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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Claude SNOW, SENTIR L’ESPOIR. Cinquante histoires à succès. (2015)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Claude SNOW, SENTIR L’ESPOIR. Cinquante histoires à succès. Caraquet, N.-B., Comité des 12 pour la justice sociale, 2015, 97 pp. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 19 avril 2016 de diffuser ce livre en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

[11]

SENTIR L’ESPOIR.
Cinquante histoires à succès.

Avant-propos

« Sentir l'espoir », deux mots qui résument à eux seuls l'essentiel de notre propos. Ce sont les mots mêmes que prononçait un jour un type, à la fin d'un long entretien qui avait été particulièrement laborieux. Aucunement scolarisé et peu communicatif durant la rencontre, il s'est tout de même exclamé en franchissant le seuil de la porte : « Ça sent l'espoir, ici ! »

Ces mots ont inspiré le présent livre. Remarquez bien le verbe « sentir ». Chez les personnes peu scolarisées, comme lui, le côté sensitif l'emporte sur le cognitif. Il n'a pas dit qu'il « savait », « croyait » ou « pensait », mais qu'il « sentait ». Tout se joue sur le plan du ressenti ; pour ces gens, l'intuition est l'unique mode de perception.

Le second mot, « espoir », est encore plus fort. Ceux qui ont peu de moyens d'exprimer leur détresse et qui ne peuvent se défendre contre l'injustice par la voie de l'expression verbale ou écrite finissent par douter qu’un jour, ils s'en sortiront. Une écoute attentive, suivie d'actions revendicatrices bien ciblées, devient pour eux porteuse d'une lueur d'espoir, un sentiment exaltant.

Nous examinerons d'abord la question de l'incapacité sous ses divers angles ; ensuite, nous aborderons les mesures que doit prendre la société pour y faire face. Enfin, en troisième partie, nous présenterons une analyse du travail de représentation personnelle.

[12]

Tout au long de notre exposé, nous désignons par le terme « incapables » les personnes qui ont des limitations multiples et invisibles. Ce terme a une connotation péjorative, il va sans dire, mais il est encore mieux que celui qu'utilise la loi, qui fait référence à « l'infirmité ».

La méthode que nous favorisons pour accompagner les incapables est celle de la représentation personnelle. Celle-ci a pris du galon au fil des années, au point d'occuper une place primordiale parmi nos divers modes d'intervention, qui comprennent aussi l'écriture publique et la défense collective. En réalité, ces trois formes d'intervention se complètent, puisque les limitations prennent naissance dans les vulnérabilités individuelles, mais elles nous obligent cependant à déterrer les lacunes structurelles et à scruter l'idéologie politique.

Le travail de représentation, comme nous le verrons, se bute à de nombreux affrontements, embûches et pièges. L'employé de l'État, par exemple, s'évertuera à trouver des moyens de priver les citoyens de leur droit d'appel, ou bien il jouera sur les mots pour les duper. Il refusera aussi qu'un représentant intervienne de façon neutre pour régler les conflits qui l'opposent aux citoyens assistés.

En voulant museler les représentants par des réponses insipides et des formules vides de sens, qui frisent souvent la restriction mentale, l'employé ne fait que fouetter davantage leur ardeur. Après tout, ce sont les conditions existentielles des incapables qui sont en cause, et dans bien des cas, leur subsistance dans la dignité dépend des employés de l'État.

Dire que ce travail est intéressant et stimulant est euphémique, puisqu'il baigne en réalité dans un fond d'acrimonie. Le lien qui unit les représentants à l'État est faible. Les débats sont âpres, tant sur le plan politique qu'administratif ; l'encadrement législatif est directement en cause, tout comme le sont l'idéologie politique et l'organisation administrative.

Il est nécessaire de s'atteler à ouvrir les portes fermées si l'on veut assurer à tous les citoyens la même dignité, mais cela ne se [13] fait pas sans peine. D'aucuns minimisent l'état des choses en affirmant que notre analyse de la situation est alarmiste, alors que d'autres, plutôt défaitistes, nous traitent de chevaliers des causes perdues.

Nos luttes se terminent rarement par des triomphes éclatants et des acquis définitifs. Parfois, nous faisons une percée et nous croyons avoir fait trois pas de l'avant, mais aussitôt après, l'État trouve un moyen de nous en faire faire deux en arrière. Ce qui nous console, c'est que mathématiquement, nous avons un pas d'avance sur lui, mais pour garder cette distance, il faut travailler sans répit et contrecarrer les forces opposées qui ne sont jamais très loin. Et puis, il faut parfois plusieurs années avant que nos efforts ne se traduisent par un véritable gain.

En définitive, c'est la persistance des représentants qui s'avère être leur meilleure alliée. À force d'insister, ils réussissent à ramollir les cœurs et à faire délier les cordons, comme le feu qui ramollit le fer, mais dans le cas de la représentation personnelle, dès que la flamme s'étiole, l'État reprend ses bonnes vieilles habitudes et durcit à nouveau le ton.

Nous n'aurons peut-être jamais la satisfaction de voir le progrès social que nous souhaitons, mais nous sommes convaincus qu'il en restera toujours quelque chose, comme les vagues qui, à marée montante, laissent leurs traces sur la berge.


Claude Snow

Caraquet, Nouveau-Brunswick

1er mai 2015 

Nota : Nous présentons dans ce livre une cinquantaine d’histoires à succès. Les personnages ont des prénoms, pour montrer qu'ils ne sont pas une bande d'anonymes sans visage et sans histoire, mais des citoyens à part entière. Les prénoms utilisés sont donc fictifs et toute ressemblance ou coïncidence avec des personnes réelles n'est que le fruit du hasard.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 11 février 2017 15:32
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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