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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir du texte de Guy Rocher, “L’institutionnalisation universitaire de la sociologie québécoise francophone: entre le passé et l’avenir”. Un article publié dans la revue Cahiers de recherche sociologique, no 30, 1998, pp. 11-32. Montréal: Département de sociologie, UQAM. [Le 16 août 2006, M. Guy Rocher nous donnait sa permission de diffuser tous ses articles dans Les Classiques des sciences sociales.] L'histoire et l'évolution de la pensée sociologique ont fait l'objet d'un grand nombre d'études. Il est en revanche étonnant que des sociologues ne se soient pas davantage intéressés à l'histoire de l'institutionnalisation de leur discipline. Celle-ci est cependant en voie de devenir un thème de recherche sociologique, lequel sera sans doute à peu près inépuisable [1]. Contemporary Sociology, une revue exclusivement composée de comptes rendus et publiée par l'American Sociological Association, consacrait exceptionnellement en 1997 une importante section de deux numéros à de brèves descriptions de la sociologie dans une vingtaine de pays, y compris le Canada et le Québec [2]. Bien que la dimension historique n'y ait guère été approfondie, lorsqu'elle était abordée, on voyait déjà l'intérêt qu'aurait un programme d'analyse historique et comparée de l'institutionnalisation de l'enseignement et de la recherche sociologiques dans différents contextes culturels, politiques, économiques et même religieux. Les rapports entre les sociologues et les institutions d'enseignement supérieur, tout comme avec d'autres instances de pouvoir économique, politique, voire spirituel, ont été variés, complexes, parfois conflictuels et souvent distants. La sociologie a été généralement reçue - ou s'est d'elle-même imposée - soit dans la suspicion, soit dans l'indifférence, soit par des voies détournées - à travers le service social, par exemple -, et rarement, sinon jamais, avec enthousiasme. Cela tient à certains traits de la sociologie, son côté démystificateur ou son potentiel révolutionnaire, mais surtout à l'image plus ou moins déformée que l'on avait d'elle ou qu'elle projetait. Et d'une période à l'autre, voire d'une décennie à l'autre, la situation de la sociologie a pu se modifier rapidement, connaître des hauts et des bas, des périodes d'acceptation et d'autres de rejet. Les états d'esprit, et l'on pourrait même parler des états d'âme, qui ont conditionné la réception de la sociologie sont évidemment en lien direct avec l'état de la société d'accueil, les rapports de production, les pouvoirs établis, les idéologies dominantes, les groupes d'intérêts actifs ou en émergence. Il en résulte que la sociologie de l'institutionnalisation de la sociologie sert de fenêtre à la sociologie de la société d'accueil. C'est dans cette perspective que se situe cet essai-ci. Pour qui s'intéresse à la sociologie québécoise d'aujourd'hui et à celle que l'on peut prévoir ou vouloir pour demain, thème du présent numéro, il peut être utile de jeter un regard sur les étapes passées de l'institutionnalisation universitaire de l'enseignement et de la recherche sociologiques. Je me propose donc de retracer, en m'appuyant sur la documentation existante et sur ma propre mémoire, avec la tendance que celle-ci peut avoir à déformer des faits et à en occulter d'autres, les étapes de l'institutionnalisation de la sociologie québécoise, principalement de langue française, dans le cadre universitaire. [1] Voir, par exemple, pour les États-Unis, A. Obershail (dir.), The Establishment of Empirical Sociology, New York, Harper and Row, 1972 ; M. Bulmer, The Chicago School of Sociology, Chicago, University of Chicago Press, 1984 ; pour la GrandeBretagne, P. Abrams, The Origins of British Sociology, Chicago, University of Chicago Press, 1968 ; pour le Canada, D. Campbell, Beginnings : Essays on the History of Canadian Sociology, Port Credit (Ont.), Scribblers' Press, 1989 ; M. Shore, The Science of Social Redemption : McGill, The Chicago School and the Origins of Social Research in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1987 ; J. J. Cormier, « Missed opportunities : The institutionalization of early Canadian sociology », Society/Société, 1997, vol. 21, no 1, pp. 1-7. [2] Contemporary Sociology, vol. 26, no 3, 1997, pp. 267-310, et no 5, pp. 543-579.
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