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Joseph Yvon THÉRIAULT
Sociologue, professeur associé, département de sociologie, UQÀM
“La société acadienne :
LECTURES et conjonctures.”
Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Jean Daigle, L’Acadie des maritimes, pp. 341-384. Moncton : Université de Moncton, 1993.
- Introduction [341]
-
- Les lectures : regards sociologiques sur la société acadienne [243]
- Le moment traditionnel : 1860-1960 [344]
- La spécificité des pratiques sociales traditionnelles [347]
- Le moment modernisateur : 1960-1970 [350]
- Les pratiques modernisantes [353]
- Le MOMENT CRITIQUE : 1970-1980 [357]
- Les pratiques de protestation et de réappropriation [360]
- Le moment organisationnel mais fragmenté : 1980-1990 [364]
- Les pratiques organisationnelles mais fragmentées [370]
- Les structures : persistance des problèmes structurels [375]
- La persistance du sous-développement régional [376]
- La problématique identitaire [378]
- La modernité acadienne [379]
- Conclusion [382]
- Bibliographie [383]
Introduction
Tous en conviendront, la sociologie n'a pas le monopole des études portant sur la société. Les dimensions historiques, politiques, économiques, culturelles, etc., traitées dans le présent ouvrage, sont autant de facettes différentes d'une société. Il n'existe pas une société acadienne autre que celle qui ressort de l'ensemble des multiples portraits sectoriels dressés par des disciplines et des lecteurs variés.
Il n'est pourtant pas indifférent qu'on ait demandé à des sociologues de rédiger un texte du présent volume portant sur la société acadienne. Une grande partie de la sociologie, en effet, et ceci en conformité avec le projet de ses pères fondateurs européens du XIXe siècle, a toujours voulu maintenir un intérêt pour les processus globaux. Malgré l'évident fractionnement de la réalité dans les sociétés modernes, la sociologie s'est imposée comme une discipline qui cherche la cohérence d'ensemble, ou encore, l'unité des processus sociaux à travers la diversité des pratiques sociales. Nul doute que la connaissance ainsi produite est, à certains égards, tout aussi partielle et partiale que celle des autres disciplines. Elle tire néanmoins en grande partie son originalité de cette volonté de rassembler en un tout cohérent diverses connaissances des pratiques sociales [1].
L'effort visant à lire la réalité sociale à partir d'une perspective globalisante oblige toutefois la ou le sociologue à dépendre fortement d'un appareil théorique. La société ne se perçoit pas toujours comme un système. Lorsqu'elle se voit ainsi, comme on le verra pour la société acadienne, les sociologues ont d'ailleurs souvent tendance à y soupçonner un relent de traditionalisme ou encore une idéologie masquant les vrais enjeux sociaux. En fait, l'appareil théorique sert dans le travail sociologique de véritable guide de lecture des faits sociaux. C'est à travers lui aussi que la ou le sociologue détermine le type de relations à établir [342] entre les divers faits sociaux. La société ainsi décrite acquiert un peu les couleurs de l'appareil théorique choisi.
Toutefois, il existe aussi une relation inverse entre le choix d'un appareil théorique et la réalité que l'on veut étudier. Autrement dit, autant l'appareil théorique est un prisme qui éclaire d'une façon bien particulière la réalité sociale, autant la réalité sociale influence le choix d'un appareil théorique. Une société particulière ne se laisse pas saisir par n'importe quelle grille de lecture. Il n'est ni possible, ni pertinent, de présenter dans cette brève introduction les considérations épistémologiques expliquant ces faits. Il est suffisant, pour le moment, d'insister sur la relation dialectique qui existe entre les modèles théoriques utilisés par les sociologues et les ensembles sociaux à comprendre.
Sur la base de ces considérations, il est possible de poser l'hypothèse suivante : le choix par une époque, comme forme dominante de lecture de la réalité sociale, d'un appareil théorique différent de l'époque précédente indique certes une sensibilité différente de la part des analystes, mais il est aussi et tout autant le signe d'une modification de la réalité sociale que l'on se propose d'étudier. C'est du moins en se basant sur cette hypothèse que nous nous proposons de présenter un panorama des lectures successives produites sur la société acadienne. Il nous a paru possible, en effet, d'établir une chronologie des divers appareils théoriques privilégiés dans l'analyse de la société acadienne. Cette chronologie n'est donc pas le reflet d'un simple changement dans l'idéologie des chercheurs et des chercheures, mais indique des transformations au sein même de la réalité sociale acadienne. À certains égards, l'histoire de la sociologie nous apparaît comme un témoin et un révélateur privilégiés des transformations de la société acadienne au cours des 40 dernières années. Nous ne prétendons pas pour autant que la société acadienne soit productrice de son propre mécanisme de compréhension et puisse être analysée sans référence à des conjonctures et à des modes d'analyses extérieurs à sa réalité. L'Acadie n'a pas créé seule les lectures qui définissent son imaginaire social. Néanmoins nous pensons qu'elle a suffisamment les caractéristiques d'une société globale pour infléchir de façon particulière tant les lectures que les conjonctures qui lui proviennent de l'extérieur. C'est pourquoi ces influences sociales ou intellectuelles « externes » qui, en grande partie, conditionnent la société acadienne ne recevront pas un traitement particulier, mais seront interprétées en fonction de leur inscription dans la réalité acadienne. Ainsi, l'insertion de l'Acadie dans la socio-économie des provinces Maritimes, les filiations entre le nationalisme acadien et canadien-français ou québécois, ou encore les emprunts à des traditions intellectuelles étrangères sont tenus pour acquis. Nous nous intéressons ici à saisir leur pertinence et leur contour particulier dans le contexte acadien.
Dans une première section, les Lectures : regards sociologiques sur la réalité acadienne, nous procéderons à l'inventaire des grandes problématiques sociologiques ayant servi à lire la réalité acadienne. Ceci nous permettra de construire une périodisation à travers les transformations sociales des 40 dernières années. Il s'agira de dresser le contour de l'Acadie tel qu'il ressort de ces diverses problématiques. Chaque périodisation comprendra une sous-section où l'on s'intéressera [343] particulièrement à la compréhension de l'action sociale. Il s'agit, après avoir compris la situation d'ensemble, de mieux comprendre les dynamismes du dedans. Enfin, une dernière section, les Structures : persistance des problèmes structurels, proposera un regard plus synchronique et structurel sur la société acadienne. Nous voulons alors nous arrêter sur certains grands constats du regard sociologique, constats qui traversent autant les différences théoriques que les différences d'époques.
Les lectures :
regards sociologiques
sur la société acadienne [2]
L'Acadie s'est profondément modifiée au cours des 40 dernières années. Cette période correspond, à peu de choses près, à la période d'existence d'un discours sociologique sur l'Acadie. Il est en effet possible de situer les premières lectures sociologiques de la réalité sociale acadienne dans les travaux de Marc-Adélard Tremblay portant sur la désintégration des communautés traditionnelles et les niveaux d'acculturation chez les Acadiens de la Baie Sainte-Marie en Nouvelle-Écosse. Comme on le verra, cette lecture postulait déjà que la société acadienne était dans une période charnière qui voyait s'effondrer les certitudes propres à l'Acadie traditionnelle [3].
C'est ce postulat du passage récent d'une Acadie traditionnelle à une Acadie moderne, postulat partagé après coup par plusieurs analystes, qui fixe les deux premiers moments de notre périodisation des lectures sociologiques sur la société acadienne. Il y eut donc, dans un premier temps, un discours traditionnel acadien qui marquerait jusqu'à la fin des années 1950 une Acadie traditionnelle. Ce discours serait remplacé par un discours modernisateur, discours qui insiste sur [344] l'importance d'une intégration de l'univers acadien aux pratiques environnantes. Mais rapidement, autour des années 1970, la sociologie s'inscrit dans un discours critique, critique autant du discours traditionnel que du discours modernisateur. Elle accompagnera alors une nouvelle volonté de réaménager l'espace acadien. Enfin les années récentes verront un discours organisationnel, fragmenté toutefois, à l'image, comme on le verra, de l'Acadie actuelle. Ce sont ces quatre discours que nous reprendrons ici. Ils sont pour nous révélateurs de quatre moments de la société acadienne contemporaine : le moment traditionnel, le moment modernisateur, le moment critique, le moment organisationnel mais fragmenté. Ces moments d'ailleurs, comme nous le verrons, correspondent à la fois autant à des modifications des rapports sociaux internes des communautés acadiennes, qu'à des transformations des frontières définissant l'espace de l'acadianité.
Le moment traditionnel :
1860-1960
Il n'existe pas, à proprement parler, un regard sociologique produit par et portant sur l'Acadie traditionnelle. Par sa définition même une telle société est fondée sur une légitimité qui fait appel à l'héritage des ancêtres, à la mémoire des générations précédentes. La légitimité de type traditionnel ne peut accepter un discours sur sa pratique qui n'émane pas de sa propre tradition. Comme nous l'a appris Max Weber [4], cette légitimité s'oppose aux légitimités de type rationnel-légal dont fait partie le discours sociologique. En effet, de par sa prétention à comprendre la réalité sociale au-delà de la représentation que s'en donnent les acteurs eux-mêmes, sociologie et société traditionnelle sont deux univers distincts. Il existe toutefois, et c'est principalement ce qui nous intéresse ici, un discours sociologique contemporain portant sur la société traditionnelle acadienne.
Une exception à cette règle nous semble importante à rappeler. En effet les travaux historiques du milieu du XIXe siècle du Français Edme Rameau de Saint-Père, la France aux colonies [...], et Une colonie féodale en Amérique : l'Acadie, semblent à plusieurs titres originaux [5]. Ce sont les premiers travaux historiographiques qui reconnaissent l'existence d'une nation acadienne autonome. L'on retrouve dans ces travaux, fixés pour la première fois, les grands thèmes de ce que sera l'idéologie nationaliste acadienne pour près d'un siècle : peuple au destin particulier forgé par une histoire unique et tragique, peuple porteur de la tradition [345] catholique et de la culture de l'ancienne France. Rameau de Saint-Père propose aux Acadiens de vivifier leurs traits caractéristiques par l'accroissement démographique, par la création d'un clergé et d'institutions nationales, par le retour à l'agriculture à travers la colonisation.
Ironiquement, si Rameau de Saint-Père dessine les traits de ce qui deviendra l'Acadie traditionnelle, il le fait à travers une méthodologie relativement moderne. Du moins, celle-ci nous semble fortement apparentée au regard qu'un siècle plus tard l'appareil sociologique jettera sur l'Acadie. En effet, Rameau de Saint-Père pense la société acadienne à partir de la communauté domestique et villageoise. Il se réfère d'ailleurs explicitement dans l'introduction à Une colonie féodale en Amérique [6] à l'ethnographe français Frédéric Le Play pour appuyer l'idée que les nations prospères sont celles qui ont su construire les institutions nécessaires à la sauvegarde des « traits généraux » des structures familiales et domestiques du moyen âge européen. Et, justement pour lui, l'intérêt tout particulier qu'il porte à l'Acadie vient du fait qu'il croit y trouver un peuple qui, soutenu « par un vigoureux amour de la tradition », a su préserver les fondements d'un ordre social qui ailleurs, en Europe, est balayé par le vent de la modernité.
Comme son compatriote et contemporain Alexis de Tocqueville, Rameau de Saint-Père vient en Amérique pour appuyer une hypothèse sur le devenir des sociétés européennes [7]. Tous deux sont inquiets face au bouleversement de la vieille société européenne et cherchent dans d'autres logiques sociales des réponses à leurs interrogations. Toutefois, à l'encontre de Tocqueville qui crut découvrir dans la jeune démocratie des États-Unis l'avenir démocratique et individualiste de l'Europe, Rameau de Saint-Père trouve, dans ce qu'il appelle lui-même les « débris » d'une ancienne colonie française, les ressources nécessaires pour recréer en terre d'Amérique une société catholique et française fondée sur la famille, la communauté et la tradition.
C'est ce discours, que les sociologues appelleront « idéologie nationale », qui déterminera pour près d'un siècle le contour des pratiques sociales acadiennes. Et, lorsque Marc-Adélard Tremblay, au début des années 1950, tente de résumer les hypothèses qui ont guidé ses travaux, on retrouve un constat sur la société traditionnelle acadienne qui ressemble à maints égards à la description programmatique qu'en avait fait Rameau de Saint-Père un siècle auparavant. Porteurs d'une idéologie nationale mobilisatrice, les Acadiennes et les Acadiens auraient créé et fait effectivement fonctionner une société traditionnelle principalement fondée sur la famille et la communauté villageoise.
[346]
Les Acadiens sont aussi les héritiers, dira Tremblay, d'une idéologie nationale fortement intégrée qui exalte le passé, la force morale et les vertus héroïques des ancêtres, la mission providentielle du groupe en terre anglo-saxonne. [...] Tout au long de ce processus de survivance, la « grande famille », puis après la famille souche, furent au cœur de toutes les activités économiques, sociales, religieuses et politiques et ont joué un rôle de premier plan comme élément de cohésion des membres [8].
La construction de la société traditionnelle et de son « idéologie nationale » a donc une histoire. Elle s'est constituée autour de la première convention nationale acadienne en 1881. L'analyse de ce discours fondateur fera d'ailleurs l'objet de la thèse de maîtrise de Camille-Antoine Richard, premier professeur de sociologie à l'Université de Moncton [9]. Celui-ci introduisait ainsi une lecture de l'Acadie traditionnelle, à travers le discours, fort différente des thèses habituellement soutenues par l'historiographie. « L'idéologie nationale » ne sera plus alors perçue comme la force mobilisatrice qui permit à ce petit peuple catholique et français de survivre et de s'épanouir malgré un destin tragique. Elle sera interprétée plutôt comme une « idéologie » dans le sens d'un discours détaché des conditions réelles d'existence et véritable écran obstruant la connaissance de ces mêmes conditions.
C'est Jean-Paul Hautecœur, dans l'Acadie du discours, qui systématisera le mieux cette analyse de la société traditionnelle. Pour ce dernier l'Acadie traditionnelle est traversée d'un discours mythique qui réussit difficilement à s'incarner dans la réalité sociale. « L'Acadie, dit-il, elle, n'eut que la force créatrice de la parole de ses rhéteurs et de ses prêtres pour imposer au monde son existence. [...J Contre l'agression du fait, sa seule arme était la valeur, le symbole, le messianisme et le verbe [10]. » L'historien Michel Roy reprendra lui aussi cette lecture sociologique de « l'idéologie nationale ». Pour ce dernier, l'Acadie traditionnelle ce fut avant tout la construction, autour du clergé, d'une idéologie nationale qui historiquement a servi à camoufler l'incapacité de l'Acadie à agir sur son histoire [11].
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- La spécificité des pratiques sociales traditionnelles
L'Acadie traditionnelle n'est toutefois pas uniquement discours. Du moins une grande part de la production sociologique traitant cette période n'est pas prête à appuyer l'idée d'une Acadie se manifestant essentiellement à travers l'imaginaire. À l'encontre de cette lecture idéaliste de la réalité sociale il faut comprendre que le discours traditionnel acadien correspondait à une forme particulière d'organisation sociale. Le discours ne resta pas que verbe, il fut socialement efficace. D'ailleurs, comme nous l'avons déjà vu, autant E. Rameau de Saint-Père que M.-A. Tremblay insistaient pour souligner que la valorisation de la tradition doit servir, selon le premier, et a servi, selon le second, à promouvoir une structure sociale acadienne. Rameau de Saint-Père identifiait celle-ci à la communauté féodale débarrassée des rapports hiérarchiques féodaux. Tremblay, selon le discours fonctionnaliste qui était le sien, identifiera cette réalité au fait que « les communautés étaient des unités fonctionnelles : ces communautés, poursuivra-t-il, se suffisaient à elles-mêmes, tant sur le plan de l'économie que sur celui des relations sociales [12] ». Enfin, nous avons (J. Y. Thériault) [13] voulu démontrer comment autour de l'Acadie du discours s'était constitué un univers de la petite production, articulant d'une manière spécifique à l'Acadie les rapports de l'unité domestique de production (la famille) à l'économie marchande et à l'univers idéologique.
La volonté de relier le moment traditionnel acadien à l'univers de la petite production répond, selon nous, à un problème inhérent aux analyses que nous venons de voir. Les sociologues théoriciens de l'Acadie traditionnelle, suivant en cela l'exemple de la plupart des historiens, postuleront pour la plupart l'autosuffisance ou l'autarcie des communautés traditionnelles. À notre avis une telle analyse évacuait, comme élément important de l'explication de la société traditionnelle, les relations de domination et de dépendance. Celles-ci sont pourtant centrales pour la compréhension autant des pratiques économiques que des pratiques identitaires. En suivant l'exemple des travaux de l'historien Raymond [348] Mailhot [14], il est en effet possible de saisir comment la construction même de la société traditionnelle (l'édification autour des années 1860-1880 d'une idéologie et de pratiques sociales spécifiquement acadiennes) est étroitement enchevêtrée avec des modifications profondes se réalisant dans les rapports entre la socio-économie dominante et anglophone et la structure sociale acadienne.
En fait, il n'est pas nécessaire de postuler l'autarcie de la communauté traditionnelle pour affirmer qu'elle est productrice d'un rapport particulier au monde (d'une culture dans le sens anthropologique du terme). Comme le dit si bien Alain Touraine [15], dans une société dépendante la « situation » est définie par les relations que la société entretient avec l'extérieur, alors que les « comportements » sont spécifiques au groupe, marginalisés par rapport à la logique dominante. La distance entre le monde du dominé et du dominant peut ainsi s'accroître même s'ils sont le produit d'un même processus historique. L'Acadie traditionnelle est traversée par cette structure dualiste propre aux ensembles sociaux dépendants : elle est inscrite dans des rapports de dépendance économique et politique définissant sa « situation » ; elle reproduit néanmoins au niveau des pratiques sociales et du discours une logique culturelle autonome, des « comportements particuliers ».
C'est d'ailleurs seulement à la lumière d'un tel éclairage qu'il nous semble possible de comprendre les divers rapports de pouvoir propres au moment traditionnel. Le pouvoir économique dans cette société appartient à une bourgeoisie marchande anglophone principalement liée au commerce des produits de la pêche et du bois. Classe économiquement dirigeante, elle n'est pourtant pas dominante en ce qui est de la reproduction sociale. C'est bien ici une classe spécifiquement acadienne (le groupe clérico-professionnel : clergé et notables acadiens) qui est l'agent de domination et de reproduction dans la société civile. Ce dualisme ethnique des structures dominantes est fondé sur un dualisme au sein même des unités de production. Ainsi une partie des activités économiques des familles (l'unité de production domestique) est liée à l'échange marchand alors qu'une autre, lieu d'activités principales des femmes [16], est liée à la reproduction tant [349] économique que sociale. Production marchande et production d'ethnicité, bien que distinctes, sont ainsi continuellement articulées. Cette coupure, au sein de l'unité de production, entre logique économique marchande et reproduction économique et sociale donne une base matérielle au pouvoir à la fois de la bourgeoisie marchande anglophone et du groupe clérico-professionnel acadien. Ces classes, dirigeante (bourgeoisie anglophone) et dominante (élite clérico-professionnelle), sont à la fois dans un rapport de mutuelle dépendance et d'opposition pour le contrôle de l'espace sociétal.
L'analyse sociologique du moment traditionnel acadien a aussi souvent appréhendé, à tort à notre avis, la société traditionnelle comme une longue période nébuleuse reproduisant inéluctablement les mêmes rapports sociaux. Selon une telle perspective, et encore ici à la suite des principaux historiens, si l'Acadie traditionnelle est dans l'histoire, elle n'a pas, à proprement parler, d'histoire. Autrement dit, l'Acadie traditionnelle n'est pas, dans ces analyses, travaillée de l'intérieur par une dynamique qui transforme continuellement son devenir. Bref, elle n'a pas d'historicité. Pour les théoriciens du discours, nous l'avons rappelé, « l'idéologie nationale » n'a pas d'effet sur les pratiques sociales, si ce n'est celui de paralyser l'action historique comme telle. Pour les historiens du mouvement national, l'acadianité (la fidélité à la tradition) est un principe extérieur aux individus, principe qui fait l'histoire plus qu'il n'est le produit de l'histoire [17].
Pourtant, des analyses plus fines des pratiques sociales des Acadiennes et des Acadiens nous démontrent qu'il n'en était pas ainsi. La société traditionnelle produit sa propre histoire. Au départ, comme nous l'avons déjà souligné, elle est une production historique qui se met en place autour des années 1860-1880. Avant cette période, s'il existe, comme le disait Rameau de Saint-Père, des « débris » de l'ancienne colonie française, il n'existe pas un ensemble social acadien doté d'un discours intégrateur et capable de produire des pratiques sociales spécifiques. Après cette période, cet ensemble social produit, dans un premier temps, ses symboles et son discours qui définiront son ethnicité (les grandes conventions nationales). Il produit aussi très tôt un clergé « national » qui créera et dirigera les « institutions » chargées de veiller à la reproduction de cette ethnicité. Familles, paroisses, écoles, couvents, collèges seront donc à la fois les produits et les reproducteurs de cette ethnicité. Des espaces sociaux acadiens nouveaux seront alors [350] créés, principalement à travers l'acadianisation des institutions et du personnel religieux (tant masculin que féminin, par ailleurs). L'on passe alors d'une ethnicité vécue exclusivement au niveau des pratiques culturelles quotidiennes à une ethnicité dotée d'une dimension institutionnelle [18].
La production d'une idéologie nationale, de symboles nationaux, d'institutions nationales ne sont pas les seuls éléments appuyant la thèse d'une société traditionnelle productrice de son histoire. Les vagues successives de colonisation, qui ne sont pas toutes, comme le croit Michel Roy, des expériences ratées, sont une confirmation de la capacité de la société traditionnelle à mobiliser des énergies et à produire des pratiques visant à consolider son univers. L'expérience coopérative et mutualiste, étroitement associée au leadership traditionnel et à la défense du monde de la petite production, est une autre pratique qui démontre la capacité de cette société à intervenir dans des espaces autres qu'idéologiques.
Cette dernière expérience, toutefois, s'est développée en réaction à la généralisation en Acadie du capitalisme continental et de la modernité culturelle. Ces phénomènes auront finalement raison du moment traditionnel acadien.
Le moment modernisateur :
1960-1970
L'Acadie traditionnelle, avons-nous dit, n'a pas produit d'analyse sociologique. La lecture que nous venons d'effectuer de cette réalité est fondée sur des analyses réalisées après coup par des théoriciens qui ont fait de « l'idéologie nationale » non plus un programme mais un objet d'étude. En fait les premières études sociologiques conceptualisent la société traditionnelle essentiellement pour mieux affirmer ou souhaiter son déclin. Revenons à Marc-Adélard Tremblay et aux hypothèses de base sur lesquelles ses recherches pionnières sur l'Acadie étaient fondées. « Aujourd'hui, dira-t-il en parlant de la société acadienne des années 1950, l'isolement culturel est rompu, et les Acadiens sont désormais exposés aux idéologies étrangères qui leur parviennent par le truchement des communications de masse [19]. »
L'hypothèse qui guide les recherches de Tremblay et de l'équipe de chercheurs de l'Université Cornell avec laquelle il est associé propose de saisir la société acadienne comme une société en voie de modernisation. Cette modernisation [351] provoque des crises profondes [20]. En effet, « l'isolement culturel » rompu, des phénomènes de désintégration et d'acculturation mettent en question l'avenir même de cette communauté. Les structures traditionnelles, principalement la famille, ne réussissent plus à assurer l'intégration du groupe. Tremblay ne perçoit pas, et ceci même dans sa dernière monographie sur les structures de parenté à la Baie Sainte-Marie au milieu des années 1960, de mécanismes viables de substitution à la société traditionnelle. L'Acadie semble mal préparée à faire face à la modernité. Toute réponse aux grands problèmes qui traversent la société acadienne, souligne-t-il, est prématurée « aussi longtemps qu'il n'y aura stabilisation relative du progrès technique et que les formes institutionnelles nouvelles n'auront pas acquis un certain degré de permanence [21] ».
Cette lecture, réalisée à partir de groupements acadiens de la Nouvelle-Écosse, n'est pas très éloignée de celle qu'on réalisera au début des années 1960 au regard de la problématique du développement rural dans le nord et le nord-est du Nouveau-Brunswick. L'entente relative au Fonds pour le développement économique rural (FODER), qui devait fixer les paramètres du développement dans la région pour plus de dix ans, se voulait, nous rappelle Robert A. Young, largement fondée « sur des recherches très spécialisées » qui s'inspiraient, poursuivra-t-il, des théories courantes du développement et de celles particulièrement « qui reconnaissaient l'influence des facteurs socio-culturels dans le développement économique ». D'où, d'ailleurs, l'importance que prendra dans ce milieu le thème de la « modernisation des mentalités [22] ».
La thèse de Alain Even, le Territoire pilote du Nouveau-Brunswick ou les blocages culturels au développement économique ; contribution à une analyse socio-économique du développement, est le travail le plus explicite de la période sur la question de la modernisation et son rapport à la société acadienne. Alain Even, sociologue, professeur à l'Université de Moncton, participe aux travaux de recherche entourant ces efforts de développement. Sa thèse reproduit les principaux constats des différentes études réalisées dans ce contexte sur le « sous-développement » des régions acadiennes. Elle demeure l'analyse la plus exhaustive des disparités économiques et sociales dans lesquelles baigne la société acadienne au début des années 1960. Le portrait est brutal et Alain Even n'hésite pas à comparer la situation socio-économique de ces régions à celle des pays « en voie de développement ». L'Acadie sort donc de son « traditionalisme » largement [352] en « retard » par rapport à la société anglophone environnante et au Canada dans l'ensemble.
Pour Even, le sous-développement des régions acadiennes a une cause et c'est celle du « retard des mentalités [23] ». L'infériorité économique des Acadiens est liée selon lui à l'absence « d'une volonté de développement » et au « manque d'esprit d'entreprise [24] ». Les Acadiens et les Acadiennes qu'il étudie sont les héritiers, dit-il, d'une « culture de pauvreté » faite de « soumission », de « peur », de « timidité », de « méfiance », de « complexe d'infériorité [25] ». Cette culture, résultat d'une domination historique, serait aussi la conséquence de la présence d'une élite peu préoccupée de l'économique. « L'Église et les notables, dit-il, les seuls à disposer d'un certain capital, ont traditionnellement opté pour les activités non productives [26]. »
L'existence d'une culture acadienne, encore traditionnelle, et par conséquent inapte à la modernité capitaliste est une constante d'ailleurs de plusieurs lecteurs de la réalité sociale de l'époque. Jean-Claude Vernex qui lui aussi, comme Alain Even, produira une monographie importante de la communauté francophone du Nouveau-Brunswick résume bien ce point de vue dans la longue citation suivante :
En premier lieu, si la pérennité de certains traits culturels tels que l'attachement à un cadre de vie constitué par de petites cellules en contact direct avec la nature et que le souci d'un égalitarisme communautaire commande une plus grande attention de la part des planificateurs, il ne faudrait pas que ces constantes de l'âme francophone jouent le rôle de frein dans le processus de modernisation de ce groupe ethno-culturel. En ce sens il nous paraît parfaitement vain et dangereux pour les francophones de rejeter en bloc le monde industriel et urbain sous prétexte d'une fidélité inconditionnelle à des valeurs rurales idéalisées, tout comme faire preuve d'un ethnocentrisme qui prend racine bien souvent encore dans la méfiance innée vis-à-vis de la nouveauté, de la différence et du monde extérieur [27].
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Nous aurons l'occasion de souligner l'insuffisance, à notre avis, des analyses qui voient dans la culture acadienne une dimension traditionnelle responsable du faible développement socio-économique de la collectivité. Ces études, en minimisant les causes socio-historiques explicatives de la situation du groupe, s'empêchent de bien comprendre les problèmes structuraux à la source des disparités que connaissent les Acadiens et les Acadiennes. Elles perçoivent aussi la culture comme une dimension statique de la réalité sociale alors que celle-ci nous apparaît, au contraire comme une réalité mouvante et porteuse de multiples possibilités.
Au-delà toutefois de ces remarques, la lecture modernisatrice de l'Acadie rend compte d'un moment tout à fait spécifique de la société acadienne. Elle postule que l'Acadie, au tournant des années 1960, est dans un processus de transition. Les vieilles balises de la société traditionnelle s'effondrent. Mais les nouvelles s'imposent difficilement, car des restes de tradition culturelle y forment encore des poches de résistance. Les pratiques sociales de l'époque semblent d'ailleurs en grande partie confirmer une telle lecture. Du moins laissent-elles voir que la modernité travaille effectivement l'Acadie [28].
- Les pratiques modernisantes
L'élection en juin 1960, pour la première fois au Nouveau-Brunswick, d'un premier ministre acadien, a plus qu'une valeur de symbole. D'une part, si les Acadiens ont depuis le début du siècle voté majoritairement libéral, le gouvernement de Louis Robichaud sera le premier où la présence acadienne est aussi manifeste et significative. D'autre part, ce gouvernement, fortement lié à l'élite acadienne, introduira une série de réformes qui modifieront radicalement la [354] société acadienne. Cet événement, en fait, participe d'une redéfinition fondamentale des pratiques sociétales.
On a maintes fois souligné comment les réformes du gouvernement Robichaud s'inscrivaient dans une volonté de diminuer les disparités régionales, tout en visant à assurer des services publics de qualité égale à l'ensemble des communautés de la province. On a, par contre, moins insisté sur la restructuration administrative que le Programme de chances égales pour tous impliquait. Comme le rappelle Robert A. Young, cette restructuration pourtant s'inscrivait dans un projet technocratique visant à réaliser une « administration centralisée, uniforme et dépolitisée [29] ». Au regard des modifications que cela provoquerait sur la structure organisationnelle de la communauté acadienne, ce dernier aspect s'avère en fin de compte aussi fondamental, sinon plus, que les mesures visant à promouvoir l'égalité.
La société traditionnelle acadienne, avons-nous dit, bien qu'inscrite dans des rapports de dépendance, constituait une forme de régulation sociale spécifique. Telle qu'elle s'était structurée à la fin du XIXe siècle, elle entretenait peu de rapports avec l'État. Ses principaux mécanismes de régulation et de reproduction sociales se trouvaient au niveau de la société civile. Principalement orientés vers les fonctions de reproduction sociale, familles, paroisses, Église, maisons d'enseignement, coopératives et associations volontaires formaient une sorte de tranchée entretenue par les élites clérico-professionnelles et destinée à protéger la société civile acadienne d'un environnement jugé hostile. La réforme Robichaud s'affirme [355] sous ce regard comme une vaste expropriation étatique du tissu social acadien [30]. Dorénavant, à travers ses programmes sociaux et ses multiples mécanismes d'intervention, l'État provincial majoritairement anglophone aura la responsabilité de définir les paramètres de la société civile acadienne.
La participation des notables acadiens au processus de modernisation de l'État provincial est donc une intervention « modernisante » sur leur propre société. Ceci aura comme effet de transférer à l'État la gestion des institutions traditionnellement gérées au niveau de la société civile. D'autre part la présence de l'État au sein de la communauté acadienne stimulera le développement d'une petite bourgeoisie à la fois professionnelle et commerçante. Celle-ci, à l'encontre de l'élite traditionnelle, n'est pas nécessairement liée à une structure sociale autonome à l'Acadie. Son prestige et sa puissance sont conséquences de sa capacité à influencer une intervention étatique ou à profiter de ses retombées. La présence de ce groupe et de ses intérêts particuliers se fera dorénavant entendre en Acadie.
L'État provincial n'est d'ailleurs pas seul à cette époque à vouloir « moderniser » la société acadienne avec la participation des « notables » locaux. La création en 1964 des conseils régionaux d'aménagement dans le cadre de la loi fédérale sur l'aménagement rural et le développement agricole (ARDA) reproduit un scénario un peu similaire. Les programmes mis en place à l'époque, à la suite d'ententes entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral, exigent la création d'organismes de « participation » des populations aux efforts de développement. Dans une première phase de fonctionnement (1964-1970) ces conseils seront principalement dirigés par les élites locales [31]. Ce sont eux qui tenteront d'assurer le passage de l'Acadie traditionnelle à l'Acadie moderne.
Comme on l'a vu, ces pratiques sont fondées sur une lecture où l'effort de développement aura une chance de succès pour autant que les « blocages culturels » [356] disparaissent pour faire place à des attitudes dites modernes. Dans le cadre de la société acadienne, il sera toujours difficile de faire le partage entre les valeurs traditionnelles qui doivent disparaître et les valeurs qui sont au centre de la définition du groupe. Jean-Paul Hautecœur a finement étudié dans le discours des leaders acadiens de l'époque cette difficulté à combiner attachement à la vision traditionnelle et ouverture au changement. Le ton, précisera-t-il, est toutefois à l'ouverture et l'on peut même noter une gêne à la référence historique. « Après avoir quasiment nié dans le discours vernaculaire l'existence de l'autre » l'on assiste alors à la reconnaissance de ce qui unit l'Acadie à la société environnante [32].
Et les pratiques d'ouverture modernisante sont effectivement nombreuses [33]. Le quotidien l'Evangéline change même de nom en 1969 pour celui de Progrès-l'Évangéline. La Société fraternelle l'Assomption et les institutions coopératives adoptent un discours modernisateur fondé sur la rationalité économique. L'Église acadienne, traversée par le vent du concile Vatican II, perd ses effectifs et son pouvoir ; comme l'a bien vu Cimino [34], elle laissera sans broncher l'État et les puissances laïques s'emparer de ses institutions (écoles, hôpitaux, couvents, collèges). On est même tenté alors, dans la foulée des travaux de la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme, de troquer la vieille identité ethnique acadienne pour les mirages du bilinguisme qui s'annoncent à Ottawa.
Camille-Antoine Richard perçoit bien dans ses écrits de l'époque la crise proprement culturelle que vivent les Acadiens et les Acadiennes. Il ne s'agit pas pour lui de la persistance de traits culturels non adaptés au changement ; il s'agit bien au contraire du vide laissé par les assauts des pratiques modernisantes sur la culture acadienne. Il y a crise culturelle, dira Richard de la société acadienne, parce que la cohérence d'ensemble s'est effondrée sans qu'elle soit remplacée. « En ce sens précis, c'est notre hypothèse, que la multiplicité des images et des modèles d'identité culturelle qui sollicitent les Acadiens de toutes parts, ne leur permettent pas de se sentir solidaires d'une société globale et participants d'une culture totale, et cela en continuité historique avec leur tradition et adaptée à un contexte moderne d'évolution rapide [35]. » Ou encore, dira-t-il, « dépossédée de la capacité de retrouver son unité, la culture acadienne est menacée d'effritement et de syncrétisme par la civilisation américaine de consommation. L'Acadie a un besoin urgent de refaire œuvre collective, de se reconstruire [36]. » Autrement dit, la modernité a été pour les Acadiennes et les Acadiens une véritable aliénation culturelle. Nul [357] milieu n'exprime avec plus d'acuité cette crise culturelle que celui de la jeunesse. C'est d'ailleurs à partir de l'effervescence de ce milieu (Ralliement de la jeunesse acadienne de 1966, manifestations et grève à la nouvelle Université de Moncton) que Richard pense la crise de l'identité acadienne [37]. Cette jeunesse plus que quiconque sera critique de l'Acadie traditionnelle. N'ira-t-elle pas jusqu'à brûler, lors du Ralliement de la jeunesse de 1966, le drapeau acadien pour mieux exprimer son désir de rupture avec le passé. N'ira-t-elle pas jusqu'à affirmer dans les derniers moments du film l'Acadie, l’Acadie (ONF, 1971), ce film de Pierre Perrault relatant la contestation étudiante de la fin des années 1960 à l'Université de Moncton, que « l'Acadie c'est un détail ». Mais cette jeunesse pourtant sera aussi le groupe social le plus sensible au vide culturel laissé par l'effacement de la vieille cohérence d'ensemble. Ce sont ces orphelins culturels, contestataires des années 1960, qui seront les premiers et les plus actifs dans le projet critique de réappropriation collective qui s'annonce alors.
LE MOMENT CRITIQUE :
1970-1980
Alain Even en conclusion de son étude sur le développement en Acadie se demandait si cette résistance culturelle qu'il avait perçue comme obstacle au développement ne pourrait pas, dans certains cas, se transformer en « refus d'une certaine colonisation [38] ». Jean-Paul Hautecœur pour sa part, en partie en réponse à ceux qui l'accusaient « de projeter une vision morbide de l'histoire », soulignait que la critique du « nationalisme » qu'il avait effectuée était fondée sur le « pari du pouvoir créateur » d'un « néo-nationalisme ». Ce dernier, précisait-il, « il est mineur, marginalisé, écarté du prestige comme du pouvoir, tenu dans l'illégitimité. Il ne représente pas moins une force réelle et potentielle de régénérescence du nationalisme traditionnel [39] ».
Le projet « néo-nationaliste [40] », Hautecœur en avait fait d'ailleurs l'objet des deux derniers chapitres de l'Acadie du discours. C'était pour lui une tentative, [358] dont on pouvait associer la naissance au Ralliement de la jeunesse acadienne (1966), de poursuivre la critique de « l'idéologie nationale » tout en tentant de se réapproprier une certaine tradition. Ce projet on le retrouverait dans le mouvement étudiant de contestation de la fin des années 1960 et enfin dans les premiers balbutiements du Parti acadien. Malgré le pari qu'il faisait sur ces potentialités créatrices, Hautecœur considérait quand même cette tentative de réconcilier le discours critique et la tradition comme un échec.
Mais, ni Jean-Paul Hautecœur, ni Alain Even, ni Camille-Antoine Richard ne pourront réellement porter un jugement d'ensemble sur cette volonté de réappropriation critique de la tradition. Ils ne feront qu'identifier l'amorce, à la fin des années 1960, début des années 1970, d'une nouvelle lecture de l'acadianité. Leur travail sera interrompu par la fermeture, dans la foulée des contestations étudiantes, du département de sociologie de ('Université de Moncton. La sociologie subissait ainsi les contrecoups d'une crise culturelle qu'elle avait pourtant, plus que toute autre discipline, aidé à mieux comprendre. La disparition d'un ancrage institutionnel à la discipline ne sera certes pas sans conséquences sur le développement d'un savoir sociologique sur l'Acadie. La reconnaissance même de la lecture sociologique en sera affectée. Le bilan des études acadiennes présentées dans les Acadiens des Maritimes (1980) n'est-il pas d'ailleurs silencieux sur l'apport de la sociologie à la connaissance de la réalité acadienne [41] ?
La société acadienne ne cesse pas pour autant de se lire à travers le prisme sociologique. Au contraire, l'éclipse institutionnelle que subit la sociologie au début des années 1970 correspond à une période où plus que jamais l'action sociale s'analyse elle-même à travers le vocabulaire sociologique. Ainsi en est-il, par exemple, du Manifeste du Parti acadien, publié en 1972, et qui reprend largement les analyses d'Alain Even sur le sous-développement des régions acadiennes [42]. Quoique encore présente, l'explication culturelle de la crise de la société acadienne s'estompe lentement. C'est le thème de la domination, non plus celui de l'aliénation, qui s'impose alors. L'aliénation est un processus inscrit dans sa propre culture. Se libérer signifie alors rompre avec sa tradition. La domination, au contraire, tire sa source d'éléments structurels extérieurs à sa réalité. La critique contre la domination peut ainsi s'associer à un projet de réappropriation de sa tradition et de son développement.
Les lectures qui suivront, celles que l'on peut relier à une deuxième vague de sociologues et qu'on peut associer à ce moment critique, seront toutes fortement marquées, à la fois par une lecture structurelle d'inspiration marxiste de la domination et par une évidente sympathie pour le « néo-nationalisme » et son projet autonomiste. Comme le dira Jean-William Lapierre, il y a dans les luttes historiques du peuple acadien pour sauvegarder sa langue « des revendications de [359] classe implicites », il y a « une résistance à l'oppression politique, à l'exploitation économique et à l'aliénation culturelle d'une classe dominée [43] ».
Il en est ainsi, par exemple, de la monographie que Monique Gauvin-Chouinard consacrera au mouvement coopératif acadien en 1976 [44]. Si la critique de l'élite traditionnelle est encore fortement présente (en ce sens le texte réédite la lecture de l'impossible modernisation culturelle), c'est toutefois, en dernière instance, la structure de classes du capitalisme qui détermine l'émergence et le développement de l'expérience coopérative acadienne. La prédominance d'une analyse sous l'angle des classes sociales sera aussi présente dans les thèses de Serge Côté et de Huguette Clavette. En effet Serge Côté [45], dans les Voies de la monopolisation : le cas de l'usine de papier de Bathurst, proposera une analyse du sous-développement régional largement inspirée des thèses marxistes sur la domination à travers le capital, alors que Clavette [46] dressera le tableau de la bourgeoisie industrielle du Nouveau-Brunswick. Enfin, notre propre lecture du développement acadien et de l'expérience coopérative [47] voulait rendre compte des rapports de dépendance structurelle expliquant en Acadie le faible développement de l'économie. Nous voulions aussi, à travers l'expérience coopérative, réinterpréter l'analyse de l'Acadie traditionnelle à la lumière du projet autonomiste. Dans tous ces travaux, le contrôle extérieur du développement acadien se substitue à la crise culturelle comme élément central d'explication de la situation du groupe.
La dimension culturelle ou identitaire n'est pas pour autant complètement évacuée de l'analyse. Certes, ces travaux d'inspiration marxiste auront les difficultés inhérentes à cette grille de lecture ; ils intégreront difficilement au cœur de leur analyse l'aspect culturel du « vivre ensemble ». La domination économique devenait la variable lourde dans l'explication de la société acadienne, mais elle parvenait difficilement à expliquer l'avènement, autour des années 1970, d'un néo-nationalisme. Car, tout comme les théoriciens de la modernisation, les analystes de la domination arrivaient à la conclusion que l'Acadie, autrefois relativement autonome grâce à la prédominance en son sein de la petite production, [360] était aujourd'hui de plus en plus intégrée aux structures du capitalisme nord-américain. Dans cette transition d'une société de petits producteurs à une intégration à la société du capitalisme monopoliste, l'Acadie aurait perdu sa matérialité. Pour une analyse fondée sur un postulat matérialiste, une telle conclusion s'avérait paradoxale.
Une conclusion semblable ne conduisait-elle pas à affirmer l'inéluctable effacement des pratiques menées au nom de l'acadianité ? De telles analyses avaient de la difficulté à rendre compte de l'affaiblissement du fondement matériel de l'acadianité en même temps que de la résurgence d'un fort mouvement nationalitaire. Ces pratiques culturelles, en effet, n'ayant plus de fondements matériels devaient lentement s'épuiser. Pourtant, en réalité, c'était toujours et plus que jamais l'acadianité qui servait à nouveau de rassembleur aux multiples pratiques de protestation dont la société acadienne de l'époque était le siège. L'identité acadienne, cette réalité culturelle spécifique, demeurait donc étonnamment efficace. Ce n'était toutefois pas uniquement cette résurgence et cette efficacité qui étonnaient. Ainsi, alors qu'auparavant cette identité était associée à la fidélité à la tradition, à la reproduction du fait ethnique, ne voilà-t-il pas qu'elle s'imposait comme un acteur du changement, une forme de protestation [48].
- Les pratiques de protestation et de réappropriation
Les protestations, au tournant des années 1960, semblent en effet surgir de toutes parts. On pense par exemple à ces fruits inattendus nés du processus d'animation mis de l'avant, cinq ou six ans auparavant, dans les régions acadiennes du Nouveau-Brunswick. Alors que, comme on l'a rappelé, les conseils régionaux d'aménagement (du Nord-Est : CRAN, du Nord-Ouest : CRANO, et du Sud-Est : CRASE) devaient intégrer, sous la direction des notables locaux, les populations à l'effort de développement, l'on assiste soudain à la fin de la décennie à un revirement de perspective [49]. Les notables sont expulsés de la direction de ces organismes et remplacés par de nouveaux leaders plus radicaux qui définissent différemment la défense du milieu de vie des groupes populaires.
Ainsi ces conseils, dans leur deuxième phase, seront critiques vis-à-vis des interventions extérieures (étatiques ou privées) dans les questions du développement régional. Ils participeront (CRAN) à des mobilisations populaires telle la [361] marche contre le chômage à Bathurst en janvier 1972. Ils appuieront des regroupements visant à condamner l'inaction des gouvernements dans certains dossiers, tel « l'appui explicite » du CRANO à la Marche des assistés sociaux (MAS) au Madawaska. Ils seront aussi (CRASE) actifs dans les contestations entourais le dossier d'expropriation des 250 familles de Kouchibouguac pour faire place à un parc national. Enfin, ils seront présents dans l'organisation des petits producteurs (pêcheurs et travailleurs forestiers) en association syndicale. On pense notamment à la mise sur pied d'associations syndicales comme l'Union des pêcheurs des Maritimes [50] qui, bien que dépassant la réalité sociale de l'Acadie, atteste l'intense activité qui règne dans les milieux populaires.
Ces luttes, en effet, étaient largement associées à des protestations émanant des milieux de la petite production. Longtemps le secteur de la petite production avait été au centre de la socio-économie des communautés acadiennes. La crise de ce secteur remonte d'ailleurs aux années 1930 et à la généralisation du capitalisme dans les secteurs économiques de la forêt et de la pêche. L'intervention de l'État, autour des années 1960, principalement à travers des mesures sociales (assurance-chômage, bien-être social), mais aussi par des investissements et la création d'emplois en région acadienne (réseaux scolaires et étatiques), contribuait à adapter la socio-économie acadienne à la modernité capitaliste. Ces interventions accéléraient le processus déjà fort ancien de dissolution de la petite production. Toutefois les tentatives, à travers les politiques de développement régional, visant à diversifier l'économie de façon à la rendre moins dépendante des secteurs traditionnels tardaient à donner des fruits. On se trouvait ainsi avec une vieille socio-économie devenue en grande partie obsolète, tandis que se créait une nouvelle dépendance vis-à-vis de l'État.
Les mouvements de petits producteurs exprimaient cette crise. Mais en défendant leurs activités traditionnelles contre l'invasion de la modernité capitaliste, ils défendaient aussi un mode de vie. C'est ici, d'ailleurs, que la lutte de ces catégories particulières allait rejoindre les protestations d'autres groupes sociaux. Ainsi, le sentiment d'aliénation vécu par les jeunes et leur projet [362] « néo-nationaliste » de réappropriation critique se combinera à la défense de la petite production. C'est en retournant au village rencontrer leurs parents pêcheurs que les jeunes contestataires du film l'Acadie, l'Acadie pensent pouvoir trouver le sens profond de leur lutte. C'est d'ailleurs au sein des organismes de participation populaire (conseils régionaux et syndicats de petits producteurs) que l'on retrouvera quelques années plus tard plusieurs des protagonistes des contestations étudiantes du tournant des années 1970. L'importance symbolique (mais aussi sociologique) qu'eut, pour le néo-nationalisme, la cause des expropriés de Kouchibouguac atteste là aussi cette volonté de faire coïncider lutte culturelle et lutte économique, réappropriation de son développement et défense des milieux de vie de la petite production [51].
Une autre catégorie sociale (les nouveaux intellectuels ou la nouvelle petite bourgeoisie) s'identifiera elle aussi aux pratiques réappropriatrices. On pense plus particulièrement aux enseignants et enseignantes, aux fonctionnaires établis en région acadienne, principalement ceux du secteur de la santé, ou encore au milieu journalistique ou universitaire. Né à la suite de la réforme Robichaud, lié majoritairement aux emplois du secteur étatique en région acadienne, ce groupe ressentira plus que d'autres les effets de la nouvelle structure étatique sur le « pouvoir » acadien. Il sera sensible, parce qu'au cœur du processus, à l'étatisation de larges fragments de la vie sociale réalisée par les modalités modernes d'intervention de l'État.
C'est chez ce dernier groupe que la volonté d'une réappropriation plus proprement politique s'affirmera. Un peu comme le projet national du siècle précédent (celui qui avait créé l'Acadie traditionnelle autour, pour employer les mots de Rameau de Saint-Père, des « débris » de l'ancienne colonie française), il s'agissait de recréer une cohérence d'ensemble autour, cette fois, des « débris » de l'Acadie traditionnelle. La stratégie ne pouvait plus toutefois se fonder exclusivement sur la société civile. Le pouvoir politique s'avérait incontournable [52]. La création en 1972 d'associations provinciales (Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick, [363] SANB, qui deviendra en 1990 la SAANB : la Société des Acadiens et des Acadiennes du Nouveau-Brunswick ; la Société Saint-Thomas d'Aquin à l'Île-du-Prince-Édouard : STA ; la Fédération des Acadiens de la Nouvelle-Écosse : FANE) visant à remplacer la Société nationale des Acadiens (SNA) dans son rôle de porte-parole unique, exprime cette nouvelle donne politique. L'assise du pouvoir de ce groupe passe dorénavant à travers le prisme de l'État provincial, non plus celui d'une société civile trans-provinciale.
La création du Parti acadien (1972), dont Roger Ouellette a analysé les fondements idéologiques [53], est une tentative d'effectuer une synthèse de ces différents lieux de protestation. La défense du milieu des petits producteurs, la volonté de s'approprier des espaces étatiques et la relecture de la tradition culturelle sont les grands axes de cette reconstruction. Cette synthèse ne put accoucher toutefois d'un projet crédible. L'univers de la petite production continuait à s'effondrer, l'ouverture culturelle de l'Acadie poursuivait sa lente érosion de la spécificité culturelle, pendant que l'acadianisation de l'État s'avérait problématique dans une société où l'Acadie demeurait, même sur son propre territoire, minoritaire.
Ni les luttes socio-économiques, ni la tentative politique de réappropriation ne réussirent pleinement à effectuer la synthèse des différents champs de protestation alors présents dans l'univers acadien [54]. Cette synthèse ne se réalisera réellement qu'à travers l'affirmation culturelle. La période fut en effet particulièrement féconde du point de vue culturel. C'est uniquement là que le pays traditionnel et le désir de modernité, que la défense de son héritage et la critique anti-étatique purent se marier. Jamais l'Acadie n'a semblé culturellement si vivante qu'en ce moment où ses chansonniers et ses poètes disaient vouloir reconstruire un pays. Le néo-nationalisme a suscité une étonnante productivité littéraire, artistique, etc. À travers ce déploiement, l'identité acadienne s'est redéfinie et s'est maintenue comme un élément important et significatif de la réalité sociale des Acadiennes et des Acadiens.
L'échec du « néo-nationalisme » n'est donc pas total. Même politiquement, si l'on n'a pas créé un pouvoir acadien, l'on a néanmoins créé des pouvoirs acadiens. La restructuration des conseils scolaires et du ministère de l'Éducation sur une base [364] linguistique, l'organisation en municipalité des communautés acadiennes [55], la reconnaissance de l'égalité des deux communautés linguistiques (la loi 88 de 1981 [56]) et les conséquences (quoique timides) sur le poids politique des Acadiens dans l'appareil gouvernemental sont autant d'affirmations politiques. L'on a assisté aussi à une floraison de groupes et d'associations représentant des intérêts divers et fondés sur l'identité acadienne. C'est d'ailleurs cette nouvelle réalité organisationnelle qui s'affirmera au cours des années 1980 et qui sera l'un des traits marquants de la décennie qui s'annonce. En fait, pour employer la terminologie de la sociologie des relations ethniques, l'Acadie a certes accru pendant cette période sa « capacité organisationnelle [57] ». Elle n'a pu rétablir toutefois, et cela semblera encore plus éloigné pour la période qui suit, un lieu politique organisant sa cohérence d'ensemble et la mettant quelque peu à l'abri d'une modernité qu'elle ne maîtrise pas.
Le moment organisationnel
mais fragmenté : 1980-1990
Il s'avère relativement plus difficile de définir le fil conducteur du discours et des pratiques sociales acadiennes des années 1980. Cela tient d'une part à la trop grande proximité de notre objet d'étude. Les recherches elles-mêmes, comme on l'a vu, bien que produites en fonction de l'insertion dans une période, n'arrivent fréquemment à maturité qu'à l'époque suivante. L'analyse est souvent en retard sur la pratique. Il n'est donc pas toujours possible de pouvoir y dégager le type de synthèse que nous avons effectué pour les périodes précédentes. Enfin, il faut, d'autre part, pour posséder une vision claire des enjeux sociaux d'une époque, une certaine distance que seul le temps parfois nous donne. Le regard sur la période actuelle doit ainsi emprunter des chemins beaucoup plus prospectifs.
[365]
Des lectures nouvelles nous apprennent néanmoins à jeter des regards différents sur la société et son passé. Ainsi en est-il du regard féministe qui dévoile des dimensions longtemps restées cachées de la réalité collective. La société traditionnelle, par exemple, ne s'est pas reproduite exclusivement grâce au réseau institutionnel et idéologique mis en place par le clergé masculin au XIXe siècle [58]. Elle n'est pas réductible, non plus, à « l'idéologie nationale » officielle. Les femmes ont été actives dans la production d'ethnicité. Elles l'ont été, d'une manière spécifique, à partir du rôle central qu'elles jouaient au sein de la famille, mais aussi au niveau institutionnel par la création d'institutions féminines acadiennes. Elles ont transmis un héritage à la fois similaire et différent du créneau dominant. Aussi, aujourd'hui, existe-t-il des façons différenciées de participer à la réalité collective. Vivre dans une région qui connaît des problèmes de développement n'a pas les mêmes conséquences si l'on est femme ou si l'on est homme. Éducation, emplois, revenu, chômage n'ont pas la même signification pour les hommes et pour les femmes [59].
Regards nouveaux aussi sur la réalité sociale réalisés à partir de lectures juridiques ou entrepreneuriales. Ces lectures sont intéressantes pour le regard sociologique parce qu'elles mettent de l'avant, pour la première fois, une analyse de la société acadienne fondée sur des perspectives individualistes. Comme nous aurons l'occasion de le voir, il s'agit ici de lectures qui ne tiennent pas pour acquise, comme base de leur analyse, l'entité sociale acadienne, mais bien les catégories de l'individu et de ses droits (juridique) ou de l'individu et de ses intérêts (économique).
La perspective juridique, par exemple, met de l'avant la question des droits que les Acadiennes et les Acadiens ont comme citoyens d'un État (le Canada) [366] qui a reconnu des droits linguistiques à ses minorités [60]. C'est comme « ayant-droit » et non en référence à l'Acadie que la réalité ainsi est pensée. La perspective entrepreneuriale voit l'existence ou la non-existence du dynamisme économique dans la propension qu'ont les individus d'une société à oser, à risquer, à entreprendre [61]. Bien qu'une telle propension puisse être associée à des traits culturels, elle se fonde néanmoins sur des motivations qui sont individuelles. Ainsi, alors qu'on insistait fortement lors des périodes précédentes sur l'analyse des blocages culturels ou structurels au développement régional, la sensibilité des années 1980 cherchera avant tout à extirper de la dynamique régionale les potentialités entrepreneuriales susceptibles de lutter contre les problèmes de développement [62]. C'est un processus similaire qu'il serait possible de déceler, selon [367] Marc Johnson, dans les crises récentes ayant frappé les médias acadiens et principalement la presse écrite. La querelle des deux quotidiens (le Matin et l'Acadie Nouvelle), autour de la succession de l'Évangéline, recouperait en effet un affrontement entre une vision, en continuité avec « l'idéologie nationale », plus unitaire et institutionnelle de l'Acadie, et une perspective « nouvelle », résolument entrepreneuriale :
- La position identitaire de l'Acadie Nouvelle en rapport à son ex-concurrent le Matin est plus offensive, c'est-à-dire axée sur un affranchissement socio-culturel du poids des structures traditionnelles et sur le développement d'une autonomie économique et politique au moyen de ce « nouvel » outil que constitue l'entreprise privée [63].
Ces regards nouveaux accompagnent certes des regards plus anciens. Les questions de l'identité, du développement, restent des interrogations centrales du discours sociologique des années 1980. La société acadienne demeure, en effet, profondément marquée par des pratiques identitaires et un faible développement [64]. Les problèmes structuraux maintiennent dans toutes les régions acadiennes [368] des Maritimes une pression migratoire importante [65]. Les inégalités économiques régionales, en dépit de nombreuses interventions étatiques pour y mettre fin, persistent [66]. Mais ces lectures apparaissent déjà comme des discours plus spécialisés devant dorénavant coexister avec d'autres lectures.
Les analyses sociales n'ont plus aussi clairement qu'au cours des périodes précédentes l'acadianité comme point central, tout comme elles n'ont plus de prétentions aussi globalisantes. On pense notamment aux analyses socio-économiques effectuées par Marie-Thérèse Seguin sur les transformations survenues au sein de la structure du travail dans l'industrie de la pêche [67]. Ces travaux soulignent d'ailleurs la quasi-absence du monde du travail ainsi que des travailleurs et travailleuses tout au long de ce chapitre : il faut l'imputer d'abord et avant tout à l'absence virtuelle de recherches sociologiques dans ce secteur pourtant fondamental (on aura remarqué, et pour les mêmes raisons, une carence similaire dans les [369] chapitres de ce livre consacrés à l'économie, à l'histoire, à la géographie et à la politique). Il existe toutefois quelques exceptions, parmi lesquelles il faut compter quelques travaux sur les syndicats [68].
D'autre part, l'imposante monographie socio-historique de la santé des francophones réalisée par J.-Bernard Robichaud, par exemple, ou encore l'analyse du rapport entre santé et oppression menée par Néré Saint-Amand viennent jeter un regard sur le secteur de la santé [69]. On pourrait ajouter à cette liste l'amorce d'une sociologie de la poésie acadienne effectuée par Murielle Belliveau [70]. Ces études portent des regards sectoriels sur la réalité acadienne. Si elles ont l'Acadie comme objet, l'acadianité n'est plus directement le prisme de leur lecture.
L'idée que nous voulons exprimer ici est celle d'un éclatement ou d'une diversification du regard actuel sur la société acadienne. Certes, des différences ont depuis longtemps été reconnues comme constitutives de la réalité sociale acadienne. La division entre une « élite » détentrice de « l'idéologie nationale » et le peuple « aliéné » était, comme nous l'avons vu, au centre de la lecture culturaliste. L'existence d'une « classe de petits producteurs » et ses relations avec la « petite bourgeoisie » et le « capitalisme extérieur » s'est avérée une constante des analyses structurelles. Ces différences toutefois étaient lues à travers le prisme de l'acadianité. C'était cette réalité qui contenait en son sein des divisions ou encore [370] qui s'opposait à un extérieur. Aujourd'hui, au contraire, la diversité des pratiques sociales acadiennes semble première, l'étude des particularismes au sein de la société prend le devant. Les différences ne sont plus constitutives de l'Acadie ; elles constituent plutôt celle-ci (et ceci lorsque cette référence l'Acadie se maintient).
On ne trouve donc plus ni dans la production sociologique, ni dans la production culturelle d'ailleurs, l'unité thématique des époques précédentes. Alors que la société traditionnelle était traversée par l'idée de l'héritage historique, les années 1960 par le thème de la modernisation et les années 1970 par celui de la protestation au nom de l'acadianité, les années 1980 s'affirment par une pluralité de discours. Cette diversification des regards nous apparaît comme une réalité ambivalente. Elle nous semble le fait d'une complexification de la structure sociale acadienne ayant pour effet de révéler un accroissement, d'une part, de la capacité organisationnelle du groupe et, d'autre part, une fragmentation de l'univers acadien. Le regard sur les pratiques de la période actuelle nous permettra d'évaluer la portée de ces phénomènes.
- Les pratiques organisationnelles mais fragmentées
Commençons par le constat déjà noté, à la fin de la période précédente, d'un accroissement des capacités organisationnelles des Acadiens et des Acadiennes. Nous ne voulons pas ici énumérer la liste des lieux et des espaces où le phénomène peut être perçu. Regardons plutôt certaines manifestations précises avec l'intention d'en dégager la portée.
Dans une récente analyse sur le développement des associations volontaires au Nouveau-Brunswick, Robert Young démontrait comment la société acadienne a effectué à ce chapitre un net rattrapage. Autour des années 1960, précise-t-il, seulement 15 % de l'ensemble des associations bénévoles de la province pouvaient être considérées comme francophones. C'était déjà une amélioration sensible au regard des années précédentes où le phénomène était quasi absent de la réalité acadienne. L'Eglise catholique et ses œuvres, dira-t-on, y prenaient toute la place. Au tournant des années 1980, toutefois, cette proportion atteint plus de 33%, soit un taux assez similaire à la proportion des francophones dans la population provinciale totale. Ce rattrapage associatif, poursuit-t-il fort à propos, confirme que la société acadienne est de plus en plus pluraliste. Le leadership prudent et homogène qui a, pour lui, longtemps caractérisé cette société est définitivement chose du passé [71]. On rappellera pour confirmer cette vivacité [371] du milieu associatif acadien et, par delà, de l'ensemble de la société civile acadienne, le numéro de la revue Égalité du printemps 1991. Une trentaine d'associations à portée provinciale et de création pour la plupart récente interviennent alors sur les orientations à privilégier pour l'avenir de la société acadienne [72].
Au-delà de la prolifération des formes associatives, les acquis proprement institutionnels ont aussi participé à diversifier la société acadienne et à accroître sa capacité organisationnelle. Des gouvernements municipaux et quasi régionaux ont été créés, avons-nous déjà rappelé ; les entreprises coopératives ont continué à manifester la présence acadienne dans l'économie, rejointes en cela par un secteur privé de plus en plus visible. Donald Savoie nous rappelait d'ailleurs récemment comment l'Université de Moncton pouvait à un certain égard être considérée comme au cœur de ce réseau institutionnel qui a littéralement transformé l'Acadie. Des Acadiens et des Acadiennes possèdent dorénavant les compétences pour essaimer dans toutes les formes d'organisation de la vie en société. Le regard optimiste qu'il jette sur les conséquences pratiques de cette institution rejoint ainsi celui de plusieurs observateurs de l'Acadie des années 1980. « Dans un laps de temps relativement court, on a assisté, précise-t-il, à la transformation d'un peuple menacé d'extinction, manquant de confiance en lui-même et dépourvu de compétences nécessaires pour survivre dans le monde moderne. L'Université de Moncton a joué un rôle de premier plan à cet égard : elle a ni plus ni moins conduit la société acadienne à une renaissance politique, culturelle et économique [73] ». Bref, autant en ce qui concerne les attitudes que les structures, le pari de la modernité aurait été gagné.
La réalité ne nous paraît pas aussi simple. Si la société acadienne a définitivement acquis des attitudes et des structures modernes, elle n'a pas pour autant harmonisé complètement ses relations avec la modernité. La complexification de la structure sociale acadienne est un phénomène ambivalent avons-nous dit. Certes, aujourd'hui les Acadiens et les Acadiennes assument mieux leur existence face aux valeurs modernes. Finie l'époque, pour reprendre les paroles des premiers regards sociologiques sur l'Acadie, du repli frileux sur ses valeurs traditionnelles et communautaires. Finie l'époque aussi où, selon la lecture de Camille-Antoine Richard, les Acadiens vivaient leur modernité essentiellement sous le signe de l'aliénation [74]. Mais, doit-on conclure pour autant que la capacité de [372] canaliser ces énergies individuelles et ces formes organisationnelles nouvelles en des objectifs collectifs se soit accrue au même rythme ? Se pourrait-il que l'Acadie comme entité s'amenuise pendant que croît la capacité organisationnelle des Acadiens et des Acadiennes ?
C'est d'ailleurs ainsi qu'il nous semble possible de comprendre la crise récente du « néo-nationalisme » : un arrimage toujours difficile entre solidarités ethno-culturelles et valeurs modernes. Voyons-y de plus près. La Convention d'orientation de 1979, grand rassemblement devant définir les orientations politiques de l'Acadie après une décennie d'ébullition, peut être perçue comme le chant du cygne du « néo-nationalisme ». On se donne dans l'euphorie un projet politique d'autonomie que personne, après coup, ne peut transformer en pratique politique. Le Parti acadien, qui avait réussi à mobiliser pour un temps une partie importante des forces nationalistes, ne survivra pas à l'événement. Est confirmée ainsi l'impuissance du « néo-nationalisme » à produire une nouvelle synthèse réaliste [75]. Certes, la dimension politique de la question acadienne ne disparaîtra pas pour autant. Elle est devenue toutefois moins centrale dans les préoccupations des Acadiennes et des Acadiens. Et lorsqu'elle apparaît, ce n'est plus à travers un discours globalisant, mais à travers le pragmatisme du discours économique ou juridique. Ce seront d'ailleurs principalement des juristes qui définiront au cours des années 1980 le discours des associations politiques acadiennes (SAANB, SNA). Ils rétréciront la revendication ethno-culturelle à une demande de droits.
Mais, le passage au second plan de la référence ethno-culturelle (et non sa disparition) est un phénomène qui dépasse largement l'univers de la société acadienne. En effet, au-delà de la conjoncture acadienne ou canadienne (le référendum québécois, par exemple), ce recul correspond à une crise des représentations collectives, crise qui marque profondément l'ensemble des sociétés occidentales. Les études sont en effet nombreuses qui rappellent le passage dans nos sociétés, pour employer l'expression de Hirschman [76], de la valorisation de « l'action collective » dans les années 1960 et le début des années 1970 à la valorisation du « bonheur privé » à la fin des années 1970 et au cours des années 1980. L'actuel piétinement du mouvement nationalitaire participe selon nous de cette mouvance.
Plusieurs analystes [77] ont relié cette crise à une nouvelle avancée des valeurs individualistes dans nos sociétés. L'une des conséquences de cette avancée a certes été la montée des idées néo-libérales prônant le retour à une société régie essentiellement par le marché. Mais, l'individualisation de nos sociétés a des [373] effets sur le lien social qui dépassent largement la popularité conjoncturelle des idées néo-libérales. Elle effectue un travail qui pose différemment notre appartenance au monde, en l'occurrence ici le rapport à l'identité culturelle.
En effet, si l'individualisation n'a pas comme conséquence d'interdire toute lecture ou pratique réalisées au nom d'une réalité collective, elle modifie toutefois la façon d'appréhender et de vivre cette réalité collective. Cette dernière se définit dans les sociétés traversées fortement par l'individualisme avant tout comme le résultat d'actions volontaires des individus. Elle n'est plus (ou l'est du moins plus difficilement) une donnée première qui façonne la vie des individus. Dans les sociétés fortement traversées par le procès d'individualisation, les individus privilégieront les types de regroupement qu'ils considèrent comme le résultat de leur action (le monde associatif, le politique, le juridique, etc.) ou sur lesquels ils croient pouvoir agir efficacement (la famille immédiate) ; ils seront de moins en moins enclins à s'identifier fortement à des formes de « vivre ensemble » sensées les définir (l'héritage culturel, l'appartenance à une classe, etc.).
Depuis Tocqueville, l'on sait que les appartenances dans les sociétés traversées par l'individualisme, parce que conçues comme volontaires, sont plus éphémères. Elles sont aussi plurielles. L'individu peut être à la fois membre d'une communauté ethnique (acadienne), membre d'une classe sexuelle qui transcende sa communauté ethnique (femme), identifié à des solidarités professionnelles, tiers-mondistes ou pacifiâtes, etc. Il peut aussi, par exemple, partager verticalement son identité (le niveau de l'acadianité, de la francophonie québécoise et canadienne, de la francophonie mondiale, voire de l'Acadie mondiale). Chacune de ses identités ou appartenances n'est pas considérée comme englobant la totalité de son individualité et n'est pas exclusive. L'individu moderne partage donc de multiples identités qui, prises individuellement, n'ont pas la lourdeur du phénomène identitaire propre aux sociétés de type communautaire ou traditionnel [78]. Enfin, parce que vécues sous une forme individualisante, les identités modernes semblent fragmentées.
Si telle est bien la constante qui traverse actuellement l'Acadie, l'on comprend mieux la « crise » actuelle des pratiques nationalitaires. L'identité acadienne est vécue sur un ton plus léger, moins tragique que précédemment. La nécessité d'une cohérence d'ensemble, qu'elle soit de l'ordre du culturel ou du politique, n'est plus perçue comme une nécessité aussi vitale dans une société où [374] l'individu partage son appartenance entre diverses identités et divers niveaux identitaires. L'idée même de réunir en un tout les différentes facettes des identités semble contraire à l'esprit individualiste. Enfin, l'individu acadien, en plus d'être interpellé par ses diverses identités, est dorénavant aussi préoccupé de son « bonheur privé ». Les valeurs entrepreneuriales ou consuméristes ne s'inscrivent pas spontanément dans une cohérence d'ensemble qui soit acadienne. Autrement dit, l'importance qu'auront dorénavant les parcours personnels (que ce soit dans le domaine des finances, des arts, etc.) combinée à l'obtention de certaines garanties juridiques qui protègent son espace linguistique rendent, en quelque sorte, caduque l'ancienne focalisation sur l'identité nationale.
L'éclatement actuel des pratiques identitaires, s'il permet d'envisager une certaine permanence des pratiques culturelles acadiennes, ne permet toutefois pas d'entrevoir comment l'Acadie confirmera sa capacité d'être et de se reproduire comme « société ». L'identité acadienne s'est toujours refusée à se comprendre comme une minorité ethno-culturelle porteuse d'une différence parmi d'autres. C'est en termes de nation qu'à la fois le « nationalisme » et le « néo-nationalisme » exprimaient la réalité du groupe. Ce concept signifiait que l'Acadie était une entité sociale autonome capable de produire et de reproduire l'ensemble des symboles et des institutions nécessaires à l'organisation d'une société. L'Acadie, comme « société » structurée essentiellement autour d'une identité ethnoculturelle, est-elle capable de se reproduire devant une fragmentation et un éclatement semblables des pratiques sociales contemporaines ?
Il faut nuancer un tel jugement. L'individualisation certes, comme nous venons de le voir, pose de sérieuses questions à l'identité acadienne. Cette individualisation est, d'autre part, une réalité incontournable, d'ailleurs souhaitée et valorisée par l'ensemble des citoyennes et des citoyens des sociétés modernes. Impossible donc, sinon sur le mode régressif, de rêver à l'unité communautaire perdue ; toute recomposition communautaire devant d'ailleurs reposer sur l'idée moderne et individualiste de la liberté. Toutefois, contre la fragilité des liens communautaires modernes, contre l'appropriation du lien social par les grands appareils étatiques et privés, s'élèvent constamment dans nos sociétés des mouvements voulant recomposer le tissu social. L'individualisation et son fractionnement font naître le désir d'une communauté renouvelée. Comme le dit Alain Touraine : « la contrepartie du refus de l'État, de la crise culturelle et de la conscience angoissante du vide social est la recherche de l'identité personnelle et de la communauté capables de résister aux déchirements de l'histoire [79] ». Autant l'individualisme et son procès d'atomisation sont une constante de la société moderne, autant donc la recherche de l'identité et de la communauté l'est aussi. Si « bonheur privé » et « action publique » sont deux éléments difficiles à conjuguer, ils sont néanmoins deux facettes de la modernité, deux réalités au cœur de toute société moderne.
[375]
Les structures : persistance
des problèmes structurels
Quel portrait d'ensemble dégager de la chronologie des lectures à laquelle nous venons de procéder ? Ces regards différents portés sur l'histoire récente de la société acadienne ne nous paraissent pas exclusifs. Certes, nous l'avons rappelé, chacun de ces regards rend compte de modifications importantes de la réalité sociale et produit ainsi une photographie par séquence de la société acadienne contemporaine. Néanmoins, il faut l'avouer, l'insistance que met parfois une période à privilégier telle problématique, à scruter tel enjeu se fait bien souvent au prix d'un certain aveuglement sur ce que, précisément, révélaient la problématique et le regard de la période précédente.
C'est pourquoi nous aimerions, comme dernière section de ce texte, établir une lecture plus synthétique des principaux apports sociologiques à la connaissance de la société acadienne. Nous délaisserons donc la lecture chronologique pour adopter une lecture thématique. Il s'agit plus précisément d'établir un certain dialogue entre les préoccupations et les enjeux propres aux périodes étudiées. Nous croyons en effet qu'au delà des différences générationnelles et théoriques trois grands thèmes peuvent se dégager des lectures que nous venons d'effectuer. La question du développement, la production et reproduction de l'identité, et la problématique de la modernité s'imposent à notre avis comme trois grandes constantes du regard sociologique sur l'Acadie. Ce sont sur ces thèmes que l'apport de la sociologie à la connaissance du milieu s'est le plus affirmé. Ils définissent aussi toutefois une certaine persistance de problèmes structurels qui posent à la sociologie et à la société acadienne des défis importants.
Encore ici notre démarche, rappelons-le, en privilégiant la dynamique d'ensemble qui se dégage des phénomènes sociaux, délaisse quelque peu les apports sectoriels (femmes [80], jeunes, santé, pêche, loisirs, etc.) à la connaissance de l'Acadie, apports qui, comme nous l'avons vu particulièrement pour la période récente, deviennent des éléments de plus en plus significatifs du regard sur la société acadienne. Ce regard macro-sociologique est partiellement dicté par notre volonté de saisir la « société acadienne » comme un fait social global ; il repose [376] aussi et surtout sur la centralité de la question « nationale » dans les regards posés par les sociologues sur la société acadienne.
La persistance
du sous-développement régional
Les pages précédentes l'ont rappelé souvent, la société acadienne a intégré la modernité capitaliste en transportant avec elle une socio-économie mal adaptée. On a lié au départ ce « mal-développement » à la persistance d'attitudes et de mentalités peu propices au développement. Héritiers d'une culture qui privilégiait l'appartenance au groupe au détriment des valeurs individualisantes et entrepreneuriales, l'Acadien et l'Acadienne s'avéraient, disait-on, peu armés pour participer pleinement à une socio-économie marchande et capitaliste. Porteurs d'une identité particulière liée à un cadre de vie rural, ne devaient-ils pas rompre avec leur propre culture pour accéder pleinement à cette nouvelle réalité ?
Ce sont par la suite les problèmes dits structurels de ce mal-développement régional qui ont été particulièrement soulevés. L'on a alors constaté que la faiblesse de la socio-économie acadienne reposait sur une insertion historique différenciée dans l'économie capitaliste. Les formes d'exploitation en régions acadiennes n'avaient pas permis que se produise une accumulation à la source, dans des sociétés autocentrées, de la généralisation du capitalisme. L'intégration capitaliste se réalisait donc sous forme de dépendance, avec les problèmes de faiblesses structurelles qu'un tel développement implique. Malgré ses spécificités, la socio-économie acadienne partageait donc, en grande partie, les problèmes de développement propres aux régions périphériques et particulièrement à l'ensemble de l'économie des provinces Maritimes.
Il n'est pas nécessaire de revenir sur les insuffisances d'une analyse qui situe les causes de la faiblesse économique des Acadiens et des Acadiennes dans leur mentalité. Cette hypothèse, longtemps avancée d'ailleurs pour l'ensemble du Canada français, s'est avérée dans les faits insoutenable. Les attitudes sont liées habituellement aux structures sociales. Des transformations structurelles accompagnent habituellement des transformations de mentalité. Ainsi, les modifications profondes réalisées au sein de la socio-économie acadienne au cours des 30 dernières années ont accompagné des ajustements tout aussi importants du côté des mentalités. Donald Savoie et Maurice Beaudin [81] ne concluaient-ils pas récemment à l'existence aujourd'hui, en région acadienne, d'un potentiel entrepreneurial plus fort que dans les régions avoisinantes.
[377]
L'analyse menée sous l'angle de la domination souffre, elle aussi, de problèmes tout aussi importants. André Leclerc [82] rappelait, à juste titre, que les explications du sous-développement acadien quant à la domination ou à la dépendance manquaient habituellement de confirmations empiriques. Et, en effet, rien dans ces analyses n'explique en quoi la domination capitaliste serait plus préjudiciable au groupement acadien. Enfin, ces études, en braquant leur regard vers des causes externes à la socio-économie acadienne, fournissent peu de connaissances pratiques sur la dynamique interne de la socio-économie acadienne.
C'est bien pourtant dans le rapport particulier entre une réalité culturelle spécifique et les problèmes structurels du développement que réside, à notre avis, la problématique du développement en Acadie. C'est là, dans la conjugaison de ces deux phénomènes, que le regard sociologique s'avère le plus susceptible d'être éclairant. Car, la question du développement économique et la question culturelle sont, en Acadie, intimement liées.
En effet, la persistance, après plus de 25 ans d'efforts de développement, de problèmes structurels dans ce domaine pose non uniquement la question de l'égalité économique, mais aussi la question de la survie même d'une entité culturelle. Lorsque le faible développement vide les régions acadiennes de leurs habitants, l'on assiste non seulement à l'exode de ruraux vers la ville, mais encore à l'affaiblissement démographique d'une communauté culturelle. Lorsque la sous-scolarisation affaiblit le potentiel économique de la communauté et participe de ce fait à l'accroissement du chômage, l'on n'est pas en face d'un simple problème de disparités économiques, mais bien aussi devant l'érosion de la capacité organisationnelle de l'Acadie comme société. À l'encontre de la plupart des autres groupements francophones minoritaires au Canada, ce n'est pas l'assimilation qui principalement lamine la dynamique culturelle des régions acadiennes du Nouveau-Brunswick, c'est bien plutôt la faiblesse économique des communautés.
La volonté de se doter, sur une base culturelle, de ses propres institutions économiques, celle de continuellement lier la défense de son travail à la défense d'un milieu de vie, la volonté enfin de vouloir travailler pour vivre au pays sont des manifestations de ce lien étroit qui s'est établi depuis longtemps dans la socio-économie acadienne entre culture et développement. Cette interdépendance entre la défense et la promotion de son identité culturelle et la croissance économique demeure donc toujours au centre de la question acadienne. Certes, on ne peut demander à la sociologie de trouver des réponses à des questions que la pratique sociale ne peut résoudre. On peut toutefois penser qu'en éclairant cette interdépendance le regard sociologique puisse participer à rendre plus efficace l'action des acteurs sociaux en ce sens.
[378]
La problématique identitaire
Une deuxième constante du regard sociologique et aussi un deuxième grand défi à la discipline sociologique se trouve dans la thématique de l'identité. Les concepts de « folk society », « d'unité fonctionnelle », de « société traditionnelle » ou encore de « l'univers idéologique de la petite production » ont été utilisés pour saisir les mécanismes de production et de reproduction de l'identité dans l'Acadie « traditionnelle ». L'effondrement de cet univers, en brisant la cohérence d'ensemble propre à l'Acadie traditionnelle, remettait en question la capacité même de la société à se reproduire culturellement.
Dans un premier temps, c'est le phénomène de rupture avec l'identité traditionnelle qui a surtout été regardé. L'épuisement du vieil héritage culturel devant les assauts de la modernité ne produisait-il pas un véritable phénomène d'aliénation culturelle ? La culture n'apparaissait plus alors comme une identité que l'on valorise, mais bien comme une tare que l'on hérite. Par la distance même que cette aliénation produisait avec sa propre culture, celle-ci pourrait toutefois devenir, pour ainsi dire, un outil disponible à l'individu acadien. La réappropriation critique de son identité culturelle apparaît en effet comme une tentative de réponse à cette aliénation ressentie. La culture n'était plus uniquement héritage, elle devenait aussi projet de société.
Ce projet de société, particulièrement porté par le mouvement « néonationaliste » des années 1970, s'est avéré incapable, avons-nous dit, de transformer son « projet » en réalité. Il est resté à plusieurs égards à l'état du « symbolique » et du « verbe ». Pourtant, l'enjeu qui était à la source de ce projet demeure central. Les minorités ethno-culturelles sont, nous a rappelé Raymond Breton [83], des réalités quasi politiques qui transforment leur identité et leur solidarité en pouvoir organisationnel. La nécessité pour le développement de la communauté acadienne d'investir dans de nouveaux espaces organisationnels de façon à assurer l'existence de lieux permettant la production et la reproduction de sa spécificité culturelle ne fait aucun doute. Seulement, cette recherche d'une nouvelle capacité organisationnelle, adaptée à la modernité, devra dorénavant suivre des chemins moins utopiques.
Encore ici le regard sociologique, celui par exemple des études sur l'ethnicité, est propre à éclairer la voie vers cette direction. N'a-t-on pas trop regardé l'Acadie à travers la lorgnette macro-historique de la question nationale. L'analyse plus fine des mécanismes par lesquels se transmet dans nos sociétés l'héritage culturel minoritaire n'est-elle pas plus apte à nous guider vers des actions efficaces en ce domaine ? De quelle mesure de capacité organisationnelle une communauté a-t-elle besoin pour assurer son épanouissement ? Le degré même de capacités organisationnelles accessibles à une collectivité ne diffère-t-il pas selon le poids et la concentration démographiques des communautés ? Il est certes [379] différent, par exemple, pour les Acadiens du Nouveau-Brunswick et pour ceux de l’Île-du-Prince-Édouard ou encore pour ceux de la Nouvelle-Écosse [84].
La question de l'identité n'est pas pour autant exclusivement politique. L'identité, c'est ce qui donne sens au fait d'être Acadien. Et, il faut bien en convenir, s'il existe une question acadienne c'est bien parce que cette identité ne va pas de soi. Construite au milieu du XIXe siècle autour de l'héritage catholique, français et rural, l'acadianité est en pleine mutation. Les dimensions religieuse et rurale, bien que toujours existantes, n'ont en effet plus la centralité qu'elles occupaient dans l'univers des Acadiens et des Acadiennes. La langue et un certain rapport à l'espace et à l'histoire forment le noyau d'une identité nouvelle, plus souple et mouvante. Mais cette identité partage dorénavant son univers avec d'autres identités, d'autres solidarités. Comment saisir à travers la fragmentation moderne le sens et la portée de l'identité proprement acadienne ? Cette question propre à une sociologie de la culture rejoint d'ailleurs notre troisième et dernière constante du regard sociologique sur l'Acadie.
La modernité acadienne
En effet, la question du rapport de l'Acadie à la modernité reste une dimension centrale du regard des sociologues sur la société acadienne. La dichotomie société traditionnelle / société moderne a été énormément utilisée pour comprendre les éléments du changement social au sein de la société. Ces notions sont largement présentes autant, comme on Ta vu, dans les travaux s'intéressant au développement que dans ceux qui sont liés à la thématique identitaire. La persistance de caractéristiques traditionnelles fut largement considérée comme un [380] frein à la modernisation et par conséquent à la capacité de la société de répondre adéquatement aux exigences de la modernité. On s'est demandé si l'identité acadienne pouvait se transformer pour s'ajuster aux exigences de la modernité.
L'utilisation de la dichotomie modernité / tradition a souvent été critiquée, à juste titre, pour son caractère évolutionniste. On a trop souvent en effet associé différence culturelle et refus du progrès. Les minorités culturelles qui n'acceptaient pas l'assimilation aux valeurs de la culture dominante furent accusées d'être traditionnelles, c'est-à-dire de refuser l'histoire. L'Acadie, a-t-on rétorqué, comme réponse critique à ces affirmations, ne fut pas une société traditionnelle du moins dans le sens d'une société en marge de l'histoire. Au contraire, c'est son insertion historique particulière dans le capitalisme marchand qui a permis que se produise et se reproduise une structure sociale spécifique. C'est encore aujourd'hui, non pas la persistance du traditionalisme, mais la reproduction d'une structure de domination qui définit la problématique acadienne.
Modernité et tradition n'ont toutefois pas un sens uniquement évolutionniste. C'est pourquoi nous croyons qu'ils demeurent des concepts clefs pour la compréhension des enjeux sociaux de l'Acadie contemporaine. Expliquons-nous. Dans les meilleures traditions sociologiques cette distinction ne signifie pas le passage du passé au présent, mais bien deux modalités différentes de légitimation et de structuration du social. Les « sociétés traditionnelles », nous l'avons déjà souligné, sont avant tout des sociétés qui tirent leur légitimité du rapport à la tradition, à l'héritage. Les sociétés modernes n'ont ultimement d'autres légitimités que celles, rationnelles, qui sont fondées sur l'accord des individus (que cet accord soit le résultat du débat démocratique ou d'une imposition idéologique). Certes, dans l'histoire de l'humanité les formes de régulation « moderne » sont apparues après les formes de régulation « traditionnelle ». Néanmoins, ce n'est pas cette chronologie qui nous semble importante, mais plutôt l'existence de ces deux modalités d'organisation du social.
Tradition et modernité, ainsi comprises, ne sont pas exclusives. Ce sont deux types idéaux [85] qui se trouvent dorénavant présents au sein de toutes les sociétés contemporaines. Aucune société, en effet, n'est complètement régularisée sur le mode moderne (individualiste). Comme, d'ailleurs, plus aucune société n'est complètement traditionnelle (l'héritage). Société traditionnelle ou société moderne ne se réfèrent donc pas à l'exclusivité d'un mode sur l'autre, mais bien à la prédominance d'une forme de régulation sur l'autre. Chacun de ces types idéaux pleinement réalisés produirait à sa façon une monstruosité sociale. C'est pourquoi [381] nous avons rappelé comment l'individualisation actuelle de nos vies suscitait un peu partout sa contrepartie communautaire.
Rappelons comment la construction de l'ethnicité acadienne fut reliée, chez Rameau de Saint-Père par exemple, à l'élaboration d'une forme de régulation de type traditionnel. À partir de l'héritage culturel et en conformité avec celui-ci, il s'agissait de créer des structures familiales et institutionnelles capables de reproduire son héritage. Cette même idée organisationnelle traverse toujours l'actuel mouvement nationalitaire acadien, comme tout mouvement d'ailleurs fondé sur des solidarités ethno-culturelles. Dans une société acquise aux impératifs de la modernité, cela ne va toutefois pas de soi. C'est pourquoi il nous semble que l'Acadie vit effectivement depuis près d'un demi-siècle une crise proprement moderne. Une régulation de type moderne (fondée sur les valeurs de l'individu) s'est substituée à une régulation de type traditionnel (fondée sur les valeurs de l'héritage culturel). La question posée depuis lors et qui demeure pertinente peut se formuler ainsi : quel rôle peut jouer l'organisation ethno-culturelle dans une société régie par les impératifs de la modernité ?
Les sociétés modernes sont des sociétés en continuelle crise de légitimité. La tension entre l'idée d'une société perçue comme héritage et celle d'une société autoconstruite y est omniprésente. Les impératifs de la modernité ont toutefois des conséquences politiques particulières pour une minorité culturelle. En effet, l'avènement dans nos sociétés de la prédominance d'une régulation de type moderne s'est réalisé politiquement par la formation de l'État moderne, État fondé sur la souveraineté des individus. Les identités claniques, ethniques, religieuses ou culturelles, solidarités liées à l'héritage culturel, ont été reléguées à la sphère privée et ne constituent plus dorénavant les fondements ultimes du « vivre ensemble ». Lorsque ces anciennes solidarités correspondaient à des frontières étatiques, elles ont pu se greffer à cette nouvelle forme de légitimité (les États-nations européens par exemple). Ou encore, comme c'est le cas pour le Québec, cette identité traditionnelle a pu se transformer en projet de construction d'une société moderne fondée sur une légitimité individualiste et étatique. Lorsque, au contraire, elles étaient minoritaires, comme c'est le cas pour l'Acadie, les porteurs de ces identités, ainsi marginalisées, se sont sentis délestés de tout pouvoir sur leur devenir. La modernité a eu pour eux un goût amer de perte de sens. Le saut vers celle-ci, on l’a vu, signifiait aliénation. La tentation est alors grande de rêver au retour à la solidarité traditionnelle. Mais alors, comment harmoniser, par exemple, les pouvoirs des communautés de culture (héritage) avec le pouvoir des individus citoyens (modernité).
Un tel retour est, rappelons-le encore, une impossibilité. L'Acadie doit apprendre à vivre avec une ethnicité qui n'a plus et n'aura plus de monopole sur l'organisation de la vie des individus et du groupe. Pourtant cela ne signifie pas l'oubli de toute référence à la tradition. C'est pourquoi, au centre de la question acadienne, réside toujours cette nécessité d'établir la jonction entre le besoin de valoriser son appartenance collective et la nécessité d'une pleine et entière participation aux valeurs et aux pratiques de la modernité. Comme on voit mal [382] encore quelles formes organisationnelles ou communautaires pourraient réaliser cette synthèse, cette question de la modernité demeure un grand défi à une sociologie de l'Acadie.
Conclusion
Pour cerner la société acadienne, nous avons opté, plutôt que pour une approche monographique qui aurait consisté à en décrire les grandes institutions (famille, éducation, religion, droit, système politique, système de santé, etc.) et les caractéristiques socio-économiques des individus la composant, pour une démarche mettant l'accent sur les lectures sociologiques qu'on a fait d'elle à divers moments, tout en ayant soin d'examiner en parallèle, à chaque période, les pratiques sociales correspondantes. L'approche socio-historique privilégiée est dominante dans les travaux sociologiques portant sur l'Acadie ; elle permet de saisir l'Acadie comme un fait social global, une société en mouvement. Le tout nous permettait de souligner, en fin de compte, la persistance de trois grands problèmes structurels en Acadie : le sous-développement régional, la problématique identitaire et la modernité acadienne.
On aura sans doute remarqué que les frontières de cette Acadie se sont rétrécies avec le temps : si elles renvoyaient dans un premier temps (« le moment traditionnel : 1860-1960 ») à l'ensemble des trois provinces Maritimes, dès la période suivante (« le moment modernisateur : 1960-1970 ») les contours de l'Acadie s'identifiaient de plus en plus à celles du Nouveau-Brunswick. Ce phénomène ne faisait que s'accentuer au cours des deux dernières périodes (« le moment critique : 1970-1980 », et « le moment organisationnel mais fragmenté : 1980-1990 »). On comprendra évidemment que cette tendance ne relève pas d'un choix des auteurs ; si elle s'impose d'emblée, c'est qu'effectivement les principales manifestations de la vitalité sociale acadienne, depuis une trentaine d'années, ont surtout mis en cause les Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick, et que les regards sociologiques portés sur l'Acadie se sont surtout concentrés sur cette scène. Ceci ne veut, bien sûr, pas nier une réalité spécifique aux collectivités acadiennes de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse ; mais force est de reconnaître que le poids numérique et organisationnel des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick, ainsi que les nombreuses luttes menées à bien des chapitres depuis 1960, ont eu pour conséquence de faire de cet espace le véritable cœur géographique de l'Acadie.
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- Volumes
Hautecœur, Jean-Paul, l’Acadie du discours, Québec, Presses de l'Université Laval, 1975, 351 p.
La pierre, J.-IV. et Roy, M., les Acadiens, Paris, PUF, 1983, 128 p.
Robichaud, Jean-Bernard, Objectif 2000 : vivre en santé en français au Nouveau-Brunswick, I : la santé des francophones, Moncton, Éditons d'Acadie, 1985,189 p. ; II : le Système de services de santé, Moncton, Éditions d'Acadie, 1986, 288 p. ; III : le Point de vue de la population, Moncton, Éditions d'Acadie, 1987, 107 p.
Roy, Michel, l'Acadie perdue, Montréal, Québec / Amérique, 1978, 203 p.
[384]
Saint-Amand, Néré, Folie et oppression : l'internement en institution psychiatrique, Moncton, Éditions d'Acadie, 1980, 199 p.
Savoie, Donald et Beaudin, Maurice, la Lutte pour le développement : le cas du Nord-Est, Québec, Presses de l'Université du Québec, 1988, 282 p.
Tremblay, Marc-Adélard et Laplante, Marc, Famille et parenté en Acadie, Publications d'Ethnologie, n° 3, Ottawa, Musée national de l'homme, 1971, 174 p.
- Articles et chapitres de livres
Ali-Khodja, Mourad, « Connaissance et politique : quelques réflexions sur le développement de la sociologie en Acadie », Égalité, n05 13-14 (1984-1985), p. 216-237.
Allain, Greg, « Initiatives locales ou créations gouvernementales : genèse et développement des Commissions industrielles régionales au Nouveau-Brunswick », Revue de l'Université de Moncton, vol. 22, nos 1-2 (1989), p. 223-245.
Allain, Greg et Côté, Serge, « le Développement régional, l'État et la participation de la population : la vie courte et mouvementée des Conseils régionaux d'aménagement du Nouveau-Brunswick (1964-1980) », Égalité, nos 13-14 (1984-1985), p. 187-215.
Chouinard, Omer, « Pêcheurs et coopération dans la péninsule acadienne », Coopératives et développement, vol. 19, n° 2 (1987-1988), p. 39-64.
Cauvin, Bernard et Seguin, Marie-Thérèse, « Chômeuses et travailleuses : les femmes des usines de transformation du poisson au Nouveau-Brunswick », Cahiers de recherche sociologique, vol. 6, n° 1 (printemps 1988), p. 155-172.
Lapierre, Jean-William, « Conflit ethnique et lutte de classes dans la question acadienne », Cahiers, SHA, vol. 10, n° 3 (1979), p. 141-146.
McKee-Allain, Isabelle, « les Productrices d'ethnicité en Acadie : perspectives théoriques », Égalité, n° 24 (1989), p. 45-68.
McKee-Allain, Isabelle, « la Place des communautés religieuses de femmes dans le système d'éducation du Nouveau-Brunswick : un bilan socio-historique », Éducation et francophonie, vol. XIX, n° 3 (décembre 1991), p. 3-8.
Richard, Camille-Antoine, « l'Acadie, une société à la recherche de son identité », Revue de l'Université de Moncton, vol. 2, n° 2 (1969), p. 52-59.
Thériault, J. Yvon, « État, ethnie et démocratie : réflexions sur la question politique en Acadie », Canadian Review of Studies in Nationalism, vol. 11, n° 2 (1984), p. 201-218.
Thériault, J. Yvon, « l'Autonomie aujourd'hui : la question acadienne sous le regard des idéologies politiques actuelles », Égalité, n° 19 (1986), p. 13-31.
Tremblay, M.-A., Gold, G. (dir.), Communautés et culture, éléments pour une ethnologie du Canada-français, Montréal, HRW, 1973, p. 294-318.
[1] Il serait ici trop long de vouloir présenter, ne serait-ce que succinctement, les ouvrages marquants de la discipline sociologique. Le petit livre de C. Wright Mills, l'Imagination sociologique, Paris, Maspéro, 1967, demeure toujours fort pertinent pour la compréhension de la vocation globale et humaniste du travail du sociologue. L'Introduction à la sociologie générale, 3 vol., Montréal, HMH, 1969, de Guy Rocher, quoique rédigée à la fin des années 1960, conserve son actualité, particulièrement au regard des références à la double tradition américaine et européenne de la sociologie.
[2] On trouvera une première version de cette périodisation des lectures sociologiques et des transformations sociales acadiennes dans J. Yvon Thériault, Acadie coopérative et développement acadien : contribution à une sociologie d'un développement périphérique et à ses formes de résistances, thèse de doctorat, EHESS, Paris, 1981, p. 86 et ss ; et dans J. Lapointe et J. Yvon Thériault, D'une question linguistique à un problème sociétal, rapport présenté au Secrétariat d'État, Ottawa, 1982, p. 91 et ss. Dans « Connaissance et politique : quelques réflexions sur le développement de la sociologie en Acadie », Égalité, n° 13-14 (1984 / 1985), p. 216-237, Mourad Ali-Khodja propose aussi une contextualisation du discours sociologique acadien.
[3] On se réfère ici à la thèse de doctorat de M.-A. Tremblay, The Acadians of Portsmouth, A Study in Cultural Change, thèse de doctorat, anthropologie, Cornell University, 1954. Voir aussi particulièrement « la Société acadienne en devenir : l'impact de la technique sur la structure globale », M.-A. Tremblay et G. Gold (dir.), Communautés et culture, éléments pour une ethnologie du Canada français, Montréal, HRW, 1973, p. 294-318. Nous reviendrons plus loin sur les grandes conclusions de ces études.
[4] Pour une introduction à la pensée de Weber et à sa typologie des types d'intégration sociétale, voir le chapitre qui lui est consacré dans Raymond Aron, les tapes de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1967, p. 497-582.
[5] Rameau de Saint-Père, Edme, la France aux colonies, études sur le développement de la race française hors de l'Europe : les Français en Amérique : Acadiens et Canadiens, Paris, A. Jouby, 1859 ; Une colonie féodale en Amérique : l'Acadie, 1877, 1re édition, 2 vol., Paris, Plon, 1889.
[6] Rameau de Saint-Père, Une colonie féodale en Amérique, p. xv-xvi.
[8] Marc-Adélard Tremblay et Marc Laplante, Famille et parenté en Acadie, Publications d'Ethnologie, n° 3, Ottawa, Musées nationaux du Canada, 1971, p. 1-2.
[9] De Camille-Antoine Richard, voir l’idéologie de la première convention nationale acadienne, thèse de maîtrise, sociologie, Université Laval, Québec, 1960 ; « l'Acadie, une société à la recherche de son identité », Revue de l’Université de Moncton, vol. 2, n° 2 (1969), p. 52-59. Mourad Ali-Khodja (« Connaissance et politique ») a raison de voir dans les travaux de Camille-Antoine Richard la première tentative « d'indigéniser » la sociologie à l'Acadie. En effet les préoccupations de M.-A. Tremblay étaient disciplinaires avant d'être politiques ou sociales.
[11] Michel Roy, l'Acadie perdue, Montréal, Québec / Amérique, 1978 ; l'Acadie des origines à nos jours, Montréal, Québec / Amérique, 1981.
[12] Marc-Adélard Tremblay et Marc Laplante, Famille et parenté en Acadie, p. 1. La méthode fonctionnaliste que proposait Tremblay repose, pour reprendre ses propres mots, sur le postulat qu'il est possible de comprendre les communautés comme des unités se suffisant a elles-mêmes. On comprendra la continuité entre une telle proposition et l'idéologie nationale traditionnelle. On trouvera une présentation générale de la perspective fonctionnaliste dans Guy Rocher, Introduction à la sociologie générale, vol. 2, p. 245-286.
[13] J. Yvon Thériault, « Développement dépendant et pénétration coopérative », Revue de l'Université de Moncton, vol. 13, nos 1-2 (1980), p. 7-23 ; Acadie coopérative et développement acadien.
[14] Raymond Mailhot, « Quelques éléments d'histoire économique de la prise de conscience acadienne (1850-1891) », Société historique acadienne, vol. 7, n° 2 (1976), p. 49-74 ; Prise de conscience collective acadienne au Nouveau-Brunswick (1860-1891) et comportement de la majorité anglophone, thèse de doctorat, histoire, Université de Montréal, 1973.
[15] Alain Touraine, les Sociétés dépendantes, Paris, Duculot, 1976, p. 52 et ss.
[16] Nous effectuons (I. McKee-Allain) présentement une recherche sur la place des femmes dans la production de l'ethnicité en Acadie. Voir les hypothèses et les premiers résultats de ces travaux dans I. McKee-Allain, « les Productrices d'ethnicité en Acadie : perspectives théoriques », Égalité, n° 24 (1989), p. 45-68 ; « les Acadiennes d'aujourd'hui : des gardiennes de la race et / ou de la main-d'œuvre à bon marché ? », J. Lapointe et A. Leclerc (dir.), les Acadiens : état de la recherche, Québec : Conseil de la langue française en Amérique, 1987, p. 178-186 ; « la Place des communautés religieuses de femmes dans le système d'éducation du Nouveau-Brunswick : un bilan socio-historique », Éducation et francophonie, vol. XIX, n° 3 (décembre 1991), p. 3-8 ; « Questionnement féministe en milieu minoritaire : des pistes offertes par l'étude des collèges classiques féminins en Acadie », dans la Recherche universitaire en milieu francophone minoritaire, Ottawa, Presses de l’Université d'Ottawa, Collection Acte Express, à paraître (1993).
[17] C'est la critique que nous avions adressée à l'analyse que fait Léon Thériault dans la Question au pouvoir en Acadie, Moncton, Les éditions d'Acadie, 1981. Celui-ci reprend une thèse classique de « l'idéologie nationale » qui fait de l'acadianité un principe extérieur à l'histoire. Voir J. Yvon Thériault, « État, ethnie et démocratie : réflexions sur la question politique en Acadie », Canadian Review of Studies in Nationalism, vol. 11, n° 2, 1984, p. 201-218.
[18] Cette distinction entre le culturel et l'institutionnel nous permet de rendre visible la place des femmes comme productrices d'ethnicité. Elles n'ont toutefois pas été actives au seul niveau de la pratique culturelle quotidienne comme nous sommes en train de le démontrer à travers l'histoire des communautés religieuses de femmes acadiennes. Voir Note 16, principalement « les Productrices d'ethnicité », McKee-Allain.
[20] Les travaux du groupe de l'Université Cornell ont été présentés dans Charles C. Hughes, Marc-Adélard Tremblay, Robert N. Rapoport, Alexander H. Leighton, Peuple of Cove and Woodlot, Communities from the Viewpoint of Social Psychiatry, New York, Basic Books, 1960. Comme nous l'avons déjà souligné, Marc-Adélard Tremblay a poursuivi cette recherche et a publié depuis lors de nombreux articles sur cette question (voir Note 3).
[22] Robert A. Young, « l'Édification de l'État provincial et le développement régional au Nouveau-Brunswick », Égalité, n° 3-14 (1984 / 1985), p. 125-152.
[23] Voir Alain Even, le Territoire pilote du Nouveau-Brunswick ou les blocages culturels au développement socio-économique ; contribution à une analyse socio-économique du développement, thèse de doctorat de 3e cycle, Faculté de droit et de sciences économiques, Université de Rennes, 1970 ; « Domination et développement au Nouveau-Brunswick », Recherches sociographiques, vol. 12, n° 3 (1971), p. 271-318.
[24] A. Even, Le territoire pilote, p. 396.
[27] Jean-Claude Vernex, les Francophones du Nouveau-Brunswick, thèse de doctorat de 3e cycle, Université de Lille, 1978, p. 667. Le travail de Vernex, tout comme celui de Even, bien que terminé dans les années 1970, repose en grande partie sur les données du recensement de 1961 et sur les constats recueillis lors du passage des auteurs à l'Université de Moncton en tant que professeurs à la fin des années 1960. On se référera aussi pour une monographie intéressante de l'Acadie du début des années 1960 à R. Beaudry, les Acadiens d'aujourd'hui, rapport de recherche préparé pour la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, division VI, n° 4, 2 vol., Ottawa, 1966.
[28] En plus des travaux que nous venons de citer, l'étude de S. D. Clark, The Urban Poor, Toronto, McGraw-Hill Ryerson Ltd, 1978, contient (p. 29-96) une étude sur les populations rurales acadiennes du nord du Nouveau-Brunswick réalisée au début des années 1960. Les problèmes de pauvreté sont là aussi associés à des problèmes de modernisation. Enfin, dans la conclusion d'un ouvrage consacré à l'Île-du-Prince-Édouard et portant sur la période de l'après Deuxième Guerre mondiale (« The island in Transition : A Statistical OverView », in The Garden Transformed, Prince Edward Island, 1945-1980, Charlottetown, Ragweed Press, 1982, p. 243-269, Verner Smitheram, David Milne and Satadal Dasgupta, eds), S. Dasgupta présente l'analyse comparée d'une communauté acadienne insulaire sous l'angle de la persistance du traditionalisme.
[29] Robert A. Young, « l'Édification de l'État provincial et le développement régional », p. 135. Voir aussi de Robert Young, « Remembering Equal Opportunity : Clearing the Undergrowth in New-Brunswick », Canadian Public Administration, n° 30, 1987, p. 88-102. Le Programme de chances égales pour tous constitue le cœur des réformes du gouvernement Robichaud, programme qualifié par certains de révolutionnaire. Comme il nécessita l'adoption de pas moins de 100 lois (Louis F. Cimino, Ethnic Nationalism Among the Acadians of New Brunswick : An Analysis of Ethnic Development, thèse de doctorat, anthropologie, Duke University, 1977, p. 97) et l'abrogation de 65 lois déjà existantes, pas étonnant qu'on mit quatre ans (1963-1967) pour monter l'opération. Les études que nous venons de mentionner à l'exception de Cimino s'intéressent aux réformes Robichaud d'un point de vue étatique. Il nous semble assez surprenant d'ailleurs qu'aucune étude importante, autant de la part des sociologues que des politicologues, n'ait étudié au regard de la société acadienne le gouvernement et l'époque Robichaud. G. Cyr dans le Programme « Chances égales pour tous » et la réforme du système municipal au N-B. (thèse de maîtrise en sciences politiques, Université d'Ottawa, 1977) analyse les réformes et leurs conséquences sur les gouvernements municipaux. H. d'Entremont pour sa part compare le succès de cette réforme municipale avec le cas de la Nouvelle-Écosse dans Provincial Restructuring of Municipal Government : A Comparative Analysis of New-Brunswick and Nova-Scotia, thèse de doctorat, University of Western Ontario, London, 1985.
[30] Nous reprenons ici en partie certaines hypothèses que nous (J. Yvon Thériault) avions présenté dans : « État, ethnie et démocratie : réflexions sur la question politique en Acadie », et dans « l’Autonomie aujourd'hui : la question acadienne sous le regard des idéologies politiques actuelles », Égalité, n° 19 (1986), p. 13-31.
[31] Nous avons (G. Allain) réalisé des analyses plus exhaustives de la genèse et du développement de ces organismes de participation populaire. Voir principalement : Greg Allain, Serge Côté et John Tivendell, Évaluation des conseils régionaux d'aménagement du Nouveau-Brunswick, manuscrit, École des sciences sociales de l'Université de Moncton, 1978, 296 p., et « Évolutions asymétriques : le cas des Conseils régionaux d'aménagement francophones et anglophones au Nouveau-Brunswick », Revue de l'Université de Moncton, vol. 10, n° 1 (1977), p. 63-87 ; aussi G. Allain et Serge Côté, « le Développement régional, l'État et la participation de la population : la vie courte et mouvementée des Conseils régionaux d'aménagement du Nouveau-Brunswick (1964-1980) », Égalité, vol. 13, n° 14 (1984-1985), p. 187-215 ; et - Du pouvoir local au pouvoir local en passant par les mouvements sociaux régionaux : le cas du Nouveau-Brunswick », J. L. Klein et al. (dir)., Aménagement et développement : vers des nouvelles pratiques, Cahiers de l'ACFAS, no 30 (1986), p. 29-53.
[33] Voir J. Yvon Thériault, « Domination et protestation : le sens de l'acadianité », Anthropologica, vol. XXIII, no 2 (1981), p. 39-71.
[34] Louis F. Cimino, op. cit., p. 105.
[35] Camille-Antoine Richard, « l'Acadie, une société à la recherche de son identité », loc. cit., p. 56.
[36] Camille-Antoine Richard « la Récupération d'un passé ambigu », Liberté, vol. XI, n° 65 (1969), p. 41.
[37] Voir principalement, C.-A. Richard, « l'Acadie, une société à la recherche de son identité ». Lise Ouellette a étudié ces contestations étudiantes dans : les Luttes étudiantes à l'Université de Moncton : production ou reproduction de la société acadienne, thèse de maîtrise, sociologie, Université de Montréal, 1983.
[38] A. Even, le Territoire pilote du Nouveau-Brunswick ou les blocages culturels au développement économique, p. 432.
[40] Il s'agit plus précisément d'un projet nationalitaire, c'est-à-dire d'un mouvement ethno-culturel à portée politique mais ne revendiquant pas l'État-nation (nationalisme). Nous avons toutefois la plupart du temps maintenu la référence au « mouvement nationaliste », étant donné qu'autant les acteurs que les analystes continuent à utiliser le terme.
[41] Voir sur cette question Mourad Ali-Khodja, « Connaissance et politique », et Lise Ouellette, Luttes étudiantes à l'Université de Moncton.
[42] Collectif, le Parti acadien, Petit-Rocher, Parti acadien / Parti Pris, 1972.
[43] Jean-William Lapierre, « Conflit ethnique et lutte de classes dans la question acadienne », Cahiers, SHA, vol. 10, n° 3 (1979), p. 141 ; voir aussi J.-W. Lapierre et M. Roy, les Acadiens, Que sais-je ?, Paris, PUF, 1983. Ce dernier ouvrage ainsi qu'une section de le Pouvoir politique et les langues, Paris, PUF, 1988, p. 188-195, contiennent des éléments d'analyse sur la portée politique du « néonationalisme » acadien.
[44] Monique Gauvin-Chouinard, le Mouvement coopératif acadien : fondements idéologiques, histoire et composition actuelle, thèse de maîtrise, sociologie, Université du Québec à Montréal, 1976.
[45] Serge Côté, les Voies de la monopolisation : le cas de l’usine de papier de Bathurst, thèse de doctorat, sociologie, Université de Montréal, 1978.
[46] Huguette Clavette, la Structure et la bourgeoisie industrielles du Nouveau-Brunswick, thèse de maîtrise, sociologie, UQAM, Montréal, 1982.
[47] J. Yvon Thériault, Acadie coopérative et développement acadien.
[48] Voir sur cette question, J. Yvon Thériault, « Domination et protestation : le sens de l'acadianité », loc. cit.
[49] Nous reprenons ici certains éléments des analyses que nous (Greg Allain) avons menées sur le développement de ces conseils (voir pour la liste des principales publications Note 31). On se réfère ici plus précisément au texte suivant : G. Allain et S. Côté, « le Développement régional, l'État et la participation de la population », p. 199 et ss.
[50] Les luttes menées pour la mise sur pied de l'Union des pêcheurs des Maritimes (UPM), l'organisme regroupant les petits pêcheurs côtiers du Nouveau-Brunswick ainsi que certains de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse, sont racontées dans Orner Chouinard, « la Lutte pour le droit à la syndicalisation et le projet de loi 94 », Égalité, vol. 5, n° 3 (1982), p. 39-59 ; Greg Allain, « Dix ans de luttes pour la reconnaissance syndicale de l'UPM enfin couronnées de succès : entrevue avec Gilles Thériault », le Papier, n° 2 (avril 1984), p. 6-7 ; Wallace Clément, The Struggle to organize : Resistance in Canadas Fisheries, Toronto, McClelland & Stewart, 1986, Ch. 9 ; Rick Williams et Gilles Thériault, « Crisis and Response : Underdevelopment in the Fishery and the Evolution of the Maritime Fishermen's Union », in Bryant Fairley et al., ed., Restructuring and Resistance : Perspectives front Atlantic Canada, Toronto, Garamond Press, 1990, p. 105-130 ; Sue Calhoon, A Word to Say : The Story of the Maritime Fishermen's Union, Halifax, Nimbus Publishing, 1991.
[51] En plus d'un film (Kouchibougouac, Production française / Acadie, Office national du film, 1978, 75 minutes), une production sociologique importante a traité de la question. Voir Greg Allain, « la Crise de Kouchibougouac et ses retombées à Saint-Louis-de-Kent : portrait sociologique d'une relocalisation », Revue de l'Université de Moncton, vol. 8, n° 1 (1975), p. 21-40 ; et, « l'Affaire Kouchibougouac : bilan du rapport de la Commission spéciale d'enquête sur le Parc national Kouchibougouac », Égalité, n° 7 (1982), p. 51-95 ; Monique Gauvin- Chouinard, « le Rapport Roy-Laforest : la négation d'un déracinement », Égalité, n° 8 (1983), p. 73-91 ; Mourad Ali-Khodja, « Economie et politique de la vérité : à propos de la commission Laforest-Roy », Revue de l'Université de Moncton, vol. 16, nos 2-3 (1983), p. 57-77.
[52] Léon Thériault, le Pouvoir politique en Acadie, a raison d'insister sur la centralité de la question politique dans la question acadienne. Il ne relie toutefois pas suffisamment à notre avis cette question à la conjoncture socio-politique de la fin des années 1960.
[53] Voir Collectif, le Parti acadien ; Roger Ouellette, le Parti acadien : 1972-1982, Moncton, Chaire d'études acadiennes, 1992.
[54] Edmund A. Aunger, dans In Search of Political Stability, A Comparative Study of New-Brunswick and Northern Ireland (Montréal, McGill-Queen's University Press, 1981) émet l'hypothèse que la non-conflictualisation de la question linguistique au Nouveau-Brunswick provient d'un faible recoupage entre les disparités socio-économiques et les groupes linguistiques. Il va sans aire que telle n'est pas la lecture du « néo-nationalisme » acadien et des principaux sociologues sympathiques au mouvement à l'époque.
[55] Au début des années 1980 il y avait au Nouveau-Brunswick, outre les 6 cités et 21 villes, un total de 88 municipalités. De ce nombre 87 avaient été érigées à compter de 1966 (dont 79 entre 1966 et 1968, conséquence directe de la réforme municipale faisant partie du Programme chances égales). Parmi les 87 municipalités érigées à compter de 1966, on retrouve 41 municipalités acadiennes (dont la majorité, 35, fut érigée entre 1966 et 1968). Les données sont tirées de « l'Annuaire municipal 1982 », le Journal municipal, vol. 38, n° 2 (avril-août 1982), p. 18-46.
[56] Dont les principes fondamentaux ont été enchâssés dans la Constitution canadienne le 12 mars 1993, suite à de longues pressions des principales organisations acadiennes.
[57] Pour l'analyse des communautés ethniques au regard de leur capacité organisationnelle, voir les travaux de Raymond Breton, principalement : « Institutional Completeness of Ethnie Communities and the Personnal Relations of Immigrants », American Journal of Sociology, vol. LXX, n° 2, 1964, p. 193-205 ; « la Communauté ethnique, communauté politique », Sociologie et sociétés, vol. 15, n° 2 (1983), p. 23-37.
[58] Nous nous référons toujours ici à l'étude que nous (McKee-Allain) menons présentement sur les communautés religieuses féminines et la production de l'ethnicité : I. McKee-Allain, « les Productrices d'ethnicité en Acadie : perspectives théoriques ». La revue Égalité a réalisé deux numéros thématiques sur les femmes et la société acadienne (numéro 10 : « les Femmes acadiennes, préoccupations et perspectives », automne 1983 ; et numéro 24 : « les Femmes et le pouvoir », automne 1988 / hiver 1989). Ces deux numéros présentent une perspective multidisciplinaire sur la situation des femmes en Acadie qui dépasse largement la perspective sociologique que nous privilégions ici. Néanmoins ils témoignent de la naissance de discours autres sur la société acadienne.
[59] Voir sur ces questions Isabelle McKee-Allain et Huguette Clavette : « les Femmes acadiennes du Nouveau Brunswick : féminité, sous-développement et ethnicité », Égalité, n° 10 (1983), p. 19-36, et Portrait socio-économique des femmes du Nouveau-Brunswick, 1, Moncton, juin 1983, 118 p. ; et McKee-Allain, « les Acadiennes d'aujourd'hui : gardiennes de la race et / ou de la main-d'œuvre à bon marché ? », dans les Acadiens : état de la recherche. On regardera aussi le bilan sur la situation des femmes acadiennes du Nouveau-Brunswick dressé par Ginette La fleur : les Femmes, à l'heure des comptes, dossier statistique 1971-1986, publication d'Action Éducation Femmes, Nouveau-Brunswick, 1990.
[60] Nous n'insinuons pas ici que la perspective juridique adoptée pour l'analyse des droits linguistiques évacue la dimension sociale de la réalité. Nous rappelons tout simplement que même lorsque l'on reconnaît des droits sociaux, et les droits linguistiques sont des droits sociaux, ceci se fait dans la perspective de l'humanisme juridique moderne, à partir d'un socle philosophique individualiste. Au contraire, la lecture « nationaliste » est fondée sur la primauté ontologique du groupe. Voir pour l'analyse juridique : Michel Bastarache, « Droits linguistiques et culturels des Acadiens de 1713 à nos jours », les Acadiens des Maritimes, sous la direction de Jean Daigle, Moncton, Centre d'études acadiennes, 1980, p. 371-418 ; Bastarache et al., les Droits linguistiques au Canada, Montréal, Les éditions Yvon Blais, 1986 ; et Pierre Boucher, « l'Accord du Lac Meech et les francophones hors Québec », Annuaire canadien des droits de la personne, Ottawa, 1988, p. 4-47. Nous avons discuté plus longuement cette question au regard d'une perspective sociologique dans : J. Y. Thériault, « Lourdeur et légèreté du devenir de la francophonie hors-Québec », Tendances démolinguistiques et évolution des institutions canadiennes, Ottawa, Secrétariat d'État / Commissariat aux langues officielles / Association d'études canadiennes, 1989, p. 135-144, et dans « Pays réel, pays légal : le fait minoritaire entre la communauté et le droit », (à paraître) Actes du colloque de l'ACSALF, Moncton, 1988.
[61] Paradoxalement cependant, si cette perspective se fonde en principe sur les capacités et dynamismes de l'individu, en pratique elle fait encore passablement appel à l'aide de l'État qui multiplie ses programmes de financement et d'appui à l'entrepreneuriat. Au Nouveau-Brunswick, les Commissions industrielles régionales sont les principales promotrices de cette approche et elles utilisent à cet effet abondamment les ressources de l'État. Voir là-dessus Greg Allain, « Initiatives locales ou créations gouvernementales : genèse et développement des Commissions industrielles régionales au Nouveau-Brunswick », la Revue de l'Université de Moncton, vol. 22, nos 1-2 (1989), p 223-245.
[62] Bien que la décennie des années 1980 ait valorisé énormément, partout au Canada français, la fonction entrepreneuriale, il n'existe pas à notre connaissance d'analyse exhaustive de ce phénomène pour l'Acadie. Donald Savoie et Maurice Beaudin, dans la Lutte pour le développement : le cas du Nord-Est, Québec, Presses de l'Université du Québec, 1988, p. 179 et ss., soulignent pour leur part le déploiement d'un entrepreneuriat acadien dans le nord-est du Nouveau-Brunswick au cours des dernières années. Pour une analyse socio-historique de l'entrepreneuriat au Canada français, voir Gilles Paquet, « Entrepreneurship au Canada français », Transactions of the Royal Society of Canada, Cinquième série, vol. 1, 1986. On trouvera aussi dans Individu, société et politique (L. Cardinal, J. Lapointe et J. Y. Thériault, Ottawa, Secrétariat d'État / Vision d'avenir, 1990, p. 45 et ss.) une discussion sur la socio-économie des années 1980 au sein des communautés minoritaires francophones du Canada.
[63] Marc Johnson, les Stratégies de l’Acadianité : Analyse socio-historique du rôle de la presse dans la formation de l'identité acadienne, thèse de doctorat, Université de Bordeaux II, Bordeaux, 1991, p. 401.
[64] Sur l'analyse des pratiques identitaires des années 1980 : M. Ali Khodja, « Connaissance et politique : quelques réflexions sur le développement de la sociologie en Acadie » ; J. Y. Thériault, « État, ethnie et démocratie », et « l'Autonomie aujourd'hui » ; Marc Johnson, les Stratégies de l’Acadianité ». Pour des analyses bilans qui démontrent le maintien d'écarts socio-économiques importants entre les régions acadiennes du Nouveau-Brunswick et leur environnement, voir André Leclerc, l'Économie des régions acadiennes et des régions du nord et de l'est du Nouveau-Brunswick : le produit intérieur brut et le revenu personnel régional, Petit-Rocher, Conférence permanente des institutions acadiennes, 1984 ; D. Savoie et M. Beaudin, la Lutte pour le développement ; et Greg Allain, l'État et les organismes de développement économique régional au Nouveau-Brunswick, 1960-1990, thèse de doctorat, sociologie, University of California, Santa Barbara, en cours, ch. 2.
[65] Le phénomène migratoire et les problèmes du développement régional ont été récemment étudiés à partir d'une communauté acadienne du Cap-Breton par Constance P. deRoche : The Village the Vertex ; Adaptation to Regionalism in a Complex Society, Occasional Papers in Anthropology, n° 12, Department of Anthropology, Saint-Mary's University, Halifax, 1985, 408 p. ; « Going Away to Stay at Home : The Role of Circular Migration Among Cape Breton Acadians », Man in the Northeast, n° 34, 1987, p. 99-115 ; « Work Worlds and World views : An Interpretation of Socio-Economie Strategies Among Cape Breton Acadians », « Rock in a Stream » : Living with the Political Economy of UnderDevelopment in Cape Breton, C. P. de Roche and J. E. de Roche, ed., St-John's Instituts of Social and Economic Research, Memorial University, St-John's, 1987, p. 73-104.
[66] Malgré certaines analyses plus optimistes (voir Dollard Landry, « le Développement en Acadie et la contribution du MEER », Revue de l’Université de Moncton, n° 13 (janvier-mai 1980), p. 25-41) la plupart des bilans des efforts gouvernementaux en matière de développement sont plus critiques : voir Greg Allain, « Une goutte d'eau dans l'océan : Regard critique sur le programme des subventions au développement régional du MEER dans les Provinces Atlantiques, 1968- 1979 », Revue de l’Université de Moncton, vol. 16, nos 2-3 (avril-décembre 1983), p. 77-111 ; « l’Alternative officielle à la création d'emplois : les programmes gouvernementaux de création d'emplois, un dossier peu reluisant dans les provinces Maritimes et au Nouveau-Brunswick », dans Robert Laplante (dir.), Politiques d'emploi à partir d'initiatives locales : le cas du Canada francophone, rapport de recherche soumis à la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada et à l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), Montréal, 1985, p. 125-208.
[67] Bernard Gauvin et Marie-Thérèse Seguin, « Chômeuses et travailleuses : les femmes des usines de transformation du poisson au Nouveau-Brunswick », Cahiers de recherche sociologique, vol. 6, n° 1 (printemps 1988), p. 155-172 ; Rita Roy et M.-T. Seguin, « les Usines de transformation du crabe au Nouveau-Brunswick : profil d'une industrie en phase de restructuration », Égalité, n° 20 (hiver 1987), p. 41-61, et « les Usines de transformation du crabe au Nouveau-Brunswick : les agents intervenant dans la restructuration du travail », Égalité, n° 28 (automne 1990), p. 123-147.
[68] Serge Côté, « Syndicats et grèves au Nouveau-Brunswick », la Revue de l'Université de Moncton, vol. 10, n° 1 (janvier 1977), p. 41-50 ; Orner Chouinard, « la Lutte pour le droit à la syndicalisation et le projet de loi 94 », Égalité, vol. 3, n° 5 (printemps 1982), p. 39-59, et « Pêcheurs et coopération dans la péninsule acadienne », Coopératives et développement, vol. 19, n° 2 (1987-1988), p. 39-64 ; Greg Allain et John Tivendell, « les Jeunes et le syndicalisme au Nouveau-Brunswick », Égalité, n° 30 (automne 1991), p. 69-95 ; Greg Allain, « l'Évolution du syndicalisme, au Canada et au Nouveau-Brunswick », Égalité, n° 31 (printemps 1992), p. 41-75 ; Raymond Léger, « l'Évolution des syndicats au Nouveau-Brunswick de 1910 à 1950 », Égalité, n° 31 (printemps 1992), p. 19-41.
[69] Jean-Bernard Robichaud, Objectif 2000 : Vivre en santé au Nouveau-Brunswick : 1,1985, la Santé des francophones ; II, 1986, le Système de services de santé ; III, 1987, le Point de vue de la population, Moncton, Éditions d'Acadie. De Néré Saint-Amand, voir Folie et oppression : l'intervenant en institution psychiatrique, Moncton, Éditions d'Acadie, 1985. Sur la santé on peut aussi noter le regard sociologique sur la santé des femmes posé par Nasser Baccouche, Femmes acadiennes, la révolution silencieuse, document de recherche soumis à Centrelles, Moncton, 1988, 139 p. Enfin, le numéro spécial de la revue Égalité, n° 21 (printemps-été 1987), « la Santé : au delà du médical », préparé sous la direction de Alice Breau et Nasser Baccouche présente une vue intéressante sur l'ensemble du secteur.
[70] Murielle Belliveau, Pour une sociologie de la poésie acadienne : analyse structuraliste-génétique de Cri de terre de Raymond LeBlanc, thèse de maîtrise, sociologie, Université de Montréal, 1984 ; « Analyse critique », dans Raymond Leblanc, Cri de terre, 3e édition revue et corrigée, Moncton, Éditions d'Acadie, 1992, p. 69-92.
[71] Robert Young, « Voluntary associations in New Brunswick : Past and Future », M. Beaudin et D. J. Savoie (dir.), le Nouveau-Brunswick de l'an 2000, Moncton, Institut canadien de recherche sur le développement régional, 1989, p. 144-145. La tendance à un développement marqué, au cours des dernières années, de la vie associative a aussi été notée pour le Québec français. Voir sur cette question, Simon Langlois, la Société québécoise en tendances 1960-1990, Ch. 5, « Vie associative », Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1990, p. 105-109.
[72] Égalité, n° 29 (printemps 1991), Vivre en français Concertation 1991.
[73] Donald Savoie, « Préface », B. Higgins et M. Beaudin (dir.), Impact de l'Université de Moncton sur les régions de Moncton, d'Edmundston et de Shippagan, Institut canadien de recherche sur le développement régional, Moncton, 1988, p. iii.
[74] Camille-Antoine Richard, « l'Acadie, une société à la recherche de son identité », loc. cit.
[75] Voir J. Y. Thériault « l'Autonomie aujourd'hui : la question acadienne sous le regard des idéologies politiques actuelles ». Les paragraphes suivants reprennent certains éléments de ce texte.
[76] On se réfère ici au titre français du livre de Albert O. Hirschman, Bonheur privé, action publique, Paris, Fayard, 1983.
[77] On pense notamment à Christopher Lash, le Complexe de Narcisse, Paris, Laffont, 1979 ; Gilles Lipovetsky, l'Ere du vide, Paris, Gallimard, 1983 ; Anthony Giddens, Modernity and Self-ldentity, London, Polity Press, 1991.
[78] Le numéro du magasine Ven’d'est (numéro 29, 1989) spécialement consacré au rapport entre les milieux culturels et l'espace acadien nous était apparu comme un bon exemple de la fragmentation identitaire des années 1980. Une identité moins totalisante et plus fragile que celle présente dans l'affirmation identitaire des années 1970. Lorsqu'on compare d'ailleurs la formule du magasine Ven'd'est à celle de son prédécesseur l'Acayen, on est aussi frappé par une plus grande légèreté d'ensemble et une multiplicité des lectures. Voir sur cette question, J. Y. Thériault, « Lourdeur et légèreté du devenir de la francophonie hors-Québec ».
[80] Ce classement des femmes parmi les apports « sectoriels » à la connaissance de l'Acadie peut sembler étonnant, surtout à la lumière des travaux féministes, tels ceux de la sociologue Dorothy Smith (The Conceptual Practices of Power : A Feminist Sociology of Knowledge, Toronto, The University of Toronto Press, 1990) qui proposent une nouvelle épistémologie, féministe et globale. En Acadie, les études sur les femmes sont relativement récentes, de type monographique et empirique. C'est pourquoi nous les avons classées en termes d'études sectorielles. Pour un bilan des catégories d'études sociologiques féministes à l'échelle canadienne, voir M. Eichler, « And the Work Never Ends : Feminist Contributions », Canadian Review of Sociology and Anthropology, vol. 22, n° 5, 1985, p. 619-644 ; voir aussi le numéro du 25e anniversaire de la Revue canadienne de sociologie et d'anthropologie intitulé « Feminist Scholarship » (25 : 2, mai 1988).
[81] D. Savoie et M. Beaudin, la Lutte pour le développement, p. 186. C'est encore ici une tendance qui s'est manifestée pour l'ensemble au Canada français et particulièrement au Québec.
[82] André Leclerc, l'Économie des régions acadiennes et des régions du nord et de l’est du Nouveau-Brunswick : le produit intérieur brut et le revenu personnel régional, Petit-Rocher, Conférence permanente des institutions acadiennes, 1984.
[83] R. Breton, « Communautés ethniques, communautés politiques », loc. cit.
[84] Le point de vue sociétal adopté dans le présent texte nous a fait délaisser quelque peu l'analyse des études monographiques à portée plus micro-sociologique. Ce point de vue nous était dicté par l'évidence d'un regard holiste dans la plupart des travaux des sociologues acadiens. Une attention plus particulière à ces travaux, habituellement le fait d'anthropologues non acadiens et ne lisant pas la réalité acadienne à partir de « l'idéologie nationale », permettrait une meilleure compréhension de la structuration des rapports sociaux dans un contexte minoritaire. Voir notamment, sur la communauté de Sainte-Marie-sur-mer au Nouveau-Brunswick, Nanciellan Davis (Sealy), Ethnicity and Ethnic Croup Persistence in an Acadian Village in Maritime Canada, New York, ÀMS Press, 1985 ; « The Consequences of Development Strategies in an Acadian Maritime Village », Papers of the Fourth Annual Congress of the Canadian Ethnotogical Society, 1977, R. J. Preston, éd. Ottawa, National Museums of Canada, 1978, p. 71-84 ; et « Women's Work and Worth in an Acadian Maritime Village », in Women and World Change, Naomi Black and Ann Baker Cottrell, éd., Beverly Hills, Sage, 1981, 97-118. Sur une communauté acadienne du Cap-Breton, voir C. de Roche, The Village, the Vertex : Adaptation to Regionalism and Development in a Comptex Society.
[85] On se réfère ici au sens wébérien du type idéal. Pour Weber en effet le type idéal est une sorte de matrice nous permettant de comprendre certains traits dominants d'une réalité sociale sans pour autant que ce type idéal se trouve à l'état pur dans aucune réalité sociale concrète. On trouvera dans la section « les Types idéaux », p. 49-59 du livre de Philippe Raynaud Max Weber et les dilemmes de la raison moderne, Paris, PUF, 1987, une présentation succincte du concept de type idéal.
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