Marc LeBlanc [1]
Ph.D en criminologie,
professeur à l’École de criminologie de l’Université de Montréal
“Quelle stratégie d'intervention choisir
pour les adolescents en difficulté ?
Entre les interventions universelles et personnalisées
s'impose l'approche différentielle”
Conférence prononcée au septième congrès de l'Association québécoi-se de la thérapie de la réalité, Québec 18, 19 et 20 mai 2000.
- Vers l'approche différentielle
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- De l'internat à une gamme de mesures, une première voie vers l'approche différentielle.
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- La méthode de réadaptation, une deuxième voie vers l'approche différentielle.
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- L'évaluation des résultats de la réadaptation, une troisième voie vers l'approche différentielle.
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- Les méta analyses, une quatrième voie vers l'approche différentielle.
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- À la recherche d'un contenu praticable pour l'approche différentielle.
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- Conclusion
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- Références
Le résumé de ma conférence dans le programme du congrès, certaines de mes interventions antérieures que vous avez peut-être lues ou entendues ou la lecture du premier chapitre du livre "Intervenir autrement", vous ont peut-être suggéré que je répéterais les arguments professionnels et scientifiques à l'appui de la stratégie différentielle d'intervention. Ce n'est pas mon intention. Je consacrerai l'essentiel de ma présentation à vous introduire aux méthodes cognitives d'intervention pour les adolescents en difficulté, qu'elles soient de nature comportementale ou développementale. En particulier, je traiterai de certaines conditions d'utilisation de ces méthodes qui composent la stratégie différentielle que nous proposons. Mais avant d'aborder ces questions, j'ai choisi de vous relater succinctement l'histoire de cas de la stratégie d'intervention différentielle. Comment elle a émergé dans l'histoire de l'intervention de réadaptation au Québec et, parallèlement, dans ma pratique professionnelle.
Vers l'approche différentielle
- De l'internat à une gamme de mesures,
une première voie vers l'approche différentielle.
Les internats existent depuis 131 ans au Québec. En effet, le Parlement québécois a adopté la Loi sur les écoles industrielles et la Loi sur les écoles de réforme en 1869 (ces législations étaient contemporaines de lois comparables aux États-Unis et au Royaume-Uni). Les écoles industrielles devaient prévenir la délinquance, tandis que les écoles de réformes devaient réhabiliter les délinquants. L'opposition entre l'amont et l'aval dans l'intervention n'est pas d'aujourd'hui comme vous pouvez le constater. Les guerres de clocher entre la prévention et le traitement ont été ainsi crées de toutes pièces depuis longtemps. Au moment de la création des internats, le Québec avait déjà ses collèges classiques ; en conséquence, il a facilement trouvé des communautés religieuses, moins nobles toutefois, pour bâtir des internats et, avec l'aide du temps, elles les ont disséminées un peu partout sur le territoire de la belle province. Plusieurs études historiques relatent la naissance, l'enfance, l'adolescence et la marche vers la maturité de certains internats (par exemple Fecteau et al. 1998).
- La crise.
Les internats avaient atteint la maturité tranquille lorsque les années 1970 sont arrivées. Il y a eu quelques turbulences dans le fonctionnement des internats, comme l'émeute à la Cité des Prairies, des suicides, la syndicalisation, etc. pour ne mentionner que celles-là. Ils ont alors été attaqués par quatre virus : la désinstitutionalisation, la déjudiciarisation, la diversification des mesures et la recherche. Ces virus ont été transmis à l'internat principalement par le rapport Batshaw en 1975. Depuis, comme les sidéens, ils souffrent de déficiences immunitaires. Leur dernier traitement miracle était le rapport du Comité Gendreau-Tardif (1999). Espérons qu'il sera plus efficace que les multiples groupes de travail et commissions qui ont formulé des recommandations depuis un quart de siècle.
- La réponse.
Le rapport Batshaw faisait siennes quatre idéologies. Premièrement, l'intervention du judiciaire est stigmatisante. En conséquence, il faut permettre des interventions non judiciaires. Ce sont les mesures volontaires de la Loi sur la protection de la jeunesse en 1979 et les mesures de rechanges de la Loi sur les jeunes contrevenants en 1984.
Deuxièmement, l'internat n'est pas nécessaire pour tous les adolescents en difficulté, il peut même être néfaste. Troisièmement, l'internat n'est pas la seule mesure possible pour les adolescents en difficulté ; il faut donc inventer de nouvelles mesures. Le rapport Batshaw proposait une panoplie de mesures et certaines d'entre elles n'ont pas encore été mises en place, par exemple l'auberge. Avant la fin des années 1980, les intervenants québécois avaient inventé toutes les mesures imaginables : familles d'accueil thérapeutique, foyers de groupe de toutes natures, centres de jour, ateliers d'initiation au travail, diverses formes d'assistance éducative aux parents et aux adolescents, cela directement dans la communauté (Le Blanc et Beaumont, 1987). Certaines de ces mesures essentielles sont aujourd'hui à peu près disparues du paysage de l'intervention, par exemple les ateliers d'initiation au travail et les familles d'accueil thérapeutiques.
Quatrièmement, en alliance avec la recherche, le rapport Batshaw soutenait que l'internat était une mesure incommensurable avec les besoins des adolescents. J'étais ce représentant de la science, jeune chercheur qui croyait aux vertus de la recherche empirique. J'avais évalué les dossiers de milliers d'enfant placés en internat et je concluais que 50% d'entre eux ne présentaient pas des difficultés, qu'elles soient comportementales, scolaires, familiales ou personnelles, qui justifiaient une telle mesure. Certains responsables d'internats ont arrêté de me parler dans les congrès, d'autres m'engueulaient vertement. Je ne comprenais pas leur attitude, les chiffres avaient parlé.
Deux pas en avant, un pas en arrière.
La question des coûts aidant, les mesures dans la communauté coûtent toujours moins cher que l'internat, et la mode lancée par le rapport Batshaw ont fait qu'il y a eu un développement de toute une gamme de mesures à travers le Québec. Eh oui dans les années 1980, il y avait des coupures sévères dans les budgets, comme dans les années 1990 et dans les années 1970 (parce que quand j'évaluais Boscoville le ministère voulait réduire son budget parce qu'il y avait plus d'éducateurs dans chaque unité que dans les autres internats). La roue de la bicyclette tourne, mais elle est toujours constituée des mêmes raies dirait-on.
Dans les années 1980, le Québec était sur la bonne voie. Le nombre de places en internat avait été réduit considérablement et toute une gamme de mesures alternatives à l'internat avait été mise ne place (Le Blanc et Beaumont, 1987). Il est malheureux que les iniquités entre les régions ont fait que les adolescents de toutes les régions n'ont pas accès à toute la gamme des mesures (Le Blanc, 1985a ; Lebon, 1999). De plus, les coupures des années 1990 ont fait disparaître, tout au moins à beaucoup d'endroits, l'une ou l'autre des mesures importantes suivantes : la famille d'accueil thérapeutique, l'atelier d'initiation au travail, le centre de jours, le foyer pour mères adolescentes, etc. Néanmoins, des pas en avant avaient été faits dans la direction de l'intervention différentielle. Les législations et réglementations exigeaient la diversification, tandis que les principes et politiques de l'intervention encourageaient ce genre d'innovation. Elles prônaient que différentes mesures étaient nécessaires pour répondre aux besoins diversifiés de l'ensemble des enfants et adolescents en difficulté. Ces mesures se mettaient en place avec tous les aléas des conditions budgétaires et administratives.
Rapidement et de manière récurrente, les commissions d'enquête sur le réseau d'aide affirmaient qu'il y a un danger à offrir une gamme de mesures, cela depuis presque vingt ans (Charbonneau, 1982 ; Jasmin, 1992, 1995 ; Gendreau et Tardif, 1999). C'est celui de ne pas les utiliser à bon escient, c'est-à-dire pour les enfants et les adolescents qui en ont véritablement besoin. Les études scientifiques appuient cette position. Nos travaux à Boscoville et Boys’ Farm (Le Blanc, 1983a ; Le Blanc, 1983b) montraient que la même intervention n'était pas également efficace avec tous les adolescents en difficulté. Ultérieurement, nous établissions que le caractère contraignant des mesures ne correspondait pas tout à fait aux niveaux de besoins des adolescents (Le Blanc, 1995). Par ailleurs, les méta analyses sont venus démontrer que l'efficacité des types de mesures est à peu près équivalente si elles sont utilisées sans critères précis de sélection, particulièrement les mesures en externat et en internat (Lipsey, 1989 ; Lipsey et Wilson, 1998). Qu'il s'agisse de mesures réparatrices, de déjudiciarisation, de probation, de placement (en internat ou dans la communauté), les taux de récidive après dix-huit ans ne permettent habituellement pas de conclure qu'il existe des différences véritablement significatives entre elles. Nos travaux sur les mesures pour adolescents en difficulté au Québec confirment qu'il n'y a pas de différences significatives entre les établissements qui reçoivent des adolescents en difficulté (Le Blanc, 1985b) et les mesures ordonnées par le Tribunal de la jeunesse (Le Blanc et Beaumont, 1990).
Les intervenants et les gestionnaires ont compris qu'il faut apparier les besoins des enfants et des adolescents et les mesures, il faut que la bonne mesure soit appliquée à la bonne personne. C'était un premier acquiescement à l'approche différentielle. Comment arriver à cet ajustement optimal ?
- La méthode de réadaptation,
une deuxième voie vers l'approche différentielle.
Retournons à la fin des années 1940, le Québec dispose d'internats pour les enfants et les adolescents en difficulté ; ceux-ci appliquent les méthodes éducatives courantes de l'époque. Dans les internats, les conditions de vie sont plus rudimentaires que dans les collèges classiques et la scolarisation y est moins enrichissante.
- La crise.
Ainsi, à la fin de la deuxième guerre mondiale, après la flambé de la délinquance qui l'a marquée (Fréchette et Le Blanc, 1987), des personnes s'interrogent sur la qualité des méthodes éducatives courantes. Avec le battage médiatique des dernières années concernant les enfants de Duplessis, nous avons pu nous rendre compte que ces méthodes ne correspondaient pas aux meilleurs standards de l'époque, encore moins aux exigences d'aujourd'hui. Les internats étaient des contenants dont les contenus étaient remis en question. De plus, plusieurs personnes s'inquiétaient que des enfants et des adolescents se retrouvaient nombreux dans les prisons pour adultes. Dans l'historique de Boscoville, Rumilly (1978) décrit très bien ces deux types de remises en cause.
Sur le plan scientifique, à cette époque, il était déjà clair, que l'idéal thérapeutique, la psychothérapie, était impraticable, et cela non seulement pour des raisons économiques (Aichom, 1935). Depuis, les méta analyses sont venues confirmées que l'intervention individuelle est parmi les moins efficaces (Lipsey, 1989 ; Lipsey et Wilson, 1998). Par exemple, le conseil et l'introspection, "counseling" est une des méthodes cliniques les moins efficace ; il s'agit de la méthode principale que les intervenants québécois utilisent aujourd'hui avec les adolescents en difficulté.
- Deux réponses.
Une méthode universelle. Pour répondre à l'ensemble de ces préoccupations, en 1947, Boscoville a débuté ses activités avec l'aménagement de la ferme Hudon, où seront érigés les édifices actuellement pour la plupart inoccupés. C'est à cette époque qu'a commencé la collaboration entre Gendreau, Guindon et Mailloux qui conduira à une conception originale et unique de la rééducation, la psychoéducation. Dans les quinze années qui suivent, l'équipe de Boscoville met au point une méthode de rééducation qui s'appliquerait à tous les adolescents en difficulté. Il est utile de rappeler les composantes de cette méthode universelle parce que le nom de Boscoville est connu, mais le contenu de la méthode psycho-éducative classique l'est moins. Elle se caractérisait par des innovations et, surtout, par la conjugaison de plusieurs techniques d'intervention connues à l'époque (voir la description de Le Blanc, 1983a).
En 1973, lorsque je suis arrivé à Boscoville pour préparer un projet de recherche évaluative avec quelques collègues de l'École de criminologie, j'ai trouvé les particularités suivantes (c'étaient les mêmes à Sainte-Hélène, mais je n'ai pas évalué cet internat pour adolescentes). Premièrement, une théorie du développement de l'individu encadrait l'intervention ; elle s'appuyait sur plusieurs théories, dont Piaget pour l'aspect cognitif, Erickson pour l'identité, Rappoport pour le développement du moi, etc. Cette théorie avait conduit à une théorie de la rééducation en quatre étapes. Cette théorie encadrait les activités du programme de réadaptation et les interventions cliniques individuelles et de groupe. Deuxièmement, cet internat se présentait comme un nouveau type de milieu physique, des pavillons, et une organisation sociale particulière adaptée des Boy’s Town américains, une ville avec des quartiers dont la marche était assurée par une collaboration entre les adolescents et les éducateurs. Troisièmement, Boscoville proposait un programme riche (scolarisation, sports, arts, etc.) et innovateur (enseignement individualisé, poterie, etc.) qui était encadré par un régime de vie structuré. Quatrièmement, une attention toute particulière était portée à la dynamique du groupe d'adolescents, de l'équipe d'éducateurs, de l'unité de vie et de l'ensemble de l'internat. Cinquièmement, la formation des éducateurs était à la fois académique "savoir" (études universitaires, ce qui était exceptionnel en éducation spécialisée dans les années 1950 et 1960), pratique "savoir faire" (stages continues pendant les études) et personnelle "savoir être" (thérapie individuelle ou de groupe). Sixièmement, Boscoville appliquait un système d'évaluation clinique inégalé ; il s'agissait de l'évaluation de la performance des adolescents dans chaque activité (la cotation) et qui était discutée avec l'adolescent en tenant compte des objectifs à poursuivre chaque semaine et il existait aussi une évaluation et des réévaluations de l'adolescent à certaines périodes fixes de son séjour, le tout encadré par une conception théorique et des outils cliniques.
Une méthode différentielle. Si le Boscoville classique proposait une approche universelle, Boys’ Farm avait suivi une autre voie (l'internat anglophone méconnu des francophones, même si le Mont Saint-Antoine suivra timidement cette voie ultérieurement). Au milieu des années 1970, en préparant le projet d'une recherche évaluative sur cet internat, j'ai découvert l'intervention différentielle sur la base des niveaux de la maturité interpersonnelle et la réinsertion sociale (voir la description de Le Blanc, 1983b).
Comme milieu physique, Boys’ Farm ressemblait à Boscoville, mais il s'en différenciait de plusieurs manières. La théorie de référence était différente, la maturité interpersonnelle, même si elle avait certaines des mêmes bases, entre autres Piaget. Il s'agissait aussi d'une théorie développementale comprenant des stades composés de manières de percevoir le monde et d'y répondre. Chaque stade se manifestant par des formes particulières d'adaptation, neuf en tout. Cette théorie, selon l'opérationnalisation californienne du Community Treatment Project, conduisait à une stratégie diversifiée plutôt qu'universelle. Ainsi, un programme de traitement particulier était spécifié pour chacune des formes d'adaptation et ce programme impliquait l'appartement des caractéristiques du milieu de vie et des habiletés des éducateurs avec les caractéristiques des adolescents. En plus, cette approche accordait une attention toute particulière à la phase de la réinsertion sociale. Celle-ci devait être progressive. Ainsi, un adolescent, après un séjour d'une durée appropriée en internat, devait, selon le cas, transiter par un foyer de groupe ou un centre de jour et, de toute façon, vivre un période de suivi individuel dans la communauté. Cette phase de réinsertion sociale était individualisée, mais également guidé par les principes de l'intervention différentielle, un programme et un suivi adapté à la forme d'adaptation de l'adolescent et un appariement entre les habiletés de l'éducateur et les caractéristiques de l'adolescent était de rigueur.
- Deux pas en avant, un pas en arrière.
Au Québec, le développement de l'intervention a donc suivi deux voies diamétralement opposées au cours des années 1970. La plupart des internats s'inspiraient de la psychoéducation classique, tandis que Boy's Farm et le Mont Saint-Antoine suivaient la voie différentielle à l'aide des niveaux de la maturité interpersonnelle. À partir des années 1980, pour diverses raisons sur lesquelles il ne convient pas d'élaborer aujourd'hui, beaucoup des composantes de ces deux méthodes sont disparues de la pratique, même dans leurs internats d'origine. Soulignons que les compressions budgétaires ne sont qu'un facteur parmi d'autres pour expliquer cette évolution et il ne s'agit probablement pas du facteur le plus important même s'il constitue l'excuse la plus facile pour plusieurs. Cette déprogrammation de la réadaptation en internat est décrite par les intervenants eux-mêmes dans le rapport du Comité Gendreau-Tardif (1999).
- L'évaluation des résultats de la réadaptation,
une troisième voie vers l'approche différentielle.
Revenons en arrière. En 1972, lors d'une Commission parlementaire sous la présidence de Claude Castonguay, Boscoville vient rappeler qu'il a conçu un programme de rééducation innovateur et d'excellence qualité, programme dont le taux de récidive est particulièrement faible. À la suite d'un échange, le Ministre suggère, avec insistance, que Boscoville devrait réaliser une évaluation scientifique de son efficacité. Pour répondre à la suggestion du Ministre, la direction de Boscoville demande à un groupe de professeurs des départements de Criminologie et de Psychologie de l'Université de Montréal de préparer un projet d'évaluation de Boscoville. J'obtiens, en 1974 avec Maurice Cusson et Pierre A. Achille, des subventions de la Fondation Donner et de ministères fédéraux et provinciaux pour réaliser cette évaluation. Boys's Farm ne voulant pas être en reste, la direction me demande de réaliser le même programme de recherche. Donc, dans la deuxième moitié des années 1970, deux programmes de recherches ont débuté et ils se sont échelonnés sur plus de cinq ans. Ils constituaient, à notre connaissance, les premières tentatives de grande envergure pour évaluer à la fois la mise en œuvre d'un programme de réadaptation, sa qualité, et son efficacité. Celle-ci était non seulement mesurée en termes de récidive, mais surtout du point de vue de l'intégration sociale et de la modification de la personnalité des adolescents en difficulté. Cette évaluation était faite non seulement à la fin de l'intervention, mais elle comprenait également un suivi ultérieur. Résumons ces travaux de recherche à Boscoville et à Boy's Farm (Le Blanc, 1983b).
- Les résultats.
Les éducateurs. L'évaluation de Boscoville a montré que l'internat psycho-éducatif disposait des avantages certains sur les autres. Il alliait une conception théorique, un milieu physique, un programme, un système clinique et un personnel qui formaient un tout homogène. Il en résultait, selon les données comparatives analysées, une qualité de mise en œuvre de l'intervention qui dépassait largement ce qui se faisait ailleurs au Québec et dans d'autres pays. À l'analyse, particulièrement à partir de la comparaison avec Boys’ Farm, il est apparu que ce qui faisait principalement la différence, c'était la formation et l'encadrement du personnel.
À Boscoville, il y avait des conditions favorables pour l'acquisition de savoir, la maîtrise du savoir faire et le développement du savoir être. L'éducateur était reconnu comme l'instrument principal de la rééducation des adolescents en difficulté. Au niveau du savoir, les connaissances étaient acquises pendant que le futur psycho-éducateur était stagiaire de façon intensive ; elles étaient transmises, entre autres, par des personnes qui avaient été ou qui étaient encore des éducateurs ou des gestionnaires ; et elles s'appliquaient de manière relativement immédiate à l'action éducative. Au niveau du savoir faire, il y avait un processus d'apprentissage progressif des différentes tâches de l'éducateur, par exemple l'accompagnement dans le suivi d'un adolescent, et il y avait un esprit d'innovation en raison de la présence sur place d'une équipe de personnes dont la responsabilité était l'amélioration du programme. Au niveau du savoir être, l'éducateur acquérait ce que Gendreau (1978) a appelé des schèmes relationnels, des façons d'être, et il maîtrisait progressivement des opérations professionnelles, cela à travers des supervisions et la participation à une activité thérapeutique obligatoire, de nature individuelle ou de groupe.
La durée du séjour. Au moment où a débuté l'évaluation de Boscoville, les mauvaises langues disaient que les bons résultats obtenus par cet internat s'expliquaient par la sélection. Boscoville n'accueillait que les meilleurs cas, c'est-à-dire les plus intelligents et les moins inadaptés. Par contre, nos résultats ont montré, malgré un nombre significatif d'adolescents refusés ou qui quittaient volontairement Boscoville, que cette accusation ne pouvait être confirmée empiriquement. La sélection n'était pas une explication significative des résultats obtenus. De plus, deux résultats importants ont été mis à jour. Premièrement, les adolescents qui séjournaient à Boscoville plus de deux années ne faisaient plus de gains significatifs à partir de ce moment-là en termes de développement psychologique. Deuxièmement, les gains étaient obtenus après un séjour d'une durée du séjour de douze à quinze mois selon les individus. Ces résultats supportaient la politique de la désinstitutionalisation énoncée par le rapport Batshaw. Les psycho-éducateurs étaient déçus par ces résultats parce qu'ils poursuivaient l'objectif de la rééducation totale et qu'ils soutenaient que la période des gains est suivie par une période de consolidation des acquis ; c'est pour cette raison qu'un séjour d'au moins deux ans était nécessaire. Par contre, tous les gestionnaires et praticiens qui œuvrent aujourd'hui dans les mesures résidentielles reconnaissent qu'un séjour de plus d'une année est maintenant rare (Le Blanc, 1998a).
L'efficacité de l'internat. Boscoville proposait un traitement bien conçu et appliqué par un personnel compétent ; le milieu de vie était sain et le programme mis en œuvre avait un très haut niveau de qualité. Les résultats, à première vue, étaient excellents. Les adolescents en difficulté y faisaient des gains statistiquement significatifs pendant leur séjour, cela en termes d'intégration sociale et psychologique. Ces acquis pouvaient être attribués au traitement parce qu'ils excédaient ceux des adolescents non traités ou ceux d'adolescents placés dans d'autres internats. Ils dépassaient donc ce qui pouvait provenir de la maturation au cours de l'adolescence. Par contre, les évaluations de Boscoville et de Boys’ Farm démontraient que la personnalité des jeunes délinquants n'était pas transformée. Contrairement aux aspirations des éducateurs, même dans les internats qui réunissaient les meilleures conditions, la personnalité n'était qu'améliorée, son développement ne semblait qu'accéléré ; les adolescents effectuaient un rattrapage, mais celui-ci n'était pas nécessairement complet.
Après le séjour à Boscoville, ces gains se manifestaient par un niveau de récidive plus faible (Le Blanc, 1985a, 1986) et par une meilleure intégration sociale que celle obtenue par d'autres internats (Le Blanc, 1983a). S'il y avait une récidive, elle était plutôt rapide, moins de la moitié des anciens de Boscoville passaient à l'acte dans les deux années qui suivaient leur départ. De plus, il y avait des différences importantes suivant que le traitement avait été complet ou non et ceci à l'avantage de ceux qui allaient jusqu'au bout. Soulignons, en rétrospective, que les résultats obtenus apparaissent maintenant parmi les meilleurs, ce n'était pas notre perception il y a vingt ans. En effet, Boscoville réduisait la récidive de 30% ce qui est dans le champ des meilleurs traitements actuels (Lipsey, 1989 ; Lipsey et Wilson, 1998). Par contre, quelques résultats ont été très décevants pour les psycho-éducateurs.
L'effet différentiel. Boscoville affirmait que le modèle psycho-éducatif s'appliquait à l'ensemble des adolescents en difficulté, par contre nos résultats montraient que l'intervention avait davantage de succès avec les adolescents qui affichaient des caractéristiques névrotiques plutôt qu'avec ceux qui étaient les plus égocentriques. Ces derniers résultats étaient confirmés par nos travaux à Boys’ Farm (Le Blanc, 1983b) et, récemment, pour des adolescents qui abusent des psychotropes (Le Blanc, 1997) (voir aussi Le Blanc et al. 1998). Depuis, il est mieux connu que l'application d'une méthode bien conçue et bien maîtrisée par un personnel compétent ne donne pas des résultats uniformes avec tous les adolescents (Le Blanc, 1990 ; Le Blanc et al. 1998). Certains types d'adolescents en difficulté répondent mieux à une méthode comme le psychoéducation classique, tandis que d'autres ne réagissent pas à ce type intervention. Ces conclusions ont été très bien accueillies par les détracteurs de Boscoville, et, surtout, ceux de l'internat en général. Elles ont contribué à créer un nouveau mythe, la psychoéducation ce n'est pas aussi bon que cela, pour remplacer l'ancien, Boscoville n'accueille que les meilleurs cas.
La réinsertion sociale. À Boscoville, il n'y avait pas de suivi de réinsertion sociale organisé pendant une période donnée. Les éducateurs aidaient les adolescents à préparer leur départ sans plus (où habiter, travailler, étudier, etc.). L'étude du devenir de ces adolescents a montré deux choses. Premièrement, les résultats, au terme d'une année après le séjour à Boscoville, indiquaient qu'ils dépendaient davantage des conditions de vie pendant cette période que des acquis pendant le séjour. Ils résultaient davantage des relations avec les parents, du travail obtenu, des nouveaux amis, etc. que des habiletés personnelles développées durant le séjour. Deuxièmement, si chez certains adolescents il y avait un maintien de leurs acquis du séjour en internat, par contre chez d'autres ces acquis étaient en grande partie effacés. Par ailleurs, l'évaluation de Boys’ Farm indiquait qu'une intégration sociale progressive ou un suivi individuel à la suite d'un séjour en internat facilitait la réinsertion sociale. Il faut noter que la réinsertion sociale, qui était absente ou partielle à la suite du séjour à Boscoville et dans les autres internats, est actuellement tombée totalement dans l'oubli. Les éducateurs n'ont plus le temps de la faire ; de toute façon, les séjours sont tellement courts que la réadaptation est à peine amorcée.
La crise.
L'effet pervers de ces résultats de la recherche évaluative a été principalement de déstabiliser, d'abord, l'équipe de Boscoville et de décourager, ensuite, l'ensemble des psycho-éducateurs et des éducateurs. Ils ont perdu confiance en la théorie des étapes et dans le modèle psycho-éducatif pratique pour guider leur action. Ils ont tenté d'introduire des modèles d'intervention totalement différents sans la conviction et le support adéquats. Ils se sont lancés dans l'expérimentation de mesures alternatives à l'internat (psycho-éducateur à l'école, bateaux, point de service au centre ville, initiation au travail, etc.). Le résultat final de ce processus a été que le modèle psycho-éducatif est devenu diffus, cela même à Boscoville dans les dernières années de son existence. Des éléments du modèle étaient conservés, d'autres étaient oubliés. Ils ne formaient plus un tout homogène pour plusieurs raisons. Par exemple, même à Boscoville, des éducateurs ont été engagés sans une formation en psychoéducation et ceux qui en avaient une ne l'ont pas reçu dans le cadre du modèle décrit précédemment. Il y a quelques années, cette désintégration du modèle se manifestait par le fait que le climat d'équipe et le climat social dans les groupes d'adolescents étaient devenus le même dans plusieurs internats (Le Blanc, 1998a). L'envers de cette désintégration du modèle psycho-éducatif classique, c'était que les internats les plus faibles au cours des années 1970 obtenaient de bien meilleurs résultats. En somme, Boscoville poursuivait un idéal, la rééducation totale de tous les adolescents en difficulté, et la réalité était tout autre, une amélioration significative de certains adolescents en difficulté. Cet écart entre l'idéal et la réalité a constitué un choc néfaste et Boscoville, comme la personne de 40 ans, a dû abandonner ses idéaux.
À Boy's Farm, la crise a pris une autre forme, c'était probablement davantage une crise d'adolescence, donc d'identité. D'abord, les éducateurs et les responsables ont été fort satisfaits de constater que les résultats d'ensemble se comparaient avantageusement à ceux de Boscoville et que la phase de réinsertion sociale était fort utile. Deux résultats ont été décevants, mais pas très surprenants parce que le personnel était conscient des difficultés d'implantation. D'une part, la qualité de l'intervention par les activités est apparue faible et, faute d'un organisme de formation comme une école de formation professionnelle, c'était un obstacle quasi insurmontable à cause de la diversité des formations universitaires du personnel. D'autre part, les difficultés de réaliser l'appariement ont été confirmées. Il était difficile, compte tenu du grand nombre de formes d'adaptation prévue par la classification de la maturité interpersonnelle, de distribuer les adolescents dans les unités appropriées et, même, de leur assigner les éducateurs prévus par le modèle théorique dans le cadre de la réinsertion sociale. Ce sont les difficultés d'application, plutôt que les résultats décevants qui ont conduit à l'abandon de modèle.
La réponse.
Au cours de la première moitié des années 1980, au terme de ces recherches évaluatives, j'étais confronté à la question suivante de la part des intervenants, plus particulièrement ceux des internats évalués : que faut-il faire ? Mes réponses n'étaient pas très éclairantes, il faut humblement l'avouer. À Boscoville, je suggérais deux actions. Premièrement, qu'il fallait améliorer la phase de la réinsertion sociale par une meilleure préparation de l'adolescent durant le séjour en internat et un suivi après celui-ci. Deuxièmement, qu'il convenait de s'inspirer du modèle différentiel et de développer un programme mieux adapté aux adolescents qui sont les plus égocentriques puisque que le programme fonctionnait déjà très bien qu'avec les adolescents anxieux. À Boys' Farm, je suggérais d'améliorer la qualité du programme d'activités en s'inspirant de la psychoéducation et de trouver des solutions pratiques pour réaliser plus souvent l'appariement des besoins des adolescents et du programme et des intervenants. Une réponse plus qualifiée viendra une dizaine d'années plus tard, c'est-à-dire au cours des années 1990 avec l'expérimentation clinique de l'intervention différentielle rapportée en partie dans le livre "Intervenir autrement" (Le Blanc et al. 1998).
- Les méta analyses,
une quatrième voie vers l'approche différentielle.
Il y avait, avant les années 1970, un certain nombre de recherches sur l'efficacité de l'intervention auprès des délinquants. Elles se caractérisaient essentiellement par des mesures de la récidive. Elles mettaient rarement en rapport la mise en œuvre et l'efficacité et, celle-ci, étaient rarement appréhendées à travers les changements obtenus au niveau du fonctionnement psychologique et de l'intégration sociale.
- La crise.
Rappelons que toute la communauté professionnelle et scientifique était à la fin des années 1970 sous le choc de la conclusion "rien ne marche". Martinson (1974) venait d'interpréter de cette manière les résultats d'une recension d'un grand nombre de recherches évaluatives publiées par Lipton, Martinson et Wilks (1975) et il affirmait qu'elles démontraient que le traitement des délinquants n'était pas efficace. Cette conclusion a provoqué une crise d'identité majeure pour le traitement des délinquants. Elle commence seulement à se résorber.
- La réponse.
La communauté scientifique s'est engagée dans deux voies pour résoudre cette crise d'identité, l'évaluation de la conclusion "le traitement ne marche pas" et la prévention. Au cours des vingt dernières années, de nombreux chercheurs ont réévalué la conclusion de Martinson, ils ont accumulé de nouvelles recherches évaluatives et ils ont utilisé la technique de la méta analyse pour investiguer la question de l'efficacité de l'intervention. Aujourd'hui, à la lumière, principalement des méta analyses de Palmer (1994) et Lipsey (1989, 1998) sur plusieurs centaines d'études évaluatives, il faut retenir neuf conclusions sur l'efficacité de l'intervention auprès des adolescents en difficulté. Nous préférons utiliser le terme adolescent en difficulté même si les méta analyses utilisent le terme délinquant. De fait, elles portent sur des délinquants reconnus officiellement par les tribunaux, mais également sur des adolescents qui manifestent des troubles de comportement divers ou qui sont protégés pour diverses autres raisons ; ces derniers sont souvent plus nombreux que les premiers dans les échantillons des études évaluatives. Toutefois, la quasi-totalité des sujets des échantillons rapporte participer à des activités délinquantes.
Premièrement, la conclusion de Martinson était nettement exagérée, sinon complètement erronée. Deuxièmement, les interventions pour les adolescents en difficulté sont presque aussi efficaces que les interventions pour les personnes qui souffrent de difficultés psychologiques diverses ou qui sont affligées de maladies physiques (voir Lipsey & Wilson, 1993). Troisièmement, dans l'ensemble les interventions auprès des adolescents en difficulté réduisent la délinquance de façon statistiquement significative en comparaison d'un groupe contrôle, soit d'une proportion de 10% ; elles sont également efficaces pour améliorer très significativement le fonctionnement psychologique de près de 30% ; et l'intégration sociale de 10 à 15% des adolescents en difficulté selon Lipsey (1995) (voir les résultats semblables, sinon meilleurs, de l'évaluation de Boscoville de Le Blanc, 1983a). Quatrièmement, toutes les mesures ne sont pas également efficaces et certaines affichent des résultats négatifs, par exemple la probation est une des mesures les moins efficaces. Cinquièmement, toutes les méthodes d'intervention ne sont pas également efficaces et certaines sont plus indiquées en milieu naturel qu'en milieu résidentiel ; par exemple, le conseil et l'introspection "counseling" est une des méthodes les moins efficaces et l'intervention familiale multisystémique est plus efficace en milieu naturel. Sixièmement, les mesures et les méthodes les plus efficaces permettent un gain pouvant atteindre 30% pour le groupe expérimental en comparaison du groupe contrôle ; par exemple, les méthodes comportementales, dans leur ensemble, affichent un gain moyen de 20% et le Boscoville des années 1970 affichaient des résultats encore meilleurs selon Le Blanc (1983a). Septièmement, l'efficacité des interventions est meilleure avec les cas les plus sévères (mais l'évaluation de Boscoville conduite par Le Blanc, 1983a, permettait d'ajouter qu'ils se maintiennent plus longtemps chez les cas moyennement sévères). Huitièmement, l'efficacité de l'intervention est toujours directement proportionnelle à l'intégrité de l'intervention, c'est-à-dire à la qualité de la mise en œuvre de la méthode. Enfin, neuvièmement, certaines mesures et certaines méthodes semblent plus efficaces avec certains types d'adolescents en difficulté ; à cet égard, nous avons observé que certains types d'adolescents en difficulté réussissaient mieux que d'autres à Boscoville (Le Blanc, 1983a) ou à Boys’ Farm (Brill et Le Blanc, 1978).
Les résultats des méta analyses sont encourageants. Ils identifient une méthode qui donne de meilleurs résultats que d'autres, l'approche cognitive comportementale. Par contre, cette méthode n'est pas efficace aves tous les adolescents en difficulté. Ainsi, il faut identifier des méthodes qui pourraient être efficaces avec les autres adolescents en difficulté.
À la recherche d'un contenu praticable
pour l'approche différentielle.
Au début des années 1980, j'avais laissé tomber les éducateurs, je n'avais pas pu répondre à leur question : que devons-nous faire ? Depuis, les méta analyses ne m'avais pas aidées davantage à leur faire des suggestions. En 1990, je publiais un article qui argumentait que l'avenir de l'intervention c'était l'appariement optimal entre les catégories de besoins des adolescents en difficulté, les habiletés des éducateurs, les méthodes d'intervention et les mesures. Je ne proposais pas encore une solution pratique. Avec mes collègues du volume "Intervenir autrement", nous avons implanté un modèle d'intervention différentielle qui nous semble tout à fait praticable par les organismes qui prennent en charge les adolescents en difficultés. Cette implantation était imparfaite compte tenu des changements structurels qui ont découlé de la création des centres jeunesse. Elle nous a enseigné quelques leçons qui méritent notre attention.
Nous suggérons qu'il existe deux grandes catégories d'adolescents en difficulté, deux méthodes principales d'intervention et deux types dominants d'éducateurs. Il y a des adolescents anxieux qui progressent davantage avec des éducateurs relationnels qui utilisent la méthode cognitive développementale. Il existe des adolescents égocentriques qui s'améliorent davantage si les éducateurs sont systématiques et s'ils utilisent la méthode cognitive comportementale. Ces deux formes d'appariement peuvent s'appliquer en internat et dans la communauté, en fait quelle que soit la nature de la mesure, et elles s'appuient nécessairement sur une approche de base de nature psycho-éducative. Nous suggérons qu'en simplifiant l'approche différentielle, par exemple en comparaison de celle qui découle de la typologie des modes d'adaptation de la théorie de la maturité interpersonnelle, il devient beaucoup plus facile de la mettre en œuvre et de tenter ainsi d'améliorer l'efficacité générale de l'intervention.
- Une maison, la psychoéducation.
Selon nous, la psychoéducation classique, telle que pratiquée à Boscoville et à Sainte-Hélène dans les années 1970, nous a laissée quatre héritages incontournables. Une sorte de maison de l'intervention. Il s'agit d'attitudes et d'opérations professionnelles de base pour l'éducateur, du développement et de la conduite des activités d'apprentissage, de l'utilisation du groupe, qu'il s'agisse de l'équipe d'éducateurs ou du groupe d'adolescents, et de l'organisation du milieu de vie.
L'éducateur. La psychoéducation recommande des attitudes de bases pour les intervenants, un savoir être, et elle suggère des opérations professionnelles polyvalentes, un savoir faire, dont les intervenants d'aujourd'hui se plaignent de ne pas pouvoir développer ou actualiser selon le rapport Gendreau et Tardif (1999). Ces attitudes professionnelles, nommées aussi schèmes relationnels par Gendreau (1985), doivent être acquises, maîtrisées et surtout manifestées au quotidien par l'intervenant. Ce sont des caractéristiques de base nécessaires pour devenir un intervenant avec des adolescents en difficulté et il faut lui donner des moyens de formation en cours d'emploi pour les optimaliser. Il s'agit des attitudes de confiance, de congruence, de considération, de disponibilité, d'empathie et de sécurité. Elles sont jugées comme des attitudes nécessaires à l'établissement et au maintien de la relation d'aide ou d'accompagnement. Pour leur part, les opérations professionnelles sont des actions clairement définies et volontairement accomplies par l'intervenant dans le cadre de son travail. Considéré comme le principal agent d'intervention, l'intervenant qui partage différents moments de vie avec les adolescents doit constamment créer et offrir des conditions de vie appropriées pour susciter le développement personnel de chacun. C'est la maîtrise et la mise en pratique des diverses opérations professionnelles qui lui permettent d'actualiser son rôle dans le vécu quotidien. Les opérations professionnelles à exécuter sont les suivantes : l'observation, l'évaluation diagnostique, la planification, l'organisation, l'animation, l'utilisation, l'évaluation post-situationnelle et la communication.
Activités. Le second héritage qu'a laissé la psychoéducation classique est celui de la manière de concevoir, d'organiser et de conduire des activités d'apprentissage. Les éducateurs d'aujourd'hui se plaignent de la déprogrammation et du manque de temps pour conduire des activités d'apprentissages (Gendreau et Tardif, 1999). Ils devraient plutôt se demander pourquoi les activités sont si difficiles à conduire régulièrement ; la première raison est probablement la disparition des adolescents des milieux de réadaptation ; ils sont à l'école, au centre de loisirs, dans leur famille, etc. qui sont tous des organismes qui n'ont pas réussi à les socialiser antérieurement. Les composantes des activités retenues par Gendreau (1978) sont les suivantes : les caractéristiques des adolescents et des éducateurs présents, les buts de l'activité et les objectifs à poursuivre pour chacun des adolescents, le contexte spatial et temporel de l'activité, le contenu de l'activité et les moyens de mise en relation des éléments, le code et les procédures, le système de responsabilités et le système d'évaluation et de reconnaissance.
Groupe. Le troisième héritage de la psychoéducation classique est celui de l'importance du groupe. Le groupe ouvre l'adolescent à la dimension sociale de la réalité. Ce petit groupe est donc une microsociété avec une structure et une organisation sociale qui sont de nature formelle et informelle. Le groupe supporte l'action de l'intervenant. Les éducateurs interviennent dans et par le groupe. Ce groupe est à l'image de l'équipe. Si l'éducateur est le pivot de l'intervention, l'équipe est le mode de vie des intervenants. En effet, les éducateurs auprès d'un groupe d'adolescents doivent se partager les présences et les tâches d'organisation et d'animation de la vie du groupe. L'équipe est donc constituée à partir d'une connaissance des complémentarités et d'une acceptation de l'assistance réciproque. L'équipe est envisagée comme une entité thérapeutique agissant sur les adolescents. Elle se manifeste par une coopération de tous les instants entre les éducateurs, c'est-à-dire une assistance réciproque qui repose sur l'habileté à communiquer avec l'autre et à le comprendre au niveau de sa vie professionnelle. Cet exemple de compréhension et de coopération entre les éducateurs devrait servir aux adolescents dans leur démarche de réadaptation.
Milieu. L'approche du milieu est le quatrième héritage que nous a lissé la psychoéducation classique. Au cœur de cette approche se retrouve la notion de milieu que Gendreau (1978) présente comme un ensemble structural dynamique. Le caractère structural du milieu vient du fait qu'il comprend dix composantes et que l'ensemble ainsi créé représente plus que la somme de ces composantes. Quant au caractère dynamique de l'ensemble, il réside dans le fait que toute modification à l'une des composantes a des répercussions sur toutes les autres aussi bien que sur l'ensemble lui-même. Précisons que Gendreau prend la notion de milieu dans un sens très large un ensemble dynamique de composantes et de leurs interrelations ce qui fait que la structure d'ensemble qu'il propose peut-être utilisée, par exemple, pour organiser une unité de vie, un programme complet d'activités, une activité spécifique ou un moment particulier d'intervention dans le quotidien. Les composantes du milieu retenues par Gendreau (1978) sont les suivantes : les adolescents ou la clientèle d'un milieu, les animateurs, les buts et objectifs, le contexte spatial, le programme, le contexte temporel, les moyens de mise en relation, le code et les procédures, le système de responsabilités, et le système d'évaluation et de reconnaissance.
- Deux méthodes.
Ces quatre héritages constituent selon nous la maison de l'intervention ; il serait possible de la présenter ainsi : les fondations, ce sont les éducateurs ; les mûrs et le toit seraient l'approche milieu ; les divisions pourraient être les activités et le groupe. Il faut maintenant décorer et meubler cette maison. Ce sont les options de l'approche différentielle qui jouent ce rôle, la méthode cognitive comportementale et la méthode cognitive développementale. Il arrive souvent, depuis la publication du livre "Intervenir autrement", que des intervenants s'activent à changer le mobilier et à décorer une maison en ruine ou dont les fondations sont fissurées, les mûrs fragiles, le toit qui coule. Ce n'est pas ce que nous proposons, il faut d'abord rénover la maison pour la rendre habitable avant d'implanter une des méthodes que nous proposons. C'est ce que nous nommons l'optimalisation de l'approche psycho-éducative de base.
- La méthode cognitive comportementale
Les résultats des méta analyse sont clairs, la méthode cognitive comportementale obtient les meilleurs résultats avec l'ensemble des adolescents en difficulté. Dans le cadre du modèle différentiel, il faut d'abord préciser à quel type d'adolescents en difficulté s'adresse l'intervention cognitive comportementale. Les évaluations de ces interventions ne renseignent pas véritablement sur ce point. Tout au plus, ils suggèrent que cette intervention n'est pas efficace avec tous les adolescents en difficulté puisque les résultats obtenus ne sont pas généralisés. Par ailleurs, les quelques travaux sur l'appariement de types d'adolescents en difficulté et de méthodes d'intervention indiquent que les interventions cognitives comportementales donnent de meilleurs résultats pour des adolescents avec des traits psychopathiques, qui sont immatures et dont la capacité d'introspection est faible (Jesness et al. 1972 ; Jesness et Wedge, 1983 ; Quay, 1987 ; Brill et Le Blanc, 1978). Toutefois, les interventions de ce type ne sont pas déconseillées avec les autres adolescents en difficulté. Elles risquent d'être insatisfaisantes parce qu'elles n'utilisent pas toutes les capacités des adolescents plus évolués.
Concernant le but de cette forme d'intervention, il faut souligner que ce type de programme d'intervention vise non seulement une réduction de la fréquence des cognitions et des comportements antisociaux, mais également l'augmentation de la fréquence des cognitions et des comportements pro-sociaux. Par ailleurs, ses objectifs généraux sont les suivants : les adolescents abandonnent peu à peu leurs attitudes et leurs comportements déviants et délinquants ; ils acquièrent des habiletés intra- et interpersonnelles pro-sociales spécifiques ; et ils généralisent leurs apprentissages dans leur vie courante. Les objectifs particuliers, quant à eux, sont les suivants : les adolescents améliorent leurs habiletés interpersonnelles en adoptant des modes pro-sociaux d'entrer en relation, en développant la coopération et par le recrutement de personnes significatives pro-sociales ; ils apprennent à résoudre des problèmes dans leurs relations interpersonnelles de manière socialement acceptable ; ils apprennent à maîtriser la colère et l'agressivité ; ils améliorent leurs habiletés intrapersonnelles, en particulier celles de perception des situations, d'empathie et de régulation du stress ; ils corrigent leurs distorsions cognitives favorables à la délinquance et à la déviance, en les identifiant, en les remettant en question et en adoptant une conduite alternative socialement approuvée ; et ils prennent part à la vie de groupe par à la compréhension et l'utilisation des processus de groupe.
Afin d'atteindre ces objectifs cognitifs et comportementaux, le programme cognitif comportemental comporte trois volets. Le premier volet est de nature individuelle ; il se compose d'une évaluation des excès et déficits ; celle-ci conduit à un plan d'intervention constitué de contrats comportementaux ; et, le monitorage de ces contrats est assuré par des auto observations. Le deuxième volet se concrétise par des activités d'apprentissage en groupe ; les quatre activités qui constituent les pivots de ce volet sont les habiletés sociales, la régulation de la colère et du stress et la résolution de problèmes. Le troisième volet concerne le milieu ; il s'agit de l'organisation des activités de la vie quotidienne et, principalement, du système de responsabilité qui spécifie les droits et devoirs, mais également les récompenses et les punitions.
Le volet individuel. Par-delà ces critères généraux qui définissent le cadre de l'intervention cognitive comportementale, il est également utile de présenter ici la séquence générale des activités d'évaluation clinique qu'il comporte. Tout d'abord, au cours deux premières semaines de séjour de l'adolescent dans l'unité d'intervention cognitive comportementale, des observations doivent être faites concernant les comportements problématiques de l'adolescent et sur les circonstances dans lesquelles ils se produisent. Pendant la même période, des informations sur l'adaptation sociale et personnelle de l'adolescent sont également recueillies au moyen d'une entrevue standardisée avec l'adolescent (MASPAQ, Le Blanc 1996) et des membres de sa famille, ainsi qu'avec des intervenants qui se sont déjà occupés de lui.
Ces renseignements provenant de sources diverses servent de base dans la première synthèse évaluative, laquelle comporte une analyse des excès et des déficits de l'adolescent, ainsi que des analyses fonctionnelles relatives certains de ses comportements problématiques. L'analyse fonctionnelle consiste en une séquence, laquelle fait ressortir un comportement problématique, les stimuli discriminants antécédents à celui-ci ainsi que les conséquences qui en découlent (récompense, punition). Les antécédents et les conséquences du comportement peuvent être internes, c'est-à-dire cognitifs et affectifs, ou externes à la personne, environnementaux. Quant à l'analyse des excès et des déficits, elle consiste, compte tenu du niveau actuel d'adaptation sociale et personnelle de l'adolescent, en une énumération des traits antisociaux de l'adolescent, soit les excès, ainsi que des alternatives pro-sociales qu'il devrait adopter, soit les déficits. Les excès tout comme les déficits concernent les comportements, les cognitions, les émotions et l'environnement. Évidemment, au moment de la première analyse des excès et des déficits, les données ayant trait aux cognitions et aux émotions sont parcellaires et limitées. Toutefois, dans les analyses ultérieures, les données contenues dans les auto-observations réalisées par l'adolescent, ainsi que celles communiquées directement aux intervenants au cours des rencontres individuelles permettent de clarifier ses volets cognitifs et affectifs.
Une fois la première synthèse de cette évaluation complétée, un premier contrat comportemental est dressé. Ce contrat indique le comportement problématique à éviter (excès) et comportement alternatif à encourager (déficits), et ce dans des situations déterminées. Le contrat spécifie également les conséquences liées à son respect ainsi qu'à sa violation. Le contrat est rédigé par les membres de l'équipe d'intervention, puis présenté à l'adolescent et, dans la mesure du possible, à sa famille. L'adolescent et sa famille collaborent à la formulation du contrat en proposant des agents de renforcement significatifs. Les agents de renforcement externes (par exemple, l'argent, les minutes de téléphone) ne sont pas une fin en soi, mais plutôt des incitations au changement. Le contrat comportemental est d'une durée limités, un ou deux mois par exemple, et est suivi d'autres contrats pendant toute la durée de l'intervention.
Enfin, les auto-observations quotidiennes, qui portent sur des éléments du contrat comportemental et les habiletés acquises dans les divers ateliers d'apprentissage, favorisent la responsabilisation de l'adolescent ainsi que le développement d'une certaine autonomie chez les adolescents qui participent à un programme cognitif comportemental.
Le volet des ateliers d'apprentissage en groupe. Les ateliers d'apprentissage servent à l'acquisition des habiletés relationnelles et de maîtrise des émotions qui sont habituellement déficitaires chez les adolescents en difficulté. Il va de soi que leur pertinence varie pour chaque adolescent et chaque groupe d'adolescents et en fonction des thèmes abordés. Cependant, par-delà les variations dans la pertinence individuelle des contenus abordés, ces ateliers favorisent le développement d'une cohésion de groupe qui repose sur une base pro-sociale. Chaque semaine, cinq activités d'apprentissage ont lieu : l'apprentissage d'habiletés sociales, la coopération, la compréhension et l'utilisation des processus de groupe, la maîtrise de la colère et de l'agressivité, le recrutement de personnes significatives, la perception des situations, la résolution de problèmes, la discussion à propos de dilemmes socio-moraux, l'empathie et la régulation du stress. Chaque atelier comporte de douze à quinze séances hebdomadaires. La généralisation des apprentissages est facilitée par la répétition de ces séances à quelques occasions pendant la durée de l'intervention. Au cours de certaines séances, les ateliers concernant les habiletés sociales, la régulation de la colère et du stress et la résolution de problèmes peuvent être remplacés, selon les besoins des adolescents, par d'autres ateliers figurant dans la liste ci-dessus.
Le volet milieu. Afin de fournir des conditions qui permettent d'accroître l'utilité des contrats comportementaux et des ateliers d'apprentissage, l'environnement de l'unité d'intervention doit être organisé d'une manière spéciale. La méthode psycho-éducative de base sert à cet effet. Ainsi, chaque semaine les activités scolaires et récréatives auxquelles prennent part les adolescents doivent favoriser l'utilisation des habiletés pro-sociales en émergence. De plus, les intervenants doivent faire des observations sur les éléments des contrats comportementaux de chaque adolescent et sur les contenus des ateliers que les adolescent auront à pratiquer au cours de la semaine (ainsi, l'habileté à formuler une critique qui a été apprise dans l'atelier d'entraînement aux habiletés sociales doit être renforcée dans toutes les autres activités tout au long de la semaine).
Par ailleurs, au lieu du système de jetons, complexe à gérer et mercantiliste, c'est plutôt un système de responsabilité qui est retenu pour compléter le volet collectif de l'intervention cognitive-comportementale, conformément au modèle de base de l'intervention. Le système de responsabilité a pour objet d'intégrer l'individu dans le groupe d'adolescents et, surtout, dans la structure sociale que constitue l'unité, le milieu de vie de l'adolescent. Le système de responsabilité, c'est la structure sociale de l'unité et de l'internat. Il comporte des tâches, des droits et devoirs, des récompenses et des sanctions, un code de vie et des rôles formels. Il est appliqué selon les principes de l'individualisation, de la gradation et du moment propice.
En résumé, la méthode cognitive comportementale comporte des interventions individuelles, de groupe et de milieu. Elle met l'accent sur des interventions intensives portant sur un nombre limité de cibles significatives. À notre avis, il vaut mieux d'intervenir de manière intensive sur un nombre limité d'éléments significatifs, que de traiter rapidement d'un plus grand nombre d'entre eux. Afin de favoriser l'intensité de l'intervention, les composantes du programme sont coordonnées pour permettre aux adolescents d'expérimenter et de développer les habiletés indiquées au contrat comportemental et apprises dans les ateliers d'apprentissage. Enfin, les parents des adolescents sont mis à contribution dans l'intervention afin de réaliser une continuité entre l'intervention en internat et les efforts de la famille. Dans une intervention en milieu non-résidentiel, le volet milieu est absent. Les deux autres volets sont mis en place, la composante individuelle avec l'analyse des excès et déficits, les contrats comportementaux et les auto observations, ainsi que le volet des ateliers d'apprentissage, nécessairement les habiletés sociales, la régulation de la colère et du stress et la résolution de problèmes.
- La méthode cognitive développementale.
Le modèle de l'intervention différentielle admet l'approche cognitive développementale comme complément à la méthode psycho-éducative parce que certains types d'adolescents en difficulté peuvent répondre mieux à ce type d'intervention. Nous présumons qu'il en sera le cas à partir de nos travaux sur les effets de la méthode psycho-éducative classique. Ceux-ci montraient que les adolescents névrotiques profitaient davantage de cette forme d'intervention (Le Blanc, 1983a). Quelques recherches sur l'intervention auprès des adolescents anxieux (Gold et al., 1989 ; Atwood et al., 1989) montrent que ces derniers s'ajustent mieux à un traitement en internat basé sur l'influence constante et positive des autres adolescents et faisant appel à une thérapie de groupe et au soutien personnel d'un adulte. Les recommandations de Jesness et Wedge (1983) et de Quay (1987) pour les adolescents en difficulté avec des traits névrotiques vont dans le même sens et sont basées sur des études expérimentales. Toutefois, cette hypothèse n'est pas encore confirmée par les méta analyses. En somme, un milieu qui favorise l'introspection, une relation avec un adulte compréhensif et une expérience dans un groupe positivement orienté et jouissant d'autonomie et de responsabilités faciliteraient la réadaptation des adolescents en difficulté présentant des traits névrotiques. C'est justement ce que l'approche cognitive développementale propose avec la discussion de dilemmes moraux et la communauté juste. Ces techniques ne sont pas nécessairement à déconseiller avec les autres adolescents en difficulté, mais elles risquent toutefois d'être difficiles à appliquer.
Les objectifs généraux d'un programme d'intervention cognitive développementale sont les suivants : les adolescents abandonnent progressivement leurs attitudes et comportements marginaux ; ils progressent sur le plan du raisonnement moral et sur le plan de la compétence dans les relations interpersonnelles ; ils apprennent à se soucier des autres et travaillent à établir un climat social positif dans leur milieu de vies ; et ils appliquent ce qu'ils ont appris dans la vie courante. Quant aux objectifs particuliers, mentionnons les suivants : les adolescents apprennent à respecter les règles et les conventions sociales, en participant à l'élaboration et à la révision des règles de leur communauté et en participant aux mécanismes qui visent à faire respecter ces règles ; ils apprennent à assumer des responsabilités au sein de leur communauté et à rendre compte aux membres de cette dernière de leur manière de les prendre ; ils apprennent à reconnaître leurs distorsions cognitives qui favorisent la délinquance et la déviance, à les remettre en question et à les corriger par l'adoption de raisonnements plus socialement acceptables ; ils apprennent à déceler leurs comportements à risque, découvrent le sens qu'ils ont pour eux et s'appliquent à se protéger ; ils apprennent à négocier leurs besoins avec les autres, en particulier en s'entraînant à régler leurs conflits interpersonnels d'une façon socialement acceptable ; et ils contribuent à l'amélioration de l'atmosphère sociale de leur communauté.
Le volet individuel. Selman (1993) affirme que, pour pouvoir aider des adolescents en difficulté, les intervenants doivent comprendre et intervenir sur trois plans : la compréhension et la connaissance que l'individu a de ses comportements à risque et du contexte dans lequel il se trouve, la signification qu'il accorde à ces comportements et sa capacité de gérer sa conduite, c'est-à-dire son niveau de stratégie de négociations interpersonnelles. Dans cette perspective, un instrument d'évaluation des comportements à risque et des stratégies de négociation interpersonnelle des individus a été adapté à partir d'un instrument expérimenté par Selman et Schultz avec des enseignants dans des écoles (Dionne, 1993). Les intervenants complètent ce questionnaire en utilisant leurs observations de l'adolescent au cours des deux derniers mois. Ils doivent identifier, à partir des informations qu'ils possèdent sur cet adolescent, les comportements à risque présents chez celui-ci avant son placement en internat et ceux qu'il a affiché depuis qu'il vit dans l'unité, et de se prononcer sur les comportement à risque que cet adolescent est susceptible d'adopter à sa sortie de l'internat. De plus, les intervenants évaluent le niveau de connaissance que l'adolescent a des risques liés à ses comportements à risque. Ils apprécient aussi son niveau de perspective sociale et de jugement moral en se basant sur des observations qu'ils ont faites au cours de leurs échanges avec lui (interactions en groupe et en rencontres individuelles). Il s'agit là de la dimension "connaissance et compréhension". Dans la deuxième section du questionnaire, ils émettent une ou plusieurs hypothèses sur la signification que l'adolescent accorde à ces comportements. Dans la troisième partie, ils examinent son niveau de stratégie de négociation interpersonnelle, ses relations interpersonnelles ainsi que ses capacités de résolution de problèmes. Constituant un complément au MASPAQ (Le Blanc, 1996), ce questionnaire vise à aider les intervenants à préparer ou à réviser le plan d'intervention individualisé de l'adolescent et à préciser davantage la dimension du développement de la compétence interpersonnelle et morale de l'adolescent.
Le volet des ateliers d'apprentissage et rencontres de groupe. Ce volet devrait comporter deux activités de réflexion, une sur des dilemmes moraux et l'autre sur situations interpersonnelles hypothétiques, une assemblée générale, où il y a réflexion et décision quant aux règles et procédures de l'unité, ainsi qu'une réflexion sur l'atmosphère de l'unité ; une rencontre centrée sur la démarche de réadaptation de chacun ; une séance consacrée à la répartition des tâches et des responsabilités et à l'imputabilité face aux pairs ; une rencontre du comité d'agenda pour préparer l'assemblée générale ; une rencontre du comité de discipline en vue d'examiner les cas de manquement aux normes et règles votées par la communauté, et diverses autres rencontres, s'il y a lieu. De plus, chaque adolescent devrait bénéficier d'au moins une rencontre personnalisée d'accompagnement éducatif et d'une rencontre de travail régulière où sa famille et lui-même sont présents.
L'existence de la communauté juste appelle un certain nombre d'activités de groupe. Il y a, d'abord, l'établissement et l'ajustement d'une constitution comportant des dispositions régissant la vie de la communauté, dispositions qui ont été adoptées démocratiquement par tous les membres de la communauté (une personne égale un vote, même pour les intervenants). De plus, une assemblée générale régulière (animée par un adolescent et par un intervenant) est mise sur pied et devient un lieu d'information, d'échange et de décision concernant les divers aspects de la vie collective (en particulier, sur l'atmosphère dans la communauté, les règles et la qualité de l'application de ces dernières). S'ajoutent à ces mécanismes de la vie collective un comité de discipline qui examine les cas de violation des règles établies (ce comité est composé d'adolescents et d'intervenants qui siègent en alternance) et un comité de l'agenda (composé d'adolescents et d'intervenants), responsable de la préparation de l'ordre du jour de l'assemblée générale. Par ailleurs, des rencontres d'urgence de l'ensemble du groupe peuvent être demandées par un adolescent ou un intervenant quand surviennent des problèmes sérieux d'injustice ou de transgression des règles, ou qu'il y a lieu de faire le point sur des rumeurs qui minent le moral de la communauté. Enfin, des rencontres marathons permettent de faire une révision périodique des règles et de la constitution.
Le volet milieu. Cependant, ces rencontres doivent prendre une forme particulière dans chaque communauté, telles des nations qui se dotent de leurs propres institutions, différentes d'un pays à l'autre, mais respectent les mêmes principes démocratiques. Il appartient à chaque unité de décider les moyens démocratiques qu'elle entend utiliser. Mais, étant donné l'intensité visée par l'intervention différentielle, il convient que, chaque jour, du lundi au vendredi, il y ait au moins une activité collective qui soit basée sur la méthode de la communauté d'entraide et de justice. Le choix de la communauté juste comme technique pour l'intervention de milieu est fondé sur trois raisons. Premièrement, puisqu'un des critères de l'intervention avec les adolescents en difficulté est l'intensité de l'intervention, la méthode de la communauté d'entraide et de justice est une intervention complémentaire qui permet cette intensité. Non seulement elle permet la discussion de dilemmes moraux hypothétiques, mais elle encourage la discussion de dilemmes moraux vécus par les adolescents et les adultes dans la petite collectivité qu'est l'unité de vie. Deuxièmement, la méthode de la communauté juste accroît la compétence morale aussi bien que la compétence sociale des adolescents, en les encourageant à négocier leurs besoins personnels avec leurs pairs d'une façon équitable. Troisièmement, la méthode de la communauté juste peut très bien servir de complément la méthode psycho-éducative.
En résumé, la méthode cognitive développementale comporte des interventions individuelles, de groupe et de milieu. Elle met l'accent sur des interventions intensives portant sur un nombre limité de cibles significatives. En plus, les parents des adolescents sont mis à contribution dans l'intervention afin de réaliser une continuité entre l'intervention en internat et les efforts de la famille. Dans une intervention en milieu non-résidentiel, le volet milieu est absent, la communauté d'entraide et de justice. Les deux autres volets sont mis en place, la composante individuelle avec l'évaluation de la compétence sociale et morale et le contrat de citoyen, ainsi que le volet des ateliers d'apprentissage et rencontres de groupe, la discussion de dilemmes moraux et de relations interpersonnelles.
Conclusion
Au terme de ma présentation, j'espère que vous vous dites que l'approche différentielle est naturelle, nécessaire et aujourd'hui praticable. Par contre, il est probable que certains se pensent que ma réponse à la question "que faut-il faire ?" a été longue à formuler. D'autres croient sûrement que je radote, il est vrai que je parle de l'approche différentielle depuis vingt ans et, comme je suis très près de la retraite, il est donc possible que je sois devenu déraisonnable. D'autres, peut-être, jugent que la solution proposée est trop complexe, ils se disent encore une solution d'universitaire. Je ne recenserai pas toutes vos opinions et je ne demanderai pas le vote sur les opinions possibles. Je risque d'être déçu et vous serez peut-être trop gêné pour voter à main lever.
L'approche différentielle est naturelle, nécessaire et aujourd'hui praticable. J'espère que je vous ai convaincu que la stratégie différentielle est naturelle. À cet égard, j'ai argumenté qu'elle était inscrite dans l'histoire de nos institutions, qu'elle fait partie de nos législations et qu'elle est recommandée par diverses commissions depuis 25 ans. Elle est donc partie intégrante de nos politiques d'intervention. J'ai également soutenu que la stratégie différentielle est nécessaire pour faire face à la diversité des problématiques des adolescents et garantir une efficacité maximale des interventions. Je l'ai fait timidement dans ce texte, mais plus solidement dans d'autres textes (par exemple Le Blanc et al. 1998). Finalement, j'ai affirmé que l'approche différentielle que nous proposons est praticable. Avec seulement deux approches, elle est plus facile à maîtriser par les intervenants et à mettre en place et à gérer par un organisme qui dispense de l'intervention qu'une approche comportant une dizaine de stratégies d'intervention comme celle de la maturité interpersonnelle ou que l'approche individualisée.
Un retour aux sources. Quelle que soit la réponse à la question "que faut-il faire ?", il m'apparaît que la méthode psychoéducative a été partiellement perdue. Ainsi il y a lieu de revenir aux sources, non seulement dans les internats, mais également dans les foyers de groupe et les centres de jour ou de soir. Le retour aux sources suppose plusieurs types de révisions de l'intervention. Il peut signifier par exemple l'adoption d'un cycle et d'un régime de vie mieux structuré, l'ajustement des méthodes pédagogiques existantes ou la réutilisation de moyens oubliés. Il conviendrait sans doute aussi d'inclure des activités thérapeutiques régulières (rencontres de groupe, habiletés sociales, etc.), d'appliquer un système de responsabilités qui implique une distribution démocratique des tâches, des droits et des devoirs et un système d'évaluation de la conduite, et, surtout, de reconnaître l'intervenant comme l'instrument principal de l'intervention et lui donner les moyens de se perfectionner sur le plan professionnel (par des formations qui améliorent le savoir et le savoir faire), tout autant que sur le plan personnel (le savoir être).
Suivi par une approche différentielle. Nous invitons donc les intervenants à expérimenter les méthodes d'intervention proposées. En tenant compte de leurs intérêts et des conditions propres à leur milieu de travail, ils peuvent choisir plusieurs façons de mettre en pratique l'une ou l'autre méthode. Ils peuvent débuter par l'appropriation de l'approche, par telle ou telle activité d'apprentissage ou par l'organisation du milieu. Toutefois, une condition est essentielle à la réussite de l'intervention. L'application intégrale d'une méthode est indispensable. Il faut appliquer toutes les techniques de la méthode, les volets individuels, activités et milieu, mais surtout respecter l'esprit de l'approche retenue. Notre expérience et les évaluations scientifiques montrent que l'utilisation de quelques éléments de l'une ou l'autre méthode ne donne pas des résultats appréciables. Plusieurs seront tentés d'incorporer quelques activités à la mode à leur programme d'intervention, par exemple l'entraînement aux habiletés sociales. Il faut absolument résister à cette tentation. Cette démarche ne fait que discréditer les méthodes et techniques et n'aide pas à long terme les adolescents en difficulté. Ces observations nous remettent en mémoire une suggestion de Gendreau (1995). Avec plus de quarante ans d'expérience avec les adolescents en difficulté, il conclue qu'une des principales difficultés de l'intervention est d'accepter sa complexité. Il conseille aux intervenants et aux gestionnaires de ne pas nier cette complexité et d'éviter de chercher des panacées simplistes pour des problèmes éminemment complexes.
Une démarche progressive. Certains ont pensé que notre réponse à la question " que faut-il faire ? " a été longue à formuler. Elle a suivi les progrès réalisés dans les connaissances scientifiques. Toutefois, elle n'est pas définitive. Il s'agit d'hypothèses aujourd'hui davantage probable qu'hier du dosage possible de l'intervention en fonction des besoins des adolescents en difficulté (et même des enfants dans le domaine de la prévention : voir Le Blanc, 1995b ; Le Blanc et Morizot, 2000). Seules des activités de recherche et développement systématiques et régulières et des recherches évaluatives rigoureuses permettront de faire progresser les connaissances sur l'appariement des mesures, des méthodes, des intervenants et des adolescents en difficulté. Espérons que les organismes gouvernementaux, les centres jeunesse, les instituts universitaires et les universités, entre autres, s'emploieront à rechercher les meilleures solutions. Solutions permettant de réduire encore davantage la souffrance des adolescents en difficulté, de leur famille et même des intervenants, les coûts économiques et sociaux à court et à long terme de la marginalité et la reproduction intergénérationnelle de l'inadaptation.
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[1] Ph.D. (Criminologie), SRC, Professeur titulaire, École de psychoéducation et École de criminologie, Université de Montréal, C.P. 6128, suce. Centre Ville, Montréal, Québec, Canada, H3C 3J7, Ph : 514-343-6111 # 2512. Fax : 514-343-6951, Courriel : [email protected].
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