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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Guy Rocher, “La mondialisation: un phénomène pluriel.” Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Daniel Mercure, Une société-monde ? Les dynamiques sociales de la mondialisation, pp. 17-31. Québec : Les Presses de l’Université Laval et de Boeck Université, 2001, 360 pp. Textes rassemblés à l'occasion du XVIe congrès de l'Association internationale des sociologues de langue française. [Le 16 août 2006, M. Guy Rocher nous donnait sa permission de diffuser tous ses articles dans Les Classiques des sciences sociales.].

[17]

Guy Rocher *

Université de Montréal

La mondialisation :
un phénomène pluriel
.” **

Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Daniel Mercure, Une société-monde ? Les dynamiques sociales de la mondialisation, pp. 17-31. Québec : Les Presses de l’Université Laval et de Boeck Université, 2001, 360 pp. Textes rassemblés à l'occasion du XVIe congrès de l'Association internationale des sociologues de langue française.

Introduction [17]
1. La sociologie devant la mondialisation [17]
2. La terminologie [19]
3. Trois ou quatre mondialisations [20]
4. Les interrelations entre les mondialisations [23]
5. Les interrelations au sein des mondialisations [25]
6. Contributions de la sociologie de langue française à l'étude de la mondialisation [29]


Introduction

Il est plus que probable que la mutation qu'imprimera la mondialisation à l'humanité sera l'un des faits dominants du siècle qui débute. Il n'est donc pas trop osé de prédire que la mondialisation deviendra un thème privilégié de notre enseignement, de nos recherches et de nos pratiques en sociologie. Et pour traiter à fond de ce sujet encore inédit, seront nécessaires les rapports interdisciplinaires que nous devrons entretenir plus que jamais avec les autres disciplines des sciences sociales.

Une interrogation préliminaire s'impose alors : on ne peut éviter la question de la légitimité de la sociologie lorsqu'elle s'aventure sur le vaste terrain de la mondialisation. La sociologie est-elle équipée pour analyser, interpréter et comprendre cet objet d'étude, elle dont les terrains de recherche sont en général plus limités géographiquement et démographiquement ? Quelle contribution spécifique la sociologie est-elle en mesure d'apporter ?

1. La sociologie devant la mondialisation

Dans un article publié en 1986, Edward Tiryakian estimait déjà que la conceptualisation et la problématique que la sociologie a forgées dans le contexte des sociétés nationales ne sont plus utilisables pour aborder les phénomènes nouveaux et inédits auxquels le sociologue est confronté dans le champ de la mondialisation. Il nous faut faire, disait-il, un « grand bond en avant » (a leap forward) et créer un nouvel appareillage intellectuel. À cette fin, Tiryakian proposait les grandes lignes d'un enseignement de la sociologie axé sur la mondialisation [1]. Son appel [18] a été entendu : plusieurs manuels d'introduction à la sociologie publiés aux États-Unis ces dernières années présentent la discipline dans la perspective de la mondialisation.

De son côté, Roland Robertson se demande s'il est encore sociologue lorsqu'il quitte le terrain traditionnel de notre discipline pour aborder les mers inconnues et inquiétantes de la mondialisation [2]. Pour sa part, lorsque Neil Smelser, dans ses quatre conférences Georg Simmel de 1995 à la Humboldt Universität, après avoir décrit la micro, la méso et la macrosociologie, aborde finalement la « sociologie globale », il observe que, si l'on se situe dans la perspective des disciplines des sciences sociales, ce quatrième palier n'est peut-être plus tout à fait de la sociologie (it is scarcely sociology at all) [3]. Pourtant, il venait de montrer que des éléments d'une certaine « sociologie internationale » font partie du fonds commun de notre discipline.

C'est qu'en réalité la mondialisation est l'objet d'étude des économistes, des politologues, des historiens, des anthropologues et des géographes. Le champ est déjà bien occupé et défriché. Que vient y faire le sociologue ? Qu'apporte-t-il d'original ? La réflexion que je poursuis ici se situe dans la ligne d'une certaine réponse à cette interrogation.

Il est dans la tradition de la sociologie de chercher sans cesse à démystifier les idéologies. Or, la mondialisation est à la fois une certaine réalité, une idée et un projet. Elle est par conséquent chargée de perspectives et d'options axiologiques. Des valeurs sont évoquées : la liberté, dont se réclament les promoteurs de la mondialisation, et la justice sociale, toujours plus menacée aux yeux des critiques de la mondialisation. Le sociologue le sait mieux que quiconque : il n'est pas facile de se distancier des valeurs et des idéologies, particulièrement de celles auxquelles est acquise notre sympathie d'esprit et de cœur. La première ligne de défense, à ce qu'il m'a toujours semblé, est la recherche des distinctions pertinentes, qui permettent une première mise en perspective de l'objet d'étude.

Au début de son grand article « Qu'est-ce que l'autorité ? », Hannah Arendt fait appel à « la conviction qu'il est important d'établir des distinctions ». Et elle ajoute que « personne, pour autant que je sache en tout cas, n'a encore affirmé ouvertement que les distinctions n'ont pas de sens ». Elle regrette ensuite qu'« il existe pourtant un accord tacite dans la plupart des discussions entre spécialistes en sciences sociales et politiques qui autorise chacun à passer outre aux distinctions [4] ».

[19]

Je prends au sérieux cet avis méthodologique et ce reproche d'Hannah Arendt. D'autant plus que le thème de la mondialisation appelle peut-être plus que d'autres de nécessaires distinctions. La nouveauté du sujet, l'ampleur des horizons qu'il ouvre à nos regards et les idéologies qui en conséquence l'entourent encouragent la polysémie du concept, source de confusion. La mondialisation se présente à notre esprit comme un phénomène fuyant, ou du moins multiple et pluriel. Il m'apparaît donc impérieux de proposer deux distinctions, l'une qui pourra paraître sémantique, l'autre qui tient à l'objet même de la mondialisation.

2. La terminologie

Partons de la terminologie. La langue française nous offre trois termes, qui sont généralement employés sans distinction : l'internationalisation, la mondialisation et la globalisation. Or, ces trois termes ne sont pas synonymes : ils désignent des réalités différentes. L'internationalisation, d'où sont tirées les expressions « relations internationales », « études internationales », « réseaux internationaux », nous réfère aux échanges de diverses natures, économiques, politiques, culturels, entre nations, aux relations qui en résultent, pacifiques ou conflictuelles, de complémentarité ou de concurrence. Si l'on parle de mondialisation, on entend évoquer une autre réalité, contemporaine celle-là : l'extension de ces relations et de ces échanges internationaux et transnationaux à l'échelle du monde, conséquence de la rapidité toujours croissante des transports et des communications dans la civilisation contemporaine. Quant à la globalisation, elle ferait référence à l'émergence d'un « système-monde » (le world-system de Wallerstein) au-delà des relations internationales, au-delà de la mondialisation, un fait social total au sens propre du terme, un réfèrent en soi. Comme le souligne Alain Crochet, « le terme mondial signifie seulement que le phénomène étudié concerne le monde entier », alors que le terme « global » fait référence à un « ensemble possédant alors des propriétés que ses composantes n'ont pas [5] ». Il s'agit donc d'un nouvel « espace », démographique et géographique d'abord, comme les géographes politiques aiment à le représenter, mais également sociologique, dans la mesure où il se prête de mieux en mieux à une analyse systémique (le « système-monde »), bref un espace totalement délocalisé et constituant un niveau spécifique de l'activité économique, politique, sociale et culturelle. Mondialisation et [20] globalisation feraient donc référence à deux réalités de niveaux différents : le terme mondialisation s'appliquerait mal à la rupture historique que le processus de globalisation est en voie d'opérer, avec l'émergence d'un nouveau « système-monde ».

En français, nous utilisons généralement le terme mondialisation. Nos collègues anglo-saxons n'emploient que le terme globalization. Il se trouve qu'en français nous avons l'avantage de pouvoir utiliser les deux termes, mondialisation et globalisation, pour désigner deux réalités différentes. À mesure que nos analyses du phénomène se raffineront, la langue française nous permettra d'être plus précis, grâce à l'usage que nous pourrons faire de trois termes distincts. Notons que nous rencontrons déjà ici un premier aspect sous lequel la mondialisation se présente comme un phénomène pluriel.

Il importe par ailleurs de souligner ici le fait très important, et trop souvent négligé, que les trois termes désignent une tendance, un procès en cours. Nous pourrions donc recourir à un quatrième terme, « globalisme », très français, pour désigner l'état de chose déjà réalisé, un système-monde au moins partiellement établi. Je ne cache pas ma préférence pour les termes globalisation et globalisme — plutôt que mondialisation —, en particulier parce que la sociologie pourra, me semble-t-il, apporter une riche contribution en les singularisant comme son objet d'étude privilégié. Mais les organisateurs du Congrès ont choisi le terme « mondialisation » plutôt que « globalisation ». On ne s'en étonnera pas : c'est le terme généralement utilisé en français. Pour respecter la terminologie du Congrès, je ne suivrai pas le sage avis de Hannah Arendt : je ne pousserai pas la distinction plus loin, même si je crois qu'il en résulte un risque de confusion.

3. Trois ou quatre mondialisations

N'utilisant donc pour l'heure que le seul terme de mondialisation, une seconde distinction se présente à nous entre trois formes de mondialisation, qui ne sont évidemment pas indépendantes les unes des autres, comme on le verra, mais qu'il importe de ne pas confondre : la mondialisation économique, la mondialisation politique, la mondialisation culturelle. Et l'on pourrait encore ajouter une quatrième distinction, dont on peut dire qu'elle est déjà incluse dans les deux dernières, soit la mondialisation juridique.

Chacune de ces mondialisations est en soi complexe. Ainsi, la mondialisation économique se présente sous trois modalités qu'on distingue trop peu souvent. La première et la plus ancienne est un marché transnational d'échanges de biens. Le commerce international se pratique [21] depuis des millénaires. On en trouve la trace depuis les débuts de la civilisation occidentale, pour ne parler que de celle-ci, avec les nombreux comptoirs établis par les Grecs autour de la Méditerranée et, par la suite, le vaste empire romain. Si l'on peut dire aujourd'hui que, d'international, le commerce a pris les traits de la mondialisation, c'est qu'avec le progrès des transports et des communications le territoire des échanges n'est plus un segment du monde connu, il couvre l'ensemble de la planète.

Ce sont cependant les deux autres modalités de la mondialisation économique qui sont devenues plus significatives et plus problématiques. Il s'agit d'abord de la mondialisation de la division du travail. On assiste depuis quelques décennies à une migration d'entreprises vers des pays du tiers monde ou vers des pays offrant une main-d'œuvre faiblement rémunérée et non organisée. C'est là une des résultantes de la concurrence toujours féroce qui régit le monde industriel capitaliste. On a appelé ce phénomène « la réorganisation spatiale de la production [6] » de biens. Ces mouvements transfrontaliers et transcontinentaux de capitaux, d'équipements et de techniques ont évidemment d'importants effets négatifs sur le marché de l'emploi des pays industrialisés que quittent ces entreprises et des effets encore plus déstructurants sur l'économie et le tissu social des pays où elles vont se poser.

Ce processus de délocalisation des entreprises industrielles et la nouvelle division transnationale du travail qui en résulte ne doivent pas être confondus avec la troisième modalité de la mondialisation économique, soit la mondialisation financière, celle du monde des affaires. Il s'agit ici de suivre les mouvements internationaux d'énormes masses d'argent, qui servent à financer les États, les entreprises privées, la guerre, la criminalité, la violence, ainsi que, paradoxalement, un bon nombre d'initiatives philanthropiques. On observe la circulation mondiale d'immenses capitaux amassés dans les banques, les trusts, les entreprises de gestion d'épargnes de diverses natures, sans oublier les profits énormes accumulés par le trafic de la drogue, la prostitution, le commerce licite et illicite des armes et les nouvelles formes d'esclavage (enfants, femmes, travailleurs) qui d'ailleurs en rappellent d'anciennes.

Quant à la mondialisation politique, elle a aussi des antécédents historiques très anciens. Les relations politiques entre les peuples existent depuis des millénaires. Mais ce dont nous avons été témoins au cours du XXe siècle et qui le singularise dans l'histoire politique, c'est la mise en place d'organismes supra-étatiques à l'échelle de la planète, [22] d'abord de la Société des nations après la Première Guerre dite « mondiale », puis de l’Organisation des Nations unies après la Deuxième Guerre mondiale. Avec ces institutions et dans leur suite, diverses formes de régulation internationale se sont multipliées, plus ou moins contraignantes pour les États, touchant une vaste gamme de sujets, notamment la protection de la santé humaine, l'environnement, les minorités. Mais cette régulation internationale ne peut s'appuyer que sur des moyens bien faibles. Une partie croissante de l'économie mondiale lui échappe. Les contrôles politiques des capitaux imaginés par les participants aux accords de Bretton Woods de 1945 ont été contrés à la fois par les facilités techniques favorables à l'autonomie du marché industriel et financier mondial et par un abstentionnisme des États inspiré par l'idéologie libérale revenue en force au cours des dernières années.

C'est ici que prendrait place la troisième mondialisation, celle du droit, émergeant comme une forme de mondialisation qui tendrait à se distinguer de plus en plus des deux autres. Sa vraie nature est dissimulée par le fait que le droit est généralement associé à des instances étatiques, qu'il s'agisse d'un État souverain, du droit international qui régit les rapports entre les nations ou du droit international produit par les diverses instances politiques internationales. Un colloque s'est tenu récemment (22-24 juin 2000) en Suisse sur le thème « La mondialisation et le droit ». L'invitation était formulée dans les termes suivants : « On ne sait presque rien sur l'adaptation du droit à ce phénomène [de la mondialisation]. Le droit est-il en passe de se mondialiser ? Si oui, de quelle façon ? » Il existe depuis longtemps, bien sûr, un droit international, privé et public, qui régit notamment la paix et la guerre entre les peuples et les nations. Mais on assiste depuis quelques décennies à l'émergence d'un droit mondial, c'est-à-dire d'un droit du système-monde. C'est, par exemple, le droit qui régit les organismes supranationaux, leur organisation, leur fonctionnement et leur action, celui qui est en voie de se créer pour réguler l'Internet, celui qui conditionne l'ingérence dans les affaires nationales au nom des droits fondamentaux et de la démocratie. L'on assiste ainsi à une transformation de la notion historique et traditionnelle du droit. Considéré depuis toujours comme le fait d'une nation, le droit se délocalise dans un nouveau système sociopolitique mondial ; il devient universel dans un sens inédit et connaît une nouvelle dialectique entre monisme et pluralisme.

La mondialisation culturelle, enfin, apparaît sous deux formes différentes. La première est un système-monde du savoir mis en place à la faveur du développement de la technologie informatique et de la création de réseaux d'échange de connaissances et d'informations. La mondialisation de la science et des chercheurs en est l'archétype, suivant [23] d'ailleurs une tradition universitaire millénaire. Mais on la retrouve dans un large spectre d'activités et de productions culturelles. L'autre forme de la mondialisation culturelle est la culture de l’entertainment (que l'on peut traduire par divertissement ou même par évasion), celle propagée par les médias — cinéma, disque, radio, télévision. On peut aussi appeler cette forme de mondialisation culturelle l'américanisation du monde : des images, des symboles, des aspirations en provenance des États-Unis se retrouvent dans le monde entier. C'est aussi cette mondialisation culturelle qui nourrit l'obsession de la consommation qui est en train d'unifier la planète.

Ces trois ou quatre mondialisations ne sont-elles en réalité que les facettes d'un même phénomène, d'une même mondialisation, le vaste système-monde ? Pour ma part, plus je cherche à comprendre ce à quoi nous assistons, plus je constate la diversité, la pluralité des phénomènes désignés couramment par un seul et même terme, la mondialisation, et plus je suis convaincu qu'il s'agit de trois procès différents, obéissant chacun à des rationalités et à des logiques spécifiques et posant des problèmes humains variés. Je crois aussi que nous devrons apprendre à parler au pluriel « des mondialisations », plutôt qu'au singulier. Voilà ce qui m'engage à parler de la mondialisation comme d'un « phénomène pluriel ». L'analyse sociologique a en effet tout intérêt à distinguer ces trois procès, ne fût-ce que pour mieux cerner les interrelations entre ces trois mondialisations, qui peuvent les renforcer l'une l'autre ou, inversement, faire naître des résistances réciproques. Je voudrais ici recourir à deux analyses qui mettent bien en lumière deux dynamiques différentes d'interrelations.

4. Les interrelations entre les mondialisations

Plusieurs analystes de la mondialisation, particulièrement ceux qui en font une lecture critique, se sont inspirés du célèbre ouvrage de Karl Polanyi, The Great Transformation [7]. Dans sa longue analyse historique des rapports entre l'économie, la politique et la société, Polanyi montrait comment le marché traditionnel, qui existait depuis des millénaires dans toutes les sociétés comme lieu de rencontre des producteurs et des consommateurs et par conséquent comme lieu d'échange de biens, s'est progressivement transformé. Le marché est devenu au XIXe siècle un système autonome international, détaché de tout contexte social et indépendant de tout État. L'idéologie libérale mercantiliste a voulu que [24] cette économie de marché s'autoréglemente, et les États ont suivi. Mais Polanyi constatait que le marché autoréglementé engendrait des effets pernicieux pour l'homme et pour la société, et qu'il risquait finalement de détruire l'un et l'autre. Et cela, observait Polanyi, parce que l'économie de marché a pris le pas sur tout le reste ; elle domine et subjugue la société, la culture et l'environnement. L'économie de marché, grâce à la liberté dont elle jouit depuis le début du XIXe siècle, est devenue hégémonique. Il a fallu une série d'interventions étatiques, législatives et autres pour protéger les sociétés et leurs membres contre les effets néfastes de la folle concurrence du marché international entièrement libre. C'est le fameux « double mouvement » bien perçu par Polanyi : lès forces libres de l'économie de marché sont propulsées en avant, et des interventions étatiques et supra-étatiques cherchent à contrôler les mouvements de capitaux. Une partie de la résistance à la mondialisation économique peut être le fait des États particuliers. Mais elle peut et devra sans doute être menée de plus en plus soit par des organismes supra-étatiques, comme ce fut le cas au moment des accords de Bretton Woods après la Deuxième Guerre mondiale, soit par des mouvements sociaux et des groupes de pression, comme on a pu le voir dans la protestation organisée à Seattle en 1999.

La deuxième série de recherches est bien différente et s'inspire d'une autre perspective. Je me réfère ici aux travaux de nos collègues états-uniens [8] qui se font connaître sous le nom de World Polity [9]. Leur thèse est la suivante. La mondialisation est le résultat de la diffusion toujours plus étendue de principes et de modèles culturels conçus en Occident et disséminés à partir de l'Occident. Ces principes et ces modèles culturels se sont cristallisés dans des institutions qui ont été exportées à travers le monde. Ces institutions sont principalement l'État moderne, le système d'éducation, le système des soins de santé, les droits et libertés de la personne. Ce processus de diffusion s'est étendu [25] sur les trois ou quatre derniers siècles, en réalité surtout depuis le XVe siècle, c'est-à-dire depuis la découverte des Amériques. Il a été porté par les colonisateurs, les missionnaires, les commerçants. En bref, il est le produit de l'impérialisme des nations européennes (Espagne, Portugal, France, Angleterre, Italie) et plus récemment de l'impérialisme états-unien : un impérialisme qui fut à la fois et successivement militaire, politique, religieux, économique, culturel.

Cette mondialisation culturelle a historiquement accompagné la mondialisation économique ; elle l'a parfois précédée et lui a pavé le chemin. Les tenants du World Polity s'emploient à démontrer que la mondialisation économique n'a pu se réaliser que parce que la mondialisation culturelle l'a rendue possible. Quoi qu'il en soit de cette question de causalité, qui à mon avis reste problématique, l'importance de ce vaste mouvement de diffusion culturelle est assurément un fait qu'il faut encore explorer. Il faudra sans doute l'étayer, en analysant en particulier toutes les résistances qu'il a rencontrées et qu'il suscite encore, qu'il s'agisse des régionalismes, des nationalismes, des réveils politiques ; en analysant aussi le statut et le rôle des acteurs locaux individuels et collectifs qui ont contribué à implanter les importations culturelles, ainsi que le rôle et le statut des acteurs individuels et collectifs qui s'y sont opposés ; en analysant, enfin, les transformations subies par les importations culturelles elles-mêmes dans le processus d'adaptation qui accompagne le processus d'adoption.

5. Les interrelations au sein des mondialisations

La sociologie n'est donc pas à court de voies que peut emprunter l'analyse de la mondialisation. Mais ce n'est pas tout. Si l'on se situe d'abord au niveau du système-monde lui-même, tel qu'il se présente aujourd'hui et comme il semble évoluer, il faudra l'analyser, selon la tradition sociologique, dans le contexte des rapports de pouvoir, de domination et d'hégémonie qu'il produit et reproduit. L'étude des hégémonies, sur le plan international et mondial, ne peut se faire que par l'analyse des rivalités entre les puissances dans les relations dynamiques entre les trois mondialisations. Dans un article de 1983 sur ce thème, Immanuel Wallerstein définit l'hégémonie comme un déséquilibre entre des grandes puissances qui permet à l'une d'elles « d'imposer ses règles et ses volontés dans les arènes économique, politique, militaire, diplomatique et même culturelle [10] ». Dans son analyse, Wallerstein fait [26] l'historique des trois hégémonies successives de « l'économie-monde » : celles des Pays-Bas au XVIIe siècle, de l'Angleterre au XIXe et des États-Unis au XXe. Il conclut en constatant que la fin du XXe siècle est marquée par une phase « post-hégémonique » : bien que les États-Unis aient conservé une certaine supériorité commerciale et financière, dit-il, « son pouvoir militaire et politique n'est plus aussi écrasant qu'auparavant. Sa capacité à dicter ses volontés à ses alliés (l'Europe de l'Ouest et le Japon) [...] est considérablement amoindrie [11]. » Cela était probablement vrai en 1983 au moment où Wallerstein écrivait ces lignes ; les événements de la dernière décennie du XXe siècle sur la scène internationale démontrent plutôt qu'en l'an 2000 l'hégémonie états-unienne mondiale est plus réelle que jamais. Et cette hégémonie est tout autant culturelle que militaire, économique et politique. Ce sont les États-Unis qui fournissent et inspirent les référents aussi bien de la culture savante et scientifique que de la culture populaire, de la culture de l’entertainment. Chacune de ces deux cultures est portée à travers le monde entier par la prédominance de la langue anglaise, ou plus exactement états-unienne (le basic English). Cette hégémonie, comme l'ont bien démontré les chercheurs du Centre d'études et de recherches sur la vie économique dans les pays anglo-saxons (CERVEPAS), n'est pas le résultat d'une action spontanée, mais bien d'une stratégie de domination, développée d'abord par l'Angleterre aux XVIIIe et XIXe siècles, puis reprise et étendue par les États-Unis tout au cours du XXe siècle [12].

Cette dynamique, des conflits, des luttes et des hégémonies d'une part, et des fragmentations de la mondialisation d'autre part, s'avère un important thème de recherche pour lequel la sociologie bénéficie d'un appareil conceptuel de nature à enrichir sa contribution spécifique à l'analyse du système-monde dans les prochaines décennies du XXIe siècle. La sociologie peut en effet puiser dans la tradition qui est la sienne, soit l'analyse des inégalités sociales et des conflits. Les inégalités ont été et demeurent un thème favori et familier de la sociologie, celles que l'on observe entre les classes sociales, les groupes ethniques, au sein des organisations bureaucratiques, dans les familles et entre l'homme et la femme. On a souvent évoqué les inégalités croissantes entre les peuples et au sein des nations qu'engendre la mondialisation capitaliste. Il est urgent que la sociologie apporte à cette problématique du système-monde en gestation et du processus en cours de mondialisation ou de globalisation, à la fois ses interrogations et ses réponses, enrichies des [27] perspectives dynamiques ouvertes par l'analyse sociologique des conflits.

J'ajoute encore ici que l'éclatement et la diversification des théories que la sociologie a connus au cours des trois dernières décennies peuvent nous servir de levier dans l'analyse de la mondialisation. Ces développements théoriques ont en effet enrichi les analyses des niveaux microsociologique, mésociologique et macrosociologique. Ces acquis permettent non seulement à la sociologie d'aborder le quatrième niveau, celui de la mondialisation, sous l'angle du système-monde en formation et déjà en action, mais aussi et peut-être surtout de discerner et d'analyser les effets de la mondialisation aux niveaux local, régional et national. Qu'il s'agisse des effets sur la main-d'œuvre, les conditions de travail, la consommation domestique de biens de toute nature, la culture populaire, l'environnement physique, la diffusion des connaissances, l'évolution des représentations sociales, les conflits de valeurs, les écarts intergénérationnels, etc., la diversité conceptuelle, théorique et méthodologique que la sociologie a acquise et développée ouvre des perspectives infinies d'analyse des effets fastes et néfastes que la mondialisation/globalisation aura sur la vie et les mœurs des hommes et des femmes du XXIe siècle.

Les études empiriques et comparatives que des sociologues mènent déjà dans différents pays — et qui, à mon avis, devront se multiplier — mettent en lumière un fait trop souvent occulté, autant par ceux qui promeuvent la mondialisation que par ceux qui en font la critique, à savoir que la mondialisation modifie le rôle et le fonctionnement des États nationaux plus qu'elle ne les affaiblit. La sociologie politique révèle que le contexte international ou mondial occupe une place croissante dans les politiques des États nationaux. D'une part, ceux-ci ont entrepris de participer activement aux politiques internationales, soit directement par leur présence aux travaux des instances internationales, soit par différentes formes d'alliances régionales ou autres. En même temps, les politiques proprement nationales s'élaborent de plus en plus dans le contexte de la mondialisation économique, politique ou culturelle, soit pour s'aligner sur elle, soit pour en contrer les effets locaux ou régionaux. Ce qu'on lit sur la mondialisation laisse trop aisément croire à la passivité des États devant le « rouleau compresseur » de la mondialisation. C'est une autre image de la réalité, une image beaucoup plus nuancée et encore bien mouvante que nous livrent les recherches de la sociologie politique. En tout cas, l'évolution des États nationaux au cours des prochaines décennies devra être l'objet d'une attention toute particulière dans le cadre d'une sociologie politique de la mondialisation.

[28]

Du même coup, il se trouve que la mondialisation et en particulier la perspective des effets néfastes qu'elle entraîne déjà, que ce soit sur l'environnement, les conditions de vie humaine ou la culture, ont provoqué la multiplication d'actions politiques non gouvernementales. D'une certaine façon, des organisations et des mouvements de la société civile viennent, les uns remplacer, les autres renforcer, d'autres encore contester l'action des États nationaux sur le plan international. Qu'il s'agisse des organisations non gouvernementales (ONG), ou des organisations non gouvernementales internationales (ONGI) que certains analystes tiennent à distinguer des premières, ou encore de ce que l'on appelle maintenant les « nouveaux mouvements sociaux » ou les « mouvements sociaux transnationaux », la mondialisation a favorisé leur multiplication et surtout leur vitalité, à la fois sur le plan mondial et au sein des nations. On a pu montrer comment ces acteurs non gouvernementaux ont « contaminé » les modèles établis de relations internationales, et cela, non seulement par des manifestations comme la contestation récente à Seattle, à laquelle on a attribué une valeur symbolique, mais plus encore par leur action soutenue depuis plusieurs années auprès des instances internationales et des États. L'efficacité de ces acteurs transnationaux non gouvernementaux a été favorisée par l'existence des diverses instances internationales où elles peuvent exercer leur influence et aussi par le développement des technologies de la communication qui leur a permis de créer parmi eux un milieu, un espace de réflexion commune et d'action concertée [13]. L'analyse qu'elle mène depuis longtemps des mouvements sociaux, des groupes d'intérêt et des groupes de pression prédispose la sociologie à explorer en profondeur la structuration, le fonctionnement, les cycles de vie de ces acteurs non gouvernementaux et l'influence réelle qu'ils exercent sur les politiques nationales et internationales. Ces études seront d'autant plus importantes que l'action de ces acteurs non gouvernementaux sera cruciale dans le contexte de l'asymétrie, de la dissymétrie des rapports de pouvoir entre les nations, et surtout entre les pays des sociétés industrielles avancées et ceux du tiers monde [14]. Leur action sera aussi cruciale si l'on considère l'état de la démocratie dans le monde. On estimait récemment qu'à peine 20 % de la population mondiale vit dans [29] des pays libres, 40% dans des pays partiellement libres et 40% sous des régimes autoritaires et répressifs [15].

Cette remarque nous ramène à Karl Polanyi que j'ai évoqué plus haut. En 1944 parurent deux ouvrages prophétiques qui allaient marquer tout notre siècle : celui de Polanyi, The Great Transformation, et celui de Friedrich von Hayek, The Road to Serfdom [16]. Le premier allait inspirer la démocratie sociale et la mise en place de l'État-providence de l'après-guerre. Le second a servi et sert encore de manifeste du néolibéralisme du XIXe siècle, revenu en force à la fin du XXe. Ces deux ouvrages résument et symbolisent les deux grands courants de pensée, les deux idéologies qui s'affrontent depuis deux siècles et se succèdent l'une à l'autre. Le livre de Polanyi s'ouvre sur cette phase lapidaire : « La civilisation du XIXe siècle s'est effondrée » (Nineteenth century civilization has collapsed). Il entendait par là que l'ère du libéralisme était terminée et que l'on avait compris que le marché devait être contrôlé et encadré par le politique. On peut se demander aujourd'hui si la civilisation du XXe siècle ne s'est pas à son tour effondrée : nous assistons à une éclipse de la démocratie sociale au profit de la démocratie libérale et au retour du libre marché que Polanyi croyait définitivement jugulé. La mondialisation est généralement invoquée pour justifier l'inévitabilité du marché libre et du déclin de l'autorité politique. La sociologie pourra-t-elle exercer quelque influence dans la lutte de titans que se livrent ces deux idéologies ?

6. Contributions de la sociologie de langue française
à l'étude de la mondialisation


J'ai évoqué jusqu'à présent la contribution de la sociologie générale à l'étude de la mondialisation. Je voudrais conclure en suggérant quelques chantiers où la sociologie de langue française serait particulièrement féconde. La sociologie de langue française est riche d'un héritage où elle peut puiser des éléments de nature à enrichir considérablement la connaissance et la réflexion du système-monde.

En premier lieu, il me faut rappeler que la sociologie du droit plonge ses racines dans une longue tradition de langue française qui va de Montesquieu à Gurvitch, en passant par Tocqueville et Durkheim. Aujourd'hui, ce sont surtout des juristes qui ont repris le chantier de la sociologie du droit, beaucoup plus que les sociologues, lesquels ont malheureusement boudé ou ignoré le droit. Le thème de la mondialisation devrait être l'occasion de renouer avec le patrimoine [30] légué par les précurseurs et les fondateurs de la sociologie de langue française. En effet, les rapports de force et les rapports de pouvoir qui seront ceux du système-monde ne manqueront pas de déborder dans le champ juridique. Le droit sera un enjeu en même temps qu'une arme dans les luttes économiques et politiques qui s'annoncent plus dures que jamais. La mondialisation pose et posera de plus en plus des défis de normativité, engendrés à la fois par l'utilisation du droit et par l'existence de vides juridiques, qui devront faire l'objet d'analyses sociologiques approfondies. On constate que la défense des droits de la personne, des droits des minorités, des femmes, des autochtones et le droit des peuples se retrouvent presque quotidiennement dans les rapports entre les nations et dans l'action des organismes internationaux [17]. Ce sont des enjeux politiques et juridiques qu'il ne faudrait pas abandonner aux soins des seuls juristes : ces enjeux ont des implications sociales de grande importance dans la vie quotidienne de millions de personnes et pour la survie de nombreux groupes humains sur tous les continents.

En deuxième lieu, la mondialisation juridique que je viens d'évoquer ouvre des perspectives sur une autre contribution possible de la sociologie francophone : il s'agit de la mondialisation sociale dans laquelle s'insère la mondialisation juridique. J'ai déjà parlé des mondialisations économique, politique et culturelle. Il est remarquable, du moins aux yeux des sociologues, qu'on ne parle à peu près jamais d'une mondialisation sociale, champ d'analyse qui nous permettrait de discerner et de cerner les réseaux d'interaction et de communication, leurs diverses formes d'institutionnalisation et d'organisation, les modes diversifiés de régulation et d'intégration sociale, les regroupements et les catégories sociales qui se composent et se décomposent. Or, il m'apparaît que la tradition durkheimienne, la tradition de l'école sociologique française, offre un riche potentiel, à la fois conceptuel et théorique, pour analyser, par exemple, les types de solidarité sociale en émergence à travers l'Internet, les nouvelles voies d'institutionnalisation et d'organisation des milieux de travail dans les pays développés, dans ceux du tiers monde et dans les sociétés en transition, l'évolution des classes sociales et de la syndicalisation sur fond mondial ainsi que les rapports de pouvoir entre les acteurs collectifs de la scène mondiale.

En troisième lieu, la sociologie de langue française aurait intérêt à s'intéresser aux limites de la mondialisation, telles que les a évoquées Alan Scott [18], en mettant en route des recherches tant empiriques que [31] théoriques. On a déjà dit que la « globalisation est impossible », entendant par là qu'elle engendre ses propres résistances de toute nature, qu'elle produit elle-même les freins à sa pleine réalisation. Ces résistances s'expriment à travers les diverses identités collectives qui naissent, persistent et renaissent ; elles s'avèrent probablement plus nécessaires que jamais pour le grand nombre d'individus que la mondialisation déborde et semble laisser pour compte. La sociologie politique, qui s'est intéressée aux structures et aux activités étatiques et para-étatiques, la sociologie des mouvements sociaux, anciens et nouveaux, des groupes d'intérêt et des groupes de pression, la sociologie des migrations et des minorités dont on peut prévoir qu'elles seront toujours plus nombreuses dans le monde du XXIe siècle, bref, tous ces chantiers empiriques et théoriques qu'a pratiqués la sociologie de langue française dans nos divers pays constituent un fond solidement établi pour explorer les limites posées à la mondialisation.

Du même coup, la sociologie de langue française contribuera à une analyse de la mondialisation qui se situera en amont autant qu'en aval du phénomène, c'est-à-dire qui en éclairera les modes de production et de reproduction tout autant que les conséquences, les acteurs qui la font et ceux qui la subissent. De cette manière, la sociologie sera peut-être plus en mesure d'être prospective et non seulement réactive. Alexis de Tocqueville s'est efforcé de cerner les principaux acteurs de la démocratie naissante. La sociologie du XXIe siècle devra aussi, à son exemple, reconnaître les acteurs de la mondialisation pour mieux prévoir dans quelle direction elle s'orientera, les conflits et les luttes qu'elle engendrera et, peut-être, les éléments de solution qui s'ouvriront.

Bref, la contribution que la sociologie peut apporter à ce vaste chantier de la mondialisation/globalisation ne tient pas, à mon avis, aux ressources de la discipline, mais plutôt à l'énergie que les sociologues mettront à porter l'analyse de la mondialisation sur tous les fronts sur lesquels elle s'avance et à tous les niveaux de réalité où elle exerce son action et son influence. À ces fins, la sociologie de langue française n'a pas encore assez dit son mot. Il est temps qu'elle s'y mette.



* Professeur, Centre de recherche en droit public, Université de Montréal.

** Je remercie Marcel Bolle de Bal, Michel Coutu, Yvan Perrier et Marc Rioux pour leurs commentaires et leurs suggestions à l'occasion de la rédaction de ce texte.

[1] E. Tirvakian, « Sociology's Great Leap Forward : the Challenge of Internationalization », International Sociology, vol. I, n° 2, 1990 (1986), pp. 155-171.

[2] R. Robertson, Globalization. Social Theory and Global Culture, Londres, Sage, 1992.

[3] N. Smelser, Problcmatics of Sociology, The Georg Simmel Lectures, 1995, Berkeley, University of California Press, 1997, p. 76.

[4] H. Arendt, « Qu'est-ce que l'autorité ? », dans La crise de la culture, Paris, Gallimard, 1972, p. 126.

[5] A. Crochet, « Le concept de globalisation : mythes et réalités », dans M. Azuelos (dir), Le modèle économique anglo-saxon à l'épreuve de la globalisation, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1996, pp. 31-45.

[6] J. H. Mittelman (dir.), Globalization. Critical Reflections, Boulder, Londres, Lynne Rienner Publishers, 1996.

[7] K. Polanyi, The Great Transformation.  The Political and Economic Origins of our Time, Boston, Beacon Press, 1944.

[8] J'utilise délibérément le terme « états-unien » plutôt qu'« américain ». La confusion entre États-Unis et Amérique, entre états-unien et américain, est un legs du contexte géopolitique du XVIIIe siècle, qui a perdu son sens au XXIe. Elle a comme conséquence de priver du titre d'Américain la majorité des habitants des trois Amériques, du Canada à l'Argentine, qui ne vivent pas aux États-Unis. Un Québécois se sent américain, mais pas états-unien.

[9] Voir, à ce sujet, J. W Meyer et M. T. Hannan, National Development and the World System : Educational, Economic and Political Change, 1950-1970, Chicago, University of Chicago Press, 1979 ; J. W. Meyer, J. Boli, G. M. Thomas et F. O. Ramirez, « World Society and the Nation-State « American Journal of Sociolog), vol. 103, n° 1, 1997, p. 144-181 ; et G. M. Thomas, J. W Meyer, F. O. Ramirez et J. Boli, Institutional Structure : Constituting State, Society and the Individual, Beverley Hills, Californie, Sage, 1987.

[10] I. Wallerstein, « The Three Instances of Hegemony in the History of the Capitalist World-Economy », International Journal of Comparative Sociology, vol. XXIV, no 1-2, 1983, pp. 100-134.

[11] I. Wallertein, op. cit., p. 107.

[12] M.-C. Esposito et M. Azuelos (dir.), Mondialisation et domination économique. La dynamique anglo-saxonne, Paris, Economica, 1997.

[13] Voir, à ce sujet, J. Smith, C. Chatfield et R. Pagnucco (dir.), Transnational Social Movements and Global Politic. Solidarity beyond the State, Syracuse, Syracuse University Press, 1997, et J. Boli et G. M. Thomas, « World Culture in the World Polity : A Century of International Non-Governmental Organization », American Sociological Review, vol. 62, n° 2, 1997, pp. 171-190.

[14] L. Sklair, Sociology of the Global System, New York, Londres, Harvester Wheatsheaf, 1991.

[15] J. Smith, C. Chatfield et R. E Smith, op. cit., p. 4.

[16] F. von Hayek, The Koad to Serfdom, Chicago, University of Chicago Press, 1944.

[17] Voir, à ce sujet, N. Rouland, S. Pierré-Caps et J. Poumarède, Droit des minorités et des peuples autochtones, Paris, PUF, 1996.

[18] A. Scott (dir.), The Limits of Globalization. Cases and Arguments, Londres, Routledge, 1997.



Retour au texte de l'auteur: Guy Rocher, sociologue, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le mardi 21 janvier 2020 7:00
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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