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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jean-Guy Vaillancourt, Deux nouveaux mouvements sociaux québécois: le mouvement pour la paix et le mouvement vert. Un article publié dans louvrage sous la direction de Gérard Daigle et Guy Rocher, Le Québec en jeu. Comprendre les grands défis. Chapitre 28 « Deux nouveaux mouvements sociaux québécois: le mouvement pour la paix et le mouvement vert » (pp. 791 à 807). Montréal: Les Presses de lUniversité de Montréal, 1992, 812 pp. [Autorisation formelle accordée, le 9 mars 2004, par M. Jean-Guy Vaillancourt de diffuser cet article.] Introduction Parmi les acteurs collectifs qui ont tenu une place centrale dans la mise en marche des changements considérables qui ont affecté la société québécoise durant les trois dernières décennies, il faut mentionner tout d'abord les partis politiques et les syndicats ouvriers, et aussi de nombreuses autres organisations économiques, professionnelles, médiatiques, éducatives, voire religieuses. Mais certains mouvements sociaux, tout particulièrement, ont joué un rôle crucial dans ces transformations économiques, sociales, politiques et culturelles. Le mouvement féministe, ainsi que les mouvements populaires et autogestionnaires sont deux de ces mouvements, mais il y en a d'autres. Certains sont plus anciens, comme le mouvement nationaliste, qui s'est radicalisé dès le début des années soixante avec la montée de l'indépendantisme, et le mouvement ouvrier, qui s'est institutionnalisé, non pas dans un parti politique, mais dans des organisations syndicales qui sont passablement politisées. Ces deux mouvements ont eu des hauts et des bas au cours des trente dernières années, mais ils demeurent importants, comme l'atteste par exemple la participation de plusieurs de leurs leaders à la Commission Bélanger-Campeau sur l'avenir constitutionnel du Québec. Le mouvement coopératif est un autre mouvement québécois plus ancien, qui a laissé une forte empreinte sur la société québécoise actuelle. Ses racines remontent au début du siècle, et en moins de cent ans, il s'est ramifié en un réseau imposant de caisses populaires et de compagnies d'assurances, mais aussi de coopératives agricoles, d'habitation, de consommation et de production. Parmi les mouvements québécois plus récents qui ont eu une influence considérable durant la période 1960-1990, on pourrait aussi mentionner le mouvement des jeunes (surtout, mais pas exclusivement, étudiant), les mouvements urbains et régionalistes, le mouvement de protection des consommateurs, le mouvement de solidarité internationale et divers mouvements religieux, comme le mouvement charismatique. Parmi tous ces mouvements sociaux qui se sont développés au Québec depuis le début de la Révolution tranquille, il y en a toutefois deux qui me semblent spécialement dignes d'intérêt et de mention: le mouvement pour le désarmement et la paix, et le mouvement de protection de l'environnement, plus communément appelés le mouvement pacifiste et le mouvement écologiste. Si je n'utilise pas d'emblée ces deux derniers termes, c'est qu'ils me semblent trop restrictifs, car les pacifistes et les écologistes ne représentent qu'une partie restreinte, c'est-à-dire l'aile la plus radicale, et parfois aussi la plus visible, de chacun de ces deux mouvements sociaux contemporains. Le mouvement pour le désarmement et la paix et le mouvement de protection de l'environnement, que pour être bref j'appellerai ici le mouvement pour la paix et le mouvement vert, faute de meilleurs termes, sont souvent caractérisés comme étant de nouveaux mouvements sociaux, par opposition aux mouvements sociaux plus anciens comme le mouvement ouvrier et le mouvement nationaliste. Selon certains sociologues européens, les nouveaux mouvements sociaux ont surgi après 1960, à partir des revendications inédites qui sont apparues à cause des conditions structurelles de type nouveau propres à cette période. Dans cette société industrielle avancée ou postindustrielle en émergence, de nouveaux types d'action collective ont surgi à cause de problèmes et de tensions issus d'une expansion économique rapide et des politiques redistributives de l'État-providence. Une série de crises se sont manifestées sur divers plans (emploi, environnement, course aux armements, qualité de vie, etc.), en même temps que la bureaucratisation et le contrôle technocratique croissants dans les diverses sphères de l'activité humaine et de la vie quotidienne. Les acteurs sociaux ont alors été conduits à essayer de reprendre le contrôle de leur identité en créant des réseaux communautaires basés sur la coopération et l'actualisation de soi, et en défiant les frontières établies de la politique institutionnelle traditionnelle. Selon une expression chère à certains théoriciens des nouveaux mouvements sociaux, ces mouvements tentent de se réapproprier des espaces de liberté dans la société civile en luttant contre l'appropriation étatique du tissu social. Pour les théoriciens des nouveaux mouvements sociaux, il va sans dire que le mouvement vert et le mouvement pour la paix sont deux des plus intéressantes parmi ces nouvelles formes d'action collective. Un des problèmes avec certaines des théories des nouveaux mouvements sociaux, c'est que ces mouvements ne sont pas aussi nouveaux qu'on pourrait le croire à première vue. Des mouvements dits anciens partagent avec eux, à des degrés divers, certaines des caractéristiques qui sont censées être l'apanage exclusif des nouveaux mouvements sociaux. Le mouvement pour la paix et le mouvement vert ne sont pas nés ex nihilo avec les luttes étudiantes et la nouvelle gauche des années soixante, ils ne sont pas complètement différents d'autres mouvements antérieurs à cette période, et leur croissance ne s'explique pas uniquement par l'apparition de la société postindustrielle. Par ailleurs, ils sont vraiment nouveaux dans le sens qu'ils se développent de façon passablement originale et qu'ils luttent différemment pour faire face à de nouveaux problèmes et à de nouveaux enjeux. Ils articulent et réfléchissent des changements sociaux et idéologiques profonds apparus après 1960. Les problèmes et les tensions quant à l'environnement et à la paix mondiale se sont manifestés différemment après 1960 et les enjeux ont changé passablement; les solutions proposées ont donc varié elles aussi. En somme, le mouvement vert et le mouvement pour la paix des trois dernières décennies continuent partiellement les mouvements semblables apparus antérieurement, même s'il y a eu une certaine rupture et beaucoup d'innovations durant les années dont nous traitons, étant donné les changements économiques, politiques et culturels considérables qui ont marqué cette période.
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