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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir de M. Louis Maheu, [sociologue, Université de Montréal], “L'enseignement des sciences humaines dans les collèges et les universités.” Un article publié dans le livre sous la direction de Fernand Dumont et Yves Martin, L'éducation 25 ans plus tard et après ?, pp. 267-284. Québec: l'Institut québécois de la recherche (IQRC), 1990, 432 pp. [Autorisation formelle accordée par l’auteur de diffuser cet article le 20 octobre 2006 dans Les Classiques des sciences sociales.]. Introduction de l'auteur Plantons tout d'abord le décor. De quelles disciplines parlons-nous quand nous traitons de l'enseignement post-secondaire des sciences sociales ou humaines ? La rumeur court encore : les sciences humaines ou sociales attireraient toujours une clientèle étudiante beaucoup trop nombreuse. Pour le déplorer plus souvent que de s'en réjouir, on entend encore dire ici et là qu'elles regroupent bon an mal an à elles seules, tout au cours des années 1980, plus de 40% de la clientèle étudiante de tous les cycles d'enseignement des universités canadiennes et la moitié de celle des universités québécoises. Les données, fortement agglomérées il est vrai, ne manquent toutefois pas pour appuyer pareille affirmation. La grande famille des sciences sociales, selon une catégorie statistique des plus globales utilisée par Statistique Canada, recouvre un univers disciplinaire particulièrement large et diversifié. On y trouve d'abord deux grands secteurs : les sciences de l'éducation et les sciences sociales proprement dites. Ces dernières incluent bien sûr des disciplines classiques des sciences sociales ou humaines : l'anthropologie, la sociologie, la psychologie, l'économie, la science politique, le service social. Mais le secteur des sciences sociales, selon cette catégorisation statistique, n'est pas restreint à ces seules disciplines classiques. Il recouvre encore la géographie, les études régionales et de l'environnement, les études secrétariales, le droit et finalement l'administration des affaires et les études commerciales [1]. À remarquer que l'histoire comme discipline scientifique est plutôt rangée, selon ces catégories de Statistique Canada, parmi les humanités. L'évolution récente et le poids relatif dans le système universitaire canadien et québécois de ces grands groupes de disciplines formant la famille dite des sciences sociales sont fort différenciés. Un peu partout et notamment au Québec l'évolution de la part relative de la clientèle étudiante relevant des sciences sociales ou humaines, au sens plus classique et restreint du terme, ne se compare pas par exemple, surtout au 1er cycle d'enseignement, à celle des sciences de l'administration et des études commerciales, des études régionales et de l'environnement. Du début des années 1970 (1972) jusqu'au milieu des années 1980 (1985-86), avec à peu près 11% des effectifs, les sciences sociales au sens classique et restreint du terme [2] gardent à toutes fins pratiques la même proportion des inscriptions étudiantes totales du 1er cycle universitaire, inscriptions pondérées selon une mesure d'équivalence fondée sur le régime d'études à temps complet. Les sciences de l'administration et les études commerciales, les études régionales et de l'environnement, elles, progressent de façon substantielle, passant de 14% à 22% des inscriptions totales du 1er cycle d'enseignement universitaire (Conseil des universités du Québec, 1988, 69-70). L'intérêt de parler des sciences sociales à la manière aussi globale et agglomérée de Statistique Canada n'est pas évident. Fort englobante, cette catégorie rejoint peut-être, et encore faudrait-il le démontrer, les horizons disciplinaires d'une large et généreuse réflexion épistémologique sur le destin de l'homme au sein de la modernité. Mais pour saisir l'évolution sociale, scientifique, académique de savoirs spécialisés relevant des sciences sociales au sein de nos sociétés industrielles avancées et de leur système d'enseignement, elle soulève des difficultés. Trop globale, elle risque de camoufler nombre de problèmes et d'enjeux, d'orienter la réflexion vers un ensemble de généralités qui ne feraient qu'effleurer les pratiques d'enseignement universitaire et collégial de disciplines des sciences sociales formant une famille plus appropriée de savoirs spécialisés. Un regroupement plus pertinent de savoirs des sciences sociales permettrait au contraire de rejoindre des pratiques d'enseignement, des rapports entre disciplines, des modes d'organisation de la recherche et d'articulation de celle-ci à l'enseignement, des articulations plus concrètes et spécifiques de corpus cognitifs à la société environnante qui font davantage système. Serait alors plus clair l'impact de l'ensemble de ces activités sur la construction de l'identité et la structuration des sciences sociales au sein de notre univers académique, scientifique et sociétal. Le regroupement de disciplines des sciences sociales ou humaines au sens le plus classique et restreint du terme évoqué ci-dessus comporte lui aussi des forces et des faiblesses. Il pousse à se rapprocher des caractéristiques institutionnelles et organisationnelles qui ont marqué le développement des sciences sociales au sein d'abord et avant tout des universités québécoises, puis plus tardivement des collèges d'enseignement général et professionnel. Réunissant des disciplines de base des sciences sociales et des disciplines qui leur sont très apparentées, le regroupement de l'anthropologie, de l'économique, de la science politique, de la sociologie, de la psychologie, du service social, des relations industrielles, de la criminologie, de la démographie et de la géographie trace une identité des sciences sociales façonnée entre autres par l'histoire de l'enseignement supérieur québécois et canadien et celle des rapports des sciences sociales avec la société environnante. Sciences sociales au sens plus classique et restreint du terme, les disciplines identifiées n'incluent toutefois pas l'histoire. Omission qui pose problème et constitue une faiblesse notoire de ce dernier regroupement de disciplines. Qu'il n'existe pas de définition unanimement partagée, claire et sans problème des sciences sociales est bien illustré par cette absence. Au moment où le Comité de l'étude sectorielle en sciences sociales du Conseil des universités du Québec se penchait sur la composition disciplinaire du secteur dont on lui demandait d'examiner l'évolution récente et de prévoir le futur immédiat, il fut saisi de recommandations et de prises de position quelque peu contradictoires. Si certains plaidaient pour l'inclusion de l'histoire dans les sciences sociales, les autorités académiques des universités les plus anciennes et des professeurs de ces milieux universitaires prenaient fort majoritairement la position inverse. La perspective plus ou moins heureuse ou inquiétante que l'histoire puisse appartenir aux milieux disciplinaires couverts par semblable opération de planification sectorielle compliquait singulièrement le débat. Il n'était plus possible dès lors de le restreindre aux seuls questionnements de l'épistémologie ou de la philosophie la plus moderne des sciences. La recherche d'une reconnaissance plus officielle au sein du champ académique ou la crainte d'être mal traité par une opération de planification débouchant, qui sait, sur une rationalisation sans capacité d'autocorrection, poussait les uns et les autres de diverses disciplines, ou de milieux académiques différents au sein d'une même discipline, à des prises de position difficiles à concilier au sujet de la composition disciplinaire du secteur des sciences sociales. Les exigences d'une opération de planification située le plus près possible de sa base passent par la recherche d'une collaboration soutenue des principaux milieux universitaires visés. Elles ne sauraient commander, sur le plan plus large du développement paradigmatique et épistémologique des disciplines, de dissocier formellement l'histoire des sciences sociales. Les dimensions essentielles du projet scientifique des sciences sociales, de la vision et de la compréhension de notre univers qu'elles véhiculent, demeureront ambiguës et obscures si la contribution de l'histoire à leur lecture du social n'est pas clairement reconnue. Aussi les développements qui suivent s'appliquent-ils à un regroupement de disciplines des sciences sociales ou des sciences humaines qui ne saurait exclure d'emblée l'histoire comme discipline scientifique. Et certaines pratiques d'enseignement, d'abord en milieu universitaire puis collégial, retiendront d'autant plus notre attention qu'elles caractériseront un grand nombre de ces disciplines. Nous dégagerons des tendances et effets structurels marquant globalement les milieux académiques des sciences sociales, y compris l'histoire même si des données plus ponctuelles relatives à cette discipline nous font défaut. [1] Voir à ce sujet le catalogue 81-204 de Statistique Canada, Universités : inscriptions et grades décernés à compter de 1980-1981 et Venne et al. (1987, partie 2). [2] Les sciences sociales ou humaines regroupent dans ce cas les disciplines suivantes : l'anthropologie, l'économique, la science politique, la sociologie, la psychologie, le service social, les relations industrielles, la criminologie, la démographie et la géographie.
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