|
RECHERCHE SUR LE SITE
Références bibliographiques avec le catalogue En plein texte avec Google Recherche avancée
Tous les ouvrages
numérisés de cette bibliothèque sont disponibles en trois formats de fichiers : Word (.doc), PDF et RTF |
Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Roberto MIGUELEZ, sociologue, Politique et raison. Figures de la modernité. Ottawa : Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1988, 97 pp. Collection: Philosophica. [Autorisation accordée par le professeur Miguelez, le 3 septembre 2003, de diffuser toutes ses oeuvres.] Une édition numérique réalisée par Stéphane Turcotte, bénévole, étudiant en sciences humaines au Cégep de Chicoutimi. Introduction par Roberto Miguelez POLITIQUE ET RAISON : que de problèmes, de déceptions, de convulsions de notre temps se reflètent dans ces thèmes. Preuve pourtant qu'ils ont aussi été thèmes de projets et d'espoirs qui ont nourri des rêves et des pratiques. Voilà pourquoi : « figures de la modernité ». Faut-il croire que l'expérience centrale de la conscience contemporaine est la mort de la raison ? Non, certes, celle de la faculté de raisonner, mais la mort de la raison comme principe, comme motif et comme but d'un projet politique historique : celui de la modernité, des Lumières, voire de la civilisation européenne. Devrait-on donc situer cette conscience, pour autant que l'on fasse le constat de la centralité d'une telle expérience, dans une post-modernité signée par la désarticulation de la raison et de la politique, par l'explosion de cette épistémè moderne qui trouvait, dans le sujet et sa raison, la source et la garantie de toute unité et de toute totalité ? La tentation est toujours là de conclure, du constat d'un échec, d'abord à la conviction d'une impossibilité, ensuite à la recherche d'un ersatz. Dans cette voie, à quoi la critique de la raison pratique politique peut-elle aboutir ? Dans le meilleur des cas, comme chez les romantiques, à l'esthétisme ; dans le pire des cas, comme chez les fascistes, au « décisionnisme » d'une volonté pure. Mais, dans un cas comme dans l'autre, n'opère-t-on pas la simple substitution à la raison de ce qui n'est que son image simplement inversée : la forme ou l'autorité comme refus de toute vérité, comme seules vérités ? Pourtant, le contexte des concepts et des pensées « post » serait comme une image changeante : il suffirait de se donner la perspective appropriée pour y discerner les contours d'un modernisme radicalisé, d'une philosophie des Lumières qui, par un mouvement sur elle-même, s'auto-illumine, d'un concept post-rationaliste de raison (Wellmer : 337). Mais ce « post-modernisme » ne serait-il pas alors un autre nom donné à ce procès de la raison moderne qui paraît interminable - qui le sera, peut-être, tant et aussi longtemps qu'une nouvelle forme de réconciliation de la raison avec elle-même ne s'effectuera pas pratiquement, c'est-à-dire dans l'ordre politique. Une chose semble en tout cas certaine : s'il faut caractériser la « postmodernité » - et le mot ne semble guère adéquat pour ce qui ne serait qu'une radicalisation de la modernité -, c'est par la possibilité et la nécessité d'une réflexion sur les conditions de la pensée politique elle-même qu'il faudrait le faire. Au premier rang de ces conditions : la tension qui doit s'instaurer dans la conscience des individus, des groupes ou des communautés entre un lieu axiologique dans lequel la conscience puise un principe d'ordre, et le lieu empirique saisi comme espace à ordonner. Car le procès de la raison comme procès d'un projet historique n'a pas comme seule conséquence la critique de certaines figures de la raison ; il montre, dans la radicalisation de sa critique, qu'il n'y a pourtant pas d'action politique possible sans la référence à un ailleurs normatif, sans un projet qui nous porte, comme individus, comme groupes, ou comme communautés, au-delà de ce que nous subissons comme désordre. Nous découvrons alors que politique et raison n'ont pas toujours défini cette tension entre l'empirique et l'axiologique, que d'autres formes de totalisation ont servi de matrices de sens de l'ordre politique. C'est alors que nous sommes amenés à nous demander si, dans notre contemporanéité, et comme un avatar de la critique de la raison, l'illusion n'est pas née de pouvoir quitter non pas, certes, l'espace du politique, mais celui-là même que définit l'idée de totalité et qui peut, seul, fonctionner comme espace de légitimation et de motivation de l'action politique. C'est avec une telle réflexion et dans le contexte d'une recherche des formes de totalisation fondatrices de l'agir politique que débute ce recueil de textes. Ces formes, à la manière des types idéaux, ne sont pas censées décrire, ni dans leur contenu, ni dans leur déroulement, les espaces axiologiques qui ont conditionné les formes d'intelligibilité du politique : elles se veulent des modèles formels de ces formes d'intelligibilité. Leur postulat est le hic et nunc en quoi consiste essentiellement le topos politique, de sorte que ces modèles ne trouvent leur formalisation que comme rapports temporels différentiels à ce hic et nunc du topos politique. Par cette formalisation, il devient possible de situer conceptuellement l'enjeu qui caractérise, à ce niveau, le débat contemporain : d'une part, le procès critique de la raison comme matrice de sens du politique et, d'autre part, la tentative discutable de chercher à la verticale du hic et nunc, et vers le bas, dans les profondeurs d'un sujet déconstruit en structures, un substitut au sens. La suite de ce recueil s'attache au procès de la raison, à commencer par celui que l'on attribue déjà à Fichte, et qui n'est que procès d'une certaine figure de la raison. L'intérêt de la pensée de Fichte s'avère alors être celui de l'échec d'une tentative de réfléchir la raison pratique téléologique (troisième figure de la totalité) dans son rapport au monde, sans dichotomiser le monde en nature soumise à une pure causalité mécanique d'un côté, et en communauté formée de pures monades de l'autre. Car cet échec pointe, comme c'est le cas déjà chez Hegel, vers la possibilité d'une solution théorique dans le paradigme de l'activité qu'est le travail et, dans cette voie, au-delà de Hegel, dans la conceptualisation marxienne. Les deux textes qui suivent examinent deux crises politiques majeures de la raison, saisie maintenant comme raison à l'oeuvre dans des systèmes de pouvoir, celle qu'inspire, au XIXe siècle, la Révolution française, sous forme de critique du rationalisme « démocratique », et celle que réveille, de nos jours, le socialisme « réel », sous forme de critique du rationalisme « totalitaire ». Au XIXe siècle, la réaction conservatrice à la Révolution française cherche, par un rappel de la « vie » (Herder) ou du « social » (Burke), à démasquer la prétention d'une raison calculatrice, arithmétique, formaliste, oublieuse des pesanteurs des réalités concrètes. Un siècle plus tard, une certaine forme de critique du socialisme « réel » voudra trouver, cette fois-ci dans la pesanteur indépassable de l'être (Heidegger), une explication de l'échec non plus déjà de la raison calculatrice, arithmétique et formaliste, mais de la raison tout court. C'est à une analyse des ressources autant que des limites de ces critiques que sont consacrées ces deux études. Enfin, le dernier travail de cet ensemble se penche sur les figures de la rationalité qui habiteraient le marxisme contemporain et l'animeraient, de par leurs différentes conceptions du rapport entre la connaissance et l'action éthique, d'une tension susceptible d'expliquer le sens des débats théoriques qui l'ont marqué et dont les enjeux sont loin d'avoir été effacés. Mais s'il était vrai que deux rationalités s'opposent dans le marxisme, l'une privilégiant l'action - y compris comme condition de connaissance -, l'autre la connaissance - surtout comme condition de l'action -, alors il y serait aussi question d'une tension susceptible d'expliquer le sens d'une pratique politique qui a oscillé, d'un mouvement quasi pendulaire - et fort probablement suivant les flux et les reflux du mouvement révolutionnaire - entre un « spontanéisme » de l'action et un « volontarisme » de la raison. Aucune conséquence politique unique ne peut être tirée de ce recueil de textes, car ceux-ci ne supposent pas une prise de position politique commune. Par contre, ils partagent implicitement ou explicitement une prise de position à proprement parler philosophique : celle qui voit dans une réflexion sur les fondements de la raison politique une condition, nécessaire, du sens de l'engagement politique, de l'agir au sein de la Cité. Roberto Miguelez OUVRAGE CITÉ
WELLNIER, Albrecht, « On the Dialectic of Modernism and Postmodernism », Praxis, Vol. 4, No 4, January 1985.
|