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Préface
de Claude Martel
Vous venez de perdre votre maison, vous êtes sans nouvelles de vos enfants, votre voisin est entre la vie et la mort, il n'y a plus de téléphone ni d'électricité, tout le voisinage est bouleversé, les sirènes hurlent, il faut partir vite...
Fiction ou réalité ? Tout cela est bien sûr une fiction, mais qui se compose de bien des réalités qu'ont connues des Québécois et des Québécoises lors des sinistres des dernières années. Un vécu qui bouleverse le sentiment de sécurité et parfois d'invulnérabilité qu'ont les personnes et les communautés. Des événements variés qui bousculent la condition physique, émotive, affective et sociale des personnes affectées, d'une manière ou d'une autre, par une catastrophe. Un défi inévitable aux capacités des sinistrés d'affronter l'imprévu, de surmonter l'épreuve.
L’aspect humain des sinistres, cet intime dérangement avec ses conséquences sur la santé au sens global du terme, constitue une impérative réalité qui impose que l'on s'en préoccupe.
Au Québec, la dure réalité du drame de l'École polytechnique de Montréal est venue s'ajouter à la pénible série de désastre : l'incendie de BPC à Saint-Basile-le-Grand, le feu de pneus à Saint-Amable et la crise d'Oka. Cette tuerie et ce contexte ont entraîné, au début des années 90, une première démarche importante de réflexion et d'organisation de services afin de répondre aux besoins psychosociaux des personnes sinistrées.
Depuis, une décennie s'est écoulée. Cette période a connu les inondations du Saguenay, l'accident d'autobus à Saint-Joseph-de-la-Rive, la crise du verglas et les avalanches [14] à Kangiqsualujjuak. Pendant ces années, on a aussi connu l'émergence de la recherche québécoise dans le domaine des impacts psychosociaux et socio-sanitaires des sinistres.
Le présent ouvrage s'inscrit dans cette dynamique récente, empreinte de sérieux et de rigueur, malgré des ressources modestes. Il a aussi le grand mérite de faire un bilan de recherches très pertinentes qui illustrent bien la nature compliquée, l'univers complexe, les dimensions multiples, les éléments variables et les traits constants des conséquences des catastrophes sur la santé biopsychosociale des personnes sinistrées. Il s'adresse au domaine de l'essentiel : à l'aspect humain des sinistres.
Chez nous, comme ailleurs, l'organisation des services psychosociaux et socio-sanitaires auprès des personnes sinistrées doit chercher à offrir une aide la plus adéquate et à jour possible. Les activités de qualité en recherche constituent un apport considérable dans l'atteinte de cet objectif.
L’adage qui soutient que la mémoire est une faculté qui oublie s'applique bien au domaine des catastrophes. Cela est d'autant plus vrai qu'il s'agit de phénomènes épisodiques que le temps finit par reléguer à l'arrière-plan. Or, la présente revue de littérature contribue à maintenir une mémoire collective à l'égard des impacts des sinistres chez les personnes. Elle s'inscrit dans un processus d'objectivation nécessaire si l'on tient à mieux connaître la question, à alimenter un argumentaire approprié afin de maintenir un niveau de conscience sociale et de contrer la banalisation de ce type d'événements.
Bien chanceux de ne pas avoir connu la guerre sur notre territoire, nous n'avons pas de tradition en sécurité civile qui découle de conflits armés. La culture québécoise en sécurité civile [15] se compose principalement des reliquats laissés par les sinistres des dernières décennies, notamment des analyses et réflexions qui en ont découlé. Cette culture s'est développée essentiellement au hasard de ces événements auprès d'un cercle restreint de personnes qui se soucient des activités de sécurité civile.
Comme l'exprime si bien Edouard Herriot, la culture, c'est ce qui reste quand on a tout oublié. La culture est d'autant plus riche qu'elle est constituée d'un ensemble de solides connaissances acquises. La recherche, tout comme la formation, est un vecteur très important pour la diffusion des connaissances, tant auprès des citoyens, des intervenants, des gestionnaires que des décideurs. Dans le même esprit que le maintien d'une conscience collective, la revue de littérature sur les conséquences des catastrophes sur la santé biopsychosociale contribue réellement et de manière structurante au développement d'une solide culture en sécurité civile au Québec.
On doit aussi souligner que cette activité sérieuse de recherche apporte des informations d'intérêt à l'égard du défi évaluatif de taille à relever dans le domaine biopsychosocial des sinistres. Ce défi demande de jauger, notamment, la détresse des personnes affectées, l'intensité des effets globaux sur la santé des individus et des communautés ainsi que l'adéquation des services offerts aux sinistrés.
C'est tout un honneur pour moi de présenter cette recension des écrits de mesdames Maltais, Robichaud et Simard. Je tiens à les féliciter et à les remercier pour cette généreuse contribution.
En terminant, je nous invite à avoir une pensée pour les personnes qui ont vécu une catastrophe. Je désire également souligner mon respect pour les bénévoles, intervenants et autres [16] acteurs qui se préparent et agissent consciencieusement afin d'atténuer les impacts d'un sinistre.
Claude Martel
Responsable de la mission Santé en sécurité civile
Conseiller provincial au volet psychosocial en sécurité civile
Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec
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