cette position permettait de confier un mandat culturel et d'en contrôler la réalisation. La télévision était alors conçue comme un outil d'éducation et de culture, comme un service public. 

Mais, la télévision venait à peine de fêter son cinquième anniversaire qu'un virage brutal fut amorcé en 1956 avec l'arrivée au pouvoir de John Diefenbaker. La nouvelle loi de la radiodiffusion adoptée en 1958 retira à Radio-Canada le pouvoir de réglementation pour le confier au BGR (Bureau des Gouverneurs de la Radiodiffusion) dans lequel le secteur privé était fortement représenté. Dès lors, la porte était ouverte à l'entreprise privée et à la constitution de réseaux privés. La politique du canal unique cessa de déterminer le développement de la télévision, des licences furent attribuées à des stations locales (privées) dans les localités disposant déjà d'une station (publique). Les rapports de marché étaient donc introduits dans l'espace télévisuel, ce qui obligea l'entreprise publique à s'ajuster à la concurrence. Ainsi, dès leurs origines, par leur seule présence, et mal malgré leur petite taille, les entreprises privées modifièrent substantiellement la dynamique d'ensemble du système canadien de télévision. 

Dans ce nouveau contexte, la notion de service public n'eut plus la même force de détermination des politiques. Les exigences de la rentabilité modelèrent alors de plus en plus le système. Dans ce processus, les entreprises privées grandirent et finirent par s'imposer comme des acteurs de plus en plus importants dans le développement du médium. Cependant, la Société Radio-Canada par sa taille, par l'importance de ses moyens financiers et de ses ressources humaines et techniques et par l'importance de son mandat garda une position de leadership jusqu'à la fin des années 1970. C'est ce qui masqua jusqu'à tout récemment la dominance du processus de privatisation et maintint l'illusion que la notion de service public articulait le système.


[1] -Jean-Guy LACROIX et Benoît LÉVESQUE, « Les industries culturelles au Québec : un enjeu vital ! », dans Cahiers de recherche sociologique, Vol. 4, no 2, Automne 1986, pp. 129-168.

[2] V. MASSEY et Georges-Henri LÉVESQUE, Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada, Ottawa, Imprimeur du roi, 1951, p. 71.


Retour au texte de l'auteur, Pierre Mackay, département des sciences juridiques, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 22 décembre 2006 12:13
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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