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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Laurent Mucchielli, “Quelques réflexions critiques sur la «psychopathologie des banlieues»”. Un article publié dans la revue VEI Enjeux, no 126, 2001, pp. 102-114. [M. Laurent Muchielli, sociologue et historien de formation, est chargé de recherche au CNRS et directeur du Centre de recherche sociologique sur le Droit et les institutions pénales au CNRS]. [Autorisation formelle des auteurs accordée le 8 septembre 2005] Introduction La « psychopathologie des banlieues » est une expression à la mode. En témoigne, par exemple, un ouvrage collectif récent dont la préface trahit cependant une certaine gêne devant une catégorisation dont les psychologues pressentent sans doute le fort potentiel de stigmatisation qu’elle induit [1]. Le titre est là, cependant, avec ses effets attendus. D’autres auteurs qui se présentent comme des « experts » des questions de « violences urbaines » n’hésitent pas à affirmer que, derrière ces jeunes qui causent des troubles (de l’incivilité à l’émeute), se cachent autant de dangereux psychopathes [2]. Et l’idée est plus répandue encore que le mot. On la retrouve notamment dans un discours extrêmement répandu sur l’absence de socialisation de ces jeunes. Par exemple, deux autres « experts » les décrivent comme « sans repères, ni moraux, ni sociaux, ni civiques » ; « ni l'école qu'ils fréquentent peu, ni des parents souvent démissionnaires, n'ont pu les doter d'une grille de référence leur permettant de distinguer l'autorisé du toléré et de l'interdit » [3]. En somme, c’est un peu un discours sur la sauvagerie (par opposition à la Civilisation, aux bonnes mœurs, etc.) qui arrive alors rapidement, surtout lorsque les auteurs expliquent en même temps que ces jeunes sont pour la plupart d’origine étrangère [4]. Petit à petit, on voit ainsi resurgir les vieux stéréotypes qui structurent le regard traditionnel de l’Occident sur les autres mondes et des milieux bourgeois sur les milieux populaires. Afin d’éviter de reconduire tous ces lieux communs à propos de la frange délinquante de ceux qu’on appelle couramment les « jeunes de banlieues » (encore une étiquette porteuse de représentations dévalorisantes), je voudrais proposer ici quelques réflexions sociologiques sur la psychopathie dans ses rapports avec la délinquance et, plus largement, sur l’explication des comportements violents. Pour commencer, suivant la règle posée à juste titre par Durkheim, commençons par définir les concepts utilisés. [1] J.-J. Rassial, éd., Y a-t-il une psychopathologie des banlieues ?, Toulouse, Érès, 1998. [2] On lira en ce sens le « portrait-type du jeune qui a activement participé à des violences urbaines » selon J.-P. Grémy (Les violences urbaines, Paris, IHESI, 1996, p. 10-12). [3] A. Bauer, X. Raufer, Violences et insécurités urbaines, Paris, Presses Universitaires de France, 1998, p. 27. [4] Voir notre critique des auteurs précités : L. Mucchielli, Expertise ou supercherie sur les violences urbaines ?, www.amnistia.net (2 octobre 2000) ; ainsi que Violences et insécurité. Fantasmes et réalités dans le débat français, Paris, La Découverte, 2001 (le chapitre 2 et la fin du chapitre 4).
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