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Avant-propos
Nul n’est plus esclave que celui qui se croit libre sans l’être.
(Johann Wolfgang von Gœthe)
Cher lecteur,
Le domaine des humanités se caractérise de curieuse façon par rapport aux autres domaines d’étude. Chez ces derniers, on prétend que les solutions viennent finalement à bout des problèmes.
Dans le domaine des humanités, ce sont les problèmes qui, semble-t-il, viennent à bout des solutions offertes, de temps à autre, par l'un ou l'autre des auteurs, d'où des controverses, sinon interminables, du moins non encore terminées à ce jour, peut-être parce que ces sujets sont inépuisables, plus souvent parce que l’étude de ces sujets n’est pas toujours conduites avec la rigueur qu’exige la sagesse qu’on dit aimer : la philosophie.
Dans cette étude, je m'intéresse à l'expression : « La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. » Elle est si souvent employée dans les conversations qu’il est rare de rencontrer quelqu’un qui, parmi nous, ne se l’est pas fait servir un jour ou l’autre, soit cette forme soit sous l’une de ses variantes. Pourtant, ce proverbe, i.e. cette locution censée exprimer une recommandation de sagesse, présente plusieurs difficultés, à tel point que Johann Wolfgang von Gœthe écrivit : « Nul n’est plus esclave que celui qui se croit libre sans l’être. »
Dans les pages qui suivent, je conduis l’exploration d’une difficulté. Je me concentre sur l’expression « là où », tout en examinant celles qui gravitent autour d’elle. Cette exploration est faite à la lumière d’une école de sagesse qui naquit dans l’Antiquité grecque, avec Aristote, et fut ensuite relayée par les aristotéliciens, comme Thomas d’Aquin au [2] XIIIe siècle et Jean Poinsot au XVIIe siècle, pour nous parvenir aujourd’hui. [1]
Selon cette école de sagesse, l’expression : « La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. » ne « vaut comme philosophie », i.e. comme sagesse savante, que si « elle est démonstrativement vraie » ; autrement, elle ne vaut que comme sagesse non savante, disons « populaire ». [2]
Lecteur, à toi de juger si l’exercice de dialectique que tu t’apprêtes à lire t’en convainc !
Saint-Étienne-des-Grès, 21 juin 2014
[1] Les textes grecs sont pris du site : http ://www.remacle.org, créé par Philippe Remacle, décédé le 11 mars 2011, dont l'œuvre est poursuivie par Anne-Sophie et Jean-François Remacle. Les textes latins sont pris du site : corpusthomisticum.org, créé par le professeur Enrique Alarcón, et soutenu par l'université de Navarre. Les traductions françaises sont prises du site : docteur angelique, créé par le professeur Arnaud Dumouch. Ces sites sont tous répertoriés au site créé par Guy-François Delaporte : thomas d’aquin. Certains autres sites sont parfois utilisés, et cités. Nous employons aussi le Dictionnaire grec-français de Émile Pessonneaux, Paris, 1953, Librairie classique Eugène Belin ; et le Dictionnaire illustré latin-français de Félix Gaffiot, Paris, 1934, Librairie Hachette, lexilogos.
[2] Jacques et Raïsa Maritain, Œuvres complètes Volume XVI (1900-1973), Éditions universitaires Fribourg Suisse et Éditions Saint-Paul Paris, 1999, p. 54.
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