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L’horizon de la culture.
Hommage à Fernand Dumont.
Quatrième partie :
La culture comme mémoire
Chapitre 14
“Souvenirs d'enfance,
mémoires familiales et identité.”
Denise LEMIEUX
- Du seuil d'où naissaient nos jeux
- T'en souviens-tu sœur
- Te revient-il encore
- Le vent qui montait des proches buissons
- Et qui rôdait très loin aux portes de l'usine
- Où se taisaient ceux que nous aimions [1]
Sans cesse confrontés aux bouleversements des modes de vie et aux recompositions des liens qui modifient plus souvent qu'avant le réseau familial de nombre d'individus, les mémoires familiales peuvent nous paraître de simples reliques d'une autre époque. Les vieilles demeures, évoquées en France comme espaces de remémoration du passé familial, sont ici peu nombreuses, dans un pays jeune, aux enracinements précaires. Les patronymes, autres rassembleurs de mémoire et de parenté, partagés entre une multitude de descendants, semblent à première vue peu propices à la singularisation des groupes familiaux et des individus qui les portent. En outre, la mémoire familiale semblerait à certains menacée par l'ajout récent du nom de la mère à l'égal du père dans le nom de l'enfant [2] ; du moins ces nouvelles façons de faire viennent-elles ébranler les généalogies autrefois cristallisées autour des lignées paternelles.
Des anthropologues, telle Chantal Collard [3], saisissent pourtant les manifestations des mémoires généalogiques toujours vivaces en des villages québécois d'aujourd'hui et d'autres attestent la vitalité des réseaux de parenté en milieu urbain [4]. C'est sous l'angle du vide culturel, de la rupture et même de l'oubli que certains auteurs évoquent la perte ou la redéfinition des héritages qui s'opèrent dans [240] le contexte intergénérationnel de la société québécoise contemporaine. Sans minimiser les changements et ruptures qu'observent Jacques Grand'Maison et Solange Lefebvre dans les témoignages d'ailleurs diversifiés qu'ils ont recueillis auprès de personnes appartenant à divers âges, j'aimerais développer un volet complémentaire en resituant la transformation des formes de mémoires familiales dans les changements des fonctions de la mémoire sociale.
Fernand Dumont a poursuivi une réflexion approfondie sur la mémoire et en particulier sur la mémoire historique, ses surgissements et ses reconstructions au fil des conjonctures. Il a également analysé à plusieurs reprises, dans son œuvre, l'enracinement du sens de l'historicité dans un « foyer symbolique, l'enfance, dont notre vie adulte est de quelque manière l'interprétation [5] ». C'est en m'inspirant de façon très large de passages significatifs portant sur l'enfance dans son œuvre que j'aimerais développer ces réflexions sur la place accrue du souvenir d'enfance dans les formes contemporaines de mémoires familiales.
À l'histoire et à l'ethnologie, j'emprunterai des analyses sur la construction sociale des mémoires collectives des familles du passé et du présent ; à la psychologie et à la sociologie, des observations sur la spécificité des souvenirs d'enfance et sur les contextes psychosociologiques de la réminiscence. Enfin, la fascination pour le temps originaire de l'enfance qu'évoquent de beaux textes de L'anthropologie en l'absence de l'homme conduit à formuler une hypothèse concernant les rappels et remaniements des souvenirs de l'enfance à des moments cruciaux de l'existence.
GÉNÉALOGIES, DÉCORS DOMESTIQUES,
SOUVENIRS D'ENFANCE : LES LIEUX
DE MÉMOIRE DES FAMILLES
Avant l'invention de l'écriture, les sociétés devaient s'appuyer sur les propriétés de la mémoire humaine pour assurer la transmission des coutumes, des mythes et des savoirs techniques. Jaques Le Goff [6] évoque l'existence dans les sociétés de culture orale d'hommes-mémoires spécialisés dans cette fonction de transmission qui s'opérait, non par le mot à mot, mais par des narrations laissant place aux variantes. L'écriture qui s'y substitue peu à peu rend mal compte de cette mémoire vivante des sociétés anciennes et de ses mécanismes complexes de fixation des savoirs. Soulignant l'apparente immuabilité des mémoires collectives portées jusqu'à nous par l'écrit, Georges Duby note la nature sélective et pédagogique des livres de famille du XIIe siècle, conservés pour raffermir les liens d'un lignage autour de son patrimoine [7]. Christiane Klapisch-Zuber [8] parle de « l'invention du passé familial » pour qualifier la constitution d'archives privées par les marchands florentins de la Renaissance, y comptabilisant leurs biens, délimitant leurs alliances dans la cité et cherchant à établir l'ancienneté de la maison et du nom autour de la légende d'un ancêtre fondateur. Derrière ce passé inventé, elle débusque les traces [241] d'une mémoire immédiate et d'une tradition orale souvent féminine relatant l'histoire de la famille.
Selon Pierre Nora, à la fin du siècle dernier, avec l'effondrement du monde rural et l'ébranlement des équilibres traditionnels, la mémoire fit son apparition « au centre de la réflexion philosophique avec Bergson, au centre de la personnalité avec Freud et au centre de la littérature autobiographique avec Proust [9] ». Le goût manifesté au XIXe siècle pour le souvenir d'enfance et l'autobiographie relève d'un repli de la mémoire sur les existences individuelles et le privé dans une même recherche des origines et de substituts à la tradition. Sans doute le resserrement des familles autour du couple et des enfants dans les foyers bourgeois n'est-il pas étranger à cette mutation des mémoires vers l'individu et ses souvenirs personnels. Malgré des références aux mémoires généalogiques de l'Antiquité construites autour de la prédominance d'un lignage, c'est d'abord de la famille nucléaire que Maurice Halbwachs [10] s'inspire dans sa description de « La mémoire collective de la famille ». Il la décrit comme la mémoire d'un groupe concret, enracinée dans les personnes et les expériences vécues en commun, ancrée dans les prénoms et les positions individuelles au sein des liens de filiation. Cette mémoire singulière de la famille d'origine avec les notions, images, sentiments et règles de fonctionnement qu'elle véhicule, s'estompe quand un individu quitte sa famille pour en former une autre. Une certaine forme d'identification avec les parents refait surface lors d'une naissance, mais les jeunes parents se donnent peu à peu une mémoire propre, inscrite dans les conceptions familiales de leur époque. Selon Halbwachs, seuls des fragments de la mémoire révolue de la génération précédente seraient transmis aux petits-enfants par les grands-parents.
Les études sur la mémoire familiale ont été davantage effectuées par les ethnologues qui, en examinant les relations de parenté dans les milieux paysans et artisanaux, et plus récemment auprès de catégories socioprofessionnelles des milieux urbains, ont vite distingué la mémoire familiale du groupe domestique des mémoires généalogiques portant sur trois générations et plus. De leur côté, les études sociologiques ont davantage cherché à analyser la reproduction sociale dans la famille d'orientation et les mécanismes de la transmission intergénérationnelle entre deux générations. Les travaux de Pierre Bourdieu [11] sur l'habitus ont donné lieu à des analyses pertinentes sur les mécanismes d'inculcation des goûts, pratiques et attitudes au sein de la famille. La reconnaissance de l'individu comme agent de son propre destin, en particulier dans les situations de mobilité, a conduit plusieurs auteurs à s'intéresser au travail de sélection et de réinterprétation des héritages reçus ; l'examen des trajectoires sociales des filles a aussi contribué à faire percevoir dans cette transmission les apports intergénérationnels issus de chaque lignée [12]. Les liens qui se développent entre ces secteurs distincts de recherche s'avèrent prometteurs pour mieux cerner les rapports entre les transformations des formes de mémoires familiales et les changements des systèmes familiaux, des mécanismes de la transmission et de la constitution des identités [13].
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Évoquant la « mémoire collective de la famille » sous la double dimension d'une mémoire commune partagée par le groupe familial et d'une mémoire affective intériorisée par chaque membre du groupe, Anne Muxel [14] observe que la mémoire affective tournée vers l'intériorité et objet de la psychologie, a été peu envisagée par la sociologie qui a surtout étudié les aspects collectifs et extériorisés de la mémoire familiale. L'importance grandissante des souvenirs d'enfance dans les expressions de la mémoire familiale oblige à s'interroger sur les déterminants sociaux de cette affirmation de la mémoire affective.
Certes, une mémoire généalogique perdure chez les descendants de l'aristocratie et de la grande bourgeoisie française dont les témoignages ont été étudiés par l'historien Éric Mansion-Rigaud [15]. Véritable château, la maison dite « de famille », gardienne des traces du passé, est le lieu symbolique de cette mémoire construite autour de la continuité d'un patrimoine et du récit d'événements historiques auxquels furent associés des membres de la parenté. Même dans ce milieu tourné vers le passé, c'est dans les souvenirs d'enfance de personnes âgées qu'il cherche les rappels d'une éducation du goût et du savoir-vivre, les points d'appui matériels et culturels d'une vision du monde transmise par la famille immédiate. Parmi les classes moyennes, Béatrix Le Wita [16] compare la mémoire généalogique verticale des cadres supérieurs et la mémoire familiale des milieux populaires parisiens davantage évocatrice d'expériences vécues avec les parents proches que de connaissances abstraites et lointaines de la parenté. Si des repères généalogiques continuent d'identifier socialement les individus, la mémoire familiale se nourrit surtout des rencontres dans les lieux où se rassemble la parenté, de souvenirs échangés autour de photographies ou de récits sur des personnages de la famille connus dans l'enfance. La distinction entre des types de mémoires statutaires et relationnelles par Josette Coenen-Huther [17] renvoie à des différences similaires en Suisse, qui traduisent non seulement les possibilités matérielles distinctes des milieux concernés, mais des différences dans les attitudes envers le temps et dans les habitudes de vie acquises au cours des premières années. En milieu populaire, des enquêtes ethnologiques identifient quelques traces de ces « autels de la mémoire [18] » constitués par un meuble porteur de bibelots ou de livres, relayant des souvenirs précis rattachés à un lien sororal ou intergénérationnel. Chez des ménages de banlieue d'origine rurale rencontrés par Martine Perrot [19], le souvenir de la maison natale demeure comme une empreinte perceptible dans certains éléments stylistiques du décor domestique moderne ; mais c'est à partir de « l'écheveau serré des souvenirs d'enfance, de la tension vers l'avenir, des ruptures et des retrouvailles » qu'elle tente d'en repérer les signes dans le nouvel arrangement domestique. Si le décor contemporain façonné par la mode livre parfois mal aux étrangers ses lieux de mémoire, une enquête américaine sur la signification des objets domestiques constate la présence assez généralisée des objets à connotation mémorielle et l'attrait plus vif des adultes et des personnes âgées que des jeunes pour ces médiateurs du souvenir [20]. Dans le prolongement de ces souvenirs réels rattachés [243] aux objets et aux photographies, des activités symboliques et langagières cherchent à recréer parfois explicitement le passé familial et au besoin à l'inventer.
ROMAN FAMILIAL
ET RECHERCHE DES ANCÊTRES :
LA QUÊTE DES ORIGINES
La transformation historique des cadres sociaux et des objets de la mémoire, Françoise Zonabend l'observe en raccourci dans un village français étudié dans les années 1970 ; au cours d'un demi-siècle, les intérêts se sont déplacés de la vie communautaire du village aux groupes restreints formés du ménage nucléaire et des grands-parents. C'est autour des enfants, de leurs naissances et de leurs anniversaires, qu'on se rassemble désormais [21]. Culte des origines, rituels élaborés autour des enfants et à leur sujet, le phénomène s'inscrit dans le processus plus vaste qui met fin à l'histoire-mémoire : « Il y a des lieux de mémoire parce qu'il n'y a plus de milieux de mémoire », écrit Pierre Nora [22], d'où l'émergence d'une mémoire privée « qui donne à la loi du souvenir une intense puissance de coercition intérieure ». Nous sommes contraints à l'invention autobiographique, constate aussi Gérard Vincent devant la multiplication des traces mnésiques produites par la photographie, le film et les divers moyens d'extériorisation de la mémoire privée [23]. Pour Anthony Giddens [24], la production de récits autobiographiques oraux ou écrits fait partie des pratiques constitutives de l'identité personnelle dans la vie sociale moderne, où les rites de passage traditionnels n'existent plus. Le retour réflexif sur son passé est désormais effectué moins à partir d'une volonté de reproduction de ce passé, ou d'adhésion à des traditions, qu'en fonction du présent qui requiert à chaque détour de l'existence la recherche d'une nouvelle cohérence de l'identité. Ces réflexions sur soi qui mènent à l'enfance, par le biais de thérapies ou de leurs dérivés populaires, peuvent aussi déboucher sur la quête d'une mémoire généalogique reconstruite par le sujet. Empruntant à la psychanalyse la notion de roman familial, soit un récit remanié par le sujet de ses origines familiales, Vincent de Gaulejac [25] l'utilise en combinaison avec les analyses de trajectoires sociales pour désigner « un travail où l'on cherche à saisir en quoi les individus sont le produit d'une histoire dont ils cherchent à devenir le sujet ». Certes, la définition conviendrait bien à l'entreprise autobiographique dans son ensemble ; mais de façon plus spécifique, un roman familial surgit dans les situations de mobilité sociale ou de rupture du lien de filiation, ce qui dirige l'attention vers les recherches du passé familial dans les contextes où un héritage familial est refusé ou redéfini. Version embellie d'un passé familial remanié, le roman familial s'étend parfois à la génération des grands-parents, en particulier là où l'histoire de la famille contient une expérience indicible ou un secret non résolu [26]. Le psychanalyste Serge Tisseron [27] en fait une belle démonstration à travers la lecture des épisodes de Tintin qui émerge ainsi d'une histoire familiale énigmatique redéployée par Hergé dans la création de ses albums. Au-delà de cette quête des origines dont Tintin déniche le [244] secret, il existe bien d'autres formes contemporaines de mémoires familiales transformées par la création littéraire ou la recherche de type historique.
À partir d'une enquête auprès de généalogistes amateurs issus des classes moyennes, Martine Ségalen [28] attribue davantage au déracinement familial des individus interrogés les sources actuelles d'un « amour de la généalogie », parfois parti de presque rien ou mû par le désir d'élucider un secret de famille ou de rendre un témoignage de fidélité à une personne aimée. Jacques Mathieu suggère également des fonctions imaginaires à ces rassemblements des familles souches qui, au Québec, constituent des lieux de mémoires peu étudiés comme tels [29]. Renée B.-Dandurand et Françoise- Romaine Ouellette rapprochent la popularité des recherches généalogiques de l'engouement pour les séries télévisuelles à saveur passéiste, telle Les filles de Caleb [30]. Devant la vogue récurrente de cette quête des ancêtres à partir des grands bouleversements de l'industrialisation et des grandes migrations du dernier siècle, Josette Coenen-Huther [31] distingue les fonctions bien différentes de « la quête des ancêtres hier et aujourd'hui », alors que l'on passe d'une recherche de modèles à la quête de l'identité. C'est à des fonctions identitaires plutôt qu'à des fonctions de légitimation d'un statut familial que Tamara K. Hareven [32] rattache les constructions d'une mémoire intergénérationnelle et la quête popularisée aux États-Unis du passé ancestral ou ethnique. Les « rites tribaux de nos sociétés industrielles », dont elle présente plusieurs manifestations, sont d'ailleurs alimentés par les sciences humaines et la création culturelle. Loin d'être disparues, les mémoires familiales contemporaines s'accrochent à de nouveaux lieux, à de nouveaux objets, donnent lieu à des inventions inédites. Tout d'abord, la photographie (aujourd'hui le magnétoscope), dont Pierre Bourdieu a bien identifié l'importance dans la structuration des souvenirs individuels [33], livre une histoire un peu figée de la vie familiale ; mais la plupart des auteurs qui examinent la mémoire autobiographique reconnaissent l'amalgame de souvenirs privés et publics qu'elle véhicule [34] et la part de récits provenant d'autrui qui y ont été intégrés [35].
L'écriture de mémoires et de souvenirs personnels connaît par ailleurs un regain de popularité, qui s'inscrit dans une demande sociale et familiale. Dans le corpus québécois d'autobiographies que j'ai analysé avec Lucie Mercier dans Les femmes au tournant du siècle [36], les récits provenant de personnes du troisième ou quatrième âge constituent des constructions de mémoires familiales, étroitement liées à la formulation d'un discours identitaire. Rituels liés à l'âge et aux relations entre les générations, l'échange des souvenirs et leurs mises en discours s'inscrivent dans les pratiques qui incitent à revoir et redéfinir son passé à certains moments de sa vie. Les souvenirs d'enfance se prêtent particulièrement bien à ces bilans.
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PAR-DELÀ LES CHANGEMENTS DE TRAJECTOIRES :
L'ANCRAGE DANS L'ENFANCE D'UNE CONSCIENCE DE SOI
- De très loin m'est venu le langage
- Par derrière l'enfance
- De l'immense forêt où l'univers murmure
- Sa peine ancienne et sa vieille colère [37]
La réminiscence, soit la capacité d'évoquer une situation ou un objet en son absence, est au coeur du développement de la pensée et de l'accumulation des savoirs permettant la reproduction des sociétés [38]. Parmi les phénomènes de mémoire, les souvenirs d'enfance occupent une place particulière qu'il faut examiner à travers deux phénomènes complémentaires : l'amnésie infantile et le goût de la réminiscence qui s'accentue avec le passage du temps.
L'amnésie infantile désigne l'oubli à peu près total qui recouvre les deux premières années de l'existence et l'oubli de larges pans des années qui suivent [39]. Pourtant, les nourrissons possèdent déjà une mémoire comme l'ont montré des expériences récentes [40]. Mais tant que les enfants n'accèdent pas à la faculté de symbolisation et au langage, ils ne peuvent conserver longtemps et partager ces souvenirs. La mémoire incluant la réminiscence ou la faculté de se souvenir se développe vers 2-3 ans et progresse en suivant plus ou moins les étapes du développement de la pensée cognitive. Il y a donc peu de souvenirs d'enfance antérieurs à l'âge de 5 ans et leur nombre grandit à mesure que l'âge évoqué se rapproche de 10 ans. Ce n'est pas seulement le nombre de souvenirs évoqués qui change, c'est aussi leur nature et cela renvoie à la façon, dont, pendant l'enfance, ils ont été inscrits dans la mémoire [41].
Chez l'adulte, l'encodage des souvenirs, puis leur rappel, mobilisent des systèmes de classification complexes où entrent en jeu les aspects affectifs et cognitifs de la pensée [42]. Chez l'enfant, tout occupé au présent de la situation vécue, les éléments perçus sont retenus de façon globale et liés à des caractéristiques sensorielles, d'où l'existence d'une mémoire concrète que Georges Gusdorf oppose à la mémoire abstraite prédominante chez l'adulte [43]. Les souvenirs qui portent sur la première enfance, s'ils sont peu nombreux, et même rares pour certaines années, ont une qualité sensible qui leur confère l'apparence de la réalité par la multiplicité des détails et des sensations qu'ils comportent [44]. Souvent, ils sont associés à des émotions intenses, plaisir ou peur, sensations gustatives, odeurs, associations qui expliquent qu'ils ont surnagé à l'oubli. Les écrivains éprouvent une fascination pour les souvenirs d'enfance, qui donnent l'impression de la reconstitution de mondes disparus. Freud les dénomme des souvenirs-écrans supposant qu'ils cachent d'autres souvenirs plus critiques refoulés dans l'inconscient. Les souvenirs d'enfance demeurent importants dans le remaniement des souvenirs qui se déroule tout au long de l'existence en une sorte de travail faisant appel aux forces vives de la personnalité, d'où leur intérêt pour la psychanalyse [45].
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En examinant « le temps du souvenir », Claude Javeau identifie à côté d'éléments des mémoires collectives, commémorations, fêtes et traditions, une mémoire proprement individuelle où se trouvent les assises de l'existence. S'inspirant de l'œuvre de Proust tout entière construite sur le temps du souvenir, il suggère que « si l'on admet [...] qu'il existe une singularité propre à tout individu isolé, la mémoire de cet individu lui "sert également à composer, à maintenir et à promouvoir cette singularité". Dans cette perspective, "les souvenirs apparaissent donc comme les points nodaux de la reconstruction perpétuelle de la biographie individuelle" [46] ».
En particulier, on note l'attrait des personnes arrivées à la cinquantaine pour les réminiscences de l'enfance, phénomène observé tant en littérature qu'en gérontologie. En réalité, ce n'est pas l'âge en tant que tel, mais plutôt certaines caractéristiques particulières de cette période de l'existence qui suscitent la réflexion sur le passé, par exemple, le fait d'envisager la fin de l'existence, la disparition de la génération précédente ou le désir de transmettre aux générations suivantes des valeurs et savoirs reçus en héritage [47]. C'est aussi le contraste entre la société ambiante et celle connue dans l'enfance qui avive la conscience d'avoir vécu dans un monde maintenant disparu.
Déplorant que le phénomène des réminiscences ait été presque uniquement étudié dans la perspective de la gérontologie alors que la réinterprétation du passé s'effectue constamment au cours de la vie, David Unruh [48] propose de mieux identifier les divers contextes et les processus sociaux (objets, événements, changements de lieux ou de positions sociales) susceptibles de donner naissance aux rappels de son passé. D'autres périodes de l'existence, par exemple, le départ de la famille d'origine ou le choix d'une orientation scolaire, une expérience de mise en couple, l'arrivée d'un enfant suscitent également des rappels épisodiques des héritages acquis dans l'enfance. Une étude effectuée en collaboration sur le désir d'enfant chez des jeunes adultes nous a permis de cerner, dans les témoignages, les évocations du climat familial d'enfance que l'on rattache à ses projets de procréation ou à leurs mises à l'écart temporaire ou définitive. La mémoire d'une enfance heureuse s'accompagne souvent d'un projet de devenir parent, mais la conscience d'un écart entre un passé heureux mais révolu et les modes de vie actuels suscite à la fois des redéfinitions et des hésitations autour d'un projet personnel de parentalité. Dans un contexte de rupture, en l'absence d'une mémoire familiale de groupe, des souvenirs d'enfance isolés mais significatifs sont évoqués. Un roman familial est parfois formulé reportant sur le temps meilleur vécu auprès des grands-parents, sur des jeux en compagnie d'une soeur ou même sur une simple évocation de jeux solitaires, un rappel positif du temps de l'enfance [49].
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CONCLUSION
Après avoir esquissé à grands traits le glissement des mémoires ancestrales ou généalogiques associées au maintien d'un lignage ou d'un patrimoine aux évocations du temps de l'enfance, étape de la vie où se constitue le sujet humain et où se transmettent des formes plus intériorisées des héritages familiaux, il faudrait multiplier les enquêtes pour bien cerner les formes multiples de mémoires construites aujourd'hui autour de la famille et qui constituent autant d'imaginaires sociaux singuliers dont les fonctions restent à inventorier. Si les souvenirs d'enfance semblent nourrir plusieurs de ces imaginaires et en constituer des matériaux privilégiés, ils ne renvoient pas uniquement à la reproduction des habitus inculqués dans l'enfance, puisque la création d'un roman familial tout comme le goût et la pratique de la généalogie peuvent émerger tout autant d'une volonté de consolider un héritage que des discontinuités de la transmission. Certes, « la famille est une fiction bien fondée [50] », à la fois par les catégories du sens commun et les façonnements effectués plus ou moins efficacement au sein de chaque famille, mais elle sécrète ses propres fictions et ses membres conservent à cet égard une liberté de la réinventer puisée dans les dimensions ludiques et imaginaires de l'enfance.
Ce sera une tâche de la recherche que de mieux situer les réminiscences de l'enfance et les discours qui les enchâssent dans les témoignages, mémoires de familles, œuvres littéraires ou artistiques par rapport aux contextes sociaux et moments de l'existence qui, spontanément ou artificiellement, en favorisent l'évocation. Sans doute les relations intergénérationnelles dans la famille et les rituels qui s'y déroulent constituent le lieu initial d'émergence et de redéfinition des mémoires familiales contemporaines et de leurs mises en forme, mais des instances extérieures à la famille en influencent aussi la production et les formes comme l'a montré Françoise-Romaine Ouellette pour le processus d'adoption [51]. Enfin, la transmission de savoirs en dehors de la famille, la séparation grandissante des âges dans la vie sociale, l'absence de repères historiques et la distanciation face à la famille d'origine issue de l'affirmation individuelle conduisent à la valorisation mythique du passé et de l'enfance.
Les moyens de conservation des souvenirs, incluant les possibilités techniques nouvelles pour la création et la reproduction de documents personnels écrits et visuels, sont des phénomènes qui pourraient élargir les possibilités d'invention de mémoires collectives ou de mémoires personnelles, atténuant peut-être l'effet inverse de dispersion qui découle de la complexité des systèmes familiaux et des ruptures de liens.
Faut-il le souligner, le récit de souvenirs d'enfance figurait déjà au début du siècle parmi les récits du terroir [52]. Associé à la vieille maison et à la nostalgie du monde rural, le genre ne relevait pas de l'avancée en âge, ni de la psychologie qui trouvait alors peu d'adeptes. Il émergeait des déracinements engendrés par l'urbanisation. Malgré les transformations familiales actuelles et les changements des [248] représentations de l'enfant qui semblent nous éloigner du culte de l'enfant-roi, il est plausible que la tendance à l'individualisation des rapports sociaux va contribuer à la création de mémoires de l'enfance. Par-delà l'histoire vécue dans une famille donnée, la spécificité des souvenirs d'enfance et certaines caractéristiques de l'expérience enfantine constituent l'enfance en un mythe d'origine survolant l'existence. C'est cette dimension mythique qu'évoque Fernand Dumont dans une réflexion sur « existence et mémoire », où le rappel du jeu de l'enfance ouvre à l'imaginaire et à la liberté : le jeu « est un milieu où l'enfant s'ébroue et dont ses actions futures seront comme l'éclatement et les débris, laissant subsister de cette totalité défunte ce parfum de nostalgie qui nous fait adulte et qui nous fait souvenir du temps perdu [53] ».
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[1] Fernand Dumont, Parler de septembre, Montréal, L'Hexagone, 1970, p. 39.
[2] Témoignages cités dans Jacques Grand'Maison et Solange Lefebvre, La part des aînés, Montréal, Fides, 1994, 362 p. En particulier le chapitre V signé par Solange Lefebvre : « Le travail de la mémoire ».
[3] Chantal Collard, « Parenté et communauté à Rivière-Frémiotte, 1880-1960 », Anthropologie et sociétés, « Parentés au Québec », 1985, 9, 3, p. 57-87. Voir aussi les articles de Brigitte Garneau et Andrée Roberge dans ce numéro.
[4] Andrée Fortin, avec la collaboration de Denys Delage, Jean-Didier Dufour et Lynda Fortin, Histoires de familles et de réseaux. La sociabilité au Québec d'hier à demain, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1987, 224 p. Renée B.-Dandurand et Françoise-Romaine Ouellette, Entre autonomie et solidarité. Parenté et soutien dans la vie des jeunes familles montréalaises, rapport de recherche présenté au Conseil québécois de recherche sociale, Institut québécois de recherche sur la culture, 1992.
[5] Fernand Dumont, L'anthropologie en l'absence de l'homme, Paris, Presses universitaires de France, 1981, p. 259.
[6] Jacques Le Goff, Histoire et mémoire, Paris, Gallimard (collection Folio Histoire), 1988, p. 105-177.
[7] Georges Duby, « Mémoires sans historien », Mémoires. Nouvelle revue de psychanalyse, 15, printemps 1977, p. 214-220.
[8] Christiane Klapish-Zuber, La maison et le nom. Stratégies et rituels dans l'Italie de la Renaissance, Paris, Éditions de l'École des Hautes Études en Sciences sociales, 1990, chapitre I, « L'invention du passé familial ».
[9] Pierre Nora, « Entre mémoire et histoire », dans : Pierre Nora (sous la direction de), Les lieux de mémoire, tome I, La République, Paris, Gallimard, 1984, p. XVII-XLI.
[11] Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Les Éditions de Minuit, 1980, chapitre 3, « Structure, habitus, pratique ».
[12] Voir, entre autres : Daniel Bertaux et Isabelle Bertaux-Wiame, « Le patrimoine et sa lignée : transmissions et mobilité sociale sur cinq générations », Life Stories/Récits de vie, 4, 1988 et Annette Langevin, « Le dit et le non-dit de la mémoire filiale : le salariat maternel dans les récits de frères et de sœurs », dans : Bernadette Bawin-Legros et Jean Kellerhals (sous la direction de), Relations intergénérationnelles. Parenté-transmission- mémoire, Liège, Étienne Riga, 1991, p. 211-223.
[13] Les travaux de Martine Ségalen sont ici importants. Pour une vue d'ensemble des changements des systèmes de parenté à l'arrière-plan de ces phénomènes, voir sa présentation de « Parentés et parentèles », dans : Martine Ségalen, Sociologie de la famille, Paris, Armand Colin, 1981, chapitre 2.
[14] Anne Muxel, « La mémoire familiale », dans : François de Singly (sous la direction de), La famille, l'état des savoirs, Paris, La Découverte, 1991, p. 250-261.
[15] Éric Mansion-Rigaud, L'enfance au château. L'éducation des élites françaises au XXe siècle, présentation de Jacques Revel, Paris, Éditions Rivages, 1990, 317 p.
[16] Béatrix Le Wita, « La mémoire familiale des Parisiens appartenant aux classes moyennes », Ethnologie française, XIV, 1, 1984, p. 57-66.
[17] Josette Coenen-Huther et Jean Kellerhals, Malik Von Allmen, Les réseaux de solidarité dans la famille, Lausanne, Réalités sociales, 1994, p. 42-43.
[18] L'expression est de Joëlle Deniot, « Une trame d'objets anodins », Des soeurs, des frères. Les méconnus du roman familial, Autrement, Série « Mutations », 132, février 1990, p. 39-41.
[19] Martine Perrot, « Meubles des champs, meubles des villes », dans : Martine Ségalen et Béatrix Le Wita (sous la direction de), Chez soi. Objets et décors : des créations familiales, Autrement, série Mutations, 137, mai 1993, p. 139-151.
[20] Mihaly Csikszentmihalyi et Eugene Rochberg-Halton, The Meaning of Things, Domestic Symbols and the Self, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, 297 p.
[21] Françoise Zonabend, La mémoire longue. Temps et histoire au village, Paris, Presses universitaires de France (collection Croisées), 1980, 314 p.
[22] Pierre Nora, « Entre mémoire et histoire », op. cit.
[23] Gérard Vincent, « Secrets de l'histoire et histoire du secret », dans : Philippe Ariès et Georges Duby (sous la direction de), Histoire de la vie privée, tome 5, De la Première Guerre mondiale à nos jours, Paris, Seuil, 1987, p. 188.
[24] Anthony Giddens, Modernity and Self Identity. Self and Society in the Late Modern Age, Stanford, Stanford University Press, 1991, chapitre 3.
[25] Vincent de Gaulejac, « Roman familial et trajectoire sociale », Cahiers de sémiotique textuelle, « Le récit d'enfance en question », 12, 1988, p. 70-83.
[26] Voir : Anne Ancelin Schützenberg, Aïe, mes aïeux !, Paris, Épi/La Méridienne, 1993, 204 p.
[27] Serge Tisseron, Tintin et le secret d'Hergé, Éditions Hors collection/Les Presses de la cité, 1993, 111 p.
[28] Martine Ségalen, « L'amour de la généalogie », dans : Martine Ségalen (sous la direction de), Jeux de familles, Paris, Presses du Centre national de la recherche scientifique, 1991, chapitre X.
[29] Jacques Mathieu et Jacques Lacoursière, Les mémoires québécoises, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1991, p. 170.
[30] Renée B.-Dandurand et Françoise-Romaine Ouellette, op. cit., p. 44-45.
[31] Josette Coenen-Huther, « La quête des ancêtres hier et aujourd'hui ou la transformation des traditions en folklore », dans : Bernadette Bawin-Legros et Jean Kellerhals (sous la direction de), op. cit., p. 199-209.
[32] Tamara K. Hareven, « The search for generational memory : Tribal rites in industrial society », Daedalus, 107, nos 3-4, 1978, p. 137-149.
[33] Pierre Bourdieu, Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, 1965, p. 53-54 (cité d'après J. Le Goff, op. cit., p. 161-162).
[34] Norman R. Brown, Stephen K. Shevell et Lance J. Rips, « Public memories and their personal context », dans : David C. Rubin (sous la direction de), Autobiographical Memory, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 137-157.
[35] Philippe Lejeune, « Récits de naissance », dans : Moi aussi, Paris, Seuil, 1986, p. 310-337.
[36] Denise Lemieux et Lucie Mercier, Les femmes au tournant du siècle. Âges de la vie, maternité et quotidien, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989, 389 p.
[37] Fernand Dumont, Parler de septembre, p. 35.
[38] Voir : André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, tome 2, La mémoire et les rythmes, Paris, Albin Michel (collection Sciences d'aujourd'hui), 1965 ; Jacques Le Goff, op.cit., p. 105-177.
[39] Ernest G. Schachtel, « On memory and childhood amnesia », dans : Ulric Neisser (sous la direction de), Memory Observed. Remembering in Natural Contexts, San Francisco, W.H. Freeman and Company, 1982, p. 189-212 ; Scott E. Wetzler et John A. Sweeney, « Childhood amnesia : An empirical demonstration », dans : David C. Rubin (sous la direction de), op. cit., p. 191-201.
[40] Caroline Rovee-Collier et Jeffrey W. Fagen, « La mémoire des nourrissons », La Recherche, 15 (158), 1984, p. 1096-1103.
[41] Samuel Waldvogel, « Childhood memories », dans : Ulric Neisser (sous la direction de), op. cit., p. 73 et suivantes.
[42] Elisabeth Loftus, Mémoire. Comment nous nous souvenons et pourquoi nous oublions, traduit de l'américain par Andrée Yanacopoulo, Montréal, Le Jour Éditeur, 1983, 199 p. ; William F. Brewer (sous la direction de), « What is autobiographical memory », dans : David C. Rubin, op. cit., p. 25-49.
[43] Georges Gusdorf, Mémoire et personne, tome 1, La mémoire concrète, tome 2, Dialectique de la mémoire, Paris, Presses universitaires de France, 1951, 563 p. [Livres en préparation dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]Voir aussi : Esther Salaman, dans : Ulric Neisser (sous la direction de), op. cit., p. 49-63.
[44] Z. M. Istomina, « The development of voluntary memory in children of preschool age », dans : Ulric Neisser (sous la direction de), op. cit., p. 349-365 ; Karen Sheingold et Yvette J. Tenney, « Memory for a salient childhood event », dans : Ibid., p. 201-211.
[45] Sigmond Freud, « Sur les souvenirs-écrans » (1899), dans : S. Freud, Névrose, psychose et perversion, Paris Presses universitaires de France, 1973, p. 113-132 ; Cléopâtre Athanassiou, « Le remaniement des souvenirs », Revue française de psychanalyse, « Des biographies », LII, janvier- février 1988, p. 67-90.
[46] Claude Javeau, « Le temps du souvenir », dans : Daniel Mercure et Anne Wallemack (sous la direction de), Les temps sociaux, Bruxelles, Université de Baeck (collection Ouvertures sociologiques), 1988, 271 p.
[47] Peter Coleman, « The past in the present. A study of elderly people's attitudes to reminiscence », Oral History Journal, 15, 1, 1986, p. 50-59 ; Joseph M. Fitzgerald, « Autobiographical memory : a developmental perspective », dans : David C. Rubin (sous la direction de), op. cit., p. 122-133 ; Judith Strychman, « Au jour le jour : le temps et la personne âgée », dans : Gilles Pronovost et Daniel Mercure (sous la direction de), Temps et société, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1989, p. 191-202.
[48] David Unruh, « Toward a social psychology of reminiscence », Current Perspective on Aging and the Life Cycle, 3, 1989, p. 25-46.
[49] Denise Lemieux et Léon Bernier, « La transmission intergénérationnelle dans l'expression des projets de procréation ou de leur report : une approche qualitative des changements démographiques au Québec », International Journal of Canadian Studies/Revue internationale d'études canadiennes, 8, hiver 1994, p. 85-102 ; Denise Lemieux, « Souvenirs d'enfance », Informations sociales, « Générations », 30, 1993, p. 65-71.
[50] Pierre Bourdieu, « À propos de la famille comme catégorie réalisée », Actes de la recherche en sciences sociales, 100, décembre 1993, p. 32-36.
[51] Françoise-Romaine Ouellette, « L'évaluation professionnelle des demandes d'adoption : la composante affective et l'approche biographique », Revue internationale d'action communautaire, 26/67, printemps 1992, p. 119-127.
[52] Denise Lemieux, Une culture de la nostalgie. L'enfance dans le roman québécois des origines à la période contemporaine, Montréal, Boréal Express, 1984, 242 p.
[53] Fernand Dumont, L'anthropologie en l'absence de l'homme, p. 258.
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