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Joseph Yvon THÉRIAULT
Sociologue, professeur associé, département de sociologie, UQÀM
Titulaire Chaire MCD, Université du Québec à Montréal.
“Fin de la société, cosmopolitisme
et démocratie ?”
In ouvrage sous la direction de Jonathan Roberge, Yan Sénéchal et Stéphane Vibert, La fin de la société. Débats contemporains autour d’un concept classique, chapitre 10, pp. 237- 250. Montréal : Athéna Éditeur, 2012.
- Introduction [237]
- De la société comme sujet au sujet individuel [238]
- Le cosmopolitisme comme au-delà du paradigme national [241]
- La démocratie comme politique [243]
- Qu'est-ce donc qu'une démocratie politique ? [243]
- Quatre questions à la démocratie cosmopolitique [244]
- Le premier thème touche la proposition de renforcement des instances juridiques ou politiques internationales. [244]
- Ma deuxième interrogation s'intéresse à la question de la multiplication des forums citoyens à l'échelle planétaire. [245]
- Ma troisième remarque critique pose la question de la solidarité. [246]
- Mon quatrième et dernier commentaire s'arrête à la question de la puissance politique. [247]
- Conclusion : l’avenir de la démocratie politique [248]
Introduction
Que doit-on entendre par fin de la société ? Cette proposition, même si elle n'est pas toujours exprimée explicitement, est fort répandue. On connaît l'aversion séculaire du libéralisme économique classique contre l'idée de la société, hypothèse futile, tant chez Adam Smith qui aimait mieux y voir l'œuvre d'une main invisible que chez les utilitaristes qui jugeaient l'idée des petits plaisirs individuels supérieure à la recherche du bonheur commun. C'est en s'appuyant sur cette, tradition, que Margaret Thatcher pouvait affirmer, au milieu des armées 1980, qu'il n'existait pas une telle chose comme la société.
Une telle négation est chose toutefois plus surprenante lorsqu'elle émane de la sociologie, discipline qui s'est construite au XIXe siècle, à partir de l'idée même de société, contre les insuffisances justement de l'économie politique. Pourtant, c'est ce qui se produit aujourd'hui. La sociologie d'inspiration déconstructiviste ou postmoderne nous a appris à soupçonner toute forme instituée - ce que la société est en premier chef - comme un construit artificiel, exprimant - ou plutôt camouflant - un rapport de force particulier, voire une domination.
Je m'intéresse dans ce chapitre à réfléchir aux conséquences d'une telle proposition - la fin de la société - sur la pratique démocratique. Peut-être est-il vrai que la société soit largement une construction des Modernes. Mais cette construction est quelque part intimement liée au déploiement de la démocratie moderne. L'annonce de la fin de la première - la société -, [238] n'impliquerait-elle pas la fin de la seconde - la démocratie ? J'essaierai de répondre à cette question en soulevant une série de limites à l'idée de la démocratie cosmopolitique, proposition qui pose directement la possibilité d'une démocratie postsociétale, tout au moins postnationale.
Avant toutefois d'aborder la démocratie cosmopolitique et ses limites, je voudrais émettre quelques considérations théoriques sur le rapport entre la société - sa fin ? - et le politique, notamment sous sa forme démocratique. Je le ferai en m'appuyant sur une tradition que l'on n'associe habituellement ni à la déconstruction postmodeme ni au cosmopolitisme, mais bien à une sociologie de l'action, la sociologie d'Alain Touraine. C'est dire comment l'idée d'une fin de la société en sociologie est fort répandue.
De la société comme sujet au sujet individuel
Rappelons comment Alain Touraine formule l'idée de la fin de la société. Dans Critique de la modernité, il définit la modernité comme l'avènement d'un dualisme sociétal entre les procès de rationalisation qui instrumentalisent et désenchantent, comme le pensait Max Weber, le monde, et les procès de subjectivation, qui, s'appuyant sur l'idée d'un sujet libre, autonome, le réenchantent en quelque sorte. La modernité « a remplacé l'unité d'un monde créé par la volonté divine, la Raison ou l'histoire, par la dualité de la rationalisation et de la subjectivation [1] ». Dans le monde moderne, rationalisation et subjectivation, systèmes et acteurs, individu social et individu libre sont divisés [2]. C'est ainsi que pour assurer le vivre-ensemble, pour « faire société », la modernité doit continuellement réarticuler ce qu'elle désunit.
Dans la société libérale des XVIIIe et XIXe siècles, comme dans la société industrielle (fin du XIXe siècle, première partie du XXe siècle), c'est l'État-nation qui a été l'opérateur de cette articulation. Il fut la forme politique par laquelle, sous l'hégémonie de la rationalisation, raison et culture se sont réunifiées, laissant croire pour un temps que cette forme politique était consubstantielle à la modernité tout en étant le lieu d'une société. Dans l'univers postindustriel, plus correctement nommé hypermodernité, c'est l'individu ou plus précisément le sujet qui devient le nouvel opérateur de cette réunification. C'est sur le sujet individualisé que repose dorénavant la tâche de réunir ce que la modernité désunit : procès de rationalisation - l'univers des systèmes - et procès de subjectivation - l'univers de la culture ou plus généralement du sens. La fin de la société correspondrait donc à l'épuisement de la capacité de la forme politique État-nation d'articuler le monde de la raison instrumentale et celui de la culture, et à la substitution [239] à cette forme politique devenue obsolète du sujet individuel, désormais seul lieu possible de cette réunification.
La fin de la société correspond chez Touraine à une sorte de réalisation du projet moderne. L'autonomie du sujet est la grande idée du monde moderne. Son incarnation dans un sujet collectif - la nation comme contenant et acteur de la modernisation - était une idée pauvre de la modernité qui éloignait le lieu de la réarticulation du siège du sujet, lequel ne saurait être que l'individu. La redécouverte du sujet individualisé renoue avec l'idée première de la modernité selon laquelle l'autonomie individuelle - la capacité de l'individu de devenir le sujet du monde, d'être l'agent articulateur entre le monde de la raison et celui de la culture - est le véritable mouvement social de la modernité, son principe émancipateur, son telos.
On retrouvera dans les travaux récents de Danilo Martuccelli une description des conséquences sur le travail sociologique d'une telle proposition [3]. Martuccelli propose en effet que la sociologie s'organise non plus à partir de l'idée de « société », mais de celle d'« intermonde », une zone de « malléabilité », de « plasticité », « d'élasticité ontologique », de « Habilité de coercition ». Autant de caractéristiques visant à rendre compte de l'impossibilité d'effectuer une totalisation des contextes dans lesquels se meuvent les acteurs. Le travail du sociologue consisterait dès lors à reconstruire l'intermonde par lequel le sujet tente de réarticuler son action à la pluralité des contextes, sans jamais pouvoir inscrire cette démarche dans une scène particulière, un monde commun, une société.
Cette expérience d'un sujet situé dans l'intermonde est conforme, pense Martuccelli, à « l'expérience de la modernité ». Car la société incarnée dans l'État-nation, matrice et sujet de la réunification de ce que la modernité désunit, expérience à partir de laquelle la sociologie, voire l'ensemble des sciences sociales, se seraient construites, est largement un leurre. Elle a pu se concevoir, pense-t-il, à partir de l'expérience toute particulière de la « bande des quatre » - France, Angleterre, Allemagne, États-Unis - où une classe dominante endogène fut, à travers l'État, à fois agent de la modernisation et agent de la domination culturelle. Ailleurs, là où les autres populations n'ont jamais pu jouir de cette illusion de faire société, c'est l'expérience [240] de l'intermonde, la désarticulation des systèmes et des acteurs qui s'imposèrent immédiatement [4].
Une telle proposition, l'on en conviendra, donne beaucoup de responsabilités au sujet individualisé : réarticuler ce que la modernité désunit. Ce dernier apparaît d'ailleurs trop fragile pour être le siège d'une telle responsabilité. C'est du moins ce que l'histoire de la modernité nous a enseigné. Karl Polanyi, qui lui aussi voyait la modernité comme un désencastrement de l'économique - les systèmes - de son carcan communautaire - l'univers du sens - rappelait, dans La Grande transformation [5], comment cette réalité avait tenté de s'imposer politiquement à la fin du XIXe siècle. Ce n'est pas l'autopoïèse du sujet qui s'imposa alors, mais bien la régulation invisible de l'économique par le marché. Faute d'un cadre communautaire, d'un univers de sens, de traditions, sur lesquels le sujet individuel pouvait s'appuyer pour se réarticuler au monde des systèmes, il se trouva fort dépourvu et complètement soumis à la rationalité économique. Les conséquences furent désastreuses selon Polanyi, crise de l'impérialisme qui culmina dans la Première Guerre mondiale, la Grande Crise des années trente, les réactions totalitaires qui conduiront ultimement à la Deuxième Guerre mondiale.
La modernité a besoin d'un cadre politique réarticulant ce que son principe même désarticule. Voilà la leçon pour Polanyi des grandes tragédies de la première partie du XXe siècle. Et, c'est d'ailleurs en réarticulant l'économique à un principe politico-communautaire, par l'État-providence, que le système a pu regagner une certaine stabilité, a pu refaire société. Inversement, l'on peut postuler qu'une « société » qui reposerait sur l'individu comme seul lieu de réarticulation retomberait dans cet état, qui n'est ni un état de nature, ni à proprement parler un univers sans société, mais une « société » sans fieu de subjectivité, instituée par les systèmes rationnels : la rationalité technologique au niveau scientifique, la rationalité du marché au niveau économique.
L'hypothèse de la fin de la société ne tient pas la route. Si le lien social persiste c'est qu'il y a quelque part un principe qui tient ensemble la multitude des interactions. Comme le pensait déjà Émile Durkheim et le réaffirmera Louis Dumont, même la société des individus est impensable sans faire de ce dernier - l'individu - un principe instituant qui fixe la manière dont les relations seront envisagées dans un tel univers [6]. Comme nous venons [241] de le rappeler dans l'hypothèse actuelle de la fin de la société, l'État-nation ne serait plus le principe articulatoire de la société, mais celle-ci s'agencerait à partir de principes autres, plus techniques, plus rationnels, autrement dit moins politiques, moins réflexifs. En fait, si l’hypothèse de la fin de la société ne tient pas la route, celle de la fin de la démocratie apparaît plus plausible. Nous voulons dire par là qu'il n'est peut-être pas exclu que la société comme cadre normatif réflexif propre à la modernité - formule sociologique qui, d'un point de vue politique, s'appelle tout simplement démocratie moderne - pourrait elle disparaître. Sortir du cadre politico-communautaire qu'a construit la modernité ne conduirait donc pas à la fin de la société, mais pourrait conduire en deçà ou au-delà de la démocratie.
Le cosmopolitisme comme au-delà
du paradigme national [7]
C'est à cette question que s'intéresse la pensée cosmopolitique contemporaine : construire un au-delà démocratique à la régulation par l'État-nation. Comme le dit Ulrich Beck [8], le cosmopolitisme vise à proposer une alternative positive à la sortie du paradigme national, une réponse politique au vide dans lequel le constat de l'épuisement du paradigme national et les réponses postmodernes nous conduisent. C'est pourquoi cette proposition nous interpelle particulièrement. Est-elle une réponse plausible à l'hypothèse de la fin de la démocratie contenue dans le constat d'une régulation postnationale ? Ma réponse est non. Mais avant d'étayer celle-ci, je rappellerai rapidement ce qu'il faut comprendre par le projet cosmopolitique contemporain et sa tentative de donner une réponse positive à l'idée de la fin de la société, comprise ici comme fin du paradigme national.
Les partisans actuels d'une démocratie cosmopolitique n'adhèrent pas au vieux rêve humaniste d'un demos étendu à l'échelle de l'humanité, où les frontières politiques se seraient évanouies pour laisser libre cours à la coexistence harmonieuse des différences [9]. Pas plus qu'ils n'adhèrent au constat que nous venons de rappeler de la fin de la société ou encore de la postmodernité, réalité d'où auraient disparu tant les régulations politiques que les subjectivités, pour faire place à l'autopoïèse des systèmes - à la manière de [242] Luhmann [10] -, ou encore, à cette « gouvernance mondiale sans gouvernement » que Hardt et Negri conceptualisent sous le nom d'Empire [11].
Leur position est plus complexe et plus nuancée. Ils n'annoncent pas le dépassement ou la fin de la démocratie, mais son approfondissement à travers des mécanismes qui seraient mieux adaptés à l'étape actuelle de la mondialisation et à la fragmentation qu'elle fait naître. Au lieu de la fin de la démocratie, ils annoncent l'implosion et l'explosion d'une démocratie, jusqu'ici limitée par ce que Ulrich Beck appelle le « nationalisme méthodologique ». Éclatement, autrement dit, des souverainetés nationales, pour mieux faire surgir les potentialités de la participation locale, comme celles des forums internationaux issus d'une société civile mondialisée, ou encore, comme y insiste particulièrement David Held [12], par le renforcement, au niveau international, des instances juridiques - du type tribunal international des droits de la personne - et la démocratisation des instances politiques, notamment les Nations unies.
Dans la démocratie cosmopolite, ainsi pensée, l'État-nation ne disparaît pas, c'est plutôt l'idée qu'il ne peut plus être le demos privilégié de la démocratie. Se défaire du nationalisme méthodologique, c'est adopter un « cosmopolitisme méthodologique », autrement dit, une attitude pragmatique entre l'extérieur et l'intérieur, dictée par le postulat que, dorénavant les problèmes, qu'ils soient politiques, économiques ou culturels, peuvent rarement être exclusivement traités à une échelle nationale [13]. La perte d'autonomie de l'État cosmopolitique pourrait même conduire à un gain de souveraineté. David Held qualifie la démocratie cosmopolite de « souveraineté différenciée ». Dans son ouvrage, qui est en même temps un plaidoyer en faveur de la démocratie cosmopolite et qui s'intitule Désenclaver la démocratie, la politologue québécoise Geneviève Nootens appelle fort justement cette démocratie une démocratie multiscalaire [14].
D'un point de vue démocratique - normatif, j'entends ici - il ne saurait être question de critiquer des propositions visant à multiplier les lieux d'exercice de la démocratie. D'autant plus, cela est une évidence, que les processus contemporains de mondialisation, notamment sur le plan économique et technique, ont dénationalisé plusieurs lieux de pouvoir vers le haut - l'espace mondial - et qu'il est aujourd'hui important de les (re)démocratiser ou tout au moins de les (re)politiser. De la même manière, les [243] propositions de démocratie participative qui trouvent un nouvel élan dans le mouvement altermondialiste - la reviviscence de la société civile et la démocratie des réseaux - vont dans le sens d'un élargissement des pratiques démocratiques vers le bas.
Mais de quelles pratiques démocratiques s'agit-il ? La démocratie n'a pas qu'une seule réalité et certaines des formulations suggérées pour son élargissement sont fort limitatives, du moins, comme on s'apprête à le voir, du point de vue de la démocratie politique et de sa capacité de faire société.
La démocratie comme politique
- Qu'est-ce donc qu'une démocratie politique ?
La pensée politique moderne a souvent présenté les modèles de démocratie comme une opposition entre une version libérale et individualisante de celle-ci - la démocratie formelle ou celle des droits de l'Homme, par exemple - et une version républicaine ou communautarienne - la démocratie participative ou sociale, par exemple. Cette opposition se présente sous plusieurs formulations, que l'on pense à la liberté des modernes et à la liberté des anciens de Constant, à la démocratie formelle et la démocratie réelle de Marx, à la liberté positive et à la liberté négative d'Isaiah Berlin ou, plus récemment, aux débats qui ont particulièrement marqué la philosophie politique anglo-américaine entre libéraux et communautariens ou républicains. La récurrence de cette opposition, loin d'annoncer la victoire de l'un des pôles, atteste plutôt que l'expérience de la démocratie est essentiellement travaillée par ces pôles.
Je dis bien, travaillée par ces pôles. Car, il s'agit en fait, dans ces couples d'opposition, d'idéaux normatifs de la démocratie ou de ses types-idéaux - d'un côté, le pôle de l'autonomie et du pouvoir individuel, de l'autre, le pôle collectif ou le pouvoir social. On sait, par ailleurs, que le déploiement excessif et exclusif de l'un de ces deux pôles peut conduire à des pratiques totalement opposées à la démocratie. C'est le cas par exemple de la passion libérale de la liberté individuelle qui peut aller jusqu'à la négation de tout pouvoir collectif, ou encore, de la passion communiste d'un pouvoir social niant toute autonomie à l'individu. C'est aussi le cas du processus que l'on voit poindre dans les procès actuels de la mondialisation qui dissocient, d'un côté une démocratie procédurale et libérale étendue de plus en plus à une échelle mondiale, et, de l'autre, une démocratie participative confinée de plus en plus à des expériences locales. Autrement dit, la victoire de l'un des pôles de l'opposition démocratique peut conduire à la fin de la démocratie, c'est ce que Marcel Gauchet a résumé par la formule titre de l'un de ses derniers ouvrages : La démocratie contre elle-même [15].
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Quel est ce « elle-même », contre qui la démocratie bute ? En fait, ce n'est ni son pôle individualisant ni son pôle collectivisant, mais bien la dynamique politique qui a jusqu'ici maintenu en tension ces deux pôles. L'expérience démocratique moderne est une expérience fragile où les deux pôles du peuple - le pôle individualiste et le pôle collectif - ont réussi à établir des compromis temporaires, à se maintenir en tension. Quand, chez Gauchet, la démocratie est contre elle-même, ce n'est pas parce que la liberté individuelle est compromise, ni encore que les puissances publiques soient devenues obsolètes, mais que l'arrimage antagonique entre les deux ne se réalise plus, faute d'un champ politique, d'une communauté politique, susceptible de faire travailler cette tension. « Nous sommes passé de l'affrontement à l'évitement », précise Marcel Gauchet, pour définir ce qu'il croit être le processus actuel de dilution de la démocratie comme espace politique conflictuel.
Quatre questions
à la démocratie cosmopolitique
C'est à la lumière d'une telle conception politique de la démocratie et de son besoin de « société » que j'aimerais préciser certaines limites aux propositions de démocratie cosmopolitique. Je le ferai autour de quatre grands thèmes qui m'apparaissent bien faire ressortir la tendance apolitique de la démocratie multiscalaire.
- Le premier thème touche la proposition de renforcement
des instances juridiques ou politiques internationales.
Comme on l'a souligné plus haut, il ne s'agit habituellement pas de proposer un demos mondial. Même pour les plus ardents partisans du cosmopolitisme, l'humanité est trop vaste et trop diversifiée pour penser, dans un horizon humain, qu'une telle chose puisse se réaliser. Il s'agit plus modestement de donner des pouvoirs à des instances internationales susceptibles d'étendre à l'ensemble de l'humanité la liberté et la protection des grandes chartes des droits et liberté. Une telle extension, mondialisation, de la démocratie est fort possible et des tendances en ce sens sont effectivement en voie de réalisation - création de tribunaux internationaux, évocation du pouvoir d'intervention des Nations Unies au nom du respect des droits de la personne, etc.
Si l'on peut effectivement voir dans un tel processus un approfondissement du pôle individualiste de la démocratie, on peut plus difficilement voir comment la reconnaissance de tels droits, en dehors d'un demos particulier, au-dessus des souverainetés politiques nationales, pourrait être l'amorce de revendications citoyennes de type collectif. Les droits de l'homme, comme nous l'a appris Claude Lefort, sont effectivement générateurs de politique, mais c'est en autant qu'ils s'incarnent dans une communauté politique [16]. [245] Placés au-dessus du demos, ils deviennent de simples libertés négatives, c'est-à-dire principalement des outils permettant à l'individu de limiter toute action substantielle du demos. Que pourraient vouloir dire en effet des droits positifs - sociaux, religieux ou politiques - définis à l'échelle de l'humanité ou même d'une supra-région ? On peut limiter le monopole des services publics de santé au nom du droit des individus à la vie [17], on peut plus difficilement imposer l'accès partout sur la planète d'une même gratuité et qualité de soins. Ou encore, quand au nom de la justice universelle les juges espagnols décident d étendre leur juridiction à l'Argentine ou au Chili, ils n'ont pas à tenir compte des processus de reconstruction politique en cours dans ces pays.
Bref, si l'extension de la démocratie se produit par le haut, il s'agit avant tout d'un approfondissement des dimensions procédurales ou juridiques de la démocratie au détriment de ses dimensions politiques ou sociales.
- Ma deuxième interrogation s'intéresse à la question
de la multiplication des forums citoyens à l'échelle planétaire.
Cette proposition a souvent été associée à l'existence d'une société civile s'exprimant dorénavant à l'échelle globale. Encore ici, il est indéniable qu'un tel phénomène existe et qu'il s'agit d'une pratique démocratique. Mais ces forums publics sont par définitions unilatéraux, soit qu'ils regroupent des individus sur une base idéologique - le forum de Davos ou de Porto Alegre, les écologistes, les pacifistes, etc. ; soit sur une base identitaire - les diasporas, les minorités sexuelles ; soit encore sur une base d'intérêts - les regroupements de types commerciaux, les syndicats, etc., sans parler du fait qu'ils se déroulent souvent largement en langue anglaise, au détriment de la diversité linguistique des peuples. Leur prise de parole est solipsiste, nullement dialogique.
C'est aussi leur caractère mondialisé qui limite leur portée démocratique. En effet, jouant sur la scène internationale aucun Nous collectif ou structure politique n'oblige ces voix unilatérales à chercher un bien commun ou un compromis politique. Elles n'ont pas à entrer en dialogue avec les autres, aucune contrainte institutionnelle ne les oblige à écouter la parole de l'autre.
Rappelons comment l'identité nationale a servi dans l'histoire des démocraties à créer une « communauté imaginée [18] », obligeant les antagonistes du débat politique à voir dans l'adversaire un co-citoyen. La seule existence institutionnelle d'une forme politique démocratique - l'existence d'une scène [246] politique -, a d'ailleurs eu ce même effet contraignant. Marcel Gauchet [19] rappelait comment, au XIXe siècle, à la fois le mouvement prolétaire, comme le mouvement bourgeois, étaient profondément antidémocratiques - le premier rêvant d'abolir la démocratie dans l'égalité, le second dans la liberté. C'est leur insertion dans une structure démocratique qui les a contraints à se percevoir comme adversaires. Le symbolisme entourant la vie parlementaire de type britannique par exemple, où l'ennemi devient « honorable membre de l'opposition », rend bien compte de cette obligation, proprement institutionnelle, à tenir compte du point de vue de l'autre.
Lorsqu'on adopte une posture mondiale, cette obligation s'atténue. Par exemple, les opposants écologistes, dans leur opposition à la construction des barrages hydroélectriques dans le Nord québécois, n'ont pas à tenir compte des intérêts diversifiés au sein de la population québécoise, tout comme les sympathisants internationaux du mouvement des sans-terres au Brésil n'ont pas à tenir compte des intérêts du Brésil industriel. Leurs interventions visent exclusivement à galvaniser leurs propres troupes, non à parler à la cité. Les voix unilatérales des forums mondiaux - comme la voix du pape -, peuvent être de puissants porteurs de messages moraux, ils ont plus de difficultés à s'inscrire dans une conflictualité politique.
Pas de conflictualité politique, ou encore, seulement de la conflictualité car, pas de demos - pas de société - pour inscrire la conflictualité en tension. Dans une démocratie multiscalaire, où plusieurs revendiquent simultanément être les légitimes représentants du peuple, qui régulera la démocratie ? Encore ici, fort probablement, des tribunaux internationaux qui sont doublement apolitiques : en substituant la règle juridique au compromis politique, en évacuant toute référence aux contextes politiques.
- Ma troisième remarque critique
pose la question de la solidarité.
J'ai déjà rappelé comment l'existence d'un demos - essentiellement dans les démocraties modernes, le peuple constitué en nation -, contraignait les belligérants au compromis politique. Mais il faut voir plus, il faut voir comment la citoyenneté nationale est génératrice de solidarité. Cette réalité est d'abord un fait objectif. Alors que les démocraties contemporaines ont généré des politiques de transferts internes de richesse pouvant être de l'ordre de 40% du PIB, les transferts internationaux du Nord vers le Sud, sont largement inférieurs à 1% [20]. Certes, on peut et doit déplorer ce fait. L'argument voulant que d'un point de vue moral, humanitaire, il est difficile de soutenir « que nous avons davantage d'obligations envers nos concitoyens qu'envers les enfants affamés de n'importe où » est certes un argument fort [21].
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Un tel argument confond toutefois solidarité humanitaire et solidarité citoyenne. L'humanitaire renvoie à une compassion générale pour ses semblables. Une telle solidarité est productrice de droits humains protégeant la liberté et la dignité des personnes. Elle est aussi génératrice de solidarités concrètes quand des événements tragiques - famines, catastrophes naturelles, etc. - viennent rappeler à travers les médias les situations inhumaines que vivent certains de nos semblables. La solidarité citoyenne se situe sur un autre plan. Elle n'a pas la naturalité de la solidarité humanitaire, elle est un sentiment de réciprocité qui se construit par le partage d'une vie politique commune. Elle se construit à travers une vie politique active.
Parce que nous avons mené ensemble des combats, parce que nous avons partagé des risques, parce que nous nous référons à une même histoire, la réciprocité que j'accepte vis-à-vis de mes co-citoyens - la solidarité citoyenne - est plus profonde et plus lourde que celle que je partage avec l'humanité entière - la solidarité humanitaire. Norbert Elias [22] qui croyait à un certain déploiement naturel des sociétés vers une forme d'humanité (universelle) précisait néanmoins que cela résultait en une prédominance du Je sur le Nous. L'être humain étant un animal social, il n'y a rien d'étonnant à ce que, plus la solidarité se dilue, plus le lien social soit ténu. Jürgen Habermas [23], tout en proposant une constellation postnationale, convient que l'exigence de justice sociale inhérente à la pratique démocratique exige une adhésion des citoyens qui dépasse l'adhésion commune à une même loi. Son « patriotisme constitutionnel » apparaît toutefois une proposition fort ténue pour assurer une telle mobilisation. La solidarité citoyenne est une solidarité politiquement construite qui exige un habitacle pour se réaliser, un demos qui, dans la modernité, s'est avéré être l'État-nation [24]. On comprend mieux pourquoi alors mondialisation rime souvent avec désaffiliation et que, si les rock-stars du monde peuvent stimuler le don humanitaire, ils participent très peu à favoriser la solidarité citoyenne par la levée des impôts.
- Mon quatrième et dernier commentaire s'arrête
à la question de la puissance politique.
Dans la tradition machiavélienne, la politique consiste avant tout dans la capacité d’acquérir le pouvoir pour agir sur la Cité : pas de politique sans un corps politique réflexif capable d'agir au nom du collectif. La mondialisation actuelle est apolitique, en autant que le pouvoir semble être laissé à lui-même, sans réflexivité, soit parce que informe, partout et nulle part, ce qui rappelle le bio-pouvoir de Foucault, soit encore sous la forme d'une gouvernance multiscalaire où les différentes instances politiques s'additionnent et [248] s'annulent mutuellement - la démocratie cosmopolite. Ce qui disparaît ainsi, ce n'est pas l'instance du pouvoir politique personnel, qui peut s'exercer, peut-être plus que jamais à différents niveaux, comme en témoigne actuellement la floraison des participations se réclamant de la société civile. C'est bien plutôt le pôle collectif de la puissance politique qui s'amenuise.
Comme on l'a souligné dès le départ, ni la mondialisation ni les regroupements politiques régionaux - type Europe ou ALENA -, n'ont créé de véritables nouvelles puissances politiques. Elles ont plutôt, comme dans le cas de l'Europe, affaibli les puissances politiques nationales sans pour autant faire de l'Europe un corps politique - ni extérieurement, c'est-à-dire une puissance pouvant agir dans les conflits internationaux, ni intérieurement, c'est-à-dire une volonté commune capable de construire une véritable Europe sociale. Dans le cas de l'ALENA, si le Canada et le Mexique ont perdu des capacités politiques d'agir, c'est au double profit d'une société civile nord-américaine réduite aux associations économiques et à l'acceptation de l'hégémonie politico-économique états-unienne sur la gouvernance de leur société.
C'est ici que la démocratie cosmopolitique est le plus éloignée d'une démocratie politique.
Au seuil de la modernité, l'État-nation s'est affirmé comme la forme politique combinant en son sein l'idéal de la liberté des modernes - une communauté politique qui, à la différence de la Cité antique, ne s'appuyait plus sur le face-à-face des individus mais sur le regroupement d'individus libres - et la volonté d'une communauté humaine d'autogouvernement - ce que l'Empire et aujourd'hui le Monde, trop vastes, ne peuvent réaliser [25]. À l'horizon humain, aucune autre forme politique contraignant les deux pôles du peuple démocratique - le pôle individuel et le pôle collectif - ne se profile.
Conclusion :
l’avenir de la démocratie politique
Ces limites sont d'une certaine façon théoriques, on pourrait même dire normatives, car elles se fondent sur l'idée que la démocratie comme politique est un bien, une conquête de l'humanité qui vaut la peine d'être préservée et qui est supérieure à la démocratie procédurale ou juridique. Les limites de la démocratie cosmopolite sont mesurées à l'aune de la démocratie politique.
Mais une telle démocratie est-elle toujours à l'ordre du jour ? À la lumière des considérations qui précèdent, il serait possible de conclure que tant les processus sociaux - la mondialisation - que la mouvance altermondialiste voguent allègrement vers la fin de la société ayant la démocratie cosmopolitique et ses limites comme horizon. Il est fort probablement vrai d'ailleurs que la tendance principale de notre époque soit celle-là.
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Des phénomènes pointent toutefois vers une autre direction qui laisse croire que la repolitisation de la démocratie, son besoin d'ancrage dans une société qu'elle crée en grande partie, n'est pas une simple utopie. Je ne ferai, pour conclure, qu'énumérer quelques-uns de ces phénomènes.
Dans toute son étendue, même à son sommet, chez les dirigeants du monde par exemple qui se réunissent régulièrement à Davos, la mondialisation doute d'elle-même. La crise économique actuelle atteste d'un retour des régulations étatiques, des tentations protectionnistes en faveur des économies nationales, des exigences citoyennes de type providentialiste. L'Amérique états-unienne de l'après 11 septembre, en agissant unilatéralement comme puissance hégémonique mondiale au détriment des institutions internationales, avait déjà donné un signal clair sur les limites politiques de la mondialisation. Le « nationalisme » américain se fait aussi sentir contre les ententes de libre-échange nord-américaines. Le gouvernement Obama est sceptique face à celles-ci et depuis quelques années, l'Amérique états-unienne, dans les décisions entourant la libre entrée du bois d'œuvre canadien aux États-Unis, refuse de se plier aux décisions d'un tribunal de l'ALENA, ce qui secoue considérablement les convictions libre-échangistes des élites canadiennes. L'extension de cette zone de libre-échange - ALENA - à l'ensemble de l'Amérique - ZLEA -, que l'on croyait assurée depuis le Sommet de Québec est renvoyée aujourd'hui aux calendes grecques, tant en raison du nationalisme états-unien que des nouvelles sensibilités régionalistes - pour ne pas dire nationalistes - des leaders latino-américains [26].
En Europe, notamment en France - mais aussi en Irlande, en Hollande -, si la classe politique reste résolument cosmopolite dans son adhésion au projet de constitution européenne, le récent vote majoritaire contre ce projet peut largement être interprété comme une sanction à une Europe apolitique - éloignée des préoccupations citoyennes et peu solidaire -, notamment dans le vote de gauche - largement le plus significatif chez les partisans du Non - qui mettait en avant la nature néolibérale du projet de constitution européenne. Pourrait-il en être autrement ?
Plusieurs observateurs ont noté d'ailleurs la présence importante de la mouvance altermondialiste dans le camp français du Non à l'Europe. Si l'Europe a, au cours des cinquante dernières années, incarné l'image d'une mondialisation progressiste, on voit que cela n'est plus nécessairement vrai aujourd'hui alors que les militants altermondialistes se tournent vers la défense des acquis sociaux de l'État-providence. Le même phénomène a été noté dans le renouveau du mouvement étudiant. Des militants ayant fait leurs armes dans les grands dossiers internationaux se recyclent vers l’État [250] national réalisant qu'à ce niveau existe encore une communauté d'action et de décision politique, bref un demos.
La démocratie politique et la société à qui elle donne vie, tout en étant vivifiée par elle, n'ont peut-être pas dit leur dernier mot.
[2] La distinction proposée ici par Alain Touraine n’est pas très éloignée de celle proposée par Jürgen Habermas (Théorie de l'agir communicationnel, Paris, Fayard, 1987) entre système et monde-vécu. Là aussi la modernité se déploie comme une déchirure d’avec l’unité de la société traditionnelle.
[3] Je pense notamment au texte de Danilo Martuccelli, « Programme et promesses d'une sociologie de l'intermonde » (dans Marie-Blanche Tahon (dir.), Sociologie de l'intermonde : Autour de l'œuvre de Danilo Martuccelli, Louvain-la-Neuve, Presses Universitaires de Louvain, 2011, p. 9-46) ; voir aussi Danilo Martuccelli, Sociologies de la modernité, Paris, Folio Essais, 1999 ; Danilo Martuccelli, Grammaires de l'individu. Paris, Folio Essais. 2002 ; Danilo Martuccelli, La consistance du social : Une sociologie pour la modernité, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005. J’ai présenté un commentaire de cette proposition dans Joseph Yvon Thériault, « L'oubli du “monde commun" dans l'intermonde », dans Marie-Blanche Tahon (dir.), Sociologie de l'intermonde, op. cit., p. 211-220.
[4] On se rappellera comment au milieu des années 1970, Alain Touraine {Les sociétés dépendantes, Paris. Duculot, 1976) faisait déjà du principe de désarticulation la caractéristique des sociétés dépendantes. Martuccelli reprend cette idée en l'inversant : la désarticulation devient le principe même de la modernité, sa réarticulation en société, une exception.
[5] Karl Polanyi, La grande transformation, Paris, Gallimard. 1983.
[6] Voir à ce sujet Stéphane Vibert, « La référence à la société comme totalité. Pour un réalisme ontologique de l'être-en-société (holisme anthropologique et sociologie dialectique) ». Société, n° 26, 2006, p. 79-113.
[7] De larges extraits des passages qui suivent sur le cosmopolitisme ont été présentés au colloque, « Citoyenneté, société civile et participation » (Buenos Aires, août 2005) et publié dans Joseph Yvon Thériault, « Los limites a la democracia cosmopolitica », dans Isidore Cheresky (à), Ciudadania, sociedad civil y participation politica, Buenos Aires, Mino, Davida, 2006, p. 555-567.
[8] Ulrich Beck, Pouvoir et contre-pouvoir à l’ère de la mondialisation, Paris, Aubier, 2003 et Ulrich Beck, Qu'est-ce que le cosmopolitisme ?, Paris, Aubier, 2006.
[9] Sur l’histoire du cosmopolitisme, voir Peter Coulmas, Les citoyens du monde : Histoire du cosmopolitisme, Paris, Albin Michel, 1995.
[10] Niklas Luhmann, Politique et complexité : Les contributions de la théorie générale des systèmes. Essais choisis, Paris, Cerf, 1999.
[11] Michael Hardt et Antonio Negri, Empire, Paris, Exils, 2000, p. 31.
[12] David Held, « The transformation of political community : rethinking democracy in the context of globalization », dans Ian Shapiro et Casiano Hacker-Gordon (dir.), Democracy's Edges, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 84-111.
[13] Ulrich Beck, Pouvoir et contre-pouvoir à l’ère de la mondialisation, op. cit. et Qu’est-ce que le cosmopolitisme ?, op. cit.
[14] Geneviève Nootens. Désenclaver la démocratie. Montréal, Québec Amérique. 2004.
[15] Marcel Gauchet. La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard, 2002.
[16] Voir particulièrement Claude Lefort, « Droits de l'homme et politique », dans L'invention démocratique, Paris, Fayard, 1981, p. 45-83.
[17] Vers quoi se dirige d’ailleurs la Cour suprême du Canada en obligeant dans un récent jugement le gouvernement du Québec à permettre l’assurance privée pour des services couverts par le secteur public ; voir Chaoulli c. Québec, 2005.
[18] On se réfère ici au titre anglais de l’ouvrage de Benedict Anderson Imagined communities (Imagined Communities : Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, Londres. Verso, 1983).
[19] Marcel Gauchet, « Tocqueville, l'Amérique et nous", Libre, no 7,1980, p. 43-120.
[20] Pierre Rosanvallon, « Le déficit démocratique européen », Esprit, n° 288, 2002. p. 87-100.
[21] Geneviève Nootens, Désenclaver la démocratie, op, cit, p. 25.
[22] Norbert Elias, La société des individus, Paris, Pocket, 1987.
[23] Jürgen Habermas, Après l'État-nation : Une nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 1999.
[24] David Miller, On Nationality, Oxford, Clarendon Press, 1995 et David Miller, « Bounded citizenship », dans Kimberly Hutchings et Roland Dannreuther (dir.), Cosmopolitan Citizenship, New York, St-Martin’s Press, 1999, p. 35-59.
[25] Voir sur cette question les travaux de Pierre Manent : Cours familier de philosophie politique, Paris, Fayard, 2001 et La raison des nations, Paris, Gallimard, 2006.
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