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Introduction
Les intervenants qui agissent en situation de désastre remplissent une fonction importante pour la société. Comme membres de celle‑ci, divers rôles et responsabilités leur sont alors attribués lorsqu'une catastrophe survient : prévention, protection et réconfort (Gibbs et al., 1993 ; Raphaël et Wilson, 1994 ; Robinson et Mitchell, 1993). Peu importe la nature du désastre et des tâches à effectuer, les intervenants doivent s'efforcer de répondre aux divers besoins exprimés par les victimes et accomplir leur travail dans un contexte où leurs conditions de travail sont loin d'être idéales (Armstrong et al., 1991). Une proportion des intervenants engagés dans ce type de travail vivront des problèmes significatifs d'adaptation psychologique (Duckworth, 1991) pouvant affecter leur santé physique (Berah et al., 1984) et mener à des répercussions négatives de longue durée (McCammon et al., 1988).
Les intervenants sont exposés à vivre les mêmes perturbations et les mêmes problèmes émotionnels constatés chez les victimes primaires et secondaires. En certaines situations, ils risquent également d'encourir des risques à leur santé physique similaires à ceux qu'affrontent les individus auxquels ils portent assistance ou secours (Ersland et al., 1989 ; Laube-Morgan, 1992 ; Marmar et al., 1996). On constate toutefois de fortes différences dans les réactions au stress vécu chez les intervenants et dans les types de facteurs qui les influencent - formation, éducation, personnalité associée au type de travail, etc. - (Gibbs et al., 1993). Tous les intervenants oeuvrant en situation de désastre, peu importe leur discipline respective, doivent donc être considérés comme des individus susceptibles de subir des [18] effets négatifs et d'avoir besoin d'aide ultérieurement (Alexander, 1991 ; Berah et al., 1984 ; Evans et Evans, 1992 ; Hartsough, 1985 ; Innes et Clarke, 1985 ; Larnontagne, 1983 ; Laube-Morgan, 1992 ; Mikulencak, 1992 ; Newburn, 1993 ; Raphaël et Wilson, 1994 ; Revicki et Gershon, 1996).
Il existe peu de documentation sur les conséquences biopsychosociales des catastrophes comme celle survenue en janvier 1998, où l'impact de la neige, de la glace, du vent, etc. a provoqué l'interruption des services publics pour une période aussi longue. La recherche est également peu abondante en ce qui a trait plus spécifiquement aux intervenants appelés à agir en de telles circonstances. Chaine (1973) rapporte une interruption majeure du service électrique causée par une importante tempête de verglas survenue en 1972 [1]. Durant cette tempête, environ 60 000 personnes furent privées d'électricité pour des périodes pouvant s'étendre jusqu'à plus d'une semaine. Toutefois, l'impact de l'intervention sur la santé des intervenants n'y est pas abordée. D'autres chercheurs canadiens ont également fait mention de coûts reliés aux précipitions hivernales, de dommages et de difficultés particulières qui peuvent en découler, ou ont fourni diverses données techniques concernant les méthodes d'ajustement ou les modèles d'adaptation des communautés ou des individus qui doivent affronter des conditions climatiques difficiles (de Freitas, 1975 ; Dubreuil, 1981 ; Gray et Male, 1981 ; Legget et Gold, 1966 ; Relph et Goodwillie, 1968). Mentionnons aussi que Perry et al. (1996), à la suite de conditions hivernales difficiles connues en 1995-1996 dans une région minière isolée du comté de Buchanan en Virginie, rapportent certains résultats préliminaires obtenus auprès d'intervenants et de gestionnaires de crise, rémunérés et bénévoles, résultats présentés dans ce document.
Ce volume a pour but de brosser un portrait de la recherche sur les intervenants oeuvrant en situation de désastre, de définir [19] et d'expliciter les concepts qui s'y rattachent ou qui sont largement utilisés par les chercheurs, et de documenter les effets des catastrophes sur la santé biopsychosociale des personnes qui portent assistance et secours. Les facteurs pouvant intervenir dans la médiation des répercussions constatées chez les intervenants et les stratégies d'adaptation les plus souvent mentionnés dans la documentation sont également pris en considération. Une attention particulière est aussi apportée à certains aspects ou à certaines propositions susceptibles d'améliorer les interventions et d'amenuiser les répercussions négatives sur les personnes qui s'impliquent à divers degrés auprès des victimes ou des sinistrés. Afin de surseoir aux objectifs proposés par cet exercice, plusieurs banques de données ont été consultées. La majorité des monographies et articles scientifiques recensés font surtout état de résultats de recherches et de travaux réalisés par des chercheurs américains et australiens. Les bases de données Hazlit, Pilots et Medline ont été consultées en utilisant les concepts « disaster workers » et « disaster helpers ». De plus, les références bibliographiques compilées par divers spécialistes tels Atle Dyregrov, Richard Gist, Jolana Machalek et John D. Weaver ont servi de documents de base à la réalisation de cet ouvrage.
[1] Chaine, P.M. (1973). Glaze and its Misery : the Ice Storm of 22-23 March 1972 North of Montreal, Weatherwise, 26 (3) : 124-127.
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