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Laurence Pourchez
“Institutions scolaires
et culture réunionnaise”.
Un texte publié dans un ouvrage sous la direction de Christian Ghasarian, Anthropologies de la Réunion, pp. 95-111. Paris : Éditions des archives contemporaines, 2002, 257 pp.
Cet article tente de mettre au jour quelques éléments susceptibles d'expliquer la méconnaissance, le presque rejet de la culture locale par les enseignants (qu'ils soient créoles ou métropolitains) en poste à l'île de La Réunion. Il est d'abord question du passé, de la genèse de l'école à La Réunion. Puis, m'appuyant sur les informations recueillies sur le terrain à l'occasion de mes recherches doctorales et post doctorales, je montre l'importance de ces données pour une meilleure connaissance de l'enfant réunionnais. Il s'agit ensuite de retracer l'impact qu'a eu l'institution solaire sur les familles, sur les transmissions intergénérationnelles. Le récit et l'analyse de formations conduites à la demande d'inspecteurs départementaux de l'Éducation Nationale permettent d'émettre quelques hypothèses, d'envisager la complexité de la situation. La solution au manque de prise en compte de la culture locale dans les pratiques scolaires ne peut en effet être envisagée sous la forme de déclarations d'intentions issues de circulaires ministérielles. Enfin, plusieurs recherches en cours sont présentées, dont l'objectif est de permettre une réappropriation des savoirs locaux Ce dernier point débouche sur l'affirmation de la nécessité d'une anthropologie qui ne serait pas seulement « appliquée » au sens ou l'entendait Roger Bastide mais plutôt « impliquée » et participative.
Pourquoi les institutions relevant, à La Réunion, de l'Éducation Nationale, méconnaissent-elles et rejettent-elles quasiment la culture locale façonnant l'enfant réunionnais ? Sur la base d'informations recueillies sur le terrain à l'occasion de mes recherches doctorales et post-doctorales, je propose ici quelques éléments de réponse en analysant d'abord le passé, la genèse de l'école dans ce département français. je retracerai ensuite l'impact qu'a eu le développement de l'institution scolaire sur les familles, sur les transmissions intergénérationnelles. Le récit et l'analyse de formations conduites à la demande d'inspecteurs départementaux de l'Éducation Nationale dans le cadre d'une anthropologie appliquée permettront d'émettre quelques hypothèses, de tenter de montrer que la situation est plus complexe qu'il n'y paraît et que la solution au manque de prise en compte de la culture locale dans les pratiques scolaires ne peut être envisagée sous la forme de déclarations d'intentions issues de circulaires ministérielles. Enfin, je décrirai plusieurs actions en cours, dont l'objectif est de permettre tant une découverte voire une réappropriation des savoirs locaux par le personnel enseignant, que la reconnaissance et la prise en compte pédagogique de la culture réunionnaise par l'institution Éducation Nationale. Ce dernier point débouchera sur l'affirmation de la [96] nécessité d'une anthropologie qui serait non seulement appliquée au sens ou l'entendait Roger Bastide, mais également impliquée.
Histoire d'une négation culturelle
Dans l'ouvrage intitulé L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, Philippe Ariès montre que l'école agit à la manière d'une « quarantaine ». Il s'agit, écrit-il « d'un long processus d'enfermement » qui sépare les enfants des adultes et empêche la mise en place des processus d'apprentissage traditionnels (1973 : 9). Ces apprentissages sont d'autant plus abandonnés qu'ils sont socialement ou « ethniquement » connotés et que les acquis, valeurs ou normes qu'ils véhiculent seraient susceptibles de remettre en cause la force de l'empreinte laissée, par l'école, sur l'esprit des enfants.
À La Réunion, île initialement déserte, la population s'est formée dès la seconde partie du XVIIe siècle, à partir de colons, d'esclaves, d'engagés, principalement originaires d'Afrique, d'Inde, de Chine, d'Europe, de Madagascar. L'historien réunionnais Sudel Fuma (1992) précise que des esclaves ont également été amenés de Malaisie, de Polynésie, d'Australie. Dans ce contexte fait de rapports de force entre maîtres et esclaves, l'école a d'abord été l'affaire des Blancs, des classes sociales favorisées.
Claude Prudhomme, dans son Histoire religieuse de La Réunion (1984), détaille le contenu des programmes scolaires dans les écoles paroissiales de la fin du XIXe siècle : en 1867, on y apprend l'anglais, le dessin, la musique, l'escrime. Hors l'instruction religieuse, la priorité est donnée aux qualités oratoires et littéraires des élèves. Le modèle de référence est européen et aucune allusion a une quelconque forme de créolité n'est pensable. La culture créole [1] est alors assimilée au Noir, à l'esclave, et de ce fait, elle est niée, cachée. Peu à peu, à partir du début du XXe siècle, l'école de la République s'implante, se démocratise et s'ouvre aux enfants des engagés et des descendants d'esclaves. Mais son rôle est avant tout de l'ordre de « l'œuvre civilisatrice ». Elle a alors pour fonction de former chacun des élèves selon un modèle préétabli. En inculquant à chaque enfant les principes de la République, l'école en fait de bons citoyens, leur donne l'illusion de pouvoir s'élever au-dessus de leur condition, de leur couleur, de leur créolité [2]. Le tout passe, bien entendu, par la maîtrise du Français et l'abandon de la langue créole qui devient synonyme de vulgarité, d'esclavage, alors que le Français s'affirme comme la langue noble, langue de la Culture, de l'école, de l'accès à la liberté. joseph Zobel (1974) le décrit, du reste, fort bien à propos des Antilles dans Rue Case nègres. Comme le souligne Christian Ghasan, « Lorsqu'elle fut obligatoire pour tous, l'école contribua aussi à diffuser le mode de pensée et d'être français (la fameuse référence à "nos ancêtres les Gaulois") et à socialiser les enfants réunionnais, [97] quelle que soit leur origine culturelle, aux normes et valeurs de la culture française » (2002 : 665).
Mes différents interlocuteurs, issus de toutes les couches de la population, racontent que lors de leur enfance, peu d'enfants àla peau noire accédaient au collège ou au lycée. Comme dans la Bretagne du début du XXe siècle et ainsi que le rapporte Pierre Jakez-Hélias dans Le cheval d'orgueil (1975) à propos de la langue bretonne, à La Réunion, toute utilisation du Créole ou allusion scolaire à des pratiques culturelles locales étaient sévèrement réprimées : bouche lavée au savon de Marseille afin « de laver les gros mots », enfants agenouillés au soleil sur du gros sel ou des graines de filaos, coups de chabouk (nerf de bœuf), « jeu » du témoin [3]... La panoplie des punitions était pour le moins étendue...
Jusqu'à une date récente, la seule culture mise en valeur par le système éducatif réunionnais était celle importée de France, comme si La Réunion ne possédait ni langue, ni coutumes spécifiques susceptibles d'être prises en compte dans les enseignements.
Enfance et société créole
Il y a près de quinze ans, j'ai choisi d'étudier ma propre société, la société créole réunionnaise. Sans doute s'agissait-il d'une gageure : il est difficile d'être à la fois membre d'une société, porteur d'une culture et observateur. Dans mon cas, bien des fois, certainement, l'observation participante s'est transformée en participation observante...
Les travaux des culturalistes l'ont bien montré [4], et ce malgré leurs travers - loin de moi l'idée d'une quelconque « personnalité de base » créole -, c'est lors des premiers mois, des premières années de l'individu, qu'il intègre les codes, les normes et les valeurs de la culture à laquelle il appartient. Si la société réunionnaise, et les sociétés créoles en général, devaient être, comme cela se dit parfois dans certaines administrations voire, dans certains cercles universitaires, si fragmentaires, incohérentes, syncrétiques [5], le fait serait observable sur le lieu même des transmissions culturelles, durant le temps de la petite enfance.
Nous voyons déjà se profiler toute l'importance de ces données pour une meilleure connaissance non plus de l'enfant dans sa famille, mais de l'élève.
Mes recherches initiales se sont déroulées de 1994 à fin 1999 dans les Hauts de Sainte-Marie [6] dans le nord-est de l'île. Elles ont été suivies de nombreux terrains post-doctoraux [98] destinés à permettre une hypothèse de généralisation, à l'ensemble de l'île, des données recueillies dans un contexte restreint. Ces recherches, ont débouché à partir de 2003, sur un autre programme de recherche qui concerne, cette fois-ci, les derniers arrivés dans l'île, mahorais et comoriens qui forment actuellement un sous-prolétariat urbain et sont l'objet d'une stigmatisation et d'un rejet par le reste de la population alors que les enfants issus de cette immigration souffrent de problèmes d'intégration au milieu scolaire.
Tout comme la maladie (Benoist, 1993), la petite enfance réunionnaise, le décodage d'actes et de pratiques familiales me semblaient devoir être abordés pour prendre tout leur sens, de manière globale, à partir du système dont ils sont issus (Lallemand, 1991 : 8). Plusieurs éléments étaient alors à considérer, qui me renvoyaient à différents travaux, d'anthropologues bien sur, mais également d'historiens, de démographes :
- - un contexte historique particulier, issu de l'esclavage et de la société de plantation, fait de rapports de domination, de pouvoir (décrit et reconstitué par les historiens Barassin, 1989 ; Ève, 1992 ; Fuma, 1992, 1994 ; Ève & Fuma, 1996) ;
- - un peuplement pluriethnique de l'île qui a permis des apports issus de sociétés aussi différentes les unes des autres que peuvent l'être la société européenne du XVIIe ou du XVIIIe siècle de celle d'Inde du Sud, de Madagascar ou des sociétés africaines, avec ici le recours aux travaux des chercheurs s'intéressant aux diverses aires géographiques considérées ;
- - un contexte culturel global où dominent les pratiques magico-religieuses, le recours aux divinités présentes dans les sites sacrés, les emprunts à l'hindouisme et au christianisme, les « passerelles » entre religions, un permanent rapport au sacré, y compris (et surtout) dans les pratiques thérapeutiques - dont le rapport sacralisé aux plantes et à la nature - et fiées au corps en général (Benoist, 1979, 1998 ; Ève, 1985) ;
- - un contexte social, sanitaire et médical en évolution permanente ne serait-ce que par le passage, dans les années 70, d'un accouchement qui se faisait traditionnellement à la maison a une mise au monde hyper-médicalisée qui s'effectue à présent systématiquement en milieu hospitalier (Pourchez, 2001a) ;
- - une société réunionnaise qui a, depuis peu, effectué sa transition démographique et épidémiologique, dont la mortalité infantile a subi, en l'espace d'une cinquantaine d'années, l'une des baisses les plus spectaculaires au monde (en 1951, le taux de mortalité infantile était a La Réunion de 164, 4 %, soit le taux de la métropole en 1900 - Lopez, 1995). En outre, il me semblait que seule la prise en compte de la variable historique, la confrontation du discours et des pratiques de différentes générations [mes interlocutrices se situent sur quatre générations, la cadette était âgée, à l'époque des entretiens, de 17 ans, l'aînée de 98 ans [7]], [99] pouvait me donner la possibilité d'envisager l'existence telle qu'elle est (ou a été) ressentie, principalement par les femmes [8], au travers du vécu quotidien de leur grossesse, de la naissance et des premiers mois de leur enfant, dans les îlets [9] appartenant au secteur étudié.
Essentiellement axée sur une population féminine, cette recherche ne devait cependant pas exclure les pères, et il me semblait nécessaire de tenter de mesurer leur « part » (Delaisi de Parseval, 1981) dans le processus de naissance et de petite enfance. Les pères apparaissaient en effet évincés d'office de l'ensemble des recherches portant sur les sociétés créoles. Car s'il est vrai que, lorsqu'ils abordent la petite enfance, les chercheurs sont souvent amenés à ne considérer que la population féminine, plus présente que la population masculine pour tout ce qui concerne la première période du cycle de vie, ils souffrent souvent du préjugé matrifocal [10], concept forgé aux Antilles, dans des sociétés au peuplement différent de celui de La Réunion, et qui est généralement appliqué à la population masculine de l'île, sans qu'aucune recherche approfondie n'ait été effectuée sur la part réelle, le rôle du père, dans le processus de naissance et les premiers mois de son enfant [11]. Cette approche diachronique devait également me donner la possibilité d'identifier, du point de vue des pratiques et des soins donnés aux enfants, les permanences et les transformations en cours dans la population, les pratiques actuelles étant souvent éclairées par les pratiques traditionnelles (Loux, 1978 : 22), de manière à permettre l'étude des théories populaires ou « ethnothéories » de la petite enfance (Bril & Zack, 1989). Il était d'autre part largement envisageable que les transformations sanitaires et sociales, la baisse spectaculaire du taux de mortalité infantile, du taux de mort en couche et la transition épidémiologique aient eu des conséquences sur les pratiques familiales, sur les représentations de la grossesse, de la naissance ou de la maladie (notamment celles des femmes enceintes et des enfants) et qu'elles puissent expliquer certaines pratiques, attitudes ou comportements présents chez les femmes les plus jeunes. Il m'apparaissait enfin tout à fait capital de tenter d'introduire dans mon étude une dimension psychologique. L'analyse des attitudes, comportements verbaux ou non verbaux de la mère envers son enfant (manière de porter l'enfant, de le nourrir, de le laver, de lui parler, de favoriser la marche par des massages ou des jeux...) semble en effet, si l'on souhaite avoir une vision globale de l'inscription de l'enfant dans la société à laquelle il appartient, véritablement complémentaire de celle des rites, des croyances et des pratiques thérapeutiques (Rabain, 1979 ; Bril & Zack, 1989).
Il s'agissait donc d'aborder à La Réunion et dans leur globalité, tout en tenant compte des diverses données liées aux individus eux-mêmes, du continuum culturel présent dans la population, l'ensemble des pratiques, familiales et thérapeutiques, des croyances, des rituels, des phénomènes liés à la grossesse, à la naissance et à la petite enfance. Cette approche, basée sur le relevé des conduites, du vécu et du discours de [100] mes interlocutrices et interlocuteurs me paraissait le plus à même de révéler les dynamiques de permanence et de transformation présentes dans la société, pour la période étudiée. Il s'agissait, d'autre part, d'envisager les conséquences des actes domestiques sur le processus de développement de l'individu, sur la vie familiale elle-même (rôle de chacun - père, mère - structure familiale).
Je résume ici quelques uns des acquis de cette étude, éléments, qui ont, nous le verrons, de sérieuses relations avec le domaine de l'éducation.
Les pratiques familiales apparaissent extrêmement cohérentes et les divers aspects sociaux, religieux, familiaux et thérapeutiques se révèlent indissociables les uns des autres. Deux grands axes émergent, reliés l'un à l'autre par la religion : il s'agit des pratiques associées à la survie de l'enfant, -à la prévention, puis, lorsque celle-ci s'avère inefficace, au traitement de l'affection. Le premier est dominé par la recherche constante d'un équilibre entre des couples d'oppositions : chaud et froid, liquide et épais, pur et impur. Le second relève d'une médecine des humeurs qui tend à rétablir l'équilibre perdu. Cet aspect, présent pour les actes qui concernent la mère comme pour ceux qui se rapportent à l'enfant, se retrouve sur l'ensemble de la période étudiée. Il peut être considéré comme une création culturelle opérée à partir des apports de la médecine populaire européenne des siècles passés, des influences pouvant être identifiées comme africaines, malgaches - ne serait-ce que par l'utilisation de certaines plantes présentes en Afrique de l'est, dans la Grande île ou en Inde [12] (les pratiques thérapeutiques en usage dans ces différentes aires géographiques étant semble-t-il [13] également fondées sur la recherche d'un équilibre des humeurs). Ce type de logique est particulièrement visible au travers des remèdes employés lors de la grossesse et se discerne, en filigranes et pour la dominante prévention, dans les interdits de type alimentaire, présents durant cette période. En effet, la femme absorbe, pendant ce « temps de l'attente », diverses tisanes dites « rafraîchissantes » dont l'objectif est de nettoyer le sang, d'équilibrer les humeurs en maintenant l'équilibre thermique de la femme enceinte. Car, selon les représentations populaires, durant la grossesse, la femme qui n'est plus réglée ne peut évacuer la chaleur de son corps. D'où le recours aux simples.
D'autres données s'apparentent à un type de thérapie proche de la médecine des signatures, médecine des semblables jadis théorisée par Paracelse. On la retrouve dans diverses pratiques, comme celle qui consiste à accrocher un croc de chien ou une dent de requin autour du cou de l'enfant afin que ses dents poussent plus vite, où quand, après l'accouchement, la femme est amenée à ingérer du vin chaud afin de reconstituer le sang perdu.
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Le père, censé être absent, s'avère en fait extrêmement présent [14]. Certains phénomènes de couvade ont même pu être identifiés, de l'ordre de la « couvade rituelle » [15], comme le fait, pour un homme, d'avoir mal aux dents ou aux reins pendant la grossesse de sa femme. Ces deux phénomènes sont, du reste, interprétés comme l'annonce d'une future paternité. Des proscriptions d'ordre comportemental existent également comme l'interdiction faite aux maris d'aller dans les cimetières, d'assister à des veillées mortuaires. D'autres manifestations masculines, présentes chez les pères les plus jeunes, s'apparenteraient davantage à une forme de couvade, également présente de nos jours en Europe, que Geneviève Delaisi de Parseval (1981) qualifie de « psychosomatique », envies diverses (et répercussion de l'envie non satisfaite sur le corps de l'enfant), prise de poids, vergetures... À ces premières manifestations viennent s'en adjoindre d'autres fiées à la première socialisation de l'enfant, à son entrée dans la société : organisation des visites par le père, du repas préparé pour fêter la naissance de l'enfant. Les aînés rapportent également l'ancienne coutume qui voulait que l'enfant soit, comme en France (Loux, 1978), enveloppé à sa naissance dans une vieille chemise de son père afin de fêter, en quelque sorte, son entrée dans la famille, de le protéger contre les maladies...
La période étudiée met également en relief de nombreuses maladies, culture-bound syndromes [16] « que le docteur ne connaît pas », tanbav [17], tanbav karo, kriz [18], vérèt, roujol nwar, prurigi, opresman, gonfman, pourisman, mal mashwar, gratèl, lé kontrarié, sézisman [19], ainsi que des symptômes liés à des manifestations particulières telles que les sévé mayé [20], signes relevant de problèmes fiés aux ancêtres ou de maladies dites « arrangées », conséquences de sorts. Elle montre le cloisonnement qui existe entre les différents recours envisagés par les familles en cas de maladies : d'un côté, la biomédecine, de l'autre, l'ensemble des thérapies « traditionnelles » [21] et des pratiques familiales. Le médecin est consulté uniquement pour les maladies-du-docteur. Dans le cas où la famille diagnostique une maladie-que-le-docteur-ne-connaît-pas, des voies alternatives sont envisagées : thérapie domestique avec utilisation de recettes familiales, souvent à base de simples, consultation d'un tisaneur (ou d'une, cette fonction étant également occupée par des femmes), d'un dévinèr (ou d'une), d'un pussari (prêtre-guérisseur officiant dans l'hindouisme), d'un prêtre tamoul (qui officie dans les grands temples [102] urbains), d'un prêtre catholique (ils sont souvent sollicités, notamment en cas de suspicion d'attaque sorcellaire). L'un des recours n'exclut absolument pas les autres, et les familles peuvent envisager trois, quatre possibilités de consultation, voire davantage. À ces différents recours thérapeutiques viennent s'adjoindre de nombreuses pratiques magico-religieuses qui mettent, quant à elles en évidence d'importantes passerelles entre religions (du catholicisme à l'hindouisme, en passant par le culte des ancêtres d'origine malgache et, dans une moindre part, l'islam).
Ces pratiques magico-religieuses sont indissociables des pratiques thérapeutiques prendre des fleurs devant la Vierge Noire [22] afin de les absorber sous forme de tisane préparée avec l'eau du canal qui traverse le site, peut, par exemple, faire partie intégrante du traitement de la stérilité [23], au même titre que la consultation chez le spécialiste. Mettre, autour du cou d'un enfant asthmatique, un petit sachet contenant trois grains de camphre, prolonge les prescriptions du médecin... À ces pratiques est associée une symbolique particulière fiée aux nombres : le trois semble favoriser, optimiser l'action menée (on casse la branche d'un arbre en trois, on met trois feuilles de telle plante, la komplikassion [24] est composée de trois plantes ou de multiples de trois...) alors que le sept stoppe, empêche, annule, annihile (on attend la septième vague avant de jeter les cheveux maillés à la mer, il faut sept grains de sel saisis dans la casserole avec le romarin pour stopper le sésisman [25]...). Ces actes mettent également en évidence divers passages entre les religions : il m'a été donné d'apercevoir, à plusieurs reprises, très tôt le matin, sur le site de la Vierge Noire, le saklon [26] du dieu Mourouga [27] dessiné à la craie sur le sol afin d'invoquer la Vierge, pourvoyeuse d'enfants. Sur le même site, également très tôt le matin (en fin de nuit pour être exacte), un jour auspicieux, j'ai été le témoin d'un sèris poul nwar [28]. Les passages religieux sont encore plus évidents dans les manières de conduire les différents rituels. Divers rushes filmés sur des sites sacrés catholiques, dans les chapelles de dévinèr, dans des temples de plantation [29] lors de rituels de la petite enfance, ou lors de cérémonies conduites en l'honneur d'ancêtres malgaches montrent l'extrême similitude qui existe, dans les différents cultes, entre les gestes, les manières [103] de prier, de présenter des offrandes, de remercier les divinités. Les utilisations du camphre, des marlé [30] déposés aux pieds ou autour du cou de saints catholiques sont également particulièrement intéressants. Il s'agit ici du catholicisme, de l'hindouisme et des cultes d'origine malgache, mais certaines passerelles existent aussi avec l'islam. Ainsi, outre les rapprochements « classiques » effectués entre catholicisme et hindouisme, entre Mariamen [31] et la Vierge, Petiaye [32] et la Vierge Noire, Karli [33] et Saint-Expédit [34], les personnes interrogées font état de liens entre les saints catholiques, les divinités indiennes et certaines figures de la religion musulmane : Saint-Georges, sur son cheval, est associé au dieu indien Mardévirin, lui même assimilé au Omar des musulmans.
Les données précédentes ont montré toute la cohérence et la complexité de cette culture créole. Le dernier point que j'aborderai est celui des soins du corps du nouveau-né, heu de passage par excellence car hé à la vie, à sa perpétuation. Divers éléments, dont certains déjà Cités, y sont omniprésents : la chaleur, le souci de l'équilibre thermique du nouveau-né dont le torse est souvent, de manière presque tant rituelle que thérapeutique, encore enveloppé dans des bandages, résidus du pagn [35] ; un souci de protection et de prévention, car l'enfant est, dans les représentations populaires, inachevé à la naissance. Il est, disent certaines, « mou », le terme baba tand désignant, en créole, le petit bébé qui Vient de naître. D'où l'importance de le « durcir » par divers traitements, massages des membres, pratiqués au beurre de cacao sur un mode proche (quoique infiniment moins spectaculaire) des pratiques bambara filmées par Blandine Bril, Martine Zack et Jo Jung-Shin (1990) [36], bains de diverses plantes, tisanes fortifiantes. L'objectif de ces pratiques est avant tout de favoriser le développement harmonieux et la survie de l'enfant. Selon les mères interrogées, une grande importance est accordée à la marche, vécue comme une priorité et une étape fondamentale dans le « durcissement » de l'enfant, ainsi qu'à la sortie des dents. Lorsque l'une et l'autre se sont déroulées correctement, l'enfant est considéré comme sauvé. Ces représentations, nous le verrons plus loin, sont, quoique capitales pour la prise en charge éducative des petits à leur entrée à l'école maternelle, ignorées des enseignants. D'autres résultats de recherche pourraient être encore développés, mais il me semble important de faire à présent le lien avec les pratiques éducatives, de montrer ce que l'étude de la culture [104] créole, la connaissance des données propres à la petite enfance, peuvent apporter aux enseignants.
La culture créole à l'école...
En contexte scolaire, bien souvent, la notion même de culture créole pose problème. Les enseignants ont souvent tendance à la rejeter d'emblée considérant soit qu'à n'existe pas de culture créole, soit qu'il s'agit de pratiques « honteuses » ou « dont il ne faut pas parler à l'école », de « pratiques de sauvages », ces termes ayant été prononcés, lors de formations, par des enseignants d'origine réunionnaise. Cette peur de la créolité, « horreur du mélange », pourrait, du reste, parfaitement être située dans la continuité des travaux de Mary Douglas sur la souillure (1967). Elle est, pour André Mary, à rapprocher de l'attitude qu'avaient, à l'époque de la colonisation, les évangélisateurs à l'égard des cultes syncrétiques qui commençaient alors à émerger (1992 : 3)...
Et si les représentations associées à la langue créole semblent en voie d'évolution, notamment grâce aux expériences pédagogiques conduites sur le terrain [37], de nombreux enseignants réunionnais avouent toujours avoir honte de leur propre culture, la rejeter, la considérer comme inférieure au modèle métropolitain. Certains sont même étonnés qu'elle puisse avoir droit de citée en contexte scolaire. Pour bon nombre de maîtres, le modèle métropolitain reste le seul susceptible d'être enseigné et transmis aux élèves. Même s'ils sont conscients d'un décalage fréquent entre les pratiques éducatives ou les référents proposés et le vécu réel des élèves, nombreux sont ceux qui insistent sur l'importance de l'apprentissage de la culture française vecteur, à leurs yeux, de réussite scolaire et de promotion sociale.
Carmel Camilleri (1985 : 15) explique l'origine de ces représentations pédagogiques par l'illusion qu'avaient jadis les maîtres de pouvoir ainsi donner une chance à chaque enfant. « C'est en ne tenant aucun compte de leurs « origines » que bien des maîtres de l'école républicaine française avaient à l'honneur de mettre leurs élèves dans des conditions "d'égalité devant le savoir" ». Cette ignorance volontaire de son origine ethnique ou culturelle devait permettre à l'enfant de se glisser dans le « moule éducatif » qui lui était destiné. Et pourtant.... Cette ignorance du vécu familial des enfants, des conditions dans lesquelles s'effectue leur première socialisation peut avoir des conséquences importantes sur la manière dont ils sont considérés par leurs enseignants. Un exemple est susceptible d'illustrer ce propos : à s'appuie sur une enquête conduite à La Réunion par un groupe d'orthophonistes. Il y a de cela quelques années, une enquête, appuyée par le rectorat et menée par un groupe d'orthophonistes, visait a évaluer les compétences langagières d'élèves de moyenne/grande section de maternelle, soit des enfants âgés de quatre ans en moyenne. Les résultats de l'enquête, analysés au regard de grilles d'analyse linguistique prévues pour la Métropole, laissaient apparaître un déficit langagier chez les enfants réunionnais qui furent juges moins « avancés » du point de vue de la maîtrise de la langue (française évidemment) que leurs camarades métropolitain, [105] l'hypothèse étant que l'écart de performance était hé à l'emploi du Créole dans les familles. Outre l'inadaptation évidente des critères d'analyse métropolitains au contexte linguistique créole, cette étude mettait au jour une méconnaissance évidente de données pourtant fondamentales pour la compréhension du développement des enfants réunionnais. En effet, si en Métropole, la première socialisation des enfants est marquée par l'importance accordée au développement psychologique et langagier (il suffit pour s'en convaincre d'observer les très nombreux stimuli - jouets, peluches, livres destinés aux tout-petits - présents dans les chambres d'enfants ou dans les rayons des grands magasins), à La Réunion, la survie de l'enfant et la priorité accordée à la maîtrise de la marche demeurent. Ce comportement parental s'explique certainement en partie par l'évolution relativement récente du contexte sanitaire et social de l'île. En effet, dans l'Hexagone et depuis de longues années (comme le montrent également les travaux de Bril et Lehalle, 1988), la survie de l'enfant ne pose plus problème. Les parents ont le loisir de favoriser les activités ludiques et d'éveil sensori-moteur. À La Réunion, par contre, jusqu'aux années 1950, la survie de tout nouveau-né était problématique. Les anciens gardent toujours en mémoire les décès en bas-âge, la douleur associée à la perte d'un enfant. Nombreux sont les témoignages qui font état de la disparition précoce, au sein d'une même fratrie, d'un, de deux, de trois enfants voire davantage encore.
Cette fragilité du nouveau-né explique sans doute les très nombreuses représentations et conduites associées à sa survie. Elle était garantie, disent les aînés, lorsque le tout-petit marchait et avait percé ses premières dents. Les différentes traditions associées à la néoténie du petit d'homme justifient également l'ensemble extrêmement important de pratiques familiales Visant à favoriser son développement moteur : massages des membres dès la naissance, bains dans diverses décoctions, enfouissement des jambes de l'enfant dans le sable chaud afin de le « durcir », de lui « chauffer les membres », pèlerinages ou actes d'ordres symboliques conduits dans le même but (comme par exemple le fait d'aller, par trois fois, plonger les jambes de l'enfant dans l'eau du canal de la Vierge Noire). Et si, en un demi siècle, le contexte sanitaire et social de l'île s'est trouvé profondément bouleversé, les représentations demeurent : c'est toujours bien la survie de l'enfant, son développement moteur, qui sont favorisés et encouragés par les familles. Le développement langagier est, pour la quasi totalité des mères interrogées, considéré comme important mais secondaire au regard de l'aspect fondamental de la maîtrise de la marche. Ce sont certainement en grande partie ces différences, présentes dans les « ethnothéories du développement de l'enfant » (Stork, 1993), qui expliquent les résultats obtenus par les orthophonistes.
Négliger de s'intéresser, dans ce type d'enquête, au vécu et à la première socialisation de la population de référence (ici des élèves âgés de quatre ans en moyenne) revient soit à obtenir des résultats faussés (par une mauvaise mise en place du protocole de recherche), soit à ne pouvoir interpréter correctement les résultats obtenus.
Cette méconnaissance (je devrais sans doute dire ce manque de prise de conscience) des conditions de la première socialisation des enfants, amène les enseignants à émettre divers jugements de valeurs à l'égard de leurs élèves. Ceux-ci sont en permanence comparés à une population de référence française de l'Hexagone alors que les [106] conduites favorisées par les familles dans une culture donnée étant différentes de celles encouragées dans l'autre, les résultats des enfants sont obligatoirement différents. Ici des élèves débrouillards, possédant un bon niveau de développement moteur mais un développement langagier relativement limité, là des enfants dont le développement moteur est moindre mais le développement langagier plus important. Enfin, il serait sans doute souhaitable (et l'expression est faible) que des élèves créolophones soient évalués au regard de leurs compétences dans leur langue maternelle et non selon des performances fournies dans une langue seconde.
En soulignant le manque de prise en compte, par les professionnels de l'éducation, des conditions de la première socialisation des enfants réunionnais, j'ai Mis en évidence l'un des problèmes présents. Cependant, cette connaissance de l'enfant ne peut s'envisager que s'il y a re-connaissance, ce qui sous entend également la prise de conscience, par les enseignants, de la présence d'une culture créole spécifique. Cette prise de conscience s'avère complexe, à la fois pour les enseignants métropolitains qui ne sont ni formés, ni informés des spécificités de leurs élèves, mais également pour leurs collègues d'origine réunionnaise chez qui, souvent les liens transgénérationnels ont été rompus. En effet, la rupture d'avec le modèle d'éducation traditionnel, le passage par l'école de la République d'un nombre de plus en plus grand d'enfants ont provoqué de nombreuses lésions au sein des structures familiales. Certaines transmissions intergénérationnelles ont été empêchées comme en témoigne l'histoire de Germain [38], âgé de 75 ans.
Ancien journalier, coupeur de cannes, ce gramoune [39] est père de huit enfants. Douze en fait, mais comme dans de nombreuses familles réunionnaises, quatre enfants sont décédés en bas âge. Germain et son épouse Mathilde se sont sacrifiés durant de très nombreuses années afin de pouvoir donner une éducation à chacun de leurs enfants. Des huit enfants, cinq garçons et trois filles, quatre sont instituteurs, deux professeurs dans un collège des environs, un fils est cadre dans la fonction territoriale, un dernier est devenu médecin généraliste et est parti exercer en Métropole depuis de nombreuses années. Quand, lors de nos entretiens, Germain raconte les sacrifices consentis pour l'éducation des enfants, les larmes montent aux yeux de ce vieux monsieur qui n'a, lui-même, jamais eu la possibilité d'aller à l'école. Il est extrêmement fier de ses enfants qui sont devenus des grands mounes, des gens importants. Germain est un interlocuteur précieux. Il possède une connaissance extrêmement étendue des plantes, s'avère un excellent conteur et connaît de très nombreuses légendes réunionnaises. Mais quand je lui demande s'il a communique ce savoir à ses enfants, il m'explique qu'il a honte de ses propres connaissances, de la langue créole qu'il utilise, de son savoir qu'il considère comme moins prestigieux que celui transmis par l'école de la République. Il avoue ne jamais avoir transmis la moindre parcelle de ses propres acquis à ses enfants. Ceux-ci, dit-il, parlent français et il craint de leur faire honte.
[107]
L'histoire de Germain n'est pas un phénomène isolé. Elle s'est répétée dans un grand nombre de familles et cette rupture au sein des transmissions intergénérationnelles est particulièrement nette dans les entretiens conduits auprès des personnes appartenant à la tranche d'âge 50-70 ans. Pour de nombreux enseignants d'origine réunionnaise compris dans cette tranche d'âge, il n'existe pas de culture créole. Il n'y a pas eu, au sein de leur famille, de transmission intergénérationnelle, ou celle ci s'est faite de manière partielle, voire parcellaire. Elle explique en partie les attitudes de gène, de honte, d'interrogations présentes à l'évocation de la culture créole lors des formations conduites devant les enseignants.
Prendre en compte la culture réunionnaise
dans les enseignements
Au cours des huit dernières années, j'ai conduit diverses formations destinées aux enseignants du premier degré. La demande émanait d'Inspecteurs Départementaux de l'Éducation Nationale, conscients du problème posé par le manque de prise en compte du vécu réel des élèves dans les pratiques scolaires et soucieux de sensibiliser et de former leur personnel à ce problème.
Ces formations, généralement réparties sur deux journées, devaient être mixtes et comprendre une part d'apport anthropologique, une part de réflexion pédagogique. je me suis, dès le début des formations, aperçue qu'une phase de « déballage » était nécessaire. Tout se passait en fait comme si les choses allaient trop vite, comme si l'institution demandait, après des décennies de négation culturelle, une immédiate et directe prise en compte de la culture créole dans les apprentissages scolaires. À cela, les enseignants n'étaient pas préparés. Tant d'années de négation, de honte, de repli, de minoration de leur culture ne pouvaient, comme me l'ont dit plusieurs d'entre eux, être effacés d'un revers de la main. Outre un intérêt marqué et général, les « déballages » ont ainsi permis de mettre au jour diverses attitudes face à la culture réunionnaise :
- - la méconnaissance. Nombreux sont ceux qui, pourtant réunionnais d'origine, étaient surpris par les données présentées. Cette surprise générait diverses interrogations et s'est, dans plusieurs cas, soldé par un questionnement familial, discussion avec un père, un grand-père, par la mise au jour d'histoires semblables à celle de Germain, précédemment évoquée ;
- - la honte. Certains ont avoué leur difficulté à « faire remonter » un vécu, une culture qu'ils ont, pendant tant d'années cherché à minimiser, voire à oublier pour plusieurs d'entre eux. Dans ce cas, le travail à effectuer est presque d'ordre psychanalytique ;
- - le sentiment de reconnaissance s'est fréquemment affirmé, sur un mode identitaire particulièrement marqué. Les enseignants concernés étaient enthousiastes prêt à enrichir les données présentées, avides d'informations complémentaires.
Dans tous les cas, il m'a semblé qu'un temps de réflexion sur la culture était nécessaire et devait précéder les apports anthropologiques, que ce temps était indispensable à la prise de distance susceptible de permettre la réflexion pédagogique.
[108]
À La Réunion, depuis plusieurs années, les circulaires émanant du ministère de l'Éducation Nationale conseillent aux enseignants de gérer l'hétérogénéité des classes en différenciant leur pédagogie. Le type d'enseignement proposé est alors centré sur les techniques, les méthodes pédagogiques à employer. L'enseignant devient « expert », technicien spécialiste de l'éducation qui se centre davantage sur l'élève que sur l'enfant. Mais c'est oublier qu'il existe une vie avant l'école, que l'élève qui intègre l'école maternelle est porteur d'un passé, d'une première socialisation qui s'est déroulée, au sein de sa famille dès sa naissance. Cette première socialisation, la culture d'origine de l'enfant, ne peuvent être négligés sous peine de jugements hâtifs, d'erreurs d'interprétation. Les apports de la psychologie révèlent en effet qu'un élève qui apprend « fonctionne » comme un tout, inséré, en premier lieu, dans un tissu social et culturel. L'enjeu est donc de taille car c'est bien de la réussite scolaire des élèves qu'il est question ici.
D'autres circulaires, plus récentes, mettent l'accent sur le vécu de l'enfant, l'importance de sa prise en compte pour la réduction de l'échec scolaire. Elles insistent, de manière louable, sur la nécessité d'une ouverture à l'Autre. Se situant dans une perspective que nous pourrions qualifier d'interculturelle, elles visent à « la transformation des systèmes de significations par un passage de systèmes relativement fermés à des systèmes relativement ouverts, c'est à dire par l'introduction d'une perspective interculturelle... » qui permettra de passer « d'une conception plus ou moins statique à une conception dynamique de la culture » (Clanet, 1990 : 141). Dans un tel contexte, l'enseignement ne serait plus basé sur un modèle statique, européen, occidental, mais sur la reconnaissance et l'exploitation, à des fins d'enrichissement mutuel, du vécu des élèves.
Cependant, ce modèle apparaît pour l'heure assez idéaliste. Il ne dent pas compte du poids du passé, de l'obligation de réconcilier, de manière préalable, les enseignants réunionnais et leur culture. La réflexion pédagogique ne peut, en effet, comme je l'ai noté lors des interventions conduites en présence d'enseignants, s'envisager qu'après un travail d'apprentissage, de découverte, ou de redécouverte de la culture des enfants.
Les quelques éléments présentés au cours de cet article ont tenté de montrer la complexité de la situation, l'importance et la nécessité d'une formation approfondie des enseignants à l'anthropologie en général, à l'anthropologie de l'enfance en particulier, afin qu'ils puissent découvrir que la socialisation des enfants n'est pas homogène d'une culture à l'autre, à la connaissance de l'enfant réunionnais sans laquelle aucune prise ne compte sérieuse du contexte culturel de l'île dans les apprentissages n'est envisageable.
Les quelques réflexions et résultats de recherche que je viens de présenter ne sont encore que fragmentaires et nécessitent de nombreux approfondissements. Ils se situent dans un contexte éducatif en pleine évolution où les approches interculturelles, du fait de la composition de la population réunionnaise, semblent à la base d'un enjeu vital pour la réduction de l'échec scolaire. Aussi la place de l'anthropologue dans un tel contexte me semble-t-elle capitale : l'anthropologie appliquée seule, ne suffit pas. Elle se doit, dans certains contextes, de devenir impliquée car il y va de l'avenir de [109] nombreux enfants. Alors que l'on considère généralement qu'une des richesses de l'Île de La Réunion réside en sa créolité, en la diversité de sa population ; cette pluralité doit-elle demeurer une des causes principales de l'échec scolaire ?
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[255]
Laurence Pourchez est anthropologue, titulaire d'un doctorat en ethnologie et anthropologie sociale de l'EHESS (Paris) et Habilitée à diriger des recherches. Elle est associée à l'UMR 5145 du CNRS, MNHN (Museum National d'histoire Naturelle, Paris), laboratoire au sein duquel elle a fait son post-doc. Ses recherches, concernent essentiellement les sociétés créoles des Mascareignes (Réunion, Maurice, Rodrigues) et privilégient les thématiques associées au lien entre corps biologique (la santé des femmes et des enfants) et corps social. Outre la publication de nombreux articles et la participation à plus d'une quinzaine d'ouvrages communs, elle est l'auteur de Grossesse, naissance et petite enfance en société créole (Karthala, 2002) et Les savoirs des femmes des Mascareignes : conduites thérapeutiques et rapport à la nature (UNESCO/LINKS) Elle a coordonné l'ouvrage multimédia intitulé Cultural diversity, oral, written expressions and new techologies (UNESCO, 2003), et co-dirigé avec Doris Bonnet l'ouvrage intitulé Du soin au rite dans l'enfance (ERES, 2007). Elle a obtenu diverses distinctions pour ses publications audio-visuelles et multimédia dont le grand prix du festival international du film de chercheur, à Nancy en 2000.
[1] Les termes « créole » et « créolité » s'entendent ici au sens du culture créole, produit issu d'une création culturelle. La création de la culture créole s'est opérée, de la même manière qu'est née la langue créole, à partir des contacts entre individus venus d'horizons divers et jetés en un même lieu [pour plus de précision sur le processus de créolisation, voir Chaudenson (1992, 1995)].
[2] Cette démarche n'est pas propre au contexte réunionnais. Elle concerne l'ensemble des colonies françaises. Voir à ce sujet : La Réub1ique coloniale, Bancel, Blanchard, (2003).
[3] Quand la récréation commence, le dernier enfant qui a laissé échapper un mot de Créole reçoit le témoin. Il s'agit de le transmettre, durant la récréation, à tout enfant qui, à son tour, parlerait sa langue maternelle. À la fin de la récréation, le porteur du témoin est puni. Ce « jeu » était encore en usage, dans certaines écoles, dans les années 90.
[4] Voir à ce sujet, Margaret Mead (1935) et Ruth Benedict (1946).
[5] L'employé, là aussi, au sens le plus négatif du terme, qui relèverait non pas du « bricolage » lévi-straussien (1962) niais davantage d'un collage d'éléments fragmentaires, sans signification ni cohérence.
[6] Voir à ce sujet Grossesse, naissance et petite enfance en société créole, ouvrage et CD ROM, Karthala Éditions, 2002.
[7] Henriette Bègue, née à Moka, dans les Hauts de Sainte-Marie à la fin du XIXe siècle, résidait à Mafate, dans l'îlet de La Nouvelle. Elle a officié comme matrone pendant plus de trente ans. Interlocutrice précise et précieuse malgré son âge, elle ne voulait pas avoir cent ans, et pensait que cela allait lui porter malheur. Elle a donc, pour moi, eu 98 ans pendant trois ans... Elle est décédée le 15 février 1999. Je lui dédie cet article.
[8] Cet aspect de ma recherche m'a été largement suggéré par les travaux d'Yvonne Verdier (1979).
[9] Petits villages, hameaux.
[10] Véhiculé par les travaux de Jacques André (1987) ou de Fritz Gracchus (1980).
[11] Lire, à ce sujet, Laurence Pourchez (2000a).
[12] Par l'utilisation des bains à base d'eau de riz, ou par le recours aux épices (cannelle, safran, girofle, gingembre...) qui entrent dans de nombreuses préparations.
[13] Je tire cette hypothèse des différents apports de travaux consacrés à la médecine ayurvédique, dont Francis Zimmerman (1989), Guy Mazars (1997), ainsi que de données issues des recherches des malgachisants, notamment de ceux de Bodo Ravololornanga (1992), qui a bien voulu me donner de nombreuses précisions non publiées sur le sujet. Concernant la médecine ayurvédique, mon hypothèse est que ce type de médecine, réservé, en Inde, à une élite savante, aurait bien pu être interprétée et se diffuser dans les représentations populaires à l'époque de l'arrivée massive des engagés indiens, d'où les éléments encore identifiables. Voir également, pour ce qui concerne le rapport à la nature, Laurence Pourchez (2008), à paraître.
[14] Dans les Hauts de Sainte-Marie où est situé mon terrain initial. Le fait est à nuancer, malgré la persistance des phénomènes de couvade, dans les zones urbaines.
[15] Pour reprendre une distinction opérée par Geneviève Delaisi de Parseval (1981).
[16] Pow Meng Yap (1965) utilisait cette expression pour qualifier des troubles mentaux (ou des phénomènes considérés comme tels) présents dans une culture donnée, apparemment inexistants ailleurs et ne prenant sens qu'au regard de cette même culture.
[17] L'étiologie de cette maladie est développée dans Laurence Pourchez (1999).
[18] L'étiologie de la kriz chez les enfants étant à différencier de celle présente chez les adultes (voir, à ce sujet Jean Benoist, 1993).
[19] Il est malheureusement impossible, en un article, de développer les étiologies respectives de chacun de ces culture-bound syndromes. Je renvoie, pour plus de précisions, le lecteur à Laurence Pourchez (2002).
[20] Mes hypothèses quant aux sévé mayé sont développées dans Laurence Pourchez (2001b).
[21] Il est vrai que le terme « traditionnel » n'est peut-être pas le plus approprié. Il vaudrait sans doute mieux parler de possibilités de choix thérapeutiques issus d'un ensemble de traditions.
[22] Site sacré situé dans le nord-est de l'Île.
[23] Voir à ce sujet Laurence Pourchez (2000b).
[24] Préparation thérapeutique composée de plusieurs plantes.
[25] On a ici un exemple de Culture-bound syndrome : dans un cas desézisman chez un enfant (il faut différencier celui de l'enfant de celui de l'adulte, les symptômes, comme les conséquences possibles, étant différents), le sang de l'individu se fige et s'il n'est pas rapidement soigné, divers symptômes vont apparaître, dont manque d'appétit puis vomissements, maux de tête, forte fièvre, l'ensemble pouvant conduire à la mort.
[26] Figure dont le rôle est, dans l'hindouisme, de faire venir la divinité, de la faire « germer ». Voir à ce sujet, l'ouvrage de Jean Benoist intitulé Hindoutimes créoles (1998).
[27] Souvent invoqué pour les problèmes de stérilité.
[28] Rituel de l'hindouisme particulièrement craint des réunionnais qui lui associent souvent diverses pratiques sorcellaires. Il s'agit du sacrifice d'une poule noire à la déesse Petiaye. La tête et les pattes sont, à l'issue de la cérémonie, offertes à la déesse, et le reste du corps de l'animal est consommé. Ce rituel est, selon la formule de Jean Benoist (1979), « contagieux ». Le fait d'y avoir assisté ou d'avoir consommé la viande de l'animal sacrifié oblige à reproduire le rituel, une fois par an, faute de quoi la déesse, aussi nommée la « mangeuse de fœtus », se vengerait.
[29] Temples ainsi dénommés par opposition aux grands temples urbains qui tendent à vouloir restaurer une « pureté du culte », en fait le culte des brahmanes. Rappelons toutefois que les engagés indiens étaient de pauvres gens du sud de l'Inde qui pratiquaient une forme d'hindouisme populaire très différent du culte brahmanique.
[30] Collier de fleurs (souvent des oeillets d'inde oranges ou jaunes) traditionnellement utilisés dans les rituels de l'hindouisme.
[31] Ancienne déesse indienne de la variole. Aujourd'hui invoquée pour les problèmes de peau en général, la santé.
[32] Déesse ambivalente, déjà mentionnée. Elle est sollicitée pour les problèmes de stérilité, la protection de la grossesse, de l'accouchement, des enfants.
[33] La déesse Karli, elle aussi invoquée pour la santé, a la réputation de protéger des sorts, des mauvais esprits. Elle est, comme Saint-Expédit, vêtue de rouge.
[34] Signalé par Marcelle Bouteiller (1966) comme le recours des causes difficiles, ce saint est, à La Réunion, l'objet d'un culte important, pratiqué au bord des routes dans de petits autels rouges en forme de maison. Le recours à Saint-Expédit, comme celui pratiqué pour la déesse Petiaye, implique un retour, un contre-don, faute de quoi le saint se vengera.
[35] Ancien équivalent réunionnais du maillot européen, abandonné depuis environ trente ans, dont il reste de nombreux vestiges - dont ce type de bandage - mais là encore je renvoie le lecteur avide de précisions à mes travaux, notamment Pourchez, 2002 et 2007b.
[36] Les différentes conduites réunionnaises sont développées dans Laurence Pourchez (2004 et 2007b).
[37] Je pense ici aux actions conduites depuis plus de quinze ans à La Rivière des Galets par Ginette Ramassamy (voir Ramassamy, 1985).
[38] Si les personnes décrites ici existent bien, les prénoms employés sont fictifs afin du préserver leur anonymat.
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