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Camil BOUCHARD, Marie-Chantal GAUTHIER,
Raymond MASSÉ et Marc TOURIGNY
“Les mauvais traitements
envers les enfants.”
Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction de Fernand Dumont, Simon Langlois et Yves Martin, TRAITÉ DES PROBLÈMES SOCIAUX, chapitre 17, pp. 363-380. Québec : Institut québécois de recherche sur la culture, 1994, 1164 pp.
- Introduction [363]
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- LES FACTEURS DE RISQUE DE MAUVAIS TRAITEMENTS [364]
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- Abus physique et négligence [364]
Abus sexuel [365]
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- L'INTERVENTION [367]
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- Violence physique et négligence [367]
Abus sexuels [370]
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- LA PRÉVENTION [371]
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- La prévention de la violence physique et de la négligence [371]
La prévention des abus sexuels [374]
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- CONCLUSION : CE QU'IL RESTE À FAIRE [376]
- BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE [379]
INTRODUCTION
Les mauvais traitements subis par les enfants se présentent sous diverses formes : violence physique, divers types de négligence, délit sexuel, violence émotionnelle (ou verbale). Dans la mesure où les comportements parentaux sont soumis à un ensemble de codes culturels et sociaux, la définition de ce qui pourrait être un abus ou une négligence demeure soumise à l'interprétation de celles et ceux chargés de veiller au bien-être et au développement des enfants et d'assurer leur protection.
Au Québec, la Loi sur la protection de la jeunesse précise que l’État doit intervenir lorsque le développement ou la sécurité de l'enfant se trouve compromis. Elle définit, à partir de l'article 38, les circonstances associées à cette menace au développement de l'enfant. C'est à partir de ces descriptions que les intervenants peuvent statuer quant à la pertinence et à l’urgence d'intervenir. Tous les modes d'intervention, qu'ils reposent sur le recours à des mesures volontaires ou à des mesures judiciaires, sont soumis aux mêmes exigences de protection de l'enfant. Cependant, la Loi sur la protection de la jeunesse fait une obligation à l'intervenant de déployer tous les efforts possibles pour maintenir l’enfant dans son milieu naturel. Au-delà de la protection, on voit donc se dessiner un objectif de restauration du fonctionnement familial. En même temps, l’intention de la loi est de prévenir que le développement de l'enfant et sa sécurité ne soient pas compromis. Cette notion de prévention inscrite dans la loi ne vise cependant pas à une diminution à court terme du taux de mauvais traitements envers les enfants. Elle témoigne plutôt d'une intention du législateur de prévenir une dégradation plus grande de la situation, de minimiser les effets engendrés par des conduites parentales inappropriées et d'empêcher que ne s'installe ou ne se perpétue le cycle intergénérationnel du délit ou de la [364] négligence. La diminution des taux d'incidence repose davantage sur des stratégies propres à éliminer ou à diminuer l'impact des facteurs de risque.
Dans les prochaines pages, nous traçons un très bref bilan des efforts d'intervention et de prévention en matière de mauvais traitements. La question des abus sexuels fait l'objet d'une analyse distincte des autres formes de victimisation des enfants. Cette spécificité s'impose du fait que les facteurs de risques qui y sont associés diffèrent de ceux identifiés aux abus physiques et à la négligence.
LES FACTEURS DE RISQUE DE
MAUVAIS TRAITEMENTS
- Abus physique et négligence
La négligence et la violence physique renvoient à l'ensemble des gestes posés ou non posés par un adulte qui constituent une menace à la santé et au développement physique, mental ou affectif de l'enfant. On y retrouve toutes les formes de négligence (soins de base et conditions matérielles inappropriés, négligence sur les plans de l'hygiène, de la surveillance, de l’éducation, négligence affective, isolement de l'enfant...) de même que la violence psychologique et les mauvais traitements physiques. En date du 31 mars 1990, les manifestations de négligence représentaient 49% des signalements retenus par les directeurs de la protection de la jeunesse (DPJ). Les négligences à incidence psychologique seraient plus fréquentes (60% des cas) que celles à incidence physique (30% des cas) ou autre [1]. Par ailleurs, 7,8% des 16 353 enfants pris en charge en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, au 31 mars 1990, étaient victimes de violence physique.
Les jeunes mères, sans doute parce qu'elles assument beaucoup plus fréquemment la responsabilité quotidienne des soins aux enfants, sont plus souvent mises en cause dans les cas de maltraitance. Hommes ou femmes, les parents maltraitants présentent très fréquemment des problèmes d'alcoolisme, de toxicomanie et de dépression. Certains font montre d'immaturité émotionnelle, d'une faible estime de soi, d'une insécurité devant les responsabilités parentales et, souvent, d'une profonde méconnaissance des soins de base à donner à l'enfant [2]. Une recherche montréalaise récente [3] montre que 3,2% des mères impliquées dans des situations de négligence souffrent de psychoses, 3,2% de névroses, 4,7% de déficience intellectuelle, 23% d'humeurs dépressives chroniques et 32% déclarent une consommation excessive de drogues ou d'alcool (40% chez les pères).
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Ces problèmes constituent des facteurs de risque encore plus importants lorsque les parents vivent dans un contexte caractérisé par l'absence d'un réseau de soutien adéquat et par la pauvreté. On sait, malgré certaines lacunes méthodologiques [4], que les familles impliquées dans les mauvais traitements comptent souvent un seul parent (44% des familles mises en cause à Montréal en 1988 étaient monoparentales). Les mères de ces familles se trouvent fréquemment isolées des sources de soutien en ce qui a trait à l’information et aux normes applicables à leur rôle de parent. On note également l'absence de confident(e)s ou d'ami(e)s, particulièrement chez les sans-emploi [5], et un très faible degré de participation et d'intégration sociale chez ces familles [6]. Plusieurs chercheurs [7] établissent aussi un lien de cause à effet entre cet isolement et un manque d'habileté à rechercher et à utiliser le soutien social. Par ailleurs, la monoparentalité et la pauvreté vont souvent de pair. Les mères de familles monoparentales sont représentées au triple de leur poids démographique dans les statistiques de pauvreté ; 41% de ces mères déclarent un revenu inférieur au seuil de pauvreté et un enfant de famille monoparentale a près de sept chances sur dix de connaître la pauvreté.
Les familles pauvres sont sur-représentées parmi les familles maltraitantes [8]. Ainsi, 43% des enfants pris en charge pour négligence par le Centre des services sociaux du Montréal métropolitain (CSSMM) en 1988 sont membres de familles qui vivent exclusivement de prestations d'aide sociale alors que les autres se déclarent souvent en chômage [9]. La pauvreté considérée comme « espace de la misère humaine et sociale » représente un facteur de risque très lourd. Les parents défavorisés ne sont certes pas condamnés à négliger leur enfant ou à abuser de lui. Mais la pauvreté donne souvent prise à des situations où apparaissent de nombreux autres facteurs de risque : maladies des parents et des enfants, honte et retrait social, accablement, isolement, humeurs dépressives ou agressives, sentiment d'impuissance.
- Abus Sexuel
Par abus sexuel, il faut entendre
- tout acte ou jeu sexuel, relation hétérosexuelle ou homosexuelle entre une (ou des) personne(s) en situation de pouvoir ou de contrôle (généralement un adulte ou une personne de 5 ans plus vieille que la victime) et un enfant mineur (moins de 18 ans), ayant pour but de stimuler sexuellement l'enfant, ou de l'utiliser pour obtenir une stimulation sexuelle sur sa personne ou une autre personne.
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On distingue généralement deux types d'abus sexuels : l'abus intra-familial commis par une personne ayant un lien de parenté avec la victime (le lien de parenté est pris dans son sens large, c'est‑à‑dire les liens légaux, de sang ou de faits) et l'abus extra-familial.
Les données canadiennes et américaines provenant des services de protection de la jeunesse indiquent une progression constante du taux des signalements des abus sexuels durant les quinze dernières années [10]. Au Québec, de 1985-1986 à 1989-1990, le nombre d'enfants victimes d'abus sexuels et pris en charge par les DPJ a pratiquement doublé. On en dénombrait 1550 en mars 1990. La proportion de ces cas par rapport à l'ensemble des mauvais traitements a considérablement augmenté : ils représentent maintenant près de 10% de toutes les situations de protection. Ces données ne reflètent toutefois qu'une image partielle de l’ampleur du phénomène des abus sexuels envers les enfants. Plusieurs recherches incitent à penser que 75% à 90% des délits sexuels commis à l'égard des enfants ne sont jamais dévoilés aux autorités [11].
Les agresseurs sont majoritairement des hommes, connus de leur victime et âgés entre 30 et 40 ans (une proportion non négligeable a moins de 18 ans). La présence d'un « beau‑père » ou parent substitut augmente considérablement les risques. Les agresseurs ne semblent pas présenter de caractéristiques particulières de la personnalité mais ont souvent connu une enfance marquée d'expériences sexuelles négatives et d'un manque d'affection et d'amour parental. Parmi les éléments qui pousseraient les hommes à agresser sexuellement un enfant, on retrouve :
- 1) le développement d'une attirance sexuelle envers les enfants liée à des expériences sexuelles négatives dans l'enfance ou à l'utilisation de matériel pornographique lors de la masturbation ;
- 2) des difficultés dans les relations avec les femmes et, en particulier, dans les relations amoureuses qui amèneraient l’agresseur à chercher auprès des enfants une satisfaction de ses besoins émotifs et sexuels ;
- 3) le fait pour l’agresseur de ne pas avoir été présent dans l’éducation de son enfant et de ne pas avoir développé un attachement fort, avec lui, ce qui réduirait les inhibitions face au tabou du délit sexuel et affaiblirait la capacité des pères à réagir devant les menaces dans l'entourage de l'enfant.
Les filles représentent environ 70% des enfants abusés sexuellement. Les enfants de 7 à 12 ans sont davantage à risque de délits intra-familiaux alors que les adolescents (13 ans et plus) sont surtout vulnérables aux abus sexuels extra-familiaux. De plus, Budin et Johnson [12] rapportent que les agresseurs déclarent une préférence [367] pour leur propre enfant ou pour un enfant passif, tranquille, troublé, isolé et provenant de familles brisées.
Plusieurs caractéristiques du milieu familial de l'enfant apparaissent comme des facteurs de risque d'abus sexuel : séparation des parents, manque de disponibilité de la mère, conflits familiaux, relations déficientes avec un des parents. Plusieurs indices cliniques présentent les familles incestueuses comme isolées socialement. Par ailleurs, le rôle de la classe sociale et de l’origine ethnique dans l'abus sexuel fait encore l'objet de sérieuses interrogations ; on est encore loin de l'unanimité sur ce sujet [13].
L'INTERVENTION
- Violence physique et négligence
La réponse dominante à la maltraitance familiale est le placement de l'enfant en milieu substitut. Les dernières données [14] indiquent que 57% des cas pris en charge sous le couvert de la Loi de la protection de la jeunesse donnent lieu à un placement. Au coeur de cette pratique réside l'idée, ou la constatation, que le parent mis en cause ne maîtrise pas les compétences ou ne possède pas les moyens pour rétablir la situation. Il faut alors, selon cette approche, retirer l'enfant pour assurer sa sécurité et ne pas compromettre son développement. En même temps, les intervenants semblent avoir peu de moyens d'intervention dans ces situations graves de victimisation. Ils auraient alors tendance à opter pour un placement plus facilement accessible que les autres ressources ou stratégies et offrant, à première vue du moins, de meilleures garanties de protection de l’enfant. Le placement de l’enfant en milieu substitut n'est pas sans mérites. Des études démontrent que les enfants placés profitent, dans une large mesure et à certaines conditions dont celle d'un support important au milieu d'accueil, de leur séjour à l’extérieur de leur famille [15]. Beaucoup pourtant s'y détériorent ; qui plus est, lorsqu'ils reviennent finalement à la maison, après quelques semaines, quelques mois ou parfois quelques années, c'est habituellement pour retrouver les mêmes conditions de vie, matérielles, familiales et psychologiques, qui prévalaient au moment de leur placement.
À contre-courant de cette tendance au placement et de la philosophie qui l'anime, l'approche familiale et écologique continue de prendre de l'ampleur. Aux États‑Unis, un mouvement dit de « sauvegarde de la famille » a pris naissance il y a quelques années [16]. Des équipes d'intervenants et de chercheurs tentent de venir en aide aux familles en crise de manière à éviter le placement de l'enfant. Ce modèle [368] d'intervention de crise, dont le prototype est le programme des Homebuilders, aux États-Unis [17], repose sur une approche semblable à celle que l'on retrouve à l'unité médicale de soins intensifs : l'intervention est rapide, brève, intense, spécialisée mais flexible. Toutes les sphères du fonctionnement de la famille sont touchées et on assiste à un décloisonnement des services de façon à les rendre accessibles sans détour administratif : services de santé, d'éducation, de thérapie individuelle et familiale, de garderie, d'aide juridique, etc. Dans ce modèle, on rejoint quotidiennement les familles dans leur milieu de vie et on adapte les services à leurs besoins. On ne dispose cependant pas encore d'un nombre suffisant d'études évaluatives solides permettant de déceler avec toute la rigueur nécessaire les retombées d'une telle approche [18]. Les études disponibles indiquent cependant qu'on arrive à diminuer considérablement le taux de placement et que les familles qui traversent une crise aiguë peuvent profiter de ce type d'intervention [19].
Durant les quinze dernières années, d'autres programmes visant à apporter des réponses nouvelles au problème de la maltraitance ont vu le jour. Parmi eux, on retrouve des programmes de thérapie individuelle et familiale, d'amélioration des habiletés parentales, des cours portant sur le développement de l'enfant et des services d'aide concrète aux familles (logement, nourriture, emploi, services juridiques,...) [20]. L'analyse de ces différents programmes révèle qu'ils s'attachent habituellement à des facteurs étiologiques isolés, dans un modèle qui reste linéaire et causal malgré une référence souvent présente à une approche écologique ou multifactorielle. Par exemple, dans un programme d'aide aux parents impliqués dans des situations d'abus physique, on soutient le parent dans l'acquisition de certaines conduites susceptibles d'empêcher l'escalade de la violence sans toucher toutefois aux autres aspects de la situation [21].
Ainsi, on constate que rares sont les programmes qui s'intéressent directement et efficacement aux manques graves et chroniques de revenus et de ressources matérielles des parents. Seule une approche globale et qui tiendrait compte des besoins réels (et pas nécessairement psychologiques) des familles peut venir à bout des difficultés posées par ces familles. À cet égard, les nouveaux modèles d'intervention de crise apparentés à l'approche des Homebuilders adoptent plutôt une approche globale des soins et offrent des services complets définis à partir des besoins de la famille.
L’évaluation de l'efficacité de la plupart des programmes d'intervention en matière de mauvais traitements et de négligence est récente et présente plusieurs problèmes méthodologiques, notamment quant aux indices ou critères utilisés pour [369] juger de la portée de l’intervention. Dans l'ensemble, les évaluations suggèrent que les modèles d'intervention, que ce soit le placement ou les autres types de services, n'aboutissent pas aux résultats souhaités [22]. Il arrive fréquemment que les parents continuent à maltraiter leurs enfants une fois l'intervention terminée ou dans le cours de l'intervention ; on observe des taux de récidive pouvant aller jusqu'à 60% [23]. On note aussi, curieusement, que plusieurs parents profitent personnellement des programmes d'aide, mais que l'amélioration générale de leur état a peu d'impact sur la récidive de la maltraitance [24]. Tout se passe comme si les parents tiraient certains profits des services mais que leurs comportements envers leurs enfants - et les motivations profondes qui les animent - n'étaient pas touchés par ces interventions et que l’enfant continuait d'être l’acteur principal dune scène restée dans l'ombre. Il se pourrait bien que la relation parent-enfant et particulièrement la force et la nature des liens d'attachement ne soient que peu influencés par ces services. Aussi, dans bien des cas, on observe que l'enfant n'est plus négligé, ni battu, mais qu’il est profondément agressé par des paroles et des attitudes dévalorisantes. Il semblerait que l'intervention auprès des familles mises en cause, si elle met un frein à l'agression visible, n'arrive pas nécessairement à résoudre les conflits relationnels [25].
Selon Schorr et Schoor [26], la plus formidable barrière contre l'efficacité des programmes est la segmentation, la fragmentation des services et des professions : on découpe les familles en différents secteurs de problèmes (l’emploi, le logement, les troubles mentaux, l'isolement social, le manque d'autorité parentale, la santé...) et on s'attaque à chacun de ces problèmes séparément. Pourtant, l'analyse de ces familles démontre quelles présentent des problèmes multiples et interreliés auxquels on ne peut s’attaquer à la pièce. Les interventions efficaces sont amples et touchent tous les secteurs du fonctionnement d'une famille ; elles sont flexibles, cohérentes et accessibles, coordonnées par un ou quelques intervenants qui assurent la continuité dans les soins et les services. Ces intervenants reçoivent une formation spécialisée et sont supervisés de près. Ils ont aussi la capacité d'établir des relations de confiance basées sur le respect et l'empathie. Ces qualités personnelles ne sont pas l'apanage des professionnels, mais la richesse humaine et une bonne formation doivent pouvoir cohabiter. Finalement, les interventions qui atteignent les objectifs de restauration de la vie familiale tout en protégeant les enfants sont mises en place rapidement, sont brèves et intenses et se déroulent, en partie du moins, dans les milieux de vie des familles.
En analysant de près ces éléments de l'intervention, on peut faire t'hypothèse qu'ils sont essentiels en ce qu'ils favorisent l'établissement d'une relation de confiance [370] entre l’intervenant et la famille, dimension motrice du changement. Peu importe ce qui est visé dans une intervention - les conditions sanitaires, la santé, l'éducation des enfants, les problèmes psychologiques, les relations parents-enfants -, ce serait à travers la relation établie entre l'intervenant et la famille que les changements se produiraient. Les contraintes administratives et budgétaires empêchent souvent l'implantation de programmes véritablement axés sur les besoins des familles maltraitantes. Beaucoup de temps, d'argent et d'énergie sont investis dans des programmes qui occultent l’aspect relationnel de l’intervention. Un groupe de travail a récemment suggéré au réseau de la protection québécoise des enfants et des jeunes des mesures d'amélioration des modes d'intervention. Ces mesures reposent sur la constatation que la continuité, l'intensité et la complémentarité des services sont indissociables du bien-être des enfants et de leurs familles [27].
- Abus sexuels
Dans les cas des abus sexuels, 88% des programmes rejoignent d'abord les victimes et adoptent une approche familiale destinée à un réajustement du fonctionnement de la famille [28] : ils visent en priorité les cas d'inceste. Au Québec, les programmes spécifiquement destinés aux cas d'abus sexuels sont encore rares et s'inspirent des grandes tendances américaines, notamment des programmes qui font usage de groupes de pairs. Autrement, ce sont les intervenants sociaux rattachés au DPJ, travaillant en solo dans la majorité des cas [29], qui assurent un suivi auprès de la victime et de la famille. Ce suivi est d'une durée légèrement inférieure à deux ans, en moyenne. On s'en doutera, ce sont les victimes qui se prêtent davantage à l'intervention bien qu'en 1984, plus de 40% ne recevaient aucun service à la suite de l'abus [30]. Les agresseurs fréquentent très peu les programmes d'intervention. Par ailleurs, le placement est une pratique passablement répandue : une fille sur deux serait placée après le signalement.
En règle générale, on constate un manque d'études évaluatives quant aux effets des interventions dans les cas de délits sexuels intra-familiaux. Cependant, les recherches disponibles indiquent la nécessité d'offrir des interventions rapidement et sur une période assez longue (très certainement au‑delà de six mois et plus probablement deux ans) [31]. La présence d'une même personne accompagnant l’enfant et sa famille revêt une grande importance. La participation à un groupe de pairs ou d'entraide semble également contribuer au succès des interventions [32], bien que des résultats récents recueillis lors de l'évaluation d'un programme d'intervention en milieu montréalais jettent de sérieux doutes quant aux effets du groupe sur le bien-être psychologique des jeunes victimes [33]. De plus, il y a consensus sur le fait que l'intervention devrait atteindre non seulement la victime, mais aussi la famille. Le travail en équipe multidisciplinaire capable d'offrir un ensemble, coordonné de services apparaît également comme un atout. Par ailleurs, la séparation de l’enfant d'avec sa famille est très loin de faire l’unanimité [34]. On note, en particulier, que le retrait de l’enfant le culpabilise et le punit alors que le retrait de l’agresseur menace souvent l'équilibre économique de la famille et peut ajouter un stress financier à la situation. Il introduit sans doute aussi une ambiguïté dans les relations entre conjoints.
Les recherches disponibles portant sur les effets des programmes aboutissent à des conclusions très mitigées. Le taux de récidive varie de 0% à 15% ; cependant, ces données excluent les enfants et familles qui abandonnent le traitement et portent souvent sur de trop courtes périodes. Par ailleurs, on constate que certaines interventions peuvent aboutir à des changements quant au fonctionnement familial, notamment en ce qui a trait à la distribution du pouvoir et du contrôle dans le couple, de la communication entre parents et enfants et des attitudes sexuelles, bien que le fonctionnement post-traitement des familles prises en charge paraît presque toujours carencé lorsqu'on le compare à celui des familles témoins [35].
LA PRÉVENTION
- La prévention de la violence physique et de la négligence
La revue des facteurs associés à la maltraitance nous convainc que seule une approche multidimensionnelle en matière d'intervention a des chances d'aboutir à une diminution des taux de mauvais traitements. Une simple amélioration des compétences parentales ne suffit pas. Il convient plutôt de modifier les composantes de l'environnement social, économique et culturel pour créer un « environnement approprié ».
La pauvreté devrait constituer la première cible de toute action concertée de prévention de la maltraitance. L'action se situe ici à un niveau politique. Ce sont les politiques de redistribution de la richesse et de sécurité du revenu et les politiques relatives à l’emploi et à la lutte au chômage qui doivent être révisées si l'on souhaite briser le cercle pauvreté-misère sociale et humaine-maltraitance. On a souvent considéré les politiques de sécurité du revenu comme des « filets de sécurité » pour les plus démunis. Pour l’instant, les pauvres tombent dans ces filets et n'en sortent que [372] difficilement. Il faudrait plutôt convertir ces filets en « tremplins » favorisant la réintégration socio‑économique des parents surtout parmi les jeunes familles et les familles monoparentales [36].
Tout en travaillant prioritairement à ce niveau politique, on devrait veiller à consolider diverses interventions préventives déjà mises à l'essai, et parfois évaluées. Nous ferons ici état de divers types de programmes de prévention disponibles en mettant l'accent sur ceux qui ont fait l'objet d'une évaluation structurée. La multitude de facteurs de risque en cause et la diversité des situations signalées suggèrent qu'un seul type de programme ne pourra répondre à tous les besoins.
Les bilans américains [37] et québécois [38] des diverses interventions préventives de la maltraitance montrent que plusieurs programmes évalués sont efficaces pour contrôler ou atténuer un large segment des facteurs de risque. Dans le cas de la violence physique et de la négligence, on reconnaît un potentiel très intéressant aux programmes axés sur le soutien au rôle parental par les suivis périnatals à domicile.
Ces divers programmes de prévention peuvent être regroupés en cinq catégories : 1) ceux visant à donner un soutien au rôle parental par un suivi intensif des nouveaux parents ; 2) les programmes communautaires de soutien aux parents ; 3) les programmes visant le développement de liens parents-enfants dès le postnatal immédiat ; 4) les programmes d'éducation des parents aux pratiques parentales ; 5) les programmes visant la sensibilisation des intervenants, des parents et des enfants aux signes de la maltraitance.
Les interventions articulées autour des visites au domicile des nouveau-nés constituent le pilier des programmes de soutien au rôle parental. Certaines comptent surtout sur l'intervention non professionnelle (comme le projet québécois De la visite [39]). D'autres utilisent ces aidants naturels conjointement à des ressources professionnelles, notamment des infirmières (par exemple, le Prenatal/Early Infancy de Olds, Henderson, Chamberlin et Tatelbaum [40]). On retrouve habituellement les services suivants dans ces programmes : informations portant sur les connaissances et sur les pratiques parentales relatives à la discipline, sur les soins de base à donner à l'enfant, sur les techniques de stimulation, sur les étapes de développement de l'enfant ; amélioration du réseau social de soutien ; soutien psychologique aux parents, préparation au retour à l'école ou au travail pour le parent ; orientation vers les services...
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Les suivis périnatals à domicile apparaissent comme la clef de voûte d'un programme concerté de prévention de la maltraitance. Que ces visites soient faites par des professionnels, para-professionnels ou aidants naturels, elles permettent de rejoindre une large partie des parents à risque, d'évaluer la qualité du milieu physique et social de vie de l’enfant, de favoriser un contact direct avec les ressources du voisinage et d'établir une relation intime de confiance avec les parents avant que ne se présente un problème ou avant qu'ils ne se sentent incompétents. Cependant, les effets directs de ces programmes sur l’incidence de la maltraitance ne sont pas partout évidents, sauf dans le cas où le programme s'adresse aux parents aussi bien avant qu’après la naissance. Les projets basés sur un suivi intensif s'échelonnant sur une période de un à trois ans et qui ont un cadre d'intervention souple pouvant s'adapter aux besoins particuliers de chaque famille [41] ont permis d'améliorer l'intensité du lien parent-enfant, l'aptitude des parents à répondre aux besoins physiques et développementaux de l'enfant, le niveau des connaissances et des habiletés parentales, l'utilisation des ressources communautaires, l’état psychologique de la mère et, par voie de conséquences, ils ont contribué à diminuer les taux de mauvais traitements envers les enfants. Si les gains obtenus sont parfois moindres dans le cas des familles très fortement insulaires, les bénéfices sont particulièrement manifestes dans le cas des adolescentes enceintes [42] ou chez les mères présentant des niveaux de risques très élevés. L'efficacité du travail des aidantes naturelles oeuvrant en collaboration avec les professionnels pourrait représenter un sérieux atout, notamment dans un contexte multi-ethnique.
Les programmes de soutien au rôle parental fondés sur des visites à domicile bénéficient d'un apport complémentaire offert par divers organismes communautaires. Ces derniers (Maisons des parents, groupes de Parents Anonymes, réseaux d'entraide maternelle) se caractérisent par la souplesse et la diversité de leurs services, leur grande disponibilité, leur caractère non intimidant et leur ancrage dans le milieu de vie des parents. Même s'ils n'ont pas retenu autant l'attention des évaluateurs, il est clair que ces programmes communautaires peuvent enrichir le soutien aux parents.
Si l’on souhaite faire de la lutte à la maltraitance un objectif de société, et ce, dans une optique plus préventive que punitive, on devra consentir à la mise en oeuvre d'un large éventail de programmes complémentaires à des programmes de base de soutien au rôle parental. On devra notamment favoriser un meilleur attachement parent‑enfant dès la naissance. La cohabitation volontaire mère‑enfant à l'hôpital, l'humanisation des soins obstétricaux, la collaboration du père durant la période entourant la naissance et la mise sur pied de « maisons de naissance » qui faciliteraient l'atteinte de ces objectifs devraient être encouragées. Un soutien plus ferme des compétences et des ressources parentales s'impose dès le prénatal.
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La production d'outils, dont l'objectif premier est d'informer les parents quant au développement de l’enfant, à la vie familiale et de couple et aux ressources communautaires disponibles à proximité de leur résidence, représente également un formidable outil parmi les efforts de soutien au rôle parental [43].
- La prévention des abus sexuels
Il existe de nombreuses actions visant à prévenir les abus sexuels à l'égard des enfants, et ce, tant au Canada qu'aux États-Unis [44]. Plusieurs de ces actions représentent toutefois des initiatives ponctuelles limitées à des milieux donnés et dont la continuité est souvent incertaine [45]. Elles visent presque exclusivement à donner aux enfants des moyens pour prévenir les abus sexuels et pour dévoiler ceux dont ils sont (ou pourraient être) victimes. Certaines de ces actions visent également à sensibiliser les parents et les professionnels engagés auprès des enfants à mieux comprendre l'agression sexuelle, à pouvoir identifier promptement les enfants qui en sont victimes et à réagir adéquatement au dévoilement d'une telle situation. Les actions préventives ont surtout lieu dans les écoles et s'adressent aux enfants (garçons et filles) de tous les niveaux scolaires mais plus fréquemment aux enfants du primaire.
Peu de programmes de prévention des abus sexuels à l'égard des enfants ont été évalués et plusieurs de ces évaluations présentent des lacunes méthodologiques importantes [46]. Dans l'ensemble, les évaluations font état d'une efficacité limitée des programmes de prévention visant directement et exclusivement les enfants [47].
Généralement, ces programmes augmentent de façon significative le niveau de connaissance des enfants concernant les caractéristiques de l'agression sexuelle, l'identification des situations ou des attouchements louches et les habiletés à déployer en cas de danger. Ces acquisitions de connaissances semblent se maintenir au moins partiellement trois, six ou douze mois après la fin du programme, bien que certaines recherches ne confirment pas ce maintien des acquis [48]. Charest, Shilder et Vitaro [49] et [375] Kolko [50] mettent en évidence qu’un pourcentage important (jusqu'à 50%) des concepts enseignés n'est pas intégré ou retenu par les enfants et qu’un bon nombre d'entre eux n'accroissent pas leurs connaissances. Les programmes s'adressant aux parents et au personnel scolaire augmentent le niveau de connaissances de ces derniers en ce qui a trait aux caractéristiques de l'abus sexuel, aux attitudes préventives et au dépistage précoce des enfants agressés sexuellement [51].
Quelques recherches montrent que les enfants acquièrent également de nouveaux comportements préventifs leur permettant de faire face à une situation à risque. Par contre, ces gains ne peuvent être généralisés à l'ensemble des enfants (les plus âgés font plus d'acquisitions), à toutes les situations d'abus (les acquisitions concernent surtout les situations impliquant un étranger) ou à tous les programmes de prévention (ceux utilisant un entraînement comportemental suscitent plus d'acquisitions) [52]. La grande majorité des enfants ne semblent pas affectés négativement, comme on pourrait le craindre, par leur participation au programme, mais certaines recherches [53] montrent qu'un pourcentage non négligeable d'enfants peuvent ressentir de l’inquiétude, de l'insécurité ou une peur des étrangers.
Certaines variables semblent influencer l'efficacité des programmes de prévention. Un des facteurs importants concerne l'âge des participants au programme : les plus jeunes (moins de 6 ans) apprennent moins bien le contenu enseigné comparativement aux plus âgés [54]. La durée, l’intensité, la récurrence, la pratique et la formation des intervenants représentent des atouts importants.
Les programmes de prévention des abus sexuels s’adressent surtout aux enfants et très peu aux adultes. Les adultes (et non les enfants) devraient toutefois être les premiers responsables de la prévention des agressions sexuelles à l'égard des enfants. De plus, très peu de programmes S'attaquent aux causes ou facteurs de risques de l'agression. L’examen des facteurs de risque nous montre que les rôles sexuels sont au coeur du problème de l’abus sexuel. En effet, la grande majorité des agresseurs sont des hommes, la majorité des victimes sont des filles, les pères abuseurs sont souvent absents dans la socialisation de leurs enfants, l’agresseur éprouve souvent des difficultés dans ses relations avec les femmes et montre des tendances pédophiles et de violence envers les femmes ; ces observations sont autant d'indices remettant en question la socialisation des hommes et des femmes. Les programmes de prévention primaire devraient donc promouvoir des valeurs favorisant des rapports égalitaires entre l'homme et la femme, plus particulièrement dans le partage du pouvoir à l'intérieur de la famille et des responsabilités parentales. Par exemple, un programme d'éducation populaire visant à favoriser le respect de l'intimité personnelle dans le [376] cadre de la vie familiale apparaît comme une voie préventive non accablante et extrêmement prometteuse [55]. En particulier, les interventions en périnatalité devraient favoriser la participation précoce des pères à l'éducation de l’enfant. Des programmes d'éducation sexuelle globale auprès des adolescents pourraient s'attaquer aux stéréotypes sexuels. Ils devraient favoriser 1) l'estime de soi chez les adolescents ; 2) la promotion des rapports humains égalitaires et l'importance de se préoccuper du bien‑être des autres ; 3) le développement d'habiletés à prendre soin d'une autre personne ; 4) l'expression d'une sexualité saine et enrichissante.
D'autres facteurs de risque relevés précédemment suggèrent que certains enfants seraient victimes parce qu'ils se trouvent en situation de vulnérabilité, qu'ils sont l’objet d'une surveillance insuffisante. Des actions préventives visant à aider les familles vivant des difficultés comme une séparation, une recomposition, une situation de monoparentalité pourraient s'avérer prometteuses. Elles devraient viser à fournir aux parents du soutien dans leurs rôles parentaux et à l'enfant un soutien pour faire face à ces difficultés familiales. De plus, les projets communautaires destinés à inciter les parents et les adultes à offrir des lieux et des activités sécuritaires aux enfants durant les heures de « flottement » horaire (16 h à 20 h) contribueraient sans doute à une diminution importante des agressions sexuelles commises envers les enfants.
CONCLUSION :
CE QU'IL RESTE À FAIRE
Nous avons fait état des principaux facteurs de risques associés aux mauvais traitements infligés aux enfants. Nous avons également procédé à l'inventaire des grandes tendances actuelles en matière d'intervention auprès des enfants pris en charge par le système de protection de la jeunesse. Nous avons mis en évidence les avenues qui paraissent les plus prometteuses en ce qui a trait à la prévention de la violence physique, des abus sexuels et de la négligence.
Une analyse des efforts concernant la protection de l'enfance nous amène à la conclusion que la société et les communautés québécoises se sont donné un système avant‑gardiste et cohérent au bénéfice des enfants victimes de mauvais traitements. Comme le note le Groupe de travail sur l'application des mesures de la protection de la jeunesse, après douze ans d'efforts, « les enfants sont [désormais] mieux protégés et les intervenants [...] sont de plus en plus outillés pour ce faire [56] ». Mais, ce système souffre de nombreuses carences qui en menacent la qualité et t'efficacité : le système est lourd et complexe et il n'est disponible que pour les enfants et les familles en très grande détresse. En même temps, il doit remplir le vide créé par l'absence d'une « adresse unique » où pourraient se référer enfants et parents, tôt après l'apparition des problèmes. La fragmentation des services et l'absence d'une ressource de consultation bien identifiée et crédible conduit souvent les familles à utiliser la DPJ comme porte d'entrée dans le système des ressources. Le recours trop fréquent au placement, [377] l’encombrement administratif de la tâche des intervenants, le soutien déficient offert aux intervenants, le manque d'intensité dans le soutien à l'enfant affaiblissent la portée des interventions. Ces problèmes, s'ils sont réels, inspirent aussi des voies prioritaires d'amélioration des interventions : formation plus approfondie et mieux soutenue des intervenants ; plans de services individualisés mettant en scène tous les acteurs ; fréquence accrue des contacts entre les intervenants, l'enfant et sa famille ; rapidité, intensité et densité des interventions appuyées par un système d'information et d'évaluation efficace et par l’identification de ressources plus légères capables de répondre aux demandes dès l'apparition du problème. Mais, avec une moyenne de 50 000 signalements par année et une prise en charge qui oscille autour de 17 000 dossiers, il est devenu évident que le meilleur système de protection ne pourra jamais remplacer un système plus adéquat de promotion du développement et de la prévention. Le Québec s'apprête donc à investir davantage en prévention et à diriger davantage d'efforts vers les tout‑petits et leur famille.
Le Groupe de travail pour les jeunes [57] a déposé à cet effet un rapport qui propose au gouvernement et à la société québécoise de réduire d'au moins 25% à 30% les taux de délits et de négligence envers les enfants au cours des dix prochaines années. Les propositions du Groupe touchent à l’ensemble des facteurs qui menacent la compétence des parents et des éducateurs, et la sécurité des enfants. Les propositions ont trait à la diminution de la pauvreté chez les jeunes familles et les familles monoparentales, à la mise en oeuvre de vastes programmes de soutien parental durant les deux premières années de vie de l'enfant, à l'établissement d'un programme national visant à faire participer les pères à la vie familiale, à la mise sur pied d'un programme de stimulation infantile pour les parents des enfants de 2 à 4 ans, à l'accès à des lieux sécuritaires et à des personnes bienveillantes à la fin des journées de classe et au soutien de ressources communautaires gérées par les parents dont le spectre des activités va de la satisfaction des besoins alimentaires jusqu'au soutien en matière d'éducation des enfants. Ce schème s'inspire en très grande partie de recherches évaluatives nord‑américaines démontrant l'efficience et l'efficacité des efforts préventifs. Il repose sur le postulat que l’intervention tardive relativement à la protection atteint très rapidement ses limites et que la mise en oeuvre de programmes de soutien précoce à l'enfant et à sa famille est le moyen le plus respectueux et le plus prometteur pour diminuer la détresse des parents et la souffrance des enfants.
On ne peut toutefois laisser aux seules lois et coutumes administratives et politiques des services sociaux la responsabilité du développement de programmes curatifs ou préventifs en ce qui regarde la protection de l'enfance. Nous avons un immense besoin de développer et de mettre à la disposition des décideurs un ensemble de recherches susceptibles de les éclairer sur les aspects suivants de leurs actions : appariement des efforts préventifs en fonction de formes spécifiques de maltraitance et en fonction de contextes culturels particuliers ; évaluation des programmes novateurs destinés à rétablir le fonctionnement des unités familiales et à prévenir le placement ; évaluation systématique des effets à court et moyen terme des programmes [378] de prévention tant au niveau de l'analyse des coûts qu'à celui des conséquences ; analyses des besoins de formation et d'encadrement des différents intervenants ; mise à l'essai de divers modèles de collaboration et de concertation, notamment entre les praticiens des services de protection et les intervenants du préventif et mise au point d'indicateurs fiables de l'ampleur du phénomène de la violence et de la négligence dans la population.
En somme, nous avons besoin d'établir une culture de la prévention et du développement sur une base solide.
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[1] M. Mayer-Renaud, « Les enfants négligés sur le territoire du CSSMM », document inédit, Direction des services professionnels, Centre des services sociaux du Montréal métropolitain, 1990.
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[3] M. Mayer-Renaud, op. cit.
[4] R. Massé, « Évaluation critique de la recherche sur l'étiologie de la violence envers les enfants », Santé mentale au Québec, 15, 1990, p. 107-127.
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[23] D.P. Jones, « The Untreatable Family », Child Abuse and Neglect, 11, 1987, p. 409-420 ; A.H. Cohn et D. Daro, op. cit.
[24] D. Daro, op. cit. ; D.P. Jones, loc. cit.
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[26] L. Schorr et D. Schoor, op. cit.
[27] Groupe de travail sur l'application des mesures de protection de la jeunesse, op. cit.
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[47] N.D. Reppucci et J.J. Haugaard, loc. cit. ; C.L. Miller-Perrin et S.K. Wurtele, « The Child Sexual Abuse Preventions Movement : A Critical Analysis of Primary and Secondary Approaches », Clinical Psychology Review, 8, 1988, p. 313-329.
[48] D.J. Kolko, loc. cit. ; C.L. Miller‑Perrin et S.K. Wurtele, loc. cit.
[49] J. Charest S. Skilder et F. Vitaro, « Programme de prévention des abus sexuels envers les enfants : une analyse critique », Revue québécoise de psychologie, 8, 1987, p. 18-51.
[50] D.J. Kolko, loc. cit.
[51] Ibid. ; C.L. Miller-Perrin et S.K. Wurtele, loc. cit.
[52] J. Charest et al., loc. cit. ; I. Gentles et E. Cassidy, loc. cit. ; D.J. Kolko, loc. cit.
[53] N.D. Reppucci et J.J. Haugaard, loc. cit.
[54] J.R. Conte, C. Rosen, L. Saperstein et R. Shermack, « An Evaluation of a Program to Prevent the Sexual Victimization of Young Children », Child Abuse and Neglect, 9, 1985, p. 319-328 ; D.J. Kolko, loc. cit. ; C.L. Miller-Perrin et S.K. Wurtele, op. cit.
[55] CLSC Centre‑Sud et Centre de promotion de la santé mentale, Affaires secrètes : à propos de l'intimité familiale, programme de sensibilisation, 1993.
[57] Groupe de travail pour les jeunes, Un Québec fou de ses enfants, op. cit.
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