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LA STRUCTURATION DU POUVOIR
DANS LES SYSTÈMES POLITIQUES
Avant-propos
Cet ouvrage porte, comme son titre l'indique, sur la structuration du pouvoir dans les systèmes politiques. Le pouvoir en est la notion centrale, mais il est traité dans une perspective systémique où les relations de pouvoir prises une à une n'ont guère de sens, contrairement à ce qui demeure la pratique en science politique.
Les systèmes politiques, entendus comme systèmes de gouverne des affaires publiques, sont ceux sur lesquels porte l'étude des relations de pouvoir. La division de l'ouvrage en cinq parties suit le précepte de Le Moigne (1984) quant à l'étude des systèmes. Ceux-ci, d'après-lui, sont des objets structurés (1re partie) et finalisés (2e partie) dans un environnement (3e partie), où ils sont actifs (4e partie) et évolutifs (5e partie).
Ce n'est pas un hasard si la notion de structure vient la première. Dans les relations de pouvoir, ce sont les structures qui nous importent surtout. Nous postulons qu'elles intéressent aussi les acteurs politiques, qui cherchent à occuper des positions satisfaisantes dans ces structures dont ils ont une perception plus ou moins claire. Nous postulons aussi que la connexité et la cohésion des relations de pouvoir sont nécessaires au maintien des collectivités, et que la régulation opérée par les systèmes politiques consiste fondamentalement à établir ou à rétablir ces propriétés structurales.
Chacune des cinq parties de l'ouvrage contient quelques chapitres, relativement brefs. L'énoncé d'une proposition annonce le propos du chapitre. Les propositions sont parfois classificatoires, parfois prédictives, parfois épistémologiques ou méthodologiques. C'est dire que la construction théorique n'est pas hypothético-déductive, même si elle tourne autour de quelques notions centrales, articulées entre elles. Les troisième et quatrième parties tentent [viii] d'utiliser au mieux les enseignements respectifs de la cybernétique et de la théorie des jeux, tout en montrant comment on peut les enrichir par l'introduction d'une perspective structurale. La dernière partie s'inspire de la théorie du changement de M.G. Smith (1960), qui est réinterprétée à partir de ce qui a été posé précédemment. La formulation d'une loi de la transformation du pouvoir termine cette partie et donne une conclusion à l'ouvrage.
Les propos théoriques sont illustrés constamment par des exemples. À quelques exceptions près, ils ne sont pas de nature historique, mais ils renvoient plutôt à des phénomènes courants dans le monde politique. La plupart des exemples sont pris dans les sociétés démocratiques modernes, mais la théorie a la prétention de s'appliquer également à d'autres types de sociétés, dont les sociétés dites « primitives », qui ont fait l'objet de nos premières recherches théoriques, ou encore les sociétés modernes non démocratiques parce que non compétitives, dont nous avons traité dans un ouvrage, de nature comparative, sur les systèmes partisans et les partis politiques (Lemieux, 1985a). Quoi qu'il en soit, comme nous le notons à la toute fin de l'ouvrage, les constructions théoriques sont faites pour être désorganisées, à condition de les réorganiser de meilleure façon. Pour avoir beaucoup pratiqué cette opération, qui ne va pas sans peine, nous reconnaissons à l'avance aux autres ce même droit sur cet ouvrage.
Certains aspects de la théorie ont été discutés avec Réjean Landry, dont le sens critique nous a beaucoup aidé. André J. Bélanger a pris la peine de lire attentivement une première version de l'ouvrage. Il nous a fait de nombreuses suggestions, dont la plupart ont été suivies. Nous les remercions tous deux de leur contribution. Même s'ils n'ont pas toujours réussi à nous convaincre, ils nous ont au moins permis d'éviter quelques fausses routes où nous étions trop aveuglément emporté.
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