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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

“ Les fonctions de l'hôpital dans la nouvelle société ” (1966)
Introduction: la position du problème


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de M. Marc-Adélard Tremblay, “Les fonctions de l'hôpital dans la nouvelle société”. Conférence prononcée au premier congrès de l'Association des hôpitaux généraux du Québec, tenu à Québec, juin, 1966, 22 pp. [M Marc-Adélard Tremblay, anthropologue, retraité de l’enseignement de l’Université Laval, nous a accordé le 4 janvier 2004 son autorisation de diffuser électroniquement toutes ses oeuvres.]

Introduction:
la position du problème


C'est avec beaucoup d'appréhension que nous avons, accepté (1) d'aborder une question à la fois aussi large et aussi complexe que celle de définir les fonctions nouvelles de l'hôpital dans la société technique. Il nous faut avouer que n'ayant jamais été hospitalisé, nous n'avons point une connaissance vécue de l'hôpital, ce qui est un peu trahir ma discipline que d'en parler quand même. Au surplus, et ceci vient accentuer notre témérité, le champ de la sociologie médicale (2) est à peu près inexistant au Canada français. Afin de justifier cette dernière constatation, on peut invoquer un certain nombre de faits historiques. La sociologie, l'anthropologie et les sciences de l'homme sont encore de jeunes sciences chez nous. De plus, les frontières interdisciplinaires (ou les manières de découper la réalité) ont empêché et empêchent encore un rapprochement plus fécond des sciences médicales et des sciences humaines. On pourrait identifier plusieurs autres facteurs, dont en particulier le peu d'importance que l'on a accordé jusqu'à maintenant à la recherche fondamentale. Cette convergence de facteurs explique donc le peu de connaissances sociologiques dont nous disposons sur l'hôpital du Canada français. Une troisième difficulté, celle-là liée à la nature du phénomène sous observation, vient s'ajouter à celles déjà mentionnées. Les changements qui se produisent dans la pratique médicale et dans l'univers hospitalier sont si nombreux et rapides qu'il est difficile non seulement de les inventorier mais aussi d'en comprendre les ramifications profondes à la fois dans les structures institutionnelles et sur le patient lui-même.

Afin de mieux encadrer nos observations, nous aimerions énoncer notre hypothèse de travail. La voici: les changements qui sont aujourd'hui visibles dans l'univers des soins hospitaliers (qu'ils soient le résultat d'une action concertée ou le fruit du hasard) sont parallèles à ceux qui se produisent dans d'autres univers socio-culturels. Aussi, dans une analyse prospective de l'hôpital qui tend à être compréhensive, il serait tout à fait maladroit de dissocier la trilogie malade-hôpital-soins infirmiers de la société globale. Même si ce n'est pas le type d'analyse que nous entendons poursuivre ici, notre exposé suppose que nous respections une autre exigence. On ne saurait, en effet, parler avec cohérence de l'hôpital de l'avenir sans se référer aux contextes hospitaliers d'hier et d'aujourd'hui.

On nous a demandé de redéfinir les fonctions de l'hôpital par rapport aux exigences de la société nouvelle. Cette société moderne est urbaine et industrialisée, elle est technique et bureaucratique, elle est, enfin, de type scientifique. Il n'est point nécessaire de tracer ici le profil de l'ensemble des caractéristiques de la société moderne. Le trait dominant de cette nouvelle société c'est, du point de vue individuel» l'enrichissement de la conscience et de la rationalité, du point de vue collectif» le développement et la planification. Par cette dernière remarque, nous voulons signifier que les individus, seuls ou collectivement, réfléchissent sur leurs expériences de vie, les cadres institutionnels et les situations sociales dans le but de mieux se connaître, bien sûr, mais aussi avec l'intention de transformer le milieu afin qu'il soit davantage au service de l'homme.

Si le développement de la société - dans le sens d'une transformation et d'un progrès constamment perfectibles -constitue une finalité fondamentale, c'est que les individus sont prêts à prendre en charge tout un ensemble de transformations sociales et de les orienter en fonction des choix les plus rationnels possible. C'est par ce biais, celui d'une anthropologie du développe-ment, que la question posée m'intéressait au plus haut point et que je m'y reconnaissais quelque compétence.

Si nous transposons ces notions de développement et de planification au domaine de la santé, elles s'expriment dans trois grandes tendances: a) un désir d'améliorer l'hygiène corporelle et mentale ainsi que la santé "publique"; b) la prise en charge de cette amélioration par une activité coordonnée dans trois champs d'action: le traitement et la réadaptation, la recherche fondamentale et appliquée, la prévention sous toutes ses formes; et c) la conception de l'hôpital général comme un instrument de planification.

Tenant compte de ces applications, spécifions encore davantage l'hypothèse que nous énoncions plus tôt. Il s'agit d'illustrer ici comment l'hôpital en tant que système social est le reflet de la société globale et de définir les interventions nécessaires pour conférer à l'hôpital moderne les fonctions de haute efficacité tout en prévenant les conséquences déshumanisantes qui sont associées à l'avancement technique.

Ajoutons que nos observations porteront surtout sur l'hôpital général avec départements spécialisés. Notre intention n'est évidemment pas de rétrécir ou de compartimentaliser la notion de maladie, mais plutôt de choisir un type institutionnel comme champ privilégié de prospection. Ce choix est motivé à la fois par l'importance numérique et professionnelle de ce cadre hospitalier et par les nouvelles fonctions qu'il est appelé à assumer dans la planification des soins infirmiers et hospitaliers. Ainsi comprises, nos références à l'hôpital général nous obligeront à définir le concept de santé d'une manière extensive et à préciser les nouvelles fonctions de l'hôpital dans le domaine de la santé physique et psychique (base régionale).

Ayant défini les principales coordonnées de notre analyse, voici comment se déroulera notre propos. Dans une première partie, nous présenterons deux types d'hôpitaux; l'hôpital traditionnel et l'hôpital moderne et nous indiquerons comment s'est effectué le passage d'un type à l'autre. Pour chacun de ces deux types nous spécifierons la conception de la santé et de la maladie, les fonctions de l'hôpital ainsi que les principaux traits de la culture hospitalière et de son ouverture sur la société. La seconde partie, beaucoup plus courte, traitera de l'hôpital de l'avenir.


Notes:

(1) Nous tenons à remercier tous les membres du Groupe de recherche en sociologie médicale, à savoir: Jean-Marc Bernard, Raymond Côté, Marc Fortier et Lucien Laforest, qui nous ont aidé dans la préparation de cette communication. Cette collaboration a pris la forme de discussions de groupe et de recherches bibliographiques.

(2) Il ne faut point confondre ce champ avec celui de la médecine sociale qui recouvre principalement l'ensemble des mesures sociales et législatives ayant trait à la protection de la santé de l'individu.


Retour au texte de l'auteur: Marc-Adélard Tremblay, anthropologue, retraité de l'Université Laval Dernière mise à jour de cette page le vendredi 5 décembre 2008 19:18
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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