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L’homme d’affaires
Préface
On fait de l’orientation professionnelle depuis des années. Platon bien avant Pascal en voyait la nécessité. Avec le temps, les méthodes ont changé : plus systématiques depuis les premières années du vingtième siècle, elles sont devenues scientifiques avec les progrès de la psychologie appliquée. Nos éducateurs ont toujours prodigué aux élèves leurs meilleurs conseils et les ont assistés à l’entrée dans le monde du travail. À l’école primaire surtout, on se fait gloire de trouver un emploi aux diplômés de chaque promotion et l’on ne manque pas d’encourager ceux qui le peuvent à poursuivre des études plus avancées. Au niveau du secondaire, davantage depuis quelques années, on se préoccupe d’éclairer les finissants sur les carrières possibles : des conférenciers de marque sont invités à parler aux philosophes des exigences et des promesses que présentent les diverses professions parmi lesquelles ils vont faire leur choix. Initiatives louables, sans aucun doute. Mais ce ne doit être là qu’un commencement.
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Qu’il y ait plus à faire, le contact des jeunes nous l’apprend sans laisser d’équivoque. Les lumières qu’on leur donne comme en passant, et le plus souvent d’une façon impersonnelle, laissent dans leur perplexité le plus grand nombre des hésitants ; plusieurs de ceux qui ont été pris par la magie d’une conférence ou bien hypnotisés par les courants d’idées poussant tantôt vers les sciences, tantôt vers le commerce, tantôt ailleurs, découvrent après un an d’études, parfois avant, qu’ils ne sont « pas faits pour cela », sans savoir au juste les aptitudes qu’ils possèdent. Ils refont alors leur choix encore à tâtons, mais ils recommencent les études avec crainte ; les difficultés, inévitables en quelque chemin où l’on s’engage, sont grossies par le sentiment d’insécurité qui envahit de plus en plus ; ces jeunes entrent dans un cercle vicieux et la vie apparaît sombre... Ce tableau n’est pas une fantaisie, c’est une réalité ; sans dire qu’elle se fabrique en série, elle est assez fréquente pour inciter à y remédier. On ne signale ici que le mal des individus ; mais il ne faudrait pas, pour cela, oublier le mal social qui découle de semblables situations. Que faire ?
Ce que fait et ce que suggère l’auteur des pages auxquelles nous avons l’honneur d’introduire le lecteur.
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D’abord, il faut fournir à l’élève matière à réflexion. Monsieur Minville lui présente le monde des affaires avec ses complexités, ses exigences. On connaît des monographies professionnelles des différentes carrières libérales comme des différents métiers ; il n’existait pas, certainement pas en français, d’aperçu synthétique semblable au présent ouvrage ; il faut en remercier monsieur Minville. Ceux qui font de l’orientation lui en seront très reconnaissants ; leur travail s’éclairera des précieuses lumières qu’il fournit ; leurs recommandations s’appuieront sur son autorité indiscutée. Et nos jeunes gens qui veulent faire leur vie dans les affaires vont pouvoir baser leurs ambitions sur une étude sérieuse du monde où ils s’engagent. Nous venons de dire « étude » ; c’en est une que de prendre une vue claire des affaires. Le guide est sûr, qu’on le suive.
Il restera à l’étudiant à se connaître. On trouvera dans les pages que l’on va lire l’expression d’un désir auquel il importerait beaucoup de répondre au plus tôt : que chaque élève ait, à l’école, du moins au collège, un dossier, non pas quelconque, mais renfermant le fruit d’observations méthodiques et objectives. Il y a déjà ici et là quelques tentatives en ce sens. Nos maîtres s’entraînent peu à peu à faire rendre à ces dossiers tout ce que l’on peut en attendre. Ce n’est pas là travail des plus faciles ; [12] il demande au moins une initiation ; autrement, les documents perdront leur valeur. Les mesures en psychologie ont fortement contribué à l’avancement de l’orientation professionnelle scientifique. Si les appréciations du caractère n’ont pas encore connu le succès des mesures de l’intelligence, elles ont quand même leur mérite ; mais elles supposent ou bien des observations ou bien une interprétation que ne peuvent donner que ceux qui y ont été entraînés. Nos Instituts pédagogiques et notre Ecole Normale Secondaire se chargent de nous donner ces maîtres. Il y a donc progrès. Nous souhaitons que d’autres, comme monsieur Minville, contribuent à l’accélération de ce progrès.
I. LUSSIER, ptre,
Diplômé de l’Institut d’Orientation
Professionnelle de Paris.
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