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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir de l'article de M. Michel Verdon, La structure des occupations dans un village de colonisation au Lac Saint-Jean . Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Marc-Adélard Tremblay et Gérald-Louis Gold, Communautés et culture. Éléments pour une ethnologie du Canada français. Chapitre 3, pp. 83-94. Montréal: Éditions HRW, ltée, 1973, 428 pp. [Autorisation de diffuser cet article accordée par l'auteur le 1er février 2004] Au moment de la publication de cet article, M. Verdon enseignait à Cambridge University. Introduction S'il peut paraître curieux qu'un article semble traiter d'économie dans un ouvrage d'anthropologie et de sociologie, il est donc de notre devoir de justifier cette prétention en montrant l'apport possible de l'anthropologie à la compréhension économique d'un phénomène. C'est dans ce but que nous nous appliquerons à souligner en quoi cet apport peut être spécifique et en quoi il se dégage de l'économie. D'un point de vue plus théorique, nous essaierons de définir notre orientation en mettant en question certaines conceptions implicites dans nombre d'études non anthropologiques de l'organisation économique des régions rurales. Pour comprendre la rationalité de certaines occupations, il ne suffit pas de connaître l'organisation économique du groupe étudié; il faut aussi les intégrer dans un ensemble de «choix» (façon délibérément métaphorique de parler des données socio-culturelles) beaucoup plus vastes, et qui ne dépendent surtout pas d'une volonté individuelle. Il devient aussi nécessaire de comprendre pourquoi certains «choix» sont possibles et pourquoi certains autres ne le sont pas. Par exemple, dans un milieu tel que le lac Saint-Jean, auquel nous appliquerons cette démarche pour appuyer nos prétentions, il ne suffit pas de comprendre le fonctionnement de l'industrie laitière; on doit également essayer de saisir la raison pour laquelle aucune industrie textile ou aucune industrie du cuir n'est née, si le milieu en offrait la possibilité économique. Le problème se pose ainsi de la façon suivante: réintégrer la rationalité économique au sein d'une rationalité plus globale: la survie, tant collective qu'individuelle, au sein d'un environnement physique, social et culturel. Ces dernières lignes frôlent le lieu commun. Mais ceux qui, à l'instar des économistes, prennent le milieu urbain comme point de départ de leurs analyses, trouveront certaines difficultés à accepter ces prémisses. En débutant l'analyse par le pôle d'attraction urbain, la majorité des milieux non urbains (que nous qualifierons de «ruraux» sans nous engager byzantinement dans une longue discussion sur la nature du «rural» et de «l'urbain») apparaissent comme des anomalies ou des survivances économiques d'un autre âge. Toute rationalité propre leur est niée, puisqu'ils ne participent pas au «développement économique». Si donc l'on veut tenter d'expliquer la rationalité des milieux ruraux, on doit partir d'eux-mêmes, et non vouloir les comprendre à partir de ce qu'ils ne sont pas: des milieux urbains. En tant qu'anthropologue, nous prenons donc un point de départ contraire à celui de l'économiste. Nous ne nous demandons pas pourquoi tel village n'est pas une ville ou comment faire disparaître un village pour en faire participer les villageois au grand banquet urbain ... Au contraire, nous supposons au village une rationalité propre. Le village est, et ses membres veulent avoir le droit de se définir à l'intérieur de cette réalité socio-culturelle. Si, au contraire, on attribue au village une rationalité économique qui devrait le mener à la ville ou aux centres industriels, on commet une erreur commune en sciences sociales: on pense le village comme une somme d'individus pour lesquels il est plus avantageux de se rendre à la ville. On oublie alors grossièrement la réalité qui rend possible tout discours scientifique sur la société: que toute entité sociale forme un système socio-culturel où les choix individuels ne se font pas au nom d'une logique pure. En tombant dans ce piège, certains auteurs se permettent alors un vocabulaire qui traduit le caractère métaphysique de leurs discours: «motivation économique», «esprit d'entreprise», etc. ; ils professent un genre de philosophie volontariste pour corseter à tout prix certains comportements sociaux dans un vêtement économique.
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