Quatrième de couverture

Hier attribut du conservatisme, voire d'une pensée réactionnaire, aujourd'hui redécouverte comme l'indice de toutes les sécularisations successives de la modernité, la notion de communauté devient en cette fin de siècle le symbole, mieux l'idéologème par excellence de la vérité. Son incantation actuelle sert autant à divulguer les limites du savoir, notamment dans les théories d'inspiration communautariste, qu'à fournir une nouvelle légitimité au pouvoir, surtout devant l'éclosion universelle des particularismes de tous ordres. La résurgence de la communauté signe en un sens la fin du communisme, comme si la déchéance des idéaux, le retrait du politique ou le désengagement de l'État avaient enfin permis une ultime libération, l'immersion dans l'expérience primitive du social.

Toutefois, cet ouvrage, surgi d'un étonnement et construit autour d'un soupçon, vise plutôt à formuler une interrogation critique sur les usages dont la communauté est l'objet et le lieu. Fondée sur une observation des processus de reconfiguration des rapports entre l'État et la société au Québec depuis le début des années quatre-vingt, l'interprétation proposée tente de renverser les lectures spontanées en démontrant comment l'idéal et les pratiques communautaires demeurent dans une large mesure une entreprise éminemment politique, une stratégie de redéploiement du contrôle sur l'espace social. Image de la convivialité disciplinée des groupes, de la rectitude civique et de la moralisation ambiante, l'éthique communautaire n'aurait-elle pas pour fonction, en fin de compte, de rendre le système irréprochable, de même que le fonctionnement de la société qui s'en réclame ?