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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir du livre de Mme Suzie Robichaud, Le bénévolat. Entre le cur et la raison. Préface de Vincent Lemieux. Chicoutimi, Québec, Les Éditions JCL inc., septembre 2003, 272 pp. Édition revue et corrigée, septembre 2003. [Autorisation accordée par lauteure et par léditeur, M. Jean-Claude Larouche, pdg des Éditions JCL inc le 21 avril 2004] Préface par Vincent Lemieux, politologue, Université Laval. Le bénévolat et les groupes grâce auxquels il saccomplit posent des questions importantes au chercheur qui sintéresse à la dialectique des réseaux et des appareils dans nos sociétés. Des groupes bénévoles ont toujours existé, mais ils se sont multipliés et ont fait face à des problèmes nouveaux avec le désengagement des appareils dÉtat, en particulier dans le domaine de la santé et des services sociaux. Si les appareils dÉtat laissent à des groupes bénévoles le soin de certaines activités de soutien à des personnes démunies, ils nen cherchent pas moins à réguler ces activités sous le prétexte du financement public consenti aux groupes. Les groupes risquent alors de devenir, en partie, des instruments que se donnent les appareils pour faire indirectement ce quils ne veulent plus faire directement. Suzie Robichaud considère, avec raison, que par ce contrôle indirect il y a institutionnalisation des groupes bénévoles, avec la tendance qui en découle à une transformation en quasi-appareils, alors que les groupes avaient à lorigine des propriétés de réseaux. Sans refaire la démonstration contenue dans louvrage, signalons quel-ques traits particulièrement significatifs qui distinguent un système en forme de quasi-appareil dun système en forme de réseau. Il y a dabord le partage de lautorité, définie comme la capacité dinfluencer directement ou indirecte-ment chacun des autres membres du groupe. Dans un réseau, chacun des participants a cette capacité, alors que ce nest pas le cas dans un quasi-appareil. Avec linstitutionnalisation, les dirigeants tendent à monopoliser lautorité, alors que les simples bénévoles ne sont plus ou sont moins en position dautorité. Un réseau de soutien, quand il soccupe de bénéficiaires, a tendance à effacer la frontière entre le réseau et les bénéficiaires. Celle-ci est considérée comme faisant partie du réseau, alors quun quasi-appareil a tendance à tracer la ligne entre les bénévoles et les bénéficiaires, en particulier par lémission dune carte de membre, qui consacre le statut de bénévole. Enfin, non seulement les transactions internes au groupe bénévole tendent à devenir asymétriques et plus spécialisées, mais il en est de même des transactions externes des bénévoles en direction des bénéficiaires. Comme le montre Suzie Robichaud, ces transactions tendent à devenir plus spécialisées elles aussi. Si on voulait exprimer de façon plus globale ces différences, on pourrait dire que les réseaux ont avant tout des finalités dappartenance, alors que les quasi-appareils ont avant tout des finalités de régulation. Ce nest pas dire que les réseaux de soutien comme ceux dont il est question dans louvrage ne cultivent que les appartenances entre les bénévoles, et des bénévoles aux bénéficiaires. Ils fournissent aussi des biens et des services aux bénéficiaires, et les bénévoles échangent des informations entre elles. Mais en plus de valoir pour eux-mêmes, ces prestations et échanges ont aussi et surtout de la valeur parce quils alimentent des liens daffinité et didentification qui sont la condition nécessaire des transactions. Chacun des partenaires a le sentiment de recevoir quelque chose de lautre, en une relation qui les unit davantage quelle les sépare. Dans un quasi-appareil, au contraire, les transactions ont aussi des finalités de régulation. Elles sont commandées par les dirigeants qui sont en position dautorité, pour conformer les distributions de ressources à des normes qui définissent des distributions idéales. Les appartenances, dexpressives quelles étaient, deviennent instrumentales. À une cohésion collégiale succèdent des cohésions plus divisives ou encore plus lâches. Aux yeux des dirigeants, les simples bénévoles et les bénéficiaires valent par la conformité de leur action à des normes. La différenciation ou lindifférence envahissent un champ de relations où il ny avait quidentification. Deux constats faits par Suzie Robichaud viennent moduler cette opposition entre lappartenance et la régulation. Dans les groupes bénévoles appuyés par lÉglise, dont il est question à la fin de louvrage, linstitutionnalisation est absente et, de façon concomitante, la tendance à la transformation en quasi-appareil est moins présente. Cela montre bien que cest larrimage, par la voie du financement, aux appareils dÉtat qui introduit les finalités de régulation là où régnaient les finalités dappartenance. Ensuite et surtout, Suzie Robichaud constate, contrairement à sa troisième hypothèse, que la transformation des groupes dun système en forme de réseau à un système en forme de quasi-appareil, nentraîne pas la désaffection des bénévoles. Tout se passe comme sils résistaient au passage dune logique de lappartenance à une logique de la régulation. Il en est généralement ainsi dans des situations semblables. Quand une certaine division sinstaure entre les dirigeants et les simples membres et quun réseau tend à se transformer en quasi-appareil, cette transformation est encouragée au sommet alors quelle est combattue à la base. Ces quelques considérations fondées sur les résultats de recherche de Suzie Robichaud en montrent toute la richesse. Le lecteur découvrira aussi, au fil des pages, quelques-unes des qualités humaines de lauteure. On ne peut sintéresser au bénévolat, en faire un objet de recherche, une thèse puis un livre sans être soutenu par les valeurs quil porte. Léon Brunschvicg a eu un mot terrible: « La qualité des âmes ne dispense pas de celle des idées. » Contrairement à beaucoup de pieux bavardages sur le bénévolat, on trouvera dans ce livre le résultat dun travail savant et perspicace, écrit par une personne modeste, mais remarquable par son empathie. Vincent Lemieux, professeur, science politique, Université Laval.
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