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Jean-Marc PIOTTE
sociologue (UQAM)
“Sens et limites
du néo-nationalisme.”
Un article publié dans Parti pris, revue politique et culturelle, vol. 4, no 1, septembre-octobre 1966, pp. 24-39.
Ceci est une autre tentative pour cerner la réalité du Québec. Pour ce faire, j'ai essayé de contrer trois dangers possibles : 1 -le "globalisme" qui consisterait à ne pas respecter la spécificité des niveaux de la réalité en les fusionnant dans une unité parménidienne ; 2 - la "métaphysique" qui consisterait à réfléchir sur la question nationale sans passer par la nécessaire médiation des analyses factuelles ; 3 - le "fonctionnalisme" qui [25] consiste à séparer les problèmes les uns des autres et à les regarder superficiellement sans les relier aux structures historico-sociales. Positivement, j'ai tenté, par une réflexion sur les différents faits que dévoilent les sciences sociales, de considérer la société comme une totalité - ce qui implique que tous les niveaux de la réalité sont interdépendants mais aussi que chaque niveau de la réalité a une certaine autonomie propre - et de considérer cette totalité comme un fait historique, comme un fait qui donc va nécessairement changer, à moins que nous n'ayions atteint la fin de l'histoire ! Bref, j'ai été ambitieux.
Mon exposé se divise en trois parties. Dans la première, je pose les trois niveaux d'analyse permettant de comprendre le Québec. Ensuite, je cherche les principales causes du réveil national des dernières années. Et enfin, je tente de dégager le sens et la portée du nationalisme québécois. À la fin de l'article se trouvent de nombreuses notes - qui peuvent alourdir mon papier - mais que je vous suggère de lire. Un article n'est pas pour moi un bel objet narcissique, plein de lui-même et fermé sur lui-même, mais un écrit qui dévoile une réalité en indiquant les sources utilisées et en montrant, si possible, tout ce qui reste à dévoiler.
les trois niveaux d'analyse
Jacques Dofny et Marcel Rioux situent assez justement les problèmes que soulève l'analyse du Québec lorsqu'ils disent. "Notre hypothèse est que la plupart des caractères particuliers du problème des classes sociales au Canada français tiennent au fait que d'une part cette entité socio-culturelle se considère et est considérée comme une société globale, comme une nation, et qu'à ce titre le problème des classes sociales se pose comme dans toute autre société globale en voie d'industrialisation et d'urbanisation ; que d'autre part, les Canadiens français se considèrent et sont considérés comme une minorité ethnique reconnue qui, à l'intérieur du Canada, envisagé à son tour comme une société globale, joue le même rôle que celui d'une classe sociale à l'intérieur d'une société globale. C'est l'interaction entre ces deux situations de fait et la prédominance de l'une ou l'autre conscience de "classe" à un moment donné qui explique la physionomie de chaque époque, les alliances et les luttes idéologiques qui y apparaissent. En surimpression, et pour expliquer certains phénomènes plus généraux, il faut faire appel à une troisième dimension, celle de l'Amérique du Nord. Certaines valeurs, certaines institutions, la plupart des [26] techniques, un grand nombre de comportements sont nord-américains avant d'être Canadiens ou Canadiens français [1]. Examinons rapidement ces trois niveaux d'analyse en commençant par le dernier.
l'impérialisme américain
Le Québec comme le Canada vit sous l'hégémonie économique et poli, tique des États-Unis. Les capitalistes canadiens sont dominés dans leur propre pays par leurs homonymes américains. Washington, par son pouvoir économique, contrôle la politique extérieure du Canada. Même plus, il peut s'immiscer dans la politique intérieure du pays avec la bénédiction d'Ottawa. Nous avons vu dernièrement Washington donner l'ordre aux succursales canadiennes des compagnies américaines de ne pas réinvestir leurs bénéfices au Canada, mais plutôt de les rapatrier aux États-Unis. La guerre au Viêt-nam coûte cher : les États-Unis prennent les moyens pour freiner l'hémorragie de leurs devises. Ottawa, appuyant politiquement l'agression yankee au viêt-nam, l'appuye aussi économiquement. Le Parti Libéral fédéral, élu grâce au vote massif des Québécois, laisse les États-Unis s'emparer progressivement du Canada, donc aussi du Québec : un nationaliste québécois conséquent doit lutter contre cette mainmise américaine sur le Québec. Le NDP, peu conscient en pratique du nationalisme québécois, lutte cependant contre l'impérialisme américain : ce parti représente l'avant-garde du nationalisme canadian.
De plus, les États-Unis, contrôlant l'économie du pays, exercent leur hégémonie sur la culture canadian et québécoise. Nous vivons dans une civilisation de consommation de masse. Ce sont les biens matériels et, disons, spirituels mis à notre disposition qui façonnent notre personnalité collective. Au niveau des biens maté. riels, tous connaissent, je crois, l'histoire racontée par Michel Chartrand dans laquelle celui-ci, en décrivant les objets qu'utilise un Québécois durant sa journée, montre l'emprise qu'exerce sur nous "l'american way of life". Au niveau des biens non, matériels, il s'agit d'observer la diffusion des films, des chansonnettes et de la littérature de type américain pour se rendre compte que nos valeurs et nos comportements ne peuvent que s'américaniser. je ne m'attarderai pas sur ce point ; j'y reviendrai.
une nation assujettie
Le Québec, dominé par les Américains, l'est aussi par les Canadians. Et cette domination est si forte que Dofny et Rioux ont pu affirmer que [27] les Québécois formaient, dans l'en. semble du Canada, une classe ethnique. [2]
Il n'existe pas véritablement un capitalisme québécois, mais il existe ce que le NDP appelle un "canadian establishment". La politique économique du Canada, soumise aux impératifs de l'économie américaine, s'exerce tout de même par l'intermédiaire des capitalistes canadians qui sont en grande majorité ontariens. La politique économique du fédéral et le décalage du niveau de vie entre le Québec et l'Ontario sont incompréhensibles à celui qui ne perçoit pas l'existence de cet "establishment".
La politique fédérale étant soumise aux intérêts des capitalistes canadians, nous pouvons ainsi comprendre pourquoi les Québécois n'ont jamais participé réellement à son élaboration. Nous avons plusieurs exemples de cette absence de participation québécoise aux décisions fédérales. Le Parti de Pearson, élu par le Québec, ne donne aucun poste important aux députés québécois, et cela malgré la présence à Ottawa de libéraux québécois compétents et malgré la montée du nationalisme au Québec. André Lefebvre et Jacques Tremblay font ressortir que cette absence de l'influence québécoise à Ottawa est une constante historique. [3] Chaque fois que le peuple du Québec entre en contact avec le gouvernement d'Ottawa, il en devient plus nationaliste. Ainsi le Crédit social se fait élire à Ottawa en utilisant uniquement des revendications sociales et économiques, mais, confronté avec la domination canadian, il revient au Québec avec des positions extrêmement nationalistes. [4]
Au niveau sociologique, nous remarquons aussi un clivage entre les Canadians et les Québécois.
Hors du Québec, le Québécois doit absolument apprendre la langue anglaise pour travailler. En tant que parlant français, il n'est pas plus reconnu que l'Allemand. Il est ressortissant d'une des minorités. Il est un immigrant. Il doit s'assimiler pour vivre. Aussi il ne faut pas se surprendre si un grand nombre des représentants des provinces de l'Ouest donnaient comme fonction à la Commission B. & B. d'étudier les problèmes des minorités ethniques, la canadienne-française comme les autres et pas plus que les autres.
Dans le Québec même, nous remarquons cette infériorisation des Québécois par rapport aux Canadians. Elle s'observe dans les villes industrialisées, au niveau des ouvriers, des collets blancs et de la petite bourgeoisie.
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Les industries sont presque systématiquement aux mains des capitalistes américains et canadians. Dans chaque ville industrialisée, nous observons la division en quartiers riches et en quartiers pauvres, en quartiers canadians et en quartiers québécois. Ainsi à Montréal, nous voyons, d'un côté, Westmount, N.D.G., the Town, et, de l'autre, les quartiers de l'est de Montréal. [5] Nous pourrions ainsi diviser géographiquement le Québec en deux grandes zones : les villes non industrialisées (ex. la ville de Québec) et les campagnes où, faute de ce clivage ethnique, la conscience nationale est moins forte, et les villes industrialisées (ex. Alma) où le nationalisme ne peut aller qu'en s'exacerbant.
Les ouvriers sont conscients que le facteur ethnique bloque leur mobilité sociale : "La plus ou moins grande importance attribuée à l'appartenance au groupe ethnique français ou anglais reflète bien la situation des ouvriers dans la société ; ils perçoivent l'importance de ce facteur avec le plus d'intensité dans l'usine : ils connaissent concrètement les limites de leur mobilité qui correspondent à une barrière ethnique." [6] Mais les aspirations des ouvriers dans l'usine ne peuvent concrètement que se limiter au poste de contremaître. Aussi la revendication nationale sera moins forte chez eux que chez les collets-blancs travaillant dans les entreprises américaines ou canadians. Chez ces derniers, la mobilité dans l'entreprise est, abstraction faite du facteur ethnique, beaucoup plus grande que celle de leurs confrères ouvriers : leurs aspirations à grimper dans l'échelle sociale seront aussi plus fortes et leur conscience de la barrière ethnique, plus aiguë. Chez les petits bourgeois - surtout chez les commerçants, les petits industriels et les "managers" - il va de soi que, la concurrence étant plus forte pour eux que pour les travailleurs, leurs aspirations à la mobilité sociale, leur conscience du clivage ethnique et leur nationalisme seront donc ainsi plus exacerbés que chez ces derniers. Ces faits nous permettent de comprendre pourquoi l'idée d'indépendance s'enracine davantage dans les villes industrialisées et pourquoi le RIN recrute plus de membres chez les collets blancs et chez les petits bourgeois que chez les ouvriers.
Ce clivage ethnique, au Québec même, révèle bien la domination canadian sur les Québécois. Et les Canadians du Québec sont peut-être plus conscients de cette domination que les dominés eux-mêmes : "Hughes a montré comment les Canadiens français étaient comprimés aux échelons inférieurs de l'entreprise industrielle [29] et, surtout, combien les entrepreneurs et les cadres supérieurs américains ou anglais étaient profondément conscients de ce clivage et savaient le rationaliser." [7]
Ces faits politiques, économiques et sociologiques ont entraîné chez les Québécois une conscience très vive d'être autres que les Canadians. Et cette conscience nationale a toujours surpassé la conscience de l'hégémonie américaine sur le Québec et la conscience de la stratification des Québécois eux-mêmes en couches sociales. C'est en s'appuyant sur cette conscience et sur les faits économiques, politiques et sociologiques qui la fondent que Dofny et Rioux ont pu parler d'une structuration des Québécois en classe ethnique.
Bref, si les Etats-Unis exercent leur hégémonie sur le Québec, ils le font par l'intermédiaire de la puissance économique et politique de l'« establishment » et par l'intermédiaire de la situation privilégiée des Canadians habitant le Québec.
la stratification du Québec
Je ne m'attarderai pas sur ce point : Le manifeste parti pris 1965, 66 et l'article de Mario Dumais portant sur les classes sociales explicitent assez bien cette stratification. [8] Voici quand même quelques brèves indications.
Il existe d'une part, une division entre Montréal et le reste du Québec. Montréal est le centre économique, politique et culturel de notre pays : il exerce son hégémonie sur l'ensemble du territoire québécois. Il est le moteur de toutes les manifestations durables du Québec. Aucune politique ne peut s'instaurer au Québec si elle n'a pas l'appui de la Métropole. Ainsi le Crédit social, s'appuyant sur le milieu rural, n'a aucune chance de durée s'il ne réussit pas à s'infiltrer à Montréal.
D'autre part, nous pouvons observer au Québec l'existence de trois classes sociales : la haute bourgeoisie, la petite bourgeoisie et la classe des travailleurs. La haute bourgeoisie québécoise est pratiquement inexistante : c'est d'ailleurs une des raisons qui entraîne J. Dofny à parler de classe ethnique à propos du peuple québécois. La petite bourgeoisie est formée du clergé, des petits industriels, des commerçants, des professionnels et des managers québécois : la petite bourgeoisie canadian habitant le Québec se rattacherait de par sa conscience et ses intérêts à la haute bourgeoisie canado-américaine. C'est dans la petite bourgeoisie québécoise que se recrutent les politiciens des partis traditionnels du Québec. Cette petite bourgeoisie est en état de mutation, passant du nationalisme réactionnaire, [30] à un nationalisme progressiste, de l'idéologie cléricale à l'idéologie néo-capitaliste. Aussi, les technocrates ont-ils remplacé les clercs pour constituer l'avant-garde de cette petite bourgeoisie. La classe des travailleurs est formée grosso modo des ruraux, des ouvriers et des collets blancs. Cette subdivision de la classe des travailleurs est importante. J'ai montré plus haut que nous ne pouvions analyser avec précision la question nationale si nous ne voyons pas comment elle prend plus ou moins d'intensité selon le groupe des travailleurs qu'elle rejoint.
Comprendre cette stratification sociale du Québec est essentiel : une stratégie qui ne tiendrait pas compte de ce troisième niveau d'analyse ne pourrait conduire qu'à un échec.
les causes du néo-nationalisme
D'après M. Charles Taylor, il faudrait, pour prouver que l'aliénation nationale existe, montrer qu'elle est "à la base du cléricalisme traditionnel, du manque de démocratie, du goût de l'autorité, du manque de techniciens, des carences du systèmes de l'éducation et ainsi de suite." [9]
Pour expliquer les caractéristiques de ce qu’était notre mentalité collective, il y a trois hypothèses possibles. 1. C'est la faute de l'élite cléricale du Québec qui a mal dirigé le peuple québécois ou, plus schématiquement, c'est la faute des Québécois eux-mêmes. C'est l'hypothèse de PET, et celle de G. Filion lorsque celui-ci parle d'une province plus bête que les autres. Mais cette hypothèse n'explique rien. Il faudrait montrer pourquoi l'élite québécoise était cléricale, pourquoi les clercs, tous d'origine populaire, ont formé cette idéologie et ainsi de suite. Cette hypothèse contient des jugements qui ressemblent beaucoup à ceux que forment les Américains sur les Noirs et à ceux que les bourgeois du XIXe siècle se faisaient des prolétaires. [10] Ce sont des critiques moralistes qui n'expliquent rien parce qu'elles font appel à des traits de caractère sans en chercher les fondements situationnels. C'est un tout petit peu raciste. Est-ce que Charles Taylor partagerait cette hypothèse ?... 2. C'est la faute des Anglais. Un certain nombre d'indépendantistes partagent cet avis. C'est du racisme à rebours, et cette démarche tombe sous les mêmes critiques que la précédente. Aussi, je ne m'y attarderai pas. 3. La troisième hypothèse ne fait pas appel à la caractérologie ou à des jugements moraux : elle explique ceux-ci en les fondant sur une situation. Je ne peux mieux faire que de citer Guy Rocher : "Je crois qu'en particulier la thèse de doctorat de Jacques Brazeau fournirait des indications précieuses [31] sur une mentalité qui, plus que le résultat ou le reflet d'une structure sociale du Canada français, serait plutôt un ensemble d'attitudes de repli, de recroquevillement en face d'un univers linguistique et culturel étranger, partiellement impénétrable et peut-être perçu par surcroît comme menaçant ou méprisant." [11] C'est l'impossibilité d'une vie sociale complète - celle-ci étant tronquée aux niveaux économique, politique et sociologique - qui a replié l'individu sur la famille, la religion, la tradition, le ruralisme, etc. [12]
Ce nationalisme réactionnaire conduisait à masquer les réalités économiques et sociologiques du Québec. Il secrétait des symboles qui, fonction du passé, masquaient les réalités présentes. Nationalisme réactionnaire, il bloquait toute prise réelle sur le présent et sur l'avenir. Ce repli de la conscience nationale jouait comme un véritable blocage émotif empêchant tout nouvel apprentissage, toute nouvelle redéfinition de notre situation. Cette tentative de se conserver, de demeurer inchangé ne pouvait conduire qu'à l'abandon des traditions soit pour s'assimiler [13] soit pour se renouveler profondément.
Cité Libre a critiqué ce nationalisme réactionnaire. Mais il ne l'a fait qu'en tenant compte du contexte nord-américain et de la structuration des Québécois en classes sociales. Critiquant le nationalisme réactionnaire, il n'a pu en trouver les fondements situationnels. Pour Cité Libre, c'était un abcès qu'il fallait enlever. Après cela, tout irait pour le mieux dans le statu quo fédéral. Il fallait que les Québécois deviennent fonctionnels comme les Canadians : les citélibristes n'avaient pas observé et su tirer les conséquences de la subordination des Québécois aux Canadians. C'est pour cette raison que, dès 1960, ils étaient dépassés.
Une question demeure : quelles sont les causes expliquant la fin du nationalisme réactionnaire et la montée du nationalisme progressiste ? J'en discerne deux : la mobilisation des Québécois et la diffusion de la culture de masse, toutes deux dépendantes de l'industrialisation du Québec.
la mobilisation des Québécois
Le nationalisme réactionnaire était voué à l'insuccès dans la mesure où il s'opposait idéologiquement au processus d'industrialisation.
Or, depuis la dernière grande guerre, ce processus s'est accéléré. Un grand nombre de gens passent de la campagne à la ville et viennent grossir le contingent d'ouvriers. De plus, dans les villes, un grand nombre de fils [32] d'ouvriers deviennent des collets blancs. Or, je l'ai montré plus haut, la conscience nationale ne peut que s'accroître des ruraux aux ouvriers et de ceux-ci aux collets-blancs. (Notons ici que les réformes du Ministère de l'Éducation, en élevant le niveau de compétence des Québécois, ne peu. vent que durcir l'affrontement de ceux-ci avec les Canadians du Québec.) Ainsi l'industrialisation qui détruisait le nationalisme réactionnaire (l'homme ne peut pas penser contre sa situation indéfiniment) ne pouvait que susciter un nationalisme positif plus revendicateur.
Cette mobilisation s'est effectuée aussi au niveau de la petite bourgeoisie. Le nombre des managers et des petits industriels a augmenté en force et en puissance par rapport aux clercs et aux professionnels. Les premiers com. me les seconds ne peuvent être que nationalistes vu que l'ensemble de leurs pouvoirs résident au Québec. Mais chez ceux-là, au contraire de ceux-ci, ce nationalisme ne peut s'appuyer que sur l'industrialisation. Notons cependant que cette montée du néo-nationalisme au sein de la petite bourgeoisie s'est effectuée de façon involontaire. Ceux qui ont lutté pour l'avènement d'une pensée fonctionnelle, c'est-à-dire pour le néo-capitalisme, luttaient aussi contre toute forme de nationalisme : Cité Libre (PET et G. Pelletier), CSN (J. Marchand), faculté des sciences sociales de Laval (R. Tremblay et M. Lamontagne), etc. Remarquons d'ailleurs que les représentants de cette tendance sont rendus à Ottawa. (Même au sein du parti libéral du Québec, les Carnets de J.-M. Nadeau semblent montrer qu'on ne possédait pas une conscience claire de l'union nécessaire du néo-capitalisme québécois avec le néo-nationalisme.) Mais lutter pour le néo-capitalisme, c'était objectivement favoriser la montée du néo-nationalisme : les intérêts des petits industriels et des managers québécois ne se trouvent pas à Ottawa. Bref, l'ensemble des Québécois a été porté par les forces "occultes" de l'histoire vers le néo-nationalisme sans qu'aucune classe n'ait pu prévoir et diriger cette orientation.
Ainsi, en devenant ouvrier, collet-blanc ou petit bourgeois, le Québécois prend conscience que sa mobilité est freinée parce qu'il est Québécois. Cette mobilité est freinée au Québec, mais elle n'existe pas hors de celui-ci, à moins que le Québécois n'assimile la langue et la culture canadians. Ainsi nous remarquons deux processus distincts, mais qui interfèrent l'un sur l'autre. Si nous pensons le peuple québécois comme partie intégrante du Canada, le facteur démographique [33] (naissance et décès plus immigration) nous conduit à une perspective d'assimilation ou à une vie anémique tout au plus. On parle alors en termes de génocide culturel. Les Canadians ont le nombre pour eux : ils finiront par nous assimiler. Si nous pensons purement en fonction du Québec, l'assimilation est impossible : l'histoire ne peut conduire qu'à une différenciation du peuple québécois et à l'hégémonie de celui-ci sur la minorité canadian vivant sur son territoire.
C'est cette double perspective qui conduit l'ensemble des Québécois à penser purement en fonction du Québec : le Québec d'abord, le Canada ensuite. Car c'est uniquement au Québec qu'un Québécois a des chances de pouvoir se réaliser un jour en tant que Québécois, aux niveaux économique, politique et social. Et cette subordination des intérêts du Canada à ceux du Québec ne peut aller qu'en s'accélérant. Ceci nous permet de comprendre pourquoi un grand nombre de techniciens québécois refusent un salaire supérieur à Ottawa et préfèrent travailler pour le gouvernement du Québec. Ici, ils peuvent détenir des responsabilités réelles et peuvent grimper dans l'échelle du fonctionnarat provincial sans, pour cela, renier leur personnalité culturelle.
la diffusion de la culture de masse
Gérald Fortin a montré que la consommation de masse, provoquée par l'industrialisation et, aussi, par l'avènement de la télévision, a pénétré profondément toutes les couches de la population du Québec. [14] Les valeurs et les modèles de comportement propagés par les mass media sont de type nord-américain. Or il suffit de comparer la culture américaine à la culture clérico-traditionnaliste pour prendre conscience de leur incompatibilité. Cette culture de masse a déferlé comme un raz-de-marée, bouleversant les valeurs traditionnelles du Québec et créant une instabilité et une inquiétude qui devaient tout remettre en question.
Deutsch donne six facteurs qualitatifs favorisant l'assimilation [15] : 1. La ressemblance entre les structures mentales des deux peuples ; 2. l'instruction rendant plus facile l'adaptation des individus à un groupe étranger ; 3. une fréquence élevée des communications entre les deux peuples ; 4. l'importance des récompenses matérielles (emplois, promotions, prestige, etc.) offertes aux candidats à l'assimilation ; 5. la concordance des valeurs du peuple dominé avec les récompenses matérielles offertes par le peuple dominateur ; 6. les symboles nationaux [34] du peuple dominé en tant qu'ils peuvent favoriser l'assimilation.
Or la diffusion de la culture de masse a rapproché la culture québécoise de la culture canadian, dans la mesure où celle-ci est à peu près identique à la culture américaine. L'industrialisation, provoquant l'instruction, multiplie, selon Deutsch, les possibilités d'assimilation. Mais si l'instruction à cet effet sur les minorités vivant dans un pays étranger, elle a un effet absolument contraire pour une nation qui, comme la québécoise, représente la majorité de la population sur son territoire. L'instruction s'allie alors à la mobilisation pour provoquer une plus grande différenciation. Les moyens de communication modernes multiplient les contacts entre la culture américaine, donc canadian, et celle des Québécois. Les récompenses matérielles attachées à l'assimilation sont, dans l'idéologie actuelle des Québécois, valorisées, tandis que la culture clérico-traditionnaliste les subordonnait dédaigneusement aux valeurs spirituelles. Cependant, et c'est ce qui est le plus décisif sur le plan culturel, la position démographique de force des Québécois sur leur territoire entraîne la création et le développement des symboles de différenciation. Ainsi, seuls, le deuxième et le sixième facteurs ne favorisent pas, toujours sur le plan culturel, l'assimilation des Québécois.
Bref, nous vivons une lutte entre la culture traditionnelle qui nous différenciait et la culture américaine qui tend à l'assimilation. Au niveau culturel, nous sommes en période de crise qui, en nous affaiblissant, favorise l'assimilation. [16] Ce qui a, par réaction, entraîné une recherche frénétique de ce que nous sommes ou de ce que nous serons. Cette crise explique, en partie, l'impuissance des intellectuels québécois à définir positivement ce qu'est la culture québécoise (parti pris recherche depuis trois ans des analyses positives sur cette dernière.)
C'est avec la pénétration de la culture de masse que surgissent dialectiquement la chansonnette et le cinéma québécois. Les chansonniers québécois tracent la voie aux chanteurs yéyé : les émissions à gogo des canaux 12 et 6 de la T.V. présentent de temps à autre, des Québécois qui chantent en français du yéyé américain aux téléspectateurs canadians ! Aussi, c'est surtout depuis 1960 qu'est reconnue internationalement la poésie québécoise. C'est durant la même période que s'écrit la littérature joual, réaction aux intellectuels canadiens français coupés des aspirations populaires (ceux qui ont le coeur et la [35] tête à Paris, tandis que l'estomac demeure ici), réaction au clérico-traditionnalisme mais, aussi, réaction à la "massification" entraînée par la culture américaine. Qui sommes-nous ? [17]. Cette question centrale permet de comprendre les différentes manifestations culturelles depuis 1960.
Jacques Brault dit justement : ... le Québec se trouve au confluent de deux courants de civilisation - appelons-les francité et américanité - qui le mettent en demeure d'opérer une synthèse." [18] Cette nécessité prend toute son acuité aujourd'hui, la culture américaine ayant renversé la culture sclérosée dans laquelle les Québécois étaient renfermés.
sens et limites du néo-nationalisme
Nous pouvons distinguer dans la démarche actuelle trois orientations qui s'interpénètrent fortement pour ne former qu'une seule visée. Ces trois orientations sont : libération de soi, création de soi, et réalisation de soi.
Les nationalistes actuels (sauf pour l'incohérent Regroupement National qui, reposant uniquement sur des groupes socio-économiques en désintégration, se désintégrera plus tôt que tard) luttent contre les séquelles du nationalisme réactionnaire, du duplessisme. L'avant-garde des nationalistes, les indépendantistes, sont, en majorité les plus grands ennemis du traditionnalisme québécois. Une enquête dans le milieu du RIN, par exemple, prouverait facilement la véracité de cet énoncé. Aussi pouvons-nous affirmer que les Québécois sont en lutte contre eux-mêmes pour donner à leur comportement national une orientation positive. Ceci a la portée d'une libération de soi : libération du traditionnalisme, du cléricalisme, du ruralisme, etc.
Mais se libérer du "réactionnarisme" implique que le Québec se cherche des valeurs et un comportement lui permettant de modifier la situation : il s'efforce de se donner une culture ayant des fondements historiques tout en étant orientée vers l'avenir. Pour ce faire, il essaie de réaliser la synthèse entre l'américanité et la francité. C'est par et dans les bouleversements dont j'ai parlé plus haut que le Québec cherche à créer ce qu'il sera. C'est cette démarche que je nomme création de soi.
Cependant, libération et création de soi ne peuvent s'actualiser sans que les Québécois transforment leur situation : le Québec ne se créera un comportement positif qu'en changeant les structures qui l'assujettissent. Au niveau politique, les pouvoirs pas [36] seront de plus en plus d'Ottawa à Québec. Au niveau économique, l'État interviendra de plus en plus pour exercer un contrôle sur l'activité économique des capitalistes canado-américains, et pour leur imposer des normes. Au niveau social, les Québécois se subordonneront la minorité canadian qui devra accepter un statut de minorité. Cette transformation du milieu ambiant, je la nomme réalisation de soi. C'est en modifiant son milieu que le Québécois structurera sa nouvelle personnalité, et c'est en effectuant la synthèse dont j'ai parlé plus haut qu'il transformera son environnement... (Réalisation est un terme plus valable que ceux d'expression et d'objectivation : celui-ci est par trop relié à l'hégélianisme et à sa dialectique de l'aliénation, tan, dis que celui-là a une portée beaucoup plus littéraire que politique).
Libération, création et réalisation de soi constitueraient donc le sens du nationalisme actuel.
Mais qui peut conduire à son terme ce mouvement de libération ? La nation québécoise ? Répondre de cette façon, c'est nier que les Québécois sont eux-mêmes divisés en classes sociales. Précisons la question : Quelle est la classe qui peut conduire la nation québécoise au terme de son mouvement de libération ? Pour répondre à cette question, il faut se demander : 1. - quelle est la classe qui a le plus d'intérêts économiques et politiques dans la libération du Québec ; 2. - quelle est la classe qui, par ses pouvoirs économiques et politiques, peut diriger le plus aisément ce processus de libération. La réponse s'impose alors d'elle-même : la petite bourgeoisie, ou, plus précisément, la fraction progressiste, technocratique ou néo-capitaliste de la petite bourgeoisie. D'une part, par la libération, elle peut multiplier ses pouvoirs économiques et politiques face aux capitalistes canadians et américains, en affaiblissant les premiers. D'autre part, par l'intermédiaire du PL et de l'UN, elle exerce déjà le contrôle sur les institutions politiques du Québec. Ainsi, la petite bourgeoisie progressiste réunit, elle les deux conditions qui lui permettront d'exercer son hégémonie sur le processus de libération. D'ailleurs, depuis 1960, le PL et l'UN se sont emparés des revendications du RIN à mesure qu'elles ont pénétré la population, utilisant l'agitation et la propagande des groupes indépendantistes pour durcir leurs positions face à Ottawa et à la minorité canadian du Québec. Ainsi, si le processus de libération tel que décrit plus haut exerce ses effets bénéfiques sur l'ensemble du peuple québécois, il sera pourtant [37] bénéfique, au niveau économique et politique, surtout à la petite bourgeoisie progressiste : le sens de la libération va dans le sens du néo-capitalisme québécois.
Mais, actuellement, la petite bourgeoisie est-elle à l'avant-garde de ce processus de libération ? Qui dirige actuellement ce dernier ? Le RIN, sans aucun doute. Mais celui-ci, malgré les prétentions de certains, n'est pas une excroissance de la petite bourgeoisie. L'analyse de ses cadres et de son programme montre avec évidence qu'il représente les collets-blancs. Mais cette prépondérance actuelle des collets-blancs dans ce processus de libération soulève un problème : pourquoi les collets-blancs remplacent-ils actuellement la petite bourgeoisie à la tête du processus de libération ? D'une part, il ne faut pas oublier, qu'après la petite bourgeoisie, ce sont les collets-blancs qui ont le plus d'intérêts économiques et culturels à la libération du Québec. D'autre part, l'opportunisme de la petite bourgeoisie s'explique par sa faiblesse numérique et économique et, surtout, par le poids d'inertie de ses traditions et de ses institutions politiques. Plus ou moins obnubilée par son passé de compromissions, la petite bourgeoisie doit recevoir de l'extérieur le dynamisme et la conscience de son rôle historique. Les collets-blancs, par le RIN, tracent la voie au PL et à l'UN. D'ailleurs, le RIN, par son idéologie axée sur la nation québécoise et sur la négation des classes sociales, par sa volonté de ne pas heurter les impérialistes américains (dans son programme, le RIN disserte beaucoup sur la mainmise américaine sur notre économie, mais c'est pour mieux affirmer qu'on ne peut contrer efficacement cette domination étrangère ; tout ce qu'il propose est d'instituer, sans nationaliser aucun secteur économique, une vague planification indicative et d'exiger que les compagnies nomment un certain nombre de francophones parmi leurs cadres supérieurs !) et par ses attaques axées uniquement contre les Canadians, pave une voie souveraine à la petite bourgeoisie progressiste. Ainsi le RIN n'a-t-il qu'un rôle historique transitoire, même si celui-ci est essentiel. Il sera appelé, ou bien à être assimilé par l'un des vieux partis ou bien à se désagréger et à disparaître lorsque le processus de libération aura été conduit à son terme par le PL ou l'UN. Orienté uniquement vers l'indépendance, le RIN aura alors joué son rôle historique. [19]
Jean-Marc Piotte.
[1] Dofny, Jacques et Rioux, Marcel : "Les classes sociales au Canada français". Revue française de sociologie, vol. 3, no. 3 (juillet-septembre 1962) : 291. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]
[2] Dofny, Jacques et Rioux, Marcel : "Les classes sociales au Canada français". Revue française de sociologie, vol. 3, no. 3 (juillet-septembre 1962) : 291. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]
[3] Lefebvre, André et Tremblay, Jacques : "Québec, pour une politique du possible". Cité Libre, no. 80 (oct. 1965) : 12. "Chapleau écrivait en 1887 : "L'influence canadienne française est nulle dans le cabinet, nulle dans la direction de la politique." Cardin, en 1944, demandait : "Quelles sont les concessions que vous avez faites et que vous faites aux Canadiens français, vous les Canadiens d'origine anglaise ?" Et M. Maurice Sauvé, en août 1965, constatait : "Vous êtes en possession tranquille du pouvoir et vous n'êtes pas décidés à le partager avec nous".
Dans cet article, Lefebvre et Tremblay affirment que les Québécois ne peuvent aspirer qu'à se donner un État de type néo-capitaliste ayant un statut particulier au sein de la Confédération. Soutenir d'autres aspirations serait pour les Québécois s'entretenir d'illusions.
Cette affirmation ne repose, si je ne m'abuse, que sur deux facteurs : 1. - les Québécois sont, au point de vue démographique, une minorité au sein du Canada ; 2. - l'économie québécoise est contrôlée par le capitalisme américain. À partir de ces deux facteurs d'infériorisation, le possible est défini : nous devons appuyer l'aile progressiste du PL, c'est-à-dire Kierans, Lévesque et Gérin-Lajoie.
Je soumets humblement qu'une analyse politique le moindrement profonde ne peut se réduire à ces deux facteurs. Ainsi, appliquons une analyse de cette sorte à Cuba, et on ne peut comprendre pourquoi celui-ci a réussi à se libérer des Yankees. (Évidemment, je ne veux pas insinuer que Québec est Cuba.) C'est probablement la raison pour laquelle le professeur Lefebvre prédisait jadis à ses étudiants normaliens, dont j'étais, la chute du régime castriste...
Il faut aussi véritablement - non pas seulement dans les intentions, mais dans les faits - se situer dans une perspective historique. Et l'histoire n'est pas la répétition du même. L'école de Montréal - Blain, Brunet et Frégault - qui a formé le professeur Lefebvre, a été influencée plus qu'il ne le paraît par le Chanoine Groulx qui disait si suavement : "Notre maître, le passé". Il faut situer le Québec dans une perspective internationale, et il faut comprendre que si la situation internationale s'est modifiée au cours des années passées, elle se modifiera encore, que si le monde actuel est divisé en deux blocs et que si les Etats-Unis, après l'Angleterre, exercent leur hégémonie sur les nations capitalistes, cette situation n'a pas la valeur d'une essence éternelle.
Le possible de nos deux compères en est un d'impuissants. La vision foncièrement fataliste de Lefebvre a nettement limité la portée qu'aurait pu avoir son analyse.
[4] Rioux, Marcel : "Conscience ethnique et conscience de classe au Québec". Recherches sociographiques, vol. 6, no 1 (janv.-avril 1965) : 27. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]
[5] Trudel, Jacques : "Notre environnement urbain". Parti pris, vol. 2, no. 4 : 21-31.
[6] Dofny, Jacques et David, Hélène : "Les aspirations des travailleurs de la métallurgie à Montréal". Recherches sociographiques, vol. 6, no 1 : 75. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]
[7] Rocher, Guy : "Les recherches sur les occupations et la stratification sociale". Recherches sociographiques, vol. 3, no 1-2 (janv.-août 1962) : 177. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]
[8] "manifeste 1965-66" et l'article de Mario Dumais : "les classes sociales au Québec". Parti pris, vol. 3, no 1-2.
[9] Taylor, Charles : "La révolution futile". Cité Libre, no 69 (août-sept. 1964) : 16. Remarquons que si les critiques de C. Taylor sur la vision partipriste 1964 de la réalité du Québec sont parfois assez justes, il ne définit pourtant pas positivement comment il faudrait analyser le Québec.
[10] Lefebvre, A. et Tremblay, J. : "Québec, pour une politique du possible". Cité Libre, no 80 : 9.
[11] Rocher, Guy : "Les recherches sur les occupations et la stratification sociale". Recherches Sociographiques, vol. 3, no 1-2 : 179. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]
[12] Memmi, Albert : Portrait du Colonisé. Buchet/Chastel, p. 133.
[13] Deutsch, Karl W., : Nationalism and Social Communication, MIT, p. 158. "The extreme attempt to preserve unchanged a people with its institutions and its policies leads first to the perversion, and in the extreme case ultimately to the loss of these traditions and institutions".
J'ai amplement utilisé les recherches de Deutsch, mais non servilement. Cet auteur opte pour un gouvernement mondial dont la réalisation impliquerait, selon lui, la disparition des inégalités socio-économiques (il est plus lucide que PET) mais aussi l'extinction des différences culturelles (tandis que Berque fonde la mondialité sur l'originalité spécifique de chaque culture). Certes ce choix de valeurs oriente toute son analyse. Mais celle-ci peut être révélatrice de certaines réalités, et j'ai utilisé les faits qu'elle dévoile pour mieux asseoir mon option.
[15] Deutsch, Karl W. : Nationalism and Social Communication, MIT.
[16] Id., p. 135 : "Where this cross-cultural pull to assimilation is reinforced by the intracultural balance among conflicting values, assimilation may be rapid and may bridge even apparently large differences ?"
[17] Je me demande quelquefois si la composante émotive du Québécois ne serait pas surtout américaine, tandis que sa composante intellectuelle - sauf au niveau technico-scientifique - serait française. Mon intuition repose sur une vue très sommaire des objets offerts à nos sens : images américaines, sons américains et français, écritures françaises, etc., et sur l'hypothèse que l'image a surtout une portée émotive ; les sons, une portée rationnelle et émotive ; les écritures, une portée rationnelle.
[18] Brault, Jacques : "un pays à mettre au monde". Parti pris, vol. 2, no 10-11 : 21.
[19] J'aurais aimé ici esquisser une stratégie pour les socialistes québécois. Mais après avoir envisagé différentes hypothèses, aucune ne s'est imposée à moi avec assez d'évidence pour que je l'adopte. Un socialiste ne peut tracer une ligne d'action sans tenir compte des syndicats. Or il n'existe aucune analyse politique, économique ou sociologique valable sur ces derniers. Faudrait-il se demander ce que font nos universitaires ? De toutes façons, parti pris accordera cette année une attention toute particulière aux syndicats et à la question stratégique.
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