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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Marc LE BLANC, “La conduite délinquante des adolescents: son développement et son explication”. Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Marc Leblanc, Marc Ouimet et Denis Szabo, Traité de criminologie empirique, 3e édition, chapitre 11, pp. 367-420. Montréal: Les Presses de l'Université de Montréal, 2003, 779 pp. Introduction Établir un bilan exhaustif des recherches empiriques sur la délinquance des mineurs au Québec serait une entreprise considérable. En effet, la délinquance juvénile est certainement un des domaines où les activités de recherche et les expériences pratiques ont été les plus nombreuses, les plus soutenues et les plus innovatrices depuis les trente dernières années au Québec. L'étude de la délinquance juvénile au Québec a été abordée à partir de deux points de vue : la personne du délinquant et sa conduite, chacune de ces approches étant rattachée à des disciplines particulières. La première, qui choisit comme objet d'étude la personne du délinquant, caractérise les travaux en psychologie, et par extension, en psycho-éducation et en service social. La seconde, pour sa part, adopte comme objet d'étude la conduite du délinquant et elle est typique de la criminologie. Chacune de ces traditions de recherche, dont la première remonte à la fin des années 1940 et la seconde au début des années 1960, se caractérise par des activités de recherche de nature différente et par un investissement variable dans les dimensions théorique, étiologique et pratique de la criminologie. Ainsi, les études sur la personne du délinquant ont d'abord été plus nombreuses ; elles comprennent, avant tout, des mémoires et des thèses ; elles se servent de petits échantillons et souvent, la méthode clinique et le développement de programmes d'intervention sont les sources de données empiriques. Par contre, les études sur la conduite du délinquant sont devenues de plus en plus nombreuses ; elles sont surtout subventionnées et elles représentent ainsi des entreprises impliquant du personnel technique et des étudiants ; elles s'appuient sur de grands échantillons et elles recourent couramment aux méthodes statistiques complexes. Si le tableau de la production de recherches empiriques au Québec est dessiné (en incluant les travaux sur les internats et la justice pour mineurs qui sont inventoriés au chapitre IX), quatre types de produits doivent être énumérés : les thèses et mémoires, les programmes majeurs de recherche, les recherches subventionnées et les publications. Il est difficile de faire un relevé exhaustif de l'ensemble de ces productions. Toutefois, retenons que la première catégorie, thèses de doctorat et mémoires de maîtrise, compte plusieurs centaines de titres qui proviennent, pour la plupart, de l'Université de Montréal, mais également, des universités Laval, McGill, de Sherbrooke et des diverses composantes de l'Université du Québec ; ce sont les départements de psychologie et de service social qui accaparent la plus large part, et ceci à peu près également. Ces types de productions sont de qualité fort inégale et, sauf pour quelques exceptions, elles n'ont pas fait l'objet de publications dans des revues scientifiques. Le deuxième type de produits se compose de programmes majeurs ; ceux-ci sont lancés par une équipe de professeurs qui s'associent des chercheurs rémunérés sur une période de temps d'au moins cinq ans ; leurs opérations sont soutenues financièrement par divers organismes. Au Québec, quatre programmes majeurs de recherche ont été réalisés : structure sociale et moralité adolescente (1964-1969) dirigé par D. Szabo, D. Gagné et F. Goyer-Michaud et rattaché au département de criminologie de l'Université de Montréal ; le diagnostic et le pronostic de la délinquance grave (1973-1979) dirigé par M. Fréchette ; la structure et la dynamique du comportement délinquant (1975-1980) dirigé par M. LeBlanc, M. Fréchette et M. Cusson ; et les difficultés d'adaptation sociale des garçons entre 6 et 16 ans dirigé par R. Tremblay, C. Gagnon, P. Charlebois, S. Larrivée, M. LeBlanc et F. Vitaro. Le troisième type d'opération de recherche, les projets subventionnés, sont un peu plus nombreux, tout en étant principalement rattachés à la criminologie à l'Université de Montréal. Il s'agit d'activités plus ponctuelles, de moindre envergure et dont le personnel est essentiellement composé d'étudiants. L'ensemble de ces recherches subventionnées a laissé à la communauté criminologique de nombreux rapports de recherche et des publications. Le quatrième et dernier type de produit est composé de publications formelles. Ainsi, on peut compter neuf livres scientifiques qui traitent du phénomène de la délinquance : Beausoleil, 1949 ; Mailloux, 1971 ; Szabo et al., 1972 ; Lemay, 1973 ; Parizeau et Delisle, 1974 ; Cusson, 1981 ; Cloutier, 1982, Fréchette et LeBlanc, 1987 ; et LeBlanc et Fréchette, 1989. Neuf revues québécoises et canadiennes contiennent souvent des articles sur la délinquance : Contribution à l'étude des sciences de l'homme, Criminologie (Acta criminologica), Revue des services de bien-être à l'enfance et à la jeunesse, Revue canadienne de criminologie, Revue canadienne de psycho-éducation, Apprentissage et socialisation, Crime et justice, les Cahiers de l'inadaptation juvénile et Santé mentale au Québec. Il est possible de faire un relevé exhaustif de tous les articles publiés dans ces revues ou ailleurs. S'ajoute encore à cela la contribution des chercheurs aux rapports de commissions gouvernementales, par exemple aux rapports Prévost (1969), Batshaw (1976), Charbonneau (1983), Rochon (1987) et Bouchard (1991). Ce bilan factuel de la production scientifique n'est pas exhaustif et il ne saurait être complet sans quelques commentaires. Tout en suivant l'exemple de la criminologie des mineurs en général, la criminologie québécoise s'est d'abord intéressée aux causes de la délinquance en procédant à des études descriptives et comparatives. L'objet principal de ces activités était l'identification des facteurs, causes et conditions qui affectent la personne du délinquant. La nature de ces recherches peut être caractérisée comme une démarche comparative. Ces travaux ont vu leur âge d'or s'échelonner au cours des années 1950 et 1960. Mais très rapidement, cette criminologie étiologique classique a été remplacée par deux courants de recherche : le développement de l'intervention auprès des jeunes délinquants et les recherches ayant pour point de départ la conduite délinquante. Ainsi, les années 1960 ont été l'occasion d'innovations pratiques remarquables dans le domaine du traitement des jeunes délinquants au Québec. Ces recherches cliniques et de développement de l'intervention ont permis de proposer une théorie originale de la rééducation des jeunes délinquants : la théorie des étapes de la rééducation (voir le chapitre IX). Les années 1960 ont vu apparaître les premières recherches intégratives qui utilisent les concepts de la sociologie et de la psychologie et qui adoptent, comme point de départ, la conduite délinquante. Ces premières tentatives sont approfondies, au cours des années 1970, alors que des programmes de recherches longitudinales sont mis en oeuvre. Ces travaux empiriques ont conduit à des élaborations théoriques qui sont articulées autour des notions de continuum d'adaptabilité et de mécanisme de régulation de la conduite délinquante. Au cours des années 1980, ces derniers travaux se sont poursuivis avec vigueur. Par contre, la production de thèses et mémoires sur l'individu délinquant a décliné substantiellement, de même que les travaux d'orientation pratiques. Au début des années 1990, ces tendances persistent et viennent s'y ajouter des travaux sur la prédiction de la délinquance des adolescents et des interventions préventives précoces. Ainsi, les recherches sur la délinquance juvénile ont suivi trois voies divergentes quant à leur objet d'étude, la personne contre la conduite, quant aux méthodes utilisées, études comparatives et cliniques contre études analytico-déductives et statistiques, et quant aux implications pratiques, programmes de rééducation contre prévention. Toutefois, elles ont en commun une assise théorique qui soutient que la conduite délinquante est un problème de socialisation, c'est-à-dire que le jeune délinquant est avant tout un adolescent.
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