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La fécondation in vitro :
bienfait pour l’humanité ou aventure scientifique ?
Actes du colloque multidisciplinaire tenu à l'Université Laval le 19 octobre 1984.
Introduction
Le Groupe de recherche en éthique médicale de l’Université Laval (GREM) présente, dans le présent ouvrage, les actes de son colloque multidisciplinaire ainsi que son premier rapport de recherche sur la fécondation in vitro.
La fécondation in vitro
Les biotechnologies se sont insérées jusque dans le domaine de la reproduction humaine, fief de l'intimité individuelle et sociale. La fécondation in vitro en est la plus spectaculaire. Elle peut être considérée à un double point de vue, selon qu'elle est utilisée dans un but reproductif ou pour des fins expérimentales.
La naissance, en 1978, du premier "bébé-éprouvette" a amorcé un mouvement qui prend une allure d'irréversibilité. Envisagée dans son application clinique à but reproductif, la fécondation in vitro peut être considérée comme un bienfait pour l'humanité, notamment parce qu'elle permet de lutter contre l'infertilité. Mais elle n'en pose pas moins de sérieuses questions à l'éthique et au droit, surtout celle du statut moral et légal de l'embryon humain.
L'accélération de la recherche en fécondation in vitro et la progression quasi géométrique des découvertes qu'elle a entraînées met cependant à portée de main d'autres techniques qui exigent des choix sociaux en fonction de l'avenir : congélation et entreposage d'embryons humains, culture d'embryons in vitro, clonage par séparation de blastomères, modification ou correction du code génétique humain, utilisation des tissus embryonnaires pour fin de greffe ou de regénérescence de tissus ou organes adultes, pour ne mentionner que celles-là. Bref, il s’agirait ici d’utiliser la technique de la fécondation in vitro à des fins expérimentales c’est-à-dire à but non reproductif.
Le groupe multidisciplinaire de recherche
Les questions que pose la fécondation in vitro, notamment celle du statut de l'embryon humain, ne relèvent pas, comme telles, des hommes de science ou des hommes politiques, mais des sciences de l'homme, L'éthique et le droit sont les premières sciences humaines à être interpelées. Si elles ne répondent pas, elles risquent de n'avoir plus qu'à entériner, a posteriori, des situations de fait qui avaient échappé à la prévision de la conscience sociale.
Conscient de l'enjeu posé par la fécondation in vitro et de l'urgence d'étudier l'impact de cette biotechnologie sur les valeurs et sur la société, le GREM a entrepris une recherche multidisciplinaire durant l'année universitaire 1983-1984.
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Ce groupe comprenait quinze professeurs et étudiants gradués des Facultés de médecine, de droit, de philosophie, des sciences de l'éducation, de théologie, ainsi que de l'École des sciences infirmières (en 1985, l'anthropologie et la psychologie s'y sont joints).
La recherche a porté sur la fécondation in vitro dans son application clinique à but reproductif. Le GREM tenait, le 19 octobre 1984, un colloque multidisciplinaire à l'Université Laval, où il donnait une partie des résultats de cette recherche. Il publie dans le présent ouvrage les actes de ce colloque, de même que le premier rapport de l'état de la recherche (p. 148-171).
L'année 1985 est consacrée à l'étude de la fécondation in vitro à but non reproductif ou expérimental. La recherche est subventionnée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
Le colloque et les actes
Le thème du colloque était La fécondation In vitro : bienfait pour l'humanité ou aventure scientifique ?
Ce colloque était tenu sous une forme particulière. Au lieu de présenter des exposés suivis de discussions, comme il se fait habituellement, le GREM avait choisi la formule du débat/procès. Deux animateurs y jouent le rôle d' "avocats" argumentant pour et contre la fécondation in vitro. Des personnes-ressource, servant de témoins-experts, sont appelés à la barre par le président du "tribunal". Des interrogatoires et contre-interrogatoires mettent en évidence les arguments des témoins (couple, médecin, biologistes, juriste, théologien et philosophes). Le débat se termine par des plaidoiries. Il n'y a ni verdict, ni gagnants ni perdants. La formule est d'ordre pédagogique et a pour objectif de mettre en lumière les diverses questions soulevées par la fécondation in vitro.
Cette forme de colloque a certes des avantages et des désavantages, comme le souligne Me Ivan Bernier, président du débat (p.3) Avantages d'offrir une formule vivante, de faire ressortir les questions fondamentales, de présenter deux courants de pensée sur la fécondation in vitro. Mais désavantages aussi, ceux de ne pouvoir approfondir des questions, de ne pas offrir un discours rigoureux, etc.
Les actes de ce colloque reproduisent cette formule. Les intervenants n'ont fait que retoucher la formulation française de leur exposé à partir du texte des sténotypistes. La pureté de la langue et l'expression française peuvent y perdre parfois, mais le style parlé a été conservé en conformité avec la formule du colloque.
Nous avons cru nécessaire de reproduire la période de questions des assistants. Elles sont un complément aux interventions des participants, puisqu'elles font ressortir des points peu ou pas traités. Ces questions, de plus, reflètent la perception sociale du [viii] phénomène de la fécondation in vitro.
Le rapport de recherche
Le colloque et le rapport de recherche sont deux documents complémentaires. À la spontanéité du colloque/débat s'adjoint un texte plus rigoureux.
Tout comme le colloque, ce premier rapport porte sur la fécondation in vitro dans son application clinique à but reproductif. C'est un rapport d'étape qui rend compte de la recherche au GREM à la fin de l'année 1984. Il revêt un caractère de recherche inachevée. D'autres rapports suivront.
Le Coordonnateur du GREM a rédigé ce rapport à partir des exposés présentés aux quelque quinze réunions, des procès verbaux de ces réunions, et des résumés de discussion. Ce rapport a été soumis au GREM pour fin de discussion, modifié puis adopté par le groupe multidisciplinaire comme une synthèse de sa recherche et de ses discussions (p. 149).
Marcel J. Mélançon,
Ph.D. Coordonnateur du GREM
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