|
RECHERCHE SUR LE SITE
Références bibliographiques avec le catalogue En plein texte avec Google Recherche avancée
Tous les ouvrages
numérisés de cette bibliothèque sont disponibles en trois formats de fichiers : Word (.doc), PDF et RTF |
Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Raymond Lemieux, “Croyances et incroyances: une économie du sens commun”. Un article publié dans l'ouvrage d'André Charron, Raymond Lemieux et Yvon R. Tréroux, Croyances et incroyances au Québec. Chapitre 1, pp. 11-86. Québec : Groupe de recherche en sciences de la religion, Université Laval, 1992, 154 pp. Collection : Rencontres d'aujourd'hui, no 18. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 26 février 2004] Introduction Un certain nombre de constats s'imposent quand on considère l'évolution religieuse des Québécois depuis 30 ans. Ils nous renvoient cependant davantage à des impressions qu'à des analyses rigoureuses : ils représentent des évidences. Quoique souvent paradoxales, ces évidences sont soutenues par des observations que chacun peut aisément vérifier. Elles servent de base, sans qu'on pense à les critiquer, à la plupart des jugements que nous portons, encore aujourd'hui, sur la situation religieuse. Tentons donc, d'abord, d'en résumer les principaux éléments. En premier lieu s'impose la chute des pratiques religieuses, dramatique par son ampleur et sa rapidité, premier signe sans équivoque du relâchement des appartenances. Jusqu'au milieu des années 1960, il était normal pour un Québécois non seulement de se considérer comme catholique mais de se comporter comme tel : aller à la messe, se confesser, faire ses Pâques formaient en quelque sorte les normes d'une vie honnête. Par ses institutions paroissiales et ses œuvres (au sein desquelles se trouvaient naturellement l'éducation des jeunes et les soins aux malades : le système d'enseignement et le système de santé), l'Église constituait la référence obligée pour tout problème moral ou toute question de sens à régler dans la vie quotidienne. Mais déjà il n'en est plus ainsi au début des années 1970. Dans les paroisses urbaines, la pratique dominicale est remise en question. Sans atteindre les planchers qu'elle connaîtra plus tard, sa diminution préoccupe les pasteurs qui s'entendent à dénoncer, du même coup, l'indifférence religieuse en progression et la perte d'efficacité des consignes morales de l'Église. Pour toute une génération parvenue à l'âge adulte avec les années 1960, Humanœ vitae, allant à l'encontre de pratiques en train de devenir communes, signe le constat d'une distance personnelle par rapport à la crédibilité de l'Église et à son droit de gérer la vie personnelle. Pour ces décrocheurs, les principes défendus par l'institution ne collent tout simplement plus aux contraintes du quotidien. Le Rapport Dumont (Commission d'études sur les laïcs et l'Église, 1971) tentera bien, pour contrer ce mouvement, de faire de l'héritage chrétien un projet, en proposant des stratégies de prise de responsabilité par le laïcat, dans l'Église et dans la société. Mais pour la plupart, la distance est déjà prise, les messages ne passent plus. Dans cet effritement, c'est bien sûr d'abord la position dominante de l'institution -Église qui est en cause. Cela se traduit, pour elle, en pertes douloureuses : affaissement des vocations, tant du clergé que des communautés religieuses, départs de beaucoup de ceux sur qui elle comptait et, en conséquence, appréhension du vieillissement des cadres. Beaucoup de religieux et religieuses, membres de communautés dépossédées de leurs projets séculaires, ne trouvent plus de raisons pour continuer de cultiver une identité devenue anachronique, qu'ils vivent non plus comme une propulsion dans l'engagement social, mais comme un frein à J'épanouissement personnel. Cette institution-Église qui, pendant tout un siècle, avait assumé l'encadrement moral et social du peuple, manque de ressources, Sans véritables projets, elle ne peut qu'entretenir les vestiges du passé. Elle se repliera pour un temps sur ses remises en questions internes et sur la redéfinition de son rôle et de sa mission. Aux plans social et politique, elle deviendra discrète (Denault, 1986). Entre la désaffection des masses et les mobilisations communionnelles plus ou moins contrôlées, entre l'exacerbation des charismes et l'approfondissement des symboliques communautaires, entre le lent et frustrant travail d'éducation, toujours à remettre sur le chantier, et les célébrations médiatiques sans lendemains, elle cherche son identité. Entre le silence et l'utopie, le peuple cependant n'arrive plus à la comprendre, ni à la suivre. Témoin du divorce entre l'institution et l'expérience religieuse personnelle, l'Église s'est voulue, par sa crise de conscience et ses interrogations, « dans l'attente du mystère pascal », tel que l'annonçait déjà, en 1967, un analyste engagé comme Jacques Grand'Maison. Elle se retrouve, à l'aube des années 1980, « Église tranquille dans une société volcanique » (1976). Et déjà se profile, sans qu'elle y puisse grand-chose, ce qui s'imposera, finalement, comme diagnostic de la situation religieuse contemporaine : l'individualisme. Développant l'autonomie de la conscience des sujets face aux institutions productrices et régulatrices de sens, celui-ci s'alimentera alors à un marché religieux de plus en plus ouvert, offrant des produits d'autant plus diversifiés que le monopole autrefois exercé par l'institution-Église ne joue plus. Prenant la place des institutions traditionnelles, faisant profit de l'éclatement même des attitudes et des comportements, il prétendra répondre aux besoins plutôt que d'imposer des modèles, dans une forme de « religion à la carte [2] ». Toujours paradoxaux, ces retours, eux aussi, ont commencé à se manifester dès l'époque de la Révolution tranquille, sous forme de « mouvements » récurrents qui ont marqué le catholicisme d'alors et tenté de colmater ses ruptures par rapport au monde moderne : le mouvement catéchétique à la fin des années 1960, le mouvement communautaire au début de la décennie suivante, le mouvement charismatique à la fin de celle-ci (Lemieux, 1990). Dans les années 1980, ces mobilisations ont cependant davantage pris distance par rapport à l'institution-Église. Ce sont désormais les « sectes », les « nouveaux mouvements religieux », les « spiritualités » plus ou moins exotiques qui attirent l'attention. Certes, plusieurs d'entre eux restent des variantes du tronc principal de la culture québécoise catholique, mais d'autres lui sont étrangers, s'alimentant même de traditions et d'expériences exogènes au christianisme. De là le constat d'éclatement de la culture religieuse. Dans cette ébullition, un autre phénomène s'impose aussi à l'attention : celui de la « montée » des fondamentalismes et des intégrismes. Le Québec, certes, est loin d'être une terre de prédilection pour de tels phénomènes où ils restent marginaux, n'attirant que de petits groupes d'adhérents. Rien à voir donc avec les fondamentalismes mass-médiatiques qui animent certains milieux de tradition protestante conservatrice au sud des États-Unis (Bruce, 1990), ni avec les militances intégristes auxquelles est depuis longtemps confronté un certain catholicisme français, encore moins avec les fondamentalismes musulmans qui mobilisent la conscience collective du monde arabe. Les fondamentalismes et les intégrismes sont davantage, ici, des phénomènes individuels, ce qui ne diminue pourtant en rien leur importance. Ils représentent des ensembles de réponses disponibles, associées à des institutions millénaires et à des discours pérennes, offertes à des individus confrontés à l'inconfort de leur rapport au sens et à l'épreuve d'une vie parvenue au seuil de l'éclatement. Lieux refuges, souvent lieux de la dernière chance, ils sont pour leurs adhérents un recours ultime au « croyable », à un croyable d'autant plus solide qu'il s'affirme avec force et se donne comme indiscutable. Mais on sait en même temps qu'ailleurs, notamment dans l'islamisme, l'intégrisme peut être une arme particulièrement puissante, et qu'il est capable de mobiliser des masses à l'encontre même de l'Occident. Pour l'observateur avisé, le développement d'une conscience planétaire, alimentée par la connaissance médiatique de ce qui se passe ailleurs, et le spectacle d'un certain développement sectaire ici, s'associent pour l'amener à s'interroger sur ce retour du religieux. De quoi s'agit-il' ? D'un retour du paganisme ou d'un retour du divin ? D'une part, la prétention du marché religieux à répondre à tous les besoins de sens, à produire des dieux pour toutes les occasions, fussent-elles éphémères, incite à pencher pour le premier terme (Augé, 1982a ; 1982b). L'être humain, on le sait, aime bien se construire des dieux à son image et selon ses besoins. D'autre part, quand on considère la force du recours aux références fondamentales des monothéismes occidentaux (chrétiens, juifs et musulmans), l'association « naturelle » qui peut exister entre ces traditions quand elles sont confrontées à l'indifférence et au matérialisme, quand on considère la logique fondamentaliste elle-même dans sa présentation de l'histoire comme une réalité déterminée par la volonté divine, ici et maintenant, on peut certes être tenté de parler d'une « revanche de Dieu » (Keppel, 1991). Nous ne discuterons évidemment pas ici, malgré l'intérêt que pourrait présenter une telle digression, des assises théologiques et idéologiques de cet historicisme religieux, qui est peut-être en train de prendre la relève de l'historicisme matérialiste, depuis que celui-ci est devenu trop difficilement soutenable en conséquence de l'effondrement du marxisme. Si un certain christianisme est susceptible de renaître de ses cendres, dans une histoire qui serait essentiellement une histoire religieuse, le retour du religieux atteste d'une volonté de régression en deçà de la sécularisation, pour retrouver les fondements divins de la société et rétablir, enfin, la chrétienté. Les intégrismes de toutes sortes ne seraient que les premiers indicateurs d'un tel mouvement. Associés aux surgissements plus ou moins « sauvages », parce que difficilement contrôlables, des sectes et des spiritualités, ils sont, malgré leur marginalité, des mises en causes, des fractures de l'homogénéité culturelle de l'Occident. Sans doute aussi, en cela, sont-ils des symptômes du malaise, de la difficulté de vivre et des impasses que ne cesse de générer une société technocratique incapable de proposer du sens qui tienne. On les voit en effet sans cesse apparaître comme des réappropriations du spirituel là où le sens est en manque. En deçà de ces « mobilisations » plus ou moins éphémères, relevant souvent davantage de l'émotion que du dogme ou de la politique (Champion et Hervieu-Léger, 1990), et au-delà de l'effondrement des pratiques, il est aussi d'autres phénomènes qui manifestent de surprenantes fidélités aux traditions. Dans tous les sondages réalisés au cours des dernières années, environ 85% des Québécois se disent toujours catholiques, même s'ils ne « pratiquent pas », c'est-à-dire s'ils ont cessé d'assister à la messe dominicale et n'ont à peu près pas de rapports avec leur paroisse. Près de 90% font baptiser leurs enfants à la naissance ; autant passent par l'église lors des funérailles de leurs proches. Même si plus du tiers des enfants naissent de parents non mariés légalement, le nombre des mariages religieux, à Montréal tout au moins, double celui des mariages civils qui pour-tant, eux, enregistrent la totalité des deuxièmes ou subséquents mariages. Qui plus est, de 80 à 90% des parents des enfants du primaire catégorie d'âge de 25 à 45 ans, donc parmi les moins pratiquantes par ailleurs - inscrivent leurs enfants à l'enseignement moral et religieux catholique... Là aussi on nage en plein paradoxe, parce que la persistance de ces comportements conformistes s'accompagne d'une diminution de la confiance accordée aux institutions religieuses par les individus (Bibby, 1991). Victimes d'une surmédiatisation de scandales sexuels ou financiers, celles-ci sont de plus en plus ouvertement discréditées, parfois diffamées. Au Québec comme dans le reste du Canada ou aux États-Unis (Wuthnow, 1991), la très grande majorité des adultes, s'ils sont « croyants », considèrent qu'ils peuvent eux-mêmes gérer leur vie religieuse, qu'ils n'ont que peu besoin des institutions ecclésiastiques pour ce faire. Surtout, il semble n'y avoir que très peu de relations entre cette vie religieuse et le reste de la vie humaine, notamment les engagements qu'on prend ou qu'on ne prend pas dans la société. Les relations entre l'Église et l'école, du point de vue de l'identité religieuse des Québécois, devraient nous donner matière importante à réfléchir. Quel est le sens de cette Pratique religieuse scolaire qui représente, pour bien des parents qui inscrivent leurs enfants à l'enseignement moral et religieux catholique, leur seule pratique religieuse effective ? Il nous faut reprendre, pour étayer cette réflexion, les observations faites par Micheline Milot (1990 ; 1991) dans son enquête sur les motivations des parents. Les réponses de ces derniers démontrent non pas une paresse ou une crainte qui empêcherait d'abandonner une pratique qui n'a plus de sens, mais une véritable demande. Les parents tiennent à l'enseignement religieux catholique. Ils y tiennent parce que la religion est pour eux un héritage familial. Ils veulent donner à leurs enfants ce qu'ils ont eux-mêmes reçu, même s'ils en ont abandonné les normes, pour leur laisser le choix d'abandonner, à leur tour, si telle est leur évolution personnelle. Devant la fragilité de la vie, la religion représente pour eux un ensemble d'« étais fondamentaux de ]'existence » qu'il serait risqué d'oublier, encore plus de renier, parce qu'on ne sait jamais quand on en aura besoin... Le catholicisme reste ainsi un outil privilégié d'appropriation symbolique de la culture. Il est un élément de la personnalité des Québécois qui a paradoxalement peu changé depuis vingt ans. Colette Moreux (1969), dans son enquête de la fin des années 1960, le trouvait déjà ainsi. Mais dans la référence catholique, ce ne sont pas les mots d'ordre ni les orientations concrètes qui sont recherchés. Au contraire, plusieurs des témoignages rapportés indiquent que le passage de l'éducation religieuse à la seule responsabilité de l'Église - si elle était assumée par les paroisses, par exemple - serait mal vu. On craint plus qu'on ne désire une religion d'église à laquelle on attribue un militantisme outrancier et les images négatives de la religion d'« autrefois », dont celle du « bourrage de crâne ». On accepte et on demande, par ailleurs, une religion d'école, en lien imaginaire avec la famille qui, malgré son éclatement, reste l'agent initiateur de la culture religieuse. Le catholicisme, dans la continuité de la référence identitaire qu'on y fait et les équivoques mêmes de sa position institutionnelle, représente ce que nous appellerions volontiers la culture primordiale des Québécois. Il est un « lieu diffusion de schèmes culturels fondamentaux présumés partagés par le groupe social » (Milot, 1991a). Cette culture primordiale, voulue par la famille, transmise par l'école, assure sa stabilité et sa légitimité en s'appuyant sur le savoir et la maîtrise des technologies de transmission attribués aux maîtres, plutôt que sur les traditions et l'autorité de l'Église. Cette culture primordiale, cependant, ne fournit pas nécessairement des outils pour la gestion de la vie quotidienne. Elle s'affirme au niveau du dire plutôt qu'à celui du faire. Elle se caractérise même par une rupture, de plus en plus profonde, entre le dire et le faire. L'identité religieuse, en effet, se traduit peu en pratiques et en engagements. On déplore partout ce non-engagement, y compris dans les milieux d'enseignement de la religion. Il s'associe à la méconnaissance de la vie ecclésiale et à l'indifférence par rapport a ses valeurs communautaires. On peut même voir une antinomie entre ces valeurs, telles qu'annoncées par l'Église, et les valeurs de compétitivité promulguées par l'école. Si la culture primordiale des Québécois est catholique pour une large part, il n'est plus du tout évident qu'il en soit de même de leur culture commune, dans la mesure où celle-ci se fait de « consensus de base sur l'art de vivre ensemble » (Harvey, 1991). Ces consensus, pris à la culture technicienne, s'imposent à tous au-delà des identités traditionnelles, des appartenances communautaires, voire des différences et des conflits auxquels sont soumis les individus mis en demeure de faire leur place dans la société. * * * Effondrement du ciel québécois, retour du religieux, continuité du catholicisme, quand on considère la culture religieuse des Québécois, on est en présence de paradoxes apparents qui laissent beaucoup de questions ouvertes. Que pensent les Québécois ? Quelles sont les représentations du monde qui peuvent soutenir un tel univers bigarré de pratiques religieuses ? En quoi croient-ils ? Sont-ils finalement croyants ou incroyants ? Nous n'aborderons pas ici ces questions dans leurs incidences philosophiques, puisque nous avons déjà tenté de le faire ailleurs (Lemieux, 1992). Pour leur traitement théologique, nous renverrons aussi à d'autres travaux, notamment à ceux de Michel de Certeau (1983 ; 1985 ; 1987) et de Claude Geffré (1983 ; 1987 ; 1991). Nous les aborderons par le biais des recherches empiriques que nous avons menées, avec l'équipe du Groupe de recherche en sciences de la religion de l'Université Laval, depuis qu'a été lancé, en 1985, son programme de recherche sur « les croyances des Québécois ». À l'aide de certaines des données recueillies, nous tenterons de cheminer dans l'univers religieux de ces derniers, de façon à y repérer les cohérences qui le structurent, parfois à l'insu des agents qui y diffusent des savoirs ou des doctrines. Dans ce cheminement, deux préalables doivent cependant être posés : 1. Nous ne chercherons pas à savoir si les Québécois sont croyants ou incroyants, mais nous chercherons à comprendre quels sont les rapports qu'ils entretiennent avec le monde des « croyances », étant données les caractéristiques de ce monde telles qu'elles se laissent appréhender empiriquement. Croire, pour nous, est un impératif anthropologique antérieur aux formulations religieuses ou institutionnelles qui lui sont données par une société particulière. C'est un geste inhérent à la vie en société. En effet, dès lors qu'on entre en relation avec quelqu'un d'autre, avec un autre sujet porteur d'une histoire particulière et de désirs propres, on est appelé à poser le geste de croire parce que rien, a priori, ne garantit la bonne foi de cet autre, comme rien ne garantit, pour lui, notre propre bonne foi à son égard. Les « croyances » ne sont dès lors que les manifestations, les énoncés qui traduisent et actualisent ce rapport au croire. 2. S'il en est ainsi, croyance et incroyance sont des termes concomitants. Il s'agira donc moins pour nous de diviser le monde entre croyants et incroyants que de tenter de saisir comment, pour chacun, se pose concrètement la question du croire, assumant qu'on est toujours, de quelque façon, l'incroyant de quelqu'un d'autre qui croit autrement. Il va sans dire que dans une telle problématique, on ne peut plus réduire les croyances à l'univers religieux tel qu'on le considère communément. Tout énoncé, quel que soit son objet, dès lors qu'il pose l'existence de réalités objectives mais indémontrables par les modes courants de la démonstration logique ou empirique, est bien évidemment pour nous un énoncé de croyance. Cette extension du terme est capitale si on veut couvrir tout le champ des croyances, et non seulement celles qu'énoncent les traditions religieuses établies. * * * Cela dit, trois points méritent d'être développés dans la suite de ce texte. Le premier concerne la complexité, le caractère déroutant et finalement la cohérence de l'univers des croyances. Sommes-nous dans un univers aussi anarchique et sans loi qu'on peut le penser, à première vue ? Qu'en est-il de cette « nébuleuse ésotéro-mystique » (Champion, 1990) qui semble désormais, avec ses paradoxes, strier le ciel des Québécois" Le deuxième concerne sa régulation, c'est-à-dire les modes par lesquels une logique, un certain nombre de lois déterminent ce monde des croyances. Qu'est ce qui le structure ? À quelle sorte de règles répond-il ? Pourquoi choisit-on telle croyance plutôt que telle autre ? Enfin, le troisième point consistera à questionner d'une façon un peu plus serrée le sens de ce rapport aux croyances, et particulièrement des croyances chrétiennes puisqu'elles représentent, dans cet univers, un ensemble de références majeures aux assises historiques bien affirmées et que ce sont bien elles qui sont en cause dans la dichotomie « croyance <---> incroyance ». [1] L'expression a été utilisée, dès le début des années 1970, par un journaliste chevronné dans les prestigieuses Informations catholiques internationales (WOODROW, 1972), et répercutée sous toutes sortes de formes : « Le Québec n'est plus un pays de chrétienté » (PROULX, 1974). [2] Ce phénomène a été particulièrement mis en lumière et documenté par Reginald BIBBY (1990 ; 1988). Notons qu'il ne s'observe pas seulement au Québec, mais dans l'ensemble du Canada, des États-Unis et, à des degrés variables, de l'Occident.
|