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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Albert LOPEZ, “La population réunionnaise: histoire d’une transition démographique.” Un article publié dans la revue Expressions. Revue de recherches disciplinaires et pédagogiques, no 7, décembre 1995, pp. 27-46. Publication de l'IUFM de la Réunion. [Autorisation formelle accordée par Mme Laurence Pourchez le 25 juin 2010 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

[27]

Albert LOPEZ

I.U.F.M. de la Réunion

La population réunionnaise:
histoire d’une transition démographique
”.

Un article publié dans la revue Expressions. Revue de recherches disciplinaires et pédagogiques, no 7, décembre 1995, pp. 27-46. Publication de l'IUFM de la Réunion.


Introduction

Première partie.
UNE TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE ATTARDÉE

A. Le cadre conceptuel de la transition démographique
B. La transition démographique à la réunion

Deuxième partie.
LES FACTEURS EXPLICATIFS

A. L'effondrement de la mortalité
1. La mortalité générale et la mortalité infantile
2. La transition épidémiologique
B. La natalité : une évolution complexe
1. L'influence de la structure par âge et par sexe
2. L'influence de la fécondité
a) L'Évolution de la fécondité.
b) La fécondité par âge
c) Une reprise de fécondité chez les 25-39 ans depuis 1988
C. Les migrations

Troisième partie.
LES EFFETS SUR LA STRUCTURE PAR ÂGE ET PAR SEXE

A. L'évolution des groupes d'âges
B. La surmortalité masculine
C. La pression sur la formation et l'emploi
a) L'évolution des effectifs scolaires
b) Une forte pression sur l'emploi
Conclusion


Introduction

La transition démographique s'amorce à La Réunion dès le début des années 1930, mais ce n'est que 20 ans plus tard, avec la départementalisation, qu'elle s'amplifie et que se produisent de profonds changements comportementaux tant sur le plan de la fécondité que sur celui de la mortalité. La natalité culmine en 1952 avec un taux record de 51,3 p 1,000 tandis que la mortalité s'effondre et que le taux d'accroissement naturel passe par son maximum - 3,3% - en 1963. La ressemblance avec d'autres modèles de transition courte s'arrête là ; la transition démographique réunionnaise, depuis la fin des années 1970 s'attarde avec un croit de 1,6 à 1,8%, soit plus de 3 fois celui de la métropole et se complique par des effets de structure d'âges.

Cette étude propose de retracer les grandes étapes de cette transition démographique et de dégager les traits les Plus originaux du paysage démographique actuel :

- une fécondité en légère, mais inéluctable baisse. Jamais un pays n'est passé en si peu de temps de la famille nombreuse - plus de 6 enfants par femme en 1967 - à la famille réduite - 2,4 aujourd'hui -. La récente remontée des naissances - plus de 13,000 depuis 1988 et plus de 14,000 en 1991 et 1992 - s'explique par l'arrivée des classes d'âges nombreuses issues des années 1960 dans les âges à forte fécondité ; il faut retourner à1971 pour retrouver de tels effectifs de naissances.

- une très faible mortalité (5,3 p 1,000) qui a atteint vraisemblablement son déclin maximum compte tenu du vieillissement qui va s'accélérer. Si qualitativement [28] elle se rapproche du modèle métropolitain, elle conserve cependant un certain nombre de spécificités (alcoolisme, suicides, traumatologie, pathologies héréditaires, etc.).

- une surmortalité masculine des plus élevées du monde (environ 10 ans de différence d'espérance de vie entre les hommes et les femmes).

- une forte montée en charge des adultes qui exerce une lourde pression sur la formation et sur l'emploi.

C'est donc un paysage démographique complexe qui caractérise La Réunion et qui résulte d'un télescopage de l'histoire et d'une évolution plus récente, moins perceptible, mais tout aussi fondamentale s'inscrivant dans la plus grande mobilité des populations et dans le brassage des comportements.

1re partie :

UNE TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE
ATTARDÉE

A. Le cadre conceptuel
de la transition démographique

Selon le modèle désormais bien connu de la transition démographique, elle est le passage d'un équilibre pré-transitionnel défini par une natalité et une mortalité élevées engendrant un très faible accroissement et une espérance de vie oscillant entre 20 et 40 ans, à un équilibre post-transitionnel caractérisé par une natalité, une mortalité et un accroissement faibles s'accompagnant d'une espérance de vie supérieure à 70 ans.

La transition démographique se définit par sa durée et par son amplitude qui conditionnent directement l'évolution numérique de la population durant cette transition. Sans viser l'analyse exhaustive du phénomène, on peut considérer 3 grands modèles de transition démographique :

- Dans les pays développés d'Europe, cette transition s'est amorcée très tôt (fin XVIIIème à début XIXème siècle) et a été longue (1 à 1,5 siècle), de faible amplitude (1,5 à 1,6% d'accroissement au cœur de la transition démographique). Elle a accompagné les grands bouleversements économiques, sociaux et culturels de la révolution industrielle.

- Dans les pays en voie de développement, la transition démographique est récente, (postérieure dans la plupart des cas, ou juste antérieure, à la [29] 2ème guerre mondiale), donc courte, de forte amplitude (3 à3,5% voire 4% d'accroissement) et inachevée. La natalité qui atteint encore des niveaux élevés, combinée à une mortalité en baisse, continue de dégager un accroissement important de population. Dans ces Pays, les transitions démographiques sont fragiles car elles n'ont pas été générées par des facteurs intrinsèques de développement et restent souvent placées sous l'influence d'une forte dépendance extérieure et/ou de ruptures d'équilibre interne.

- Dans le dernier modèle, dit accéléré, on rencontre des pays comme le Japon et de nombreux petits états (Singapour) souvent insulaires (Maurice, La Réunion, Antilles ou Îles du Pacifique) où des bouleversements économiques et politiques récents ont eu des retentissements forts sur des populations à faible inertie. On y décèle des transitions démographiques courtes de 30 ou 40 ans à forte amplitude (3,4% pour La Réunion en 1963).




B. La transition démographique
à la réunion (fig. ci-dessous)

Jusqu'au début du XXème siècle (1902) les décès restent supérieurs aux naissances. Le taux de mortalité, si l'on excepte les aléas climatiques et épidémiques, évolue peu et se maintient entre 25 et 35 p 1,000 durant la dernière moitié du XIXème siècle tandis que la natalité, fortement grevée par un sex-ratio déséquilibré, se situe toujours en deçà. Le changement de tendance qui se produit [30] dès 1902 est à mettre principalement en relation avec une fécondité dopée par un meilleur équilibre des sexes : les naissances de 1926 (au nombre de 7,557) sont de 65% supérieures à celles de 1902 (4,587). Cependant le taux de mortalité, compris entre 25 et 30 p 1,000 jusqu'en 1931 (voire 32,9 p 1,000 en 1931), limite l'accroissement qui reste inférieur à 1000 individus par an et c'est en ce sens que l'on peut parler d'un "faux départ" de la transition démographique.

À partir de 1931 se produit un brutal changement et les 2 courbes de natalité et de mortalité se séparent de plus en plus nettement. On peut distinguer dans cette évolution 4 grandes périodes :

- Durant la 1ère, allant de 1931 à 1952, la natalité "s'envole" et les naissances atteignent 13,231 en 1952 soit 75% de plus que celles de 1931 avec un taux de natalité record de 51,3 p 1,000. La mortalité, quant à elle, fléchit et passe durant cette période de 6,507 à 4,677 décès ce qui représente une baisse de 28%. Le taux de mortalité, lui, amorce une chute encore plus spectaculaire en passant de 32,9 à 18,1 p 1,000. Cette phase introduit une dynamique démographique nouvelle avec, pour la première fois dans l'histoire de La Réunion, un rapide essor de l'excédent naturel - 1,500 à 2,000 personnes à la fin des années 1920 à plus de 8,000 personnes au début des années 1950 ce qui représente un passage de 1 à 3% pour le taux d'accroissement annuel -. La population s'accroît durant cette étape d'une vingtaine d'années, de 197,933 à 257,700 habitants, soit de 30% ou 1,2% par an.

- la 2ème phase, allant de 1952 à 1967, représente le cœur de la transition démographique. Si les naissances continuent d'augmenter jusqu'en 1965, le taux de natalité, lui, décline à partir de 1952 sous l'effet d'un rythme d'accroissement plus grand de la population. Il reste cependant supérieur à 40 p 1,000 tandis que la mortalité continue de s'effondrer en passant de 18,1 à 8,7 p 1,000. Durant toute cette période le taux d'accroissement naturel dépasse 3% et l'excédent naturel moyen, plus de 10,000 personnes par an. Le record est atteint en 1965 avec un accroissement naturel de plus de 13,000 individus (16,869 naissances et 3,806 décès). La population réunionnaise passe de 257,700 à 392,900 hab ce qui représente une augmentation de plus de 52% en 15 ans, soit 2,85% par an. Cet accroissement, inférieur à l'accroissement naturel, est dû aux premiers courants migratoires encouragés (création du BUMIDOM en 1963).

- La 3ème phase comprise entre 1967 et 1,980 débute par une chute des naissances. De 15,957 à 12,272 naissances, leurs effectifs enregistrent une diminution de 23%. Le taux de natalité continue de baisser et passe de 38,6 à 24,5 p 1000. Le taux de mortalité fléchit de 8,7 à 6,5 p 1,000 ce qui entraîne conséquemment une chute de l'accroissement de 3 à près de 1,8%. L'accroissement de la [31] population réunionnaise va considérablement se ralentir sous l'effet conjugué de la baisse des excédents naturels et de l'encouragement de l'émigration. De 392,900 en 1967 la population atteint 501,200 hab en 1980 ce qui représente un croît de 27,5% en 13 ans ou 1,89% par an.

- Enfin la dernière phase se caractérise par la stagnation des variables jusqu'en 1992. De 1980 à 1992 le taux de natalité fluctue entre 23 et 24,5 p 1,000 et le taux de mortalité fléchit légèrement de 6,5 à 5,5 p 1,000. La transition démographique va dès lors se caractériser par un quasi parallélisme des courbes dégageant un accroissement voisin de 1,8% durant cette période. Cette pause dans son évolution constitue une situation originale caractérisant une transition démographique attardée comme si La Réunion avait autant de mal à en sortir qu'elle en avait eu pour y entrer. Il s'agit là d'un modèle tout à fait spécifique entre les évolutions constatées dans les pays développés et celles des pays en voie de développement. La population passant de 501,200 à 597,828 au dernier RGP de 1990 enregistre une augmentation de 19,3% soit 1,77% par an.


IIème Partie.

LES FACTEURS EXPLICATIFS


A. L'effondrement de la mortalité

Le taux brut de mortalité a atteint aujourd'hui avec 5,1 p 1000 en 1993 l'une des valeurs les plus basses au monde et le taux de mortalité infantile talonne celui de métropole. Leur chute est le résultat de la conjonction entre les effets cumulés d'une structure par âge jeune, d'une logistique de santé très performante et du développement de l'instruction et du niveau de vie des populations.

1. La mortalité générale et la mortalité infantile

a) La mortalité générale : une baisse spectaculaire.

Évolution de la mortalité générale entre 1951 et 1993

1951

1961

1971

1981

1993

Taux p 1,000

18,6

11,5

7,7

6,2

5,1

Variation en %

-38,1

-33

-19,5

-17,7

Variation 1951/93 en %

-72,5


[32] On constate que cette diminution de la mortalité se ralentit dans le temps. En effet, comme cela sera expliqué plus loin, la chute rapide des premières années est liée à l'élimination rapide des causes exogènes (maladies infectieuses et parasitaires).

Les gains de santé à tous les âges vont entraîner une hausse rapide de l'espérance de vie :

Période

1951/55

1963/67

1972/76

1981/82

1988/90

Espérance de vie

50,5 ans

59,3 ans

64,5 ans

68,7 ans

73,4 ans


b) La mortalité infantile : une des baisses les plus rapides au monde

En 1951, le taux de mortalité infantile était de 164,4 p 1,000, soit celui de la métropole en 1900. Entre 1952 et 1954, les décès des 0-4 ans représentaient 55% du total des décès, et entre 1960 et 1962, encore plus de 46%. En 1971, le taux de mortalité infantile atteignait 47,8 p 1,000 et le retard n'était plus que d'une vingtaine d'années sur la métropole qui accusait le même taux en 1952/53. La moyenne 1990-91-92 - 6,8 p 1,000 – serait * même inférieure à celle de la métropole - 7,3 - et s'établirait * à la 3ème place mondiale après celles du Danemark et des Pays-Bas.

Évolution des composantes de la mortalité infantile

1951

1961

1971

1981

1991

Métro (1991)

I.S

Mort. post-néonatale

119,2

65,1

16,1

5

3,2

3,8

0,84

Mortalité néonatale tardive

45,2

29,8

31,1

8,1

0,8

1,1

0,73

Mortalité périnatale

86,2

65,3

61,9

24,5

13,5

8,3

1,6

Mortinatalité

56,5

43,6

39

19,3

10,4

5,9

1,8

% accouchements/domicile

77,4

73,5

39,7

7,6

1

1

I.S : Indice de surmortalité par rapport à la métropole.


[33] On constate dans le tableau ci-dessus que l'essentiel des conquêtes de la mortalité infantile s'est produit contre la mortalité exogène. Depuis 195 1, la mortalité post-néonatale (29j à 1 an) a été divisée par 37 et la mortalité néo-natale tardive (8j à 28j) par 56. Le recul de cette mortalité s'explique aisément par les premiers effets de la départementalisation consistant en une rapide éradication des maladies infectieuses et parasitaires, en particulier du paludisme, en l'amélioration des niveaux de vie, principalement de la nutrition et en un développement des infrastructures et des professions médicales. Ces composantes sont même passées aujourd'hui sous le niveau métropolitain avec des indices inférieurs à 1. Pour la mortalité périnatale et la mortinatalité, on constate que la diminution est restée faible jusqu'en 1971, et qu'elle s'est s'accélérée ensuite. Entre 1951 et 1991, la première a été divisée par 6,5 et la seconde par 5,5. Le niveau de cette mortalité endogène demeure beaucoup plus élevé qu'en métropole avec des indices respectivement de 1,6 et 1,8. La persistance de cette causalité endogène reste liée à des aspects comportementaux plus difficiles à faire évoluer (consanguinité, alcoolisme, complications intra-utérines résultant d'un non suivi des grossesses et surtout à l'importance jusqu'à ces dernières années, du nombre d'accouchements à domicile). Jusqu'en 1970, la mortalité infantile était si grande que l'espérance de vie à 1 an était plus élevée que celle que pouvait avoir un enfant à la naissance.

2. La transition épidémiologique

Pour les détails de la transition des causes de décès on pourra utilement se reporter aux travaux suivants (INFOSTAT de la DDASS ; A. LOPEZ 4 et 5). Rappelons que la théorie de la transition épidémiologique a été formulée il y a un quart de siècle par Abdel R. OMRAN, épidémiologiste de l'École de Rochester (USA), pour expliquer les modifications quantitative et qualitative de la mortalité accompagnant la transition démographique.

Ce chercheur met en évidence dans la transition démographique et dans l'évolution temporelle de la mortalité une lente modification des causes de décès. Celle-ci consiste dans le passage d'une mortalité dominée par les pathologies infectieuses, parasitaires et de carence à une mortalité dominée par les pathologies dégénératives, chroniques et comportementales (cancers, maladies cardio-vasculaires, maladies mentales, accidentalité... etc.). Ce bouleversement causal de la mortalité est responsable de son effondrement et donc de l'allongement de la vie.

Jusqu'en 1950, le paludisme était la principale cause de décès : 40,5% en [34] 1903-1906, 38% en 1948. Son impact était d'autant plus grand qu'il intervenait le plus souvent sur des organismes carencés par une malnutrition chronique, exacerbée par les déséquilibres économiques générés par les cyclones et par les ravages de l'alcoolisme. Ces carences alimentaires persisteront jusqu'à une époque récente et seront l'une des causes principales de l'insuffisance du développement staturo-pondéral qui ajourne 31% des jeunes réunionnais dans les conseils de révision en 1970 et qui motive 80% des rejets de candidatures par le BUMIDOM. Il faut ajouter à ce tableau, les parasitoses qui sont restées longtemps un grand problème de santé publique à La Réunion. En 1969, une enquête révélait que 95% des réunionnais étaient parasités et que 84% étaient polyparasités.

Le paysage épidémiologique du début des années 1950 correspond, à quelques nuances près, à celui que connaissent aujourd'hui bon nombre de pays du tiers-monde, en première phase de transition démographique, qui se caractérise par une mortalité élevée (22,9 p 1,000 en 1950 à La Réunion) mais en régression, encore fortement dépendante des conditions du milieu naturel, et où la jeunesse de la population et les conditions de vie, encore très attardées, favorisent peu l'émergence des pathologies dégénératives et comportementales.

De 1952 à nos jours, l'évolution de la mortalité s'est accompagnée d'un bouleversement complet des causes de décès comme en témoigne le tableau ci-dessous :

ÉVOLUTION DES CAUSES DE DÉCÈS
(Fig Transition épidémiologique)

1931-32-33

1952-53-54

1981-82-83

1992

Métro 1992

I.S.

%

Rang

%

Rang

%

Rang

%

Rang

%

Rang

Malad. Infect./parasit.

47,30

1

14

2

2,7

10

2,25

10

1,3

10

1,3

SIDA

0

0

0,51

14

0,8

12

0,3

Tumeurs mal. (y compris Leucémie)

0,04

9

1,7

9

12,8

2

16,34

2

27,6

2

0,8

Malad. endoc. nutrit. métabol. tr immu.

0,1

4,6

8

4,09

8

2,5

7

2,5

Troubles mentaux (sauf alcoolisme)

**

0,6

13

1,9

9

0,6

Alcoolisme

4,6

7

5,7

6

4

9

0,5

14

6,2

Malad. syst. nerv. et organes sens

1,60

5

3,1

9

4,24

7

2,1

8

1,6

Malad. appar. circulatoire

1,10

7

8

5

32,1

1

32,41

1

32,6

1

1,5

Malad. appar. respiratoire

10,90

3

11,5

3

7

5

8,08

4

7,2

4

1,8

Malad. appar. digestif

1,60

5

10,5

4

8,7

4

7,3

5

5

6

1,5

Malad. organes génito/urinaires

0,90

8

1,1

10

1,4

12

1,71

11

1,3

10

1,6

Affect. origine périnatale

5,8

6

2,1

11

0,96

12

1,3

Autres maladies

2,3

2,1

1,74

2

Sympt. autres états morb. mal défin. ou ND

34,80

2

38

1

5,4

7

4,9

6

6,4

5

Causes externes dont :

1,70

4

2,4

8

12,3

3

10,9

3

8,8

3

1,1

- Accidents de la circulation

*

2,46

1,7

1,1

- Suicides

*

3,42

2,2

1

- Autres acc.
et morts violentes

*

4,99

4,9

TOTAL en %

100

100

100

100

100

Moyenne annuelle des décès

6,326

4,369

3,696

3,347

521,400

Taux brut de mortalité en p 1,000

32,0

16,4

8,4

5,4

9,1

** compris dans alcoolisme

I.S : Indice de surmortalité Réunion/Métropole calculé à partir des taux standardisés.


[35]



Cette mutation des causes de décès a précipité La Réunion vers le modèle épidémiologique métropolitain. On peut observer tout d'abord l'énorme progrès réalisé par l'appareil médical qui se traduit par une baisse des causes mal définies et non déclarées. Les maladies infectieuses et parasitaires ne sont plus qu'un lointain souvenir et reléguées à la 10ème place malgré l'ampleur récente du SIDA. Comme en métropole, les maladies cardio-vasculaires sont passées à la 1Aère place avec 1/3 des décès et les tumeurs, à la seconde avec une fréquence moins grande à La Réunion. Toujours comme en métropole, les causes externes se sont hissées à la 3ème place mais avec un poids plus inquiétant à La Réunion chez les jeunes pour les suicides et l'accidentalité routière. Enfin il faut constater le rôle prédominant de l'alcoolisme à La Réunion qui est à la 9ème place avec une fréquence de décès 6 à 7 fois plus importante qu'en métropole (A. LOPEZ, 6).

Si l'ordre des causes s'est rapproché de celui de la métropole, il n'en est pas moins vrai que les taux standardisés pour chacune de ces causes, mesurant leur risque avec plus de pertinence, sont, pour la plupart, supérieurs à La Réunion. Il est à noter toutefois que pour le SIDA et les cancers les risques sont moins grands à La Réunion avec des indices de surmortalité respectivement de 0,3 et de 0,8.

Cette évolution est liée au formidable élan économique, social et culturel [36] impulsé par la départementalisation et plus particulièrement :

- au développement d'un appareil de santé englobant des infrastructures performantes et des professions médicales et para médicales de plus en plus nombreuses. (29 médecins et 460 lits d'hôpitaux en 1946 ; plus de 1000 médecins et 2859 lits en 1994),

- à l'extension aux DOM de la couverture sanitaire et sociale,
- à l'évolution des modes et des niveaux de vie qui ont engendré de nouveaux comportements (modification des habitudes nutritionnelles),

- à l'évolution des activités et des cadres de vie (urbanisation, accidentalité, maladies mentales),

- au développement de l'instruction et de l'information,
- à la longévité des réunionnais qui s'est accrue de près de 25 ans depuis le début de la départementalisation.


B. La natalité : une évolution complexe

Depuis le début du siècle la natalité n'a cessé d'augmenter, le taux de natalité jusqu'en 1952 et les naissances jusqu'en 1965. Depuis il s'opère un reflux des indicateurs de fécondité.

1. L'influence de la structure par âge et par sexe

Nous ne nous attarderons pas sur le rôle du déséquilibre du sex ratio. On peut simplement rappeler son importance avant 1902 et durant les phases dé forte émigration encouragées par le BUMIDOM.

Il est plus facile de comprendre celui de la structure par âge influencée par les fluctuations de la natalité et secondairement par les migrations. Les manifestations les plus évidentes de ce phénomène peuvent s'illustrer par les exemples suivants :

- la forte baisse des naissances entre 1965 et 1981 s'explique par l'effet conjugué de 2 facteurs : la diminution de fécondité qui sera vue plus loin et [37] l'essor de l'émigration qui prive La Réunion de naissances qui se produisent en métropole et de jeunes adultes célibataires, le plus souvent masculins, ce qui a eu pour effet de déséquilibrer le sex ratio de ces classes d'âges les plus prolifiques.

- depuis 1982 la reprise de natalité résulte de l'arrivée en âge de procréation des classes d'âges nombreuses des années 1960. La proportion des 20-34 ans, qui enregistrent habituellement la plus forte fécondité, passe de 23 à 27% entre 1982 et 1990. S'ajoute à cela l'arrêt des courants migratoires vers la métropole. La fécondité déclinante ne suffit donc pas à compenser cet effet de structure.


 2. L'influence de la fécondité

a) L'Évolution de la fécondité.

Elle est plus difficile à mesurer car elle relève des comportements humains, eux mêmes fortement influencés par une série de facteurs économiques, sociologiques, institutionnels, culturels... etc. Pour les états en phase post-transitionnelle ou en fin de transition démographique, l'observation montre qu'une évolution inéluctable a assuré le passage de la famille nombreuse à la famille restreinte.

Évolution de l'indice synthétique de fécondité (I.S.F à La Réunion et en métropole
(Nombre d'enfants pour 100 femmes)

1965

1970

1975

1980

1982

1984

1986

1988

1989

1990

1991

1992

1993

Réunion

673

462

374

305

281

285

261

262

261

257

260

257

239

métro

283

247

193

194

191

181

184

182

181

180

177

173

165


Historiquement la baisse de la fécondité s'est amorcée des la fin des années 1950, certainement en réponse à l'effondrement de la mortalité infantile et suivant la théorie "des naissances de remplacement". Cependant son niveau élevé -I.S.F voisin de 7 enfants/femme en 1952 - a amené la métropole à ne pas appliquer totalement la législation française en matière d'encouragement de la natalité (Vème Plan 1966-1970) et à favoriser le développement des structures de planning familial par l'intermédiaire de l'A.R.O.F (Association Réunionnaise d'Orientation Familiale créée en 1966).

On constate dans le tableau ci-dessus une forte et régulière baisse de l'I.S.F. jusqu'en 1986. Cette évolution semble ensuite marquer une pause avec même, un léger redressement en 1988 et 1989. Malgré sa chute, l'I.S.F. reste supérieur à 210 enfants pour 100 femmes, indice qui, on le sait, correspond au [38] seuil de renouvellement de la population. Ce n'est plus le cas de la métropole depuis 1974/75.

Les facteurs explicatifs de la baisse de la fécondité sont liés à l'évolution économique et sociologique de la populations réunionnaise et plus particulièrement à :

- la modification de la place de la femme dans la société (poursuite de la scolarité, désir d'implication de plus en plus fort dans la vie active et publique, émancipation dans le couple... etc.)

- au bouleversement des rythmes et des genres de vie qui deviennent plus urbains et beaucoup plus tournés vers une société de loisirs et de consommation générant des attitudes plus individualistes et égocentriques.

- au brassage des populations et de leurs comportements (modèle de la famille restreinte introduit par les métropolitains vivant à La Réunion, ou par les réunionnais de retour au pays après un long séjour en métropole).


b) La fécondité par âge

Les taux de fécondité par âge ont tous enregistré, comme on peut le constater sur la fig. ci-dessous, une baisse jusqu'en 1990, à l'exception des 25-39 ans, classes d'âges sur lesquelles on reviendra par la suite. Cette diminution ne [39] s'est pas faite avec la même intensité selon les classes d'âges : elle a été d'autant plus importante qu'elle affectait des femmes plus âgées.

ÉVOLUTION DES TAUX DE FÉCONDITÉ PAR ÂGE



Dans l'évolution de la fécondité réunionnaise, on peut retenir un certain nombre de traits originaux :

- une fécondité chez les adolescentes 15-19 ans qui a faiblement décru et qui reste élevée (l'écart s'est amplifié depuis 1975 avec la métropole où le taux est aujourd'hui 5 fois plus faible). Les raisons tiennent à une scolarité plus courte qu'en métropole et à des causes sociologiques complexes (dans certains milieux défavorisés, les maternités sont pour les adolescentes un moyen de s'affirmer socialement et/ou, éventuellement, de se soustraire à la famille).

- chez les 20-24, le taux a été divisé par 2,2 en 25 ans mais il est encore aujourd'hui 1,6 fois plus grand qu'en métropole. Ces âges arrivent, comme en métropole, en seconde position de forte fécondité après la classe d'âge des 25-29 ans.

- entre 25 et 34 ans, la fécondité a été pour ces 2 classes d'âge respectivement divisée par 2,2 et par 2,7. Le taux de fécondité de la classe d'âge 25-29 ans, la plus féconde, ne dépasse celui de la métropole que de 10% et c'est donc à ces âges que les comportements sont les plus proches entre La Réunion et la métropole. Le recul de la fécondité des 30-34 ans est en grande partie lié à la réduction de la taille de la famille.

- les très fortes baisses qui ont affecté le 35-49 ans, soit respectivement une division pour ces 3 classes d'âges quinquennales par 3,7 ; 6,5 et 16, sont les conséquences de l'abandon du modèle de la famille nombreuse.

Cette évolution vers la famille restreinte a abouti à un resserrement de la fécondité entre 20 et 34 ans : en 1965 ces âges concentraient à La Réunion 68% de la fécondité globale, en 1990, 76% et 86% en métropole.

c) Une reprise de fécondité chez les 25-39 ans depuis 1988

Comme on peut le constater sur la figure ci-dessus, 1988 marque une rupture d'évolution chez les 25-39 ans qui se caractérise par une hausse des taux de fécondité et ce phénomène s'observe également en métropole. Il pourrait s'agir d'une modification du calendrier des naissances comme si celles-ci étaient différées dans les projets de famille. On peut penser que dans le contexte de crise économique et d'incertitude qui a caractérisé ces dernières années, les femmes attendaient peut-être de se donner tous les atouts de formation et de réussite professionnelle avant d'envisager une maternité ?

Quelle sera la fécondité demain ? Le recul global de l'âge à la maternité, les comportements plus individualistes et tournés vers la famille réduite peuvent [40] faire penser que cette évolution est sans retour, même si l'on a pu constater une pause entre 1986 et 1991. L'ISF de 1993, s'établissant à 239 enfants p 100 femmes, semble marquer un nouveau décrochage et peut-être l'amorce d'une nouvelle tendance à la baisse.


C. Les migrations

Les courants d'émigration sont anciens et durant la seconde moitié du XIXème et les premières années du XXème siècle qui ont correspondu à une période de très grand marasme, les réunionnais ont été nombreux à tenter leur chance dans le nouvel Eldorado malgache. En 1925, les 3/4 des français de Madagascar étaient réunionnais et en 1954, il étaient près de 24,000 à résider sur la Grande Île.

ÉVOLUTION DU SOLDE MIGRATOIRE À LA RÉUNION



À partir du début des années 1960, la métropole et les autorités locales s'inquiètent des déséquilibres naissants entre les possibilités d'emploi et la progression importante des jeunes. Le BUMIDOM (Bureau pour le développement des Migrations intéressant les D.O.M), créé en 1963, avait avec pour objet "de contribuer à la solution des problèmes démographiques des D.O.M". L'incitation et l'organisation de l'émigration par cet organisme génère à partir du début des années 1960, un courant de plus en plus important :

- moins de 1000 personnes/an jusqu'en 1964
[41]
- de 1,000 à 3,000/an en 1965 et 1966
- de 3,000 à 4,000/an de 1967 à 1970
- plus de 4,000 à partir de 1971.
- entre 5,000 et 6,000 jusqu'en 1980

Le solde migratoire intercensitaire (fig. ci-dessus) devient négatif entre le recensement de 1961 et celui de 1982. La valeur la plus forte est atteinte entre 1975-82 avec un solde négatif de 33,380 personnes. Ces courants se sont par la suite fortement ralentis, voire inversés et le solde 1982-90 est pour la première fois depuis 1961, positif (+3,000).

En effet, la période 1982-1990 a été marquée par l'essor de l'immigration comprenant les courants de retour de réunionnais accompagnés de leurs enfants et dont les âges compris entre 30 et 45 ans pour les premiers et 0 et 15 ans pour les seconds ont quelque peu modifié en 1990 la structure par âge de la pyramide 1982.


IIIème Partie.

LES EFFETS SUR LA STRUCTURE
PAR ÂGE ET PAR SEXE

La rapidité de l'évolution des variables, les effets d'écho et le rôle des migrations sont aujourd'hui lourds de conséquences sur la structure de la population ainsi que sur son devenir.

A. L'évolution des groupes d'âges

Alors que la population a augmenté de 25% environ entre 1974 et 1990 (8% entre 1974 et 1982 et 15,8% entre 1982 et 1990), cet accroissement, très [42] inégal selon l'âge, a profondément modifié la structure de la population réunionnaise.

Évolution en % des grands groupes d'âges

1967

1974

1982

1990

Moins de 20 ans

56,2

54,1

49

40

20-59 ans

38,3

39,9

44,1

51,4

Plus de 60 ans

5,5

6

6,9

8,6


ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE PAR ÂGE



Globalement, on constate une forte baisse des moins de 20 ans et une hausse des adultes et des vieux. La figure ci-dessous met en évidence avec plus de précision les aspects suivants :

- les moins de 15 ans ont fortement régressé en effectifs absolu et relatif entre 1974 et 1990 - surtout entre 1974 et 1982 - suite à la baisse des naissances de la fin des années 1960.

- les 15-19 ans, s'ils ont continué à baisser en effectif relatif, ont légèrement progressé en effectif absolu.

Au-delà de 20 ans, l'évolution 1974/90 est toujours restée positive mais avec les nuances suivantes :

- pour les 25-39, les gains d'effectifs 1974/82 sont importants mais ceux de 1982/90 le sont encore davantage. Pour l'ensemble de la période ils sont supérieurs à 60% dans les 3 classes d'âges quinquennales et frôlent même les 100% pour les 25-29 ans. Cette évolution résulte bien sûr de la natalité très élevée des années 1953 à 1967.

- pour les plus de 65 ans, la croissance des effectifs 1974/90 est encore plus élevée que celle des âges précédents - plus de 80% - et 120% pour les plus de 75 ans. Il faut voir là le résultat des gains de santé autorisant une plus grande longévité des personnes âgées.

- enfin, les effectifs des 40-54 ans sont ceux qui ont le moins progressé - [43] moins de 60% et moins de 40% pour la classe d'âge 45-49 ans. L'émigration entre 1960 et 1980 en est ici la cause.

B. La surmortalité masculine

Elle est une des spécificités de la mortalité à La Réunion et se marque par une différence d'espérance de vie de près de 10 ans entre les hommes et les femmes - l'une sinon la plus élevée au monde - qui n'a cessé de croître avec le développement économique et social de ce département d'O.M comme le montre le tableau ci-dessous :

ÉVOLUTION DE L'ESPERANCE DE VIE

DATES

Sexe M.

Sexe F.

Ensemble

Écart

1951/55

47,5

53,4

50,5

5,9

1959/63

54,1

60,6

57,4

6,5

1963/67

55,8

62,4

59,3

6,6

1965/69

57,2

63,9

60,6

6,7

1972/76

60,6

68,4

64,5

7,8

1981/82

64,8

72,6

68,7

7,8

1983/87

65,6

75,1

70,2

9,5

1990

69

78,3

73,6

9,3


Ce phénomène résulte d'un repli inégal de la mortalité qui a profité davantage aux femmes. Il a fait l'objet d'une analyse très détaillée à laquelle on pourra se reporter (C. BERG-HAMON et A. LOPEZ, 1). En 1990, le taux de mortalité des hommes est de 6,3 p 1,000 alors que celui des femmes est de 4,3. On se contentera ici d'en rappeler quelques grandes lignes

La forte mortalité des hommes est grevée :

- par des conditions de santé plus précaires héritées de l'avant départementalisation et par un recours aux soins plus difficile (plus grande distance psychologique vis à vis d'une structure ou d'une profession médicale).

- par leur niveau d'activité plus élevé : 47,3% contre 28,5% pour les femmes en 1990 et 68,9% contre 21,4% en 1967 et par l'exercice de métiers plus à risques (agriculture, bâtiments et TP... etc.).

- par des comportements à risques plus grands : chez les jeunes garçons [44] avec l'accidentalité routière et les suicides, chez les adultes avec les maladies nutritionnelles et en particulier l'alcoolisme qui est la cause essentielle de la surmortalité des hommes soit directement par les pathologies du tube digestif ou du système nerveux soit indirectement par le biais de l'accidentalité routière ou au travail, de la criminalité ou de son association à d'autres pathologies.

On peut pour simplifier, dire que les hommes réunionnais ont ces dernières décennies potentialisé tous les risques hérités des modes et des valeurs de la société créole et ceux introduits par la départementalisation.

La plus faible mortalité des femmes est liée à des comportements à risques réduits : elles sont moins actives, moins enclines aux pathologies nutritionnelles (alcoolisme, tabagisme,... etc.). Une raison cependant fondamentale réside chez la femme dans son recours à des soins plus fréquents favorisés par ses maternités (suivi des grossesses) et par la préoccupation dé la santé de ses enfants (PMI, pédiatre, ... etc.)

On constate aujourd'hui une stagnation voire un recul de l'écart d'espérance de vie qui peut s'expliquer, non pas par une prise de risques plus faible des hommes, mais plutôt, compte tenu de la récente émancipation de la femme réunionnaise, par un accroissement des risques chez ces dernières.

C. La pression sur la formation et l'emploi

Le "baby boom", d'une vingtaine d'années, qui a consisté, on l'a dit, en un rythme supérieur à 13 000 naissances entre 1952 et 1975 mêle ses effets mécaniques à l'amélioration des taux de poursuite scolaire et des taux d'activité faisant peser sur le système éducatif et sur l'emploi, depuis la fin des années 1970, de lourdes contraintes.

a) L'évolution des effectifs scolaires

Les effectifs du 1er degré ont chuté entre 1974 et 1990 de près de 11000 élèves. On constate cependant une augmentation depuis 1992/93 consécutive à la reprise de natalité de 1989. Les effectifs du second degré ont fortement progressé grâce à la fois à l'amélioration des taux de passage primaire/secondaire et au poids de ces classes d'âges - leur effectif ayant doublé entre 1974 (46,000) et 1994 (92,000) -. Ce sont surtout les effectifs universitaires qui ont connu les plus fortes hausses entre 1974 et 1990 liées au choc des classes pleines (+50% pour les 20-24 et près de 100% pour les 25-29 ans entre 1974 et 1990) et surtout à [45] l'amélioration de la poursuite des études supérieures. L'effectif des étudiants durant cette période a été multiplié par 5. Au nombre d'environ 10,000 étudiants en 1993/94, la population universitaire atteindrait 17,000 étudiants en l'an 2000.

b) Une forte pression sur l'emploi

Année

Population totale

Population active

Effect.

% acc

Effect.

% acc

dont F

1974

480,200

133,600

32,4

1982

515,800

7,4

173,000

29,5

34,7

1990

597,800

15,9

233,600

35

41,9


Année

Population active occupée

Chômeurs

Tx chômage

Effect.

% acc

dont F

1974

107,900

30,4

25,700

19,2

1982

118,600

10,5

34,8

54,400

31,4

1990

146,300

23,3

38,1

86,100

36,9


Alors que la population a progressé de 25% entre 1974 et 1990, la population active, elle, s'est accrue de 75%, et la population active occupée, de 35,5%. Une récente étude faite par l'INSEE sur l'emploi montre que l'évolution de la population active dépend principalement de l'effet démographique et secondairement de l'effet des taux d'activité. Cette remarque est en fait moins vraie pour les femmes que pour les hommes, ces dernières s'étant portées plus massivement sur les demandes d'emploi durant ces 15 dernières années - leur taux d'activité a quasiment doublé entre 1967 et 1993 - :

Évolution annuelle de la population active

Période

Accroissement total

Effet démographique

Effet des taux d'activité

1974/82

Hommes

+2,900

+3,250

-350

Femmes

+2,500

+1,300

+1,250

Ensemble

+5,400

+4,550

+850

1982/90

Hommes

+3,000

+4,100

-1,100

Femmes

+4,250

+2,000

+2,250

Ensemble

+7,250

+6,100

+1,150

1990/93

Hommes

+4,400

+4,000

+400

Femmes

+5,800

+2,800

+3,000

Ensemble

10,200

+6,800

+3,400


[46] Dans l'évolution de la population active on remarque que l'accroissement annuel passe de 5,400 entre 1974/82, à 10,200 personnes entre 1990/93. Ce quasi doublement est en fait à nuancer en fonction des sexes : chez les femmes ce rythme a été multiplié par 2,3 et chez les hommes, par 1,5.

Entre 1974 et 1982, l'effet démographique chez les hommes est total ; les taux d'activité évoluent même faiblement à la baisse, alors que chez les femmes les effets sont également partagés. Durant les périodes 1982/90 et 1990/93 l'effet des taux d'activité chez les femmes dépasse largement l'effet démographique.

Enfin cette forte pression des actifs face à un marché insuffisant de l'emploi a eu pour conséquence de développer la population des chômeurs principalement entre 1974 et 1990 où elle a été multiplié par 3. La Réunion possède aujourd'hui le triste record de France du taux de chômage le plus élevé - 38% des actifs -.


CONCLUSION

En ce dernier demi-siècle, La Réunion a vécu, on vient de le voir, une partie accélérée de son histoire. La dynamique départementaliste a hâté la transition économique et sociale et par là même, l'évolution de sa population. L'insularité, l'éloignement, la faible inertie démographique et certainement les politiques sociales ont contribué à rendre cette évolution tout à fait originale et beaucoup plus heurtée qu'en métropole.

Cette évolution a précipité la transition démographique et, bien que ralentie sur sa fin, la population a atteint en 1990, 597,828 hab. Sur la base d'un accroissement annuel de 10,000 hab environ - sans considérer l'immigration redevenue positive depuis 1982 -, elle peut être estimée à 650,000 hab aujourd'hui. Bien qu'encore jeune par rapport à la métropole, sa structure par âge évolue vers une plus grande maturité qui n'est pas sans conséquences aujourd'hui sur les formations et sur l'emploi. Les perspectives de population élaborées par l'INSEE en 1992 sur la base des tendances actuelles (solde migratoire de +1,000 ; fécondité stable pour les 25-39 ans et fécondité déclinante pour les autres âges - situent la population réunionnaise à 714,000 hab en 2000 et 768,000 hab en 2005.

Enfin ces mutations démographiques se sont accompagnées d'une forte densification humaine - plus de 250 h/Km2 - et de puissantes modifications dans la répartition spatiale des populations par une vidange des "hauts" et des espaces les plus isolés vers une ceinture urbanisée littorale qui groupe aujourd'hui de St Joseph à St Benoit en passant par la côte ouest près de 85% de la population et qui ne va pas sans poser de nombreux Problèmes de gestion et d'équilibre de l'espace réunionnais.

Albert LOPEZ

I.U.F.M. de La Réunion



* ces valeurs sont certainement à relativiser car il semble que l'on soit ici en présence d'erreurs dans l'enregistrement d'enfants nés vivants dans la rubrique des morts nés



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 31 octobre 2010 19:28
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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