[32]
Jean-Pierre WAMPACH *
“Effets des facteurs de production
et effets régionaux
sur le revenu agricole.”
In revue Canadian Journal of Agricultural Economic/Revue canadienne d’économie rurale, vol. 16, no 3, 1968, pp. 32-37.
- Résumé
- Abstract. Resource and area effects on agricultural income
- Introduction
- Quelques éléments d’une théorie économique des différences inter-régionales de productivité du travail agricole.
- Méthode
- Principaux résultats
- Les sources des différences inter-régionales de productivité du travail agricole.
- Conclusions et implications
- Références citées
- Annexe 1
- Annexe 2
- Annexe 3
Résumé
Plusieurs explications du bas niveau des revenus agricoles par tête mettent sur le même plan des variables appartenant à des corps théoriques distincts et dont l'effet s'exerce dans des temps opératoires différents. Le concept d'une fonction agrégée de production à niveau variable selon les régions permet de synthétiser un certain nombre de variables affectant la productivité du travail agricole et donc la partie du revenu agricole qui est d'origine agricole. Les mouvements le long de la fonction agrégée de production expliquent les différences inter-régionales de productivité imputables aux facteurs de production et aux économies d'échelle tandis que les déplacements de la fonction mesurent les effets régionaux des conditions naturelles et/ou du développement urbain et industriel. Appliquée aux agricultures du Québec et de l'Ontario, l'analyse économétrique dégage le rôle croissant des effets régionaux par rapport à celui des facteurs de production tandis qu'une analyse graphique illustre la relation entre scolarité et revenu.
RESOURCE AND AREA EFFECTS
ON AGRICULTURAL INCOME
This paper is an attempt to measure, describe and analyze interregional différences in value productivity of labor in Québec and Ontario agricultures, in 1951 and 1961. Measurement reveals important and persistent differences in the average value productivity of labor between regions. The list of economic and non-economic variables which influence labor productivity and thus agricultural per capita income is a growing one and it is not always stressed to what theoretical body they belong and within what period of time they operate. In his paper some of the economic variables which have a bearing on agricultural per capita income at a given point of time at the regional level have been synthetized through the concept of an aggregate production function whose level is allowed to shift from region to region. Il is then possible to analyze the régional différences in labor productivity in terms of capital and intermediate inputs associated with labor on farms, of scale economies and regional effects. This approach pertains only to the agricultural source of the per capita income of farmers, it does neither explain their decisions with respect to the capital and intermediate inputs used nor the nature of the regional effects ; it calls for a second stage of explanation where the adjustment of agriculture to economic growth would enter the picture. Results of fitting Cobb-Douglas functions to county averages per farm observations show that capital and intermediate inputs and scale economies explain most of the regional differences in labour productivity in 1951 ; in 1961 scale economies and régional effects are more important than capital and intermediate inputs. Regions at the periphery of the group of regions between Québec and Ottawa are shifting away from the aggregate production function for the two provinces. This movement means that in 1961 comparative (dis)advantages have become more pronounced than in 1951. At the level of personal characteristics of farmers, a graphical analysis shows a relationship between average value productivity of labor at the régional level and the proportion of farmers in each region having more than elementary schooling. Implications for the income and poverty problems are that the capital/labor ratio, the Intermediate inputsllabor ratio, scale économies and location are important déterminants of agricultural per capita income.
However, those factors should not be considered separalely from the régional relative movements of products and factors demand and supply, which are tied to economic growth ; the same remark applies to the role of education. Further reshuffling of farmer’s labor between regions within the agricultural sector would contribute, with appropriate adjustmenl of capital and intermediate inputs, to an increase in average agricultural per capita incarne in the two provinces.
INTRODUCTION
En 1951, la productivité moyenne en valeur du travail agricole s'élevait à $1,735 dans la région des environs de Montréal, soit un montant 2.3 fois plus élevé que dans la Gaspésie-Côte Nord ($759). [1] Dans le même temps, le chiffre atteint dans la région des environs de Montréal ne représentait lui-même qu'environ la moitié du rendement moyen en valeur par agriculteur dans la région de London-Windsor-Kitchener ($3,373). En 1961, les productivités du travail dans les trois régions furent respectivement de $1,432, $2,936 et $5,529 : une forte augmentation générale allait de pair avec le maintien d'importants écarts entre les régions. [2] Bien que n'étant pas des productivités marginales, ces mesures semblent indiquer que l'allocation dans l'espace du travail agricole n'est pas optimale. [3] L'objet de ce travail est un essai de mesure, de description et d'analyse des différences inter-régionales de productivité du travail agricole au Québec et en Ontario, en 1951 et en 1961.
Quelques éléments d'une théorie économique
des différences inter-régionales
de productivité du travail agricole
Le phénomène des différences inter-régionales de productivité du travail agricole renvoie à une réalité éminemment complexe, où sont étroitement imbriqués les éléments naturels et les éléments humains. A priori, l'explication de ces différences relève d'un grand nombre de disciplines. [4] Un examen exhaustif des raisons invoquées pour expliquer les différences de productivité dépasse notre compétence et le cadre d'un article. Nous nous limiterons à quelques interprétations non exclusivement économiques que nous tenterons de synthétiser à l'aide du concept de fonction agrégée de production (2, 6, 15, 17).
On entend souvent soutenir que la raison des variations régionales du revenu par agriculteur est à chercher dans les variations régionales des conditions naturelles (sol, climat, topographie, etc.). Toutefois, en ce qui concerne le sol, il a été vérifié qu'une fertilité élevée n'est pas une condition suffisante de revenu élevé. Ainsi, GOREUX (6) n'a pas trouvé de relation entre la valeur du sol et le revenu net par agriculteur dans plusieurs régions américaines, par exemple, le delta du Mississippi, qui possède des terres qui comptent parmi les plus fertiles du monde et où cependant les revenus agricoles par capita sont parmi les plus faibles des États-Unis. Inversement, aux États-Unis il existe des régions où les terres sont moins fertiles mais le revenu agricole relativement plus élevé, c'est, par exemple, le cas du Nebraska et du Kansas.
L'O.C.D.E., dans son rapport sur les faibles revenus [5] dans l'agriculture (15, pp. 25-31), avance l'influence possible non seulement des conditions naturelles mais aussi de facteurs économiques et extra-économiques : la structure et la localisation des exploitations, le système d'exploitation et le régime foncier, les caractéristiques personnelles des exploitants (âge et compétence). Une ébauche d'analyse statistique de l'influence de ces facteurs est présentée.
BRYANT, aux États-Unis, a poussé davantage la confrontation avec les faits d'hypothèses proches à certains égards de celles avancées par l'O.C.D.E. (2). Il étudie, au moyen d'une analyse de régression et d'observations par comté, l'effet de facteurs démographiques (âge), raciaux, économiques et de localisation sur le niveau moyen des revenus agricoles per capita. Le facteur le plus significatif se révèle être la valeur de la terre et des bâtiments par ferme. La localisation par rapport aux centres de développement urbain et industriel exerce également une action significative sur le revenu agricole, mais seulement dans la partie est du pays. Les résultats de Bryant corroborent partiellement certaines idées de SCHULTZ sur la relation entre le développement économique général et le revenu agricole. [6] Ils montrent qu'il est justifié de distinguer deux catégories de facteurs ayant un effet sur le revenu agricole per capita, la première groupant les influences liées à la localisation par rapport aux centres de développement urbain et industriel, la seconde les facteurs démographiques et économiques indépendants de la localisation par rapport à ces centres. Peut-on synthétiser en partie les idées précédentes à l'aide du concept de fonction agrégée de production ? C'est ce que nous allons voir après un rappel de la théorie économique des variations spatiales de la productivité du travail agricole.
Selon HEADY (10, ch. 25), il y a quatre catégories de changements économiques qui peuvent être à l'origine des variations de productivité (en valeur) : 1° les changements relatifs de la demande et des prix des produits ; 2° les changements dans la fonction de production ; 3° la nature de la fonction d'offre des ressources ; 4° le caractère concurrentiel ou monopolistique des prix. Cet énoncé suffit à faire comprendre que les variations de productivité peuvent avoir leur origine dans n'importe quelle partie du système économique. Or, l'univers économique constitue un tout, et l'on conçoit mal qu'une grandeur économique quelconque puisse s'établir d'une manière indépendante à l'égard de cet univers (5, p. 41).
C'est donc un modèle complet d'équilibre général de l'allocation régionale des ressources qu'il faudrait élaborer et estimer pour rendre totalement compte des différences inter-régionales de productivité du travail agricole (pour un essai dans ce sens, dans le domaine de l'industrie, voir, 11). Un tel modèle est hors de notre portée et nous devrons nous contenter d'une interprétation moins exhaustive.
Des quatre catégories de facteurs pouvant être à l'origine des variations de productivité, nous considérons comme donnés la demande, les prix et la fonction d'offre des ressources et nous n'envisageons comme variable que la fonction de production. Nous supposons : 1° qu'il existe une fonction agrégée de production décrivant les conditions de productions dans le Québec, l'Ontario ou l'ensemble des deux provinces ; 2° que le niveau de cette fonction agrégée de production se déplace vers le haut ou vers le bas selon certaines régions, en d'autres termes qu'un même assortiment de facteurs de production donne plus ou moins de produit dans certaines régions qu'en moyenne au niveau de la province ; 3° qu'en vertu des hypothèses précédentes, les variations régionales de la productivité du travail (fonction dérivée de la fonction de production) s'analysent en termes de mouvements le long et de déplacements de la fonction agrégée de production.
Le concept d'une fonction agrégée de production se déplaçant selon les régions synthétise plusieurs des facteurs étudiés par GOREUX, l'O.C.D.E. et BRYANT. Les déplacements de la fonction reflètent l'effet des conditions naturelles et/ou de la localisation par rapport à des centres de développement urbain et industriel. Les mouvements le long de la fonction tiennent compte de la structure des exploitations (O.C.D.E.) et de la valeur de la terre et des bâtiments par ferme (BRYANT). En modifiant la mesure de l'intrant travail selon l'âge et la compétence (GRILICHES, 9), on pourrait incorporer dans la fonction de production certaines des caractéristiques personnelles des exploitants (O.C.D.E. et BRYANT). Le fait que les mouvements le long de la fonction de production mesurent les effets de tous les intrants de la fonction de production et pas seulement de la valeur des terres et bâtiments par ferme [7] permet à cet égard une étude plus riches des facteurs influençant la productivité du travail agricole et par là le revenu d'origine agricole.
Mais la fonction de production et ses déplacements sont loin de synthétiser tous les facteurs endogènes et exogènes du revenu agricole. Du côté endogène, le système d'exploitation et le régime foncier (O.C.D.E.) sont ignorés, quoique leurs effets puissent être captés par les déplacements de la fonction dans la mesure où ces facteurs ont un caractère régional. [8] Du côté exogène, la fonction de production ne tient pas compte des conditions de la demande sur le marché du travail, que BRYANT mesure par le taux de chômage et la structure de la population active. En définitive, la fonction de production relie, à un moment donné, au niveau régional, une partie des différences inter-régionales de revenu agricole à des variations dans les combinaisons de facteurs de production et à des effets régionaux déplaçant le niveau de la fonction.
Méthode
Les considérations théoriques nous ont conduit au choix d'une analyse des différences inter-régionales de productivité du travail par des mouvements le long d'une fonction agrégée de la production agricole et par d'éventuels déplacements de cette fonction selon certaines régions. L'étude économétrique des fonctions de production soulève les problèmes du choix de la forme mathématique de la fonction, du choix et de la mesure des variables à inclure dans la fonction et du choix de la technique d'estimation des paramètres.
Pour les raisons classiques de bonne adéquation aux faits et de facilité de traitement et d'interprétation, on a choisi la forme Cobb-Douglas, sans contrainte imposée à la somme des élasticités. La forme linéaire dans les logarithmes impose, entre autres, l'hypothèse que l'élasticité de substitution est égale à l'unité. Il aurait été préférable de tester au préalable cette hypothèse, comme l'on fait, par exemple, GRILICHES et SAHOTA (9, 16), mais il aurait fallu disposer de données par compté sur la valeur ajoutée, inexistantes au Canada. [9]
Le choix des variables a été dicté par la théorie de la production, les considérations théoriques précédentes et les disponibilités statistiques (cf. annexe 1, pour les sources et définitions des variables). L'hypothèse de déplacements de la fonction agrégée de production en vertu d'effets de localisation et/ou de conditions naturelles est introduite dans la fonction au moyen de variables 0-1. Certaines régions économiques (cf. 3) du Québec et de l'Ontario ont dû être groupées pour accumuler un nombre suffisant d'observations (cf. annexe 1).
La mesure des intrants est en termes de services producteurs, quand la chose est possible. Ainsi, en 1951, l'intérêt, la dépréciation et diverses dépenses mesurent les services producteurs des machines. En 1961, des services producteurs sont mesurés par l'intérêt et la dépréciation seulement. Si l'on suppose que l'intérêt et la dépréciation représentent des pourcentages identiques de la valeur du stock pour chaque observation, le fait de mesurer les services producteurs des machines par la valeur du stock n'affecte pas l'estimation des paramètres (11, p. 133). Mais l'emploi de pourcentages constants de dépréciation impliques l'hypothèse d'une proportionnalité entre les services producteurs et la valeur, critiquable dans le cas des machines (19).
Les intrants sont mesurés en valeur, sauf la variable agriculteurs en 1951, le travail de l'exploitant et sa famille en 1961, ainsi que les engrais. On a essayé de mesurer le travail réellement dépensé sur la ferme, en éliminant le travail en dehors de l'exploitation ; cette correction ne fut possible qu'en 1961, seule année où les données requises existaient. En 1961, le travail salarié est mesuré en valeur, pour tenir compte des différences inter-régionales dans la qualité de la main-d'oeuvre. On a procédé de même avec la variable terres et bâtiments, ce qui introduit parfois dans la mesure un élément de rente de situation (particulièrement aux environs de Montréal et de Toronto). Mais ceci vaut mieux que de mesurer les services producteurs du sol par des acres et d'ignorer ainsi les différences dans la qualité du sol d'une région à l'autre. [10]
Des erreurs peuvent affecter la mesure de la production comme celle de tous les intrants. En ce qui concerne la production, on étudie à l'annexe 2 jusqu'à quel point la sous-évaluation dont souffre notre mesure peut entacher les comparaisons inter-régionales de productivité du travail. Les mesures des services producteurs de la main-d'oeuvre et des machines peuvent être faussées par le sous-emploi. Dans tous les cas, en vertu de la forme additive dans les logarithmes de la fonction de production, l'erreur due au sous-emploi n'atteint que le terme constant de la fonction et non les élasticités de la production (11, p. 133). Même si le degré de sous-emploi varie avec les observations, l'estimation des élasticités n'est pas biaisée, à condition que les pourcentages d'erreur ne soient pas corrélés avec la variable mal mesures (11, p. 134). Malheureusement, cette condition n'est peut-être pas remplie en ce qui concerne le facteur travail, pour lequel le sous-emploi est peut-être plus important dans les petites fermes que dans les grandes. Il y a donc ici une source de biais dont on essayera de tenir compte dans l'interprétation des résultats.
Les paramètres de la fonction de production ont été estimés par la méthode des moindres carrés appliqués aux logarithmes des variables mesurées en termes de moyennes par ferme et par comté. On a souligné plus haut le caractère d'interdépendance des variables économiques. D'un point de vue économétrique, l'interdépendance a pour effet de rendre les variables mutuellement déterminés et, dans ce cas, la fonction de production ne peut pas être identifiée dans un système ne comportant qu'une seule équation. Cependant, en agriculture, le problème de l'identification d'une fonction agrégée de production paraît beaucoup moins redoutable que dans l'industrie (cf. les considérations sur le problème de l'identification dans 6, 11 et 12). De plus, ZELLNER, KMENTA et DREZE (20) ont montré que si le profit est une variable aléatoire, ce qui est la cas en agriculture, et si les agriculteurs se comportent comme des maximateurs de l'espérance mathématique des profits, alors l'estimation par les moindres carrés d'une fonction de production Cobb-Douglas donne des estimations non biaisées et identiques à celles que fournirait la méthode du maximum de vraisemblance.
Principaux résultats
On a estimé des fonctions de production Cobb-Douglas pour l'Ontario et le Québec, séparément et ensemble, en 1951 et 1961 (tableau I). Les R2 dépassent 0.96 dans les six cas. Les coefficients de régression des intrants sont tous significatifs au niveau de 5%, sauf pour les engrais en 1951 (Ontario), en 1961 (dans les trois cas) et pour la variable terres et bâtiments en 1961, à la réserve près que les coefficient de régression de celle-ci est significatif au niveau de 10% en Ontario. L'ensemble des variables 0-1 ne contribue pas significativement (sur la base d'un test F) à la régression au Québec en 1951 et a été supprimé de l'analyse séparée pour Québec, quoique les Contans de l'Est exercent un effet de localisation significatif dans l'analyse portant sur l'ensemble des deux provinces. [11] Aucun des coefficients de régression des variables régionales n'est significativement différent de 1 pour l'Ontario en 1951, mais, prises ensemble, les variables régionales contribuent de manière significative à la régression.
En 1961, une évolution remarquable se dessine dans les positions relatives des différentes régions par rapport à 1951. De Québec à Ottawa, en passant par les régions de Québec, de Trois-Rivières, des Contons de l'Est, des environs de Montréal et d'Ottawa, on n'observe aucun écart significatif par rapport à la fonction agrégée de production estimée pour les deux provinces. Ces régions formeraient donc un ensemble homogène du point de vue du produit qui peut être obtenu à partir d'une dose donnée d'intrants. Toutes les régions périphériques par rapport à cet ensemble se détachent de la fonction agrégée de production vers le bas au Nord, vers le haut au Sud. L'écart maximum se situe dans le Sud-Ouest de l'Ontario, soit dans la région de London-Windsor-Kitchener où, à dotations égales en facteurs de production, le produit brut par ferme est en moyenne, à niveau donné d'intrants, supérieur de 50% à celui que l'on obtiendrait dans l'ensemble des régions allant de Québec à Ottawa.
L'élasticité de la production par rapport au travail est beaucoup plus élevée en 1961 qu'en 1951, surtout au Québec, où elle double. Ce résultat intéressant tient sans doute à la mesure différente des services
Tableau I.
FONCTIONS DE PRODUCTION COBB-DOUGLAS
POUR L'AGRICULTURE QUÉBEC ET ONTARIO, 1951 et 1961.
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RÉGRESSIONS
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1961
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|
|
VARIABLES
|
Québec
|
Ontario
|
Québec et
Ontario
|
Québec
|
Ontario
|
Québec
et Ontario
|
R2
|
.973
|
.968
|
.963
|
.970
|
.968
|
.965
|
X1 (Agriculteurs)
|
0.247
|
0.456
|
0.323
|
|
|
|
|
(3.82)
|
(2.88)
|
(3.91)
|
|
|
|
X2 (Travail familial)
|
|
|
|
0.532
|
0.678
|
0.683
|
|
|
|
|
(3.68)
|
(3.39)
|
(5-37)
|
X3 Travail salarié)
|
|
|
|
0.145
|
0.126
|
0.181
|
|
|
|
|
(3.82)
|
(2.23)
|
(5.36)
|
X4 (Machines)
|
0.307
|
0.477
|
0.370
|
0.286
|
0.826
|
0.489
|
|
(5.92)
|
(4.53)
|
(5.03)
|
(3.23)
|
(5.09)
|
(5-41)
|
X5 (Cheptel et aliments
|
0.508
|
0.187
|
0.322
|
0.474
|
0.306
|
0.375
|
du bétail)
|
(19.03)
|
(4.14)
|
(9.38)
|
(12.26)
|
(5.13)
|
(10.80)
|
X6 (Terres et bâtiments)
|
0.151
|
0.391
|
0.294
|
0.045b
|
0.219c
|
0.082b
|
|
(2.64)
|
(3.50)
|
(4.48)
|
(0.57)
|
(1.93)
|
(1.14)
|
X7 (Engrais)
|
0.026
|
-0.004b
|
0.028c
|
-0.004b
|
-0.040b
|
-0.012b
|
|
(2.24)
|
(-0.186)
|
(1.83)
|
(-0.22)
|
(-1.38)
|
(-0.66)
|
Somme des coefficients
|
1.240
|
1.507
|
1.337
|
1.478
|
2.116
|
1.799
|
Gaspésie-Côte Nord
|
|
|
-0.028b
|
-0.083
|
|
-O.056
|
|
|
|
(-1.20)
|
(-4.27)
|
|
(-2.48)
|
Abitibi-Laurentides
|
|
|
-0.003b
|
-0.053
|
|
-0.056
|
Lac Saint-Jean
|
|
|
(-0.12)
|
(-2.56)
|
|
(-2.40)
|
Québec-Trois-Rivières
|
|
|
0.015b
|
-0.028b
|
|
0.014b
|
|
|
|
(0.76)
|
(-1.54)
|
|
(0.72)
|
Cantons de l'Est
|
|
|
0.041
|
-0.022b
|
|
0.017b
|
|
|
|
(2.17)
|
(-1.28)
|
|
(0.85)
|
Ottawa
|
|
|
0.044
|
|
|
0.015b
|
|
|
|
(2.45)
|
|
|
(0.79)
|
Sudbury-Lakehead
|
|
-0.032b
|
0.021b
|
|
-0.048b
|
-0.005b
|
|
|
(-1.21)
|
(0.87)
|
|
(-165)
|
(-0.20)
|
Peterborough-Georgian Bay
|
|
0.008b
|
0.045
|
|
0.073
|
0.095
|
|
|
(0.39)
|
(2.55)
|
|
(2.97)
|
(5.51)
|
Toronto-Hamilton
|
|
-O.056b
|
0.014b
|
|
0.057b
|
0.120
|
|
|
(-1.59)
|
(0.62)
|
|
(1.49)
|
(4.88)
|
London-Windsor-Kitchener
|
|
0.016b
|
0.072
|
|
0.121
|
0.176
|
|
|
(0.51)
|
(3.27)
|
|
(3.80)
|
(8.75)
|
Les source et définitions des variables sont données dans l'annexe 1.
a entre parenthèse, les valeurs de t
b non significatif au niveau de 3%
c significatif au niveau de 10%
producteurs du travail dans les deux cas. En 1951, le travail est mesuré par la population active agricole tirée du Recensement de la population, tandis qu'en 1961, les données du Recensement de l'agriculture ont permis une mesure plus précise de l’intrant travail, notamment par l'élimination du travail à temps partiel (cf. annexe l). [12]
D'après nos résultats, les économies d'échelle seraient importantes, voire considérable (Ontario, 1961). GRILICHES (8, 9) a mis en garde quant aux biais qui peuvent grever l'estimation des économies d'échelle. Plus récemment, KISLEV (13) a repris le problème en émettant l'hypothèse d'un biais dû à "l'agrégation synchronisée" et résultant du groupement des observations. L'analyse théorique du biais montre que la mesure des économies d'échelle est biaisée vers le haut. Pour réduire le biais, KISLEV recommande d'introduire des variables 0-1, comme on l'a fait ici ; cette pratique permet d'éliminer les biais dus aux effets-ferme et aux effets-région, mais non ceux dus aux effets-comté : il faudrait pour cela disposer de plus d'une observation par comté. KISLEV a testé son hypothèse sur des données américaines qui confirmèrent son analyses théorique : la somme des élasticités diminue lorsqu'il introduit des effets régionaux. Nos calculs ont eu l'effet contraire : par exemple, dans une analyse non rapportée ici, la somme des élasticités pour l'Ontario en 1961 atteignait 2.004 sans effets régionaux, alors qu'elle passe à 2.116 avec inclusion d'effets régionaux.
Nous pensons que la mesure des économies d'échelle peut également être faussée par des erreurs de mesure des variables. Ainsi, en ce qui concerne le facteur travail, nous avons essayé de tenir compte de la différence entre travail disponible et travail effectivement dépensé sur la ferme (du moins 1961), mais nous n'avons pas distingué entre ce dernier et le travail nécessaire (14). Or, le travail nécessaire peut être inférieur au travail effectivement dépensé, en raison du sous-emploi de la main-d'oeuvre. Si ce sous-emploi est plus important dans les exploitations de faible dimension économique (en termes de ventes par ferme) que dans les grandes, il y a des chances que nous ayions sous-estimé la productivité du travail dans les petites fermes et, par conséquent, sur estimé l'élasticité de la production par rapport au travail et donc les économies d'échelle.
Les sources des différences inter-régionales
de productivité du travail agricole
Nous pouvons à présent utiliser les résultats de l'analyse de régression pour expliquer avec les réserves émise plus haut, les différences observées entre les productivités du travail des régions économiques de l'Ontario et du Québec. Il faut à cet effet dériver de la fonction de production une fonction de productivité (moyenne ou marginale) du travail et analyser ensuite les différences de productivité en termes de combinaisons de facteurs de production, d'économies d'échelle et d'effets de localisation et/ou de conditions naturelles. Le déroulement mathématique de la méthode est exposé dans l'annexe 3.
Remarquons que la méthode employée ici est la simple transposition dans l'espace d'une méthode utilisée par plusieurs économistes de la croissance pour analyser les taux de croissance de la production ou de la productivité du travail (1, 4, 9, 16, 18). Toutefois, elle se distingue, entre autres, par les caractéristiques suivantes. SOLOW (18) mesure la production par la valeur ajoutée et peut donc se limiter aux intrants travail et capital ; nous mesurons la production par les ventes et nous devons donc tenir compte de la contribution des intrants intermédiaires. GRILICHES (9) soutient que le niveau d'instruction scolaire et les dépenses publiques en recherche et vulgarisation sont des variables à incorporer dans la fonction de production ; nous nous sommes limités aux intrants entraînant un coût pour les producteurs agricoles ; or, les variables supplémentaires introduites par GRILICHES entraînent des charges pour la société, non pour les producteurs agricoles. DENISON (4) et SOLOW (20) postulent la théorie de la productivité marginale pour estimer les contributions des facteurs de croissance ; nous estimons ces contributions à l'aide d'une analyse de régression, à l'instar de GRILICHES et SAHOTA (19 et 18).
Prenons comme exemple l'analyse des différences de productivité du travail entre la meilleure et la moins bonne région en Ontario et au Québec et entre la meilleure région de l'Ontario et la meilleure région du Québec (tableau II). [13] En 1951, le capital et les intrants intermédiaires expliquent environ les trois quarts des différences de productivité, le reste allant aux économies d'échelle. Ce sont tantôt les machines, tantôt le cheptel et les aliments du bétail, tantôt les terres et bâtiments qui sont les facteurs les plus importants de supériorité. Ces résultats confirment et élargissent l'hypothèse de BRYANT (2) qui avait utilisé comme substitut pour les intrants cités la valeur des terres et bâtiments par ferme. En 1961, le rôle du capital et des intrants intermédiaires s'amenuise au profit des effets régionaux qui étaient nuls en 1951. Avec les économies d'échelle, les effets régionaux expliquent de 47% à 73% des différences inter-régionales de productivité du travail dans les trois cas considérés.
Les effets régionaux peuvent à la fois être interprétés comme une confirmation de l'influence de la localisation par rapport aux centres de développement urbain et industriel ou de l'effet des conditions naturelles (sol, climat, topographie, etc.). Il n'est pas possible de distinguer ces deux influences car, dans les exemples choisis, l'éloignement ou le rapprochement de centres de développement va de pair avec une détérioration ou une amélioration des conditions naturelles. Les effets régionaux peuvent encore refléter l'influence du système d'exploitation, mis en avant par l'O.C.D.E. (cf. supra). Ainsi, la supériorité de la région de London-Windsor-Kitchener pourrait être due non seulement à sa localisation favorable par rapport à des centres de développement et aux conditions naturelles meilleures mais encore à sa spécialisation dans les produits relativement plus demandés (tabac, fruits, légumes). De même, la supériorité de la région des environs de Montréal sur la Gaspésie-Côte Nord renfermerait, en plus des effets de localisation et des conditions naturelles, celui d'une spécialisation dans le lait de consommation directe. Le jeu du facteur spécialisation régionale souligne une des faiblesses de notre
Tableau II.
SOURCES DES DIFFÉRENCES INTER-RÉGIONALES
DE PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL (en %).
VARIABLES
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Montréal et
Gaspésie-Côte Nord
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London-Windsor-Kitcbener et
Sudbury-Lakebead
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London-Windsor -Kitchener et Montréal
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Agriculteurs
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Travail familial
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Travail salarié
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Machines
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Cheptel et aliments du bétail
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Terres et bâtiments
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Engrais
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Economies d'échelle
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Effet régional
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Résidu
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SOURCE : Tableau I et nos calculs
a entre parenthèse, une approximation de l'erreur standard de la source
b non disponible
c non significatif au niveau de 5%
analyse : il implique des variations régionales de la demande alors que nous l'avons supposée constante de région à région.
Le rôle plus important des effets régionaux en 1961 signifie que les (dés)avantages comparatifs des régions se sont creusé entre 1951 et 1961. L'interprétation de ce mouvement nous ferait sortir du cadre de cet article, centré sur l'analyse des écarts de productivité à un point donné du temps. Dans un second stade de l'explication, il faudra replacer les facteurs responsables des différences de productivité dans le cadre des mouvements régionaux relatifs de l'offre et de la demande des ressources et des produits ; ces mouvements sont liés à la croissance économique et aux redistributions des ressources qu'elle implique.
Une autre limite de l'analyse par fonction de production est qu'elle suppose l'homogénéité des facteurs de production, notamment du facteur travail. Étant donné l'optique choisie qui consiste à n'incorporer dans la fonction de production que les intrants, mesurés en termes de services producteurs, nous n'avons pas voulu, comme l'a fait GRILICHES (9) modifier la mesure du travail de l'exploitant et de sa famille en fonction de la scolarité moyenne atteinte. Nous pensons comme GRILICHES que le niveau de scolarité exerce une influence sur la production, mais nous nous refusons à mettre cette influence sur le même plan que celle des autres intrants de la fonction de production à mettre cette influence sur le même plan que celle des autres intrants de la fonction de production. C’est pourquoi, parallèlement à l'analyse par fonction de production, nous présentons un graphique montrant la relation entre le pourcentage de la population rurale agricole masculine ayant dépassé le niveau élémentaire de scolarité et la productivité moyenne en valeur par agriculteur (graphique 1).
Conclusions et implications
D'importants écarts persistent, au Canada comme dans d'autres pays, entre les revenus agricoles per capita des régions prospères et des régions défavorisées. Il faut expliquer ces écarts, afin de pouvoir y porter remède. A cet égard, la liste des influences possibles sur le revenu agricole s'allonge et contient des variables économiques et extra-économiques qui ne doivent pas être mises sur le même plan théorique et qui n'agissent pas dans le même temps d'opération. Dans un essai de clarification et synthèse, nous avons regroupé sous le concept de fonction agrégée de production un certain nombre de facteurs censés agir, à un moment donné, au niveau régional, sur la productivité du travail agricole et, par là, sur la composante agricole du revenu de l'agriculteur et de sa famille.
L'analyse économétrique a porté sur dix régions économiques du Québec et de l'Ontario, en 1951 et en 1961. Ce sont tantôt les quantités de capital et d'intrants intermédiaires associés au facteur travail, tantôt les économies d'échelle et des effets régionaux qui jouent le plus grand rôle dans les différences inter-régionales de productivité du travail agricole. De 1951 à 1961, les effets régionaux gagnent en importance dans les régions périphériques par rapport à l'ensemble des régions situées entre Québec et Ottawa : les (dés)avantages comparatifs de ces régions périphériques s'accusent, malgré l'accroissement sensible de la productivité du travail dans les régions défavorisées. Sur le plan des caractéristiques personnelles des agriculteurs, une analyse graphique a mis en évidence une relation entre la productivité du travail et le degré d'instruction scolaire.
Ces résultats ne constituent qu'un pas dans l'analyse des différences inter-régionales de revenu agricole. Il faudra, dans des étapes ultérieures, rendre compte des différences dans les combinaisons observées de facteurs de production, donc du comportement économique des agriculteurs qui les ont décidées, et expliciter la nature des effets de localisation, des conditions naturelles et de la spécialisation régionale. Le persistance des écarts de productivité devra s'étudier à la lumière de la dynamique régionale de l'offre et de la demande des ressources et des produits et de leurs liens avec la croissance économique.
Nos résultats ont des implications du point de vue des problèmes de bas revenus et de pauvreté dans l'agriculture. Ils montrent que le niveau du revenu par tête est, à un moment donné, lié au rapport capital/travail et au rapport intrants intermédiaires/travail, de même qu'à la localisation, qui reflète elle-même l'effet de plusieurs autres facteurs. Ces facteurs, tout comme le niveau de formation scolaire, ne doivent toutefois pas être isolés du contexte de la croissance économique et particulièrement des mouvements relatifs régionaux de l'offre et de la demande des produits et des ressources. C'est de ces mouvements, non étudiés ici, que dépend l'évolution des avantages comparés et donc les perspectives d'avenir agricole des différentes régions. Nos résultats suggèrent à cet égard que la redistribution entre les régions des facteurs de production, et notamment du travail de l'exploitant et de sa famille, se poursuivre et contribuera à l'amélioration du niveau moyen du revenu agricole par tête aussi bien au Québec qu'en Ontario.
RÉFÉRENCES CITÉES
1. Auer, L., "Labour Productivity in Agriculture A Conceptual Analysis", Canadian Journal of Agricultural Economies, Vol. XIV, No. 1. 1966, pp. 29-39.
2. Bryant, K. W., "Causes of Inter-County Variations in Farmer's Earnings", Journal of Farm Economics, Vol. 48, No. 3, Part I, pp. 557-577.
3. Camu, P., Weeks, E. P., Sametz, Z. W., Economic Geography of Canada, MacMillan. 1964.
4. Denison, E. W., The Source of Growth in the United States and the Alternatives Before Us, C.E.D., Washington, 1962.
5. Dupriez, C.H., Des mouvements économiques généraux, Louvain, 1951, Vol. I, P. 41.
6. Goreux, L. M., "Revenus nets des agriculteurs et mobilité de la main-d'oeuvre agricole aux États-Unis", Revue d'Économie Politique, Vol. 64, 1954, pp. 53-84.
7. Griliches, Z., "Estimates of the Aggregate Production Function from Gross-Sectional Data", Journal of Farm Economics, Vol. 45, No. 2, May 1963, pp. 419-418.
8. Griliches, Z., "The Sources of Measured Productivity Growth : United States Agriculture, 1940-1960", The Journal of Political Economy, Vol. 71, 1963, pp. 331-346.
9. Griliches, Z., "Research Expenditures, Education and the Agricultural Production Function", The American Economie Review, Vol. 45, Dec. 1954, pp. 961-974.
10. Heady, E. O., Economics of Agricultural Production and Resource Use, New-York, Prentice Hall, 1953.
11. Hildebrand, G. H. and Liu, T. C., Manufacturing Production Functions in the United States, 1957, Ithaca, Cornell University Press, 1965.
12. Hoch, I., "Simultaneous Equation Bias in the Context of the Cobb-Douglas Production Function", Econometrica, Vol. 26, No. 4, 1958.
13. Kislev, Y., "Overestimates of Returns to Scale in Agriculture A Case of Synchronized Aggregation", Journal of Farm Economics, Vol. 48, No. 4, Part I, 1966, pp. 967-983.
14. Liu, S. F. and Swanson, E. R., "Labour Surplus in Developing Countries with Special Reference to Taiwan Agriculture", minois Agricultural Economies, Vol. 7, No. 1, January 1967, pp. 37-44.
15. O.C.D.E., Les faibles revenus dans l'agriculture, Paris, 1964.
16. Sahota, G. S., "The Sources of Measured Productivity Growth : United States Fertilizer Mineral Industries, 1936-1960", The Review of Economies and Statistics. Vol. 48, May 1966, No. 2, pp. 193-204.
17. Schultz, T. W., The Economic Organization of Agriculture, New York, Mc-Graw-Hill, 1953, pp. 141-151.
18. Solow, R. M., "Technical Change and the Aggregate Production Function", The Review of Economies and Statistics, Vol. 39, August 1957, pp. 312-320.
[14]
19. Yotopoulos, P. A., "From Stock to Flow Capital Inputs for Agricultural Production Functions : A Microanatytic Approach", Journal of Farm Economics, Vol. 49. No. 2, pp. 476-491.
20. Zellner, A., Kwenta, J. and Dreze, J., "Spécification and Estimation of Cobb-Douglas Production Function Models", Econometrica, Vol. 34, No. 4, October 1966, pp. 784-795.
ANNEXE 1.
Données pour l'estimation des fonctions de production
SOURCE : Recensements du Canada, agriculture, Québec et Ontario, 1951 et 1961, sauf mention spéciale.
Y (production) est mesurée par la valeur des ventes auto-consommation et changements d'inventaire exclus (tableau 28 en 1951 et tableau 20 en 1961).
X1 (agriculteurs) Recensement de la population, 1951, Vol. IV (tableau 18) (somme des hommes et des femmes).
X2 travail de l'exploitant et de sa famille) est calculé en hommes-équivalent d'après la formule :
X2 = E 0.40 A T/ 300 + 0.65 F/ 50
où
E = nombre d'exploitants égal au nombre de fermes
A = nombre d'exploitants âgés de 65 ans et plus
T = nombre de journées de travail à temps partiel
F = nombre de semaines de travail familial
(tableaux 22 et 23).
X3 travail salarié) salaires en argent de la main-d'oeuvre agricole engagée, 1961 (tableau 24).
X4 machinerie) En 1951, comprend l'intérêt sur la valeur du capital machines (tableau 30), la dépréciation (15%), la valeur de l'essence et autres carburants, les dépenses de réparation pour les tracteurs et la machinerie, le travail à forfait (tableau 28) En 1961, comprend la valeur de la machinerie (tableau 18).
X5 (cheptal) En 1951, comprend les dépenses en aliments, les achats de bétail (tableau 28) et l'intérêt (7%) sur la valeur du cheptal (tableau 30).
En 1961, comprend les dépenses en aliments pour animaux et semences (tableau 24) et l'intérêt (7%) sur la valeur du cheptal (tableau 18).
X6 (terres et bâtiments) est mesuré par la valeur des terres et des bâtiments (tableau 30 en 1951 et tableau 18 en 1961).
X7 (engrais) est mesuré par la somme des tonnes d'engrais simple et composé (Fertilizer Trade, Cat. No 46-207).
Les données sur le niveau d'instruction scolaire sont des données non publiées du Recensement de 1961.
Les régions économiques ont été définies à partir de celles de CAMU et alt. (op. cit.) (Les chiffres entre parenthèses renvoient le premier à la codification de CAMU.) ; le second aux points du graphique I, et du tableau 3 en fin de l'annexe.
QUÉBEC : Gaspésie-Nouveau Québec (9 comtés) (40, 2 et 41, 1)
Laurentides-Lac Saint Jean-Abitibi (7 comtés) (42, 9 ; 48, 3 ; 49, 10)
Québec-Trois Rivières (14 comtés) (43, 14 et 44, 15)
Cantons de l'Est (11 comtés) (45, 6)
Montréal environs (23 comtés) (46, 7)
ONTARIO : Ottawa (11 comtés) (50, 1)
Sudbury-Lakehead (9 comtés) (58, 9 et 59, 10)
Peterborough-Georgian Bay (14 comtés) (51, 2 et 57, 8)
Toronto-Hamilton (9 comtés) (52, 3 et 53, 4)
Windsor-London-Kitchener (11 comtés) (54, 6 ; 55, 5 et 56, 7)
La région de Montréal métropolitain (47, 8), qui compte deux comtés, n'a pas été incluse dans les variables régionales en raison du caractère douteux du chiffre de la population active (les observations relatives à ces comtés figurent cependant dans l'analyse de régression).
Les taux d'intérêt et de dépréciation sont ceux utilisés par HEADY et STRAND, dans leur étude sur la productivité des ressources de l'agriculture américaine (U.S.D.A., Bulletin technique No 1128). De ces auteurs viennent également les coefficients retenus pour ajuster vers le bas le travail des agriculteurs âgés et des aides familiaux et pour éliminer le travail hors de l'exploitation.
Les variables des régressions sont les logarithmes des moyennes par ferme dans chaque comté.
Tableau III.
PRODUCTIVITÉ AGRICOLE MOYENNE EN VALEUR
PAR AGRICULTEUR (1951) ET PAR HOMME-ÉQUIVALENT (1961),
QUÉBEC ET ONTARIO, PAR RÉGION ÉCONOMIQUE, 1951 et 1961
|
QUEBEC
|
ONTARIO
|
Région économique
|
1951
|
1961
|
1951
|
1961
|
î
|
752
|
1,523
|
1.955
|
2,840
|
2
|
767
|
1,587
|
2,351
|
3,570
|
3
|
1,341
|
2,163
|
2,725
|
4,280
|
4
|
1,228
|
2,330
|
2,804
|
4,531
|
5
|
1,419
|
2,671
|
3,642
|
5,821
|
6
|
1,561
|
2,831
|
3,036
|
5,097
|
7
|
1,748
|
3,216
|
3,364
|
6,108
|
8
|
1,350
|
3,154
|
2,397
|
4,159
|
9
|
1,230
|
1,851
|
1,442
|
2,123
|
10
|
699
|
1,409
|
1,449
|
3,097
|
Moyenne provinciale
|
1,308
|
2,515
|
2,671
|
4,485
|
SOURCE : Nos calculs à partir des données des recensements de l'agriculture et de la population.
Dans le graphique I, et le tableau 3 la productivité du travail est calculée en faisant la somme des Y par comté dans chaque région et en divisant par la somme des hommes équivalant par comté dans chaque région : ce sont donc des moyennes arithmétiques. Les chiffres cités dans l'introduction sont des moyennes géométriques.
ANNEXE 2
Effet de la sous-estimation de la production
sur la comparaison interrégionale des productivités du travail
La mesure de la production par la valeur de la production agricole vendue est sujette à trois source d'erreur : 1° les ventes sont sous-estimées ; 2° l'auto-consommation et 3° les variations d'inventaire sont exclues.
Si on suppose que la sous-estimation des ventes est constante de région à région, on peut calculer que la sous-estimation totale varierait, en 1951, au Québec, de 71% en Gaspésie-Côte Nord à 49% dans la région des environs de Montréal ; en Ontario, les pourcentages seraient de 66% (Lakehead) à 32% (London-Lake Erie). Pour faire les mêmes calculs en 1961, il faudrait disposer de données par comté sur l'auto-consommation ou supposer constant de région à région le pourcentage de sous-estimation dû à l'exclusion de l'auto-consommation ; or, l'auto-consommation variait, en 1951, de 32% du total ventes plus auto-consommation en Gaspésie à 6% dans la région de London.
Supposons que notre calcul de la sous-estimation de la production soit correct et que l'intrant main-d'oeuvre soit mesuré sans erreur. Dans la comparaison de deux régions, l'erreur proviendrait donc uniquement de la sous-estimation de la production. Pour redresser l'erreur, il faudrait, dans l'exemple cité plus haut, multiplie par 1.71 la productivité moyenne en valeur du travail en Gaspésie-Côte Nord et par 1.49 celle de la région des environs de Montréal. Dans l'introduction à cet article, nous avons indiqué que la productivité moyenne en valeur du travail était de "$1,735 dans la région des environs de Montréal, soit un montant 2.3 fois plus élevé que dans la Gaspésie-Côte Nord ($759)". En corrigeant ces chiffres, on obtiendrait 1,735 X 1.49 = $2,585 pour la région des environs de Montréal et 759 X 1.71 = 1,298 pour la Gaspésie-Côte Nord. La productivité du travail dans la région des environs de Montréal est réduite à 2.0 celle de la Gaspésie-Côte Nord, au lieu de 2.3. Les erreurs de mesure de la production entraînent donc une surestimation de 15% de la supériorité de la région des environs de Montréal par rapport à la Gaspésie-Côte Nord.
Les erreurs de mesure de la production n'affecteraient donc que modérément la comparaison inter-régionale des productivités du travail. Cette conclusion toutefois n'est valable que dans l'hypothèse où le pourcentage de sous-estimation des ventes est constant de région à région. Si les ventes sont davantage sous-estimées dans les régions à faible auto-consommation, il y aurait compensation entre la sous-estimation due aux erreurs sur les ventes et la sous-estimation due à l'exclusion de l'auto-consommation. Dans ce cas, l'erreur commise plus haut en comparant Montréal et la Gaspésie-Côte Nord serait inférieur à 15%. Si, au contraire, la sous-estimation due aux ventes est d'autant plus forte que l'auto-consommation est élevée, le pourcentage d'erreur serait supérieur à 15%.
ANNEXE 3
Dérivation mathématique de l'analyse des différences
interrégionales de productivité du travail
Soit une fonction Cobb-Douglas, dans laquelle on n'a retenu que deux intrants pour faciliter l'exposition :
(1)
où
i = 1, …, 10 (5 régions économiques au Québec et 5 en Ontario)
j = 1, …, 120 (66 observations pour le Québec et 54 pour l'Ontario)
A, a1, a2, y1 sont des paramètres, eu est le terme d'erreur Qij, Lij, Kij représentent la production, le travail et le capital dans le comté à appartenant à la région i.
R1 = 1 pour tous les comtés situés dans la région 1 et = 0 ailleurs
R2 = 1 pour tous les comtés situés dans la région 2 et = 0 ailleurs et ainsi de suite.
En différentiant totalement (1) et en remplaçant les dérivées partielles par des accroissements finis, on obtient :
(2)
(2) est une approximation linéaire et ne contient pas les termes d'interaction (voir 1). On suppose que les élasticités de la production par rapport au travail et au capital sont constantes soit à l'intérieur de l'Ontario, soit à l'intérieur du Québec, soit à l'intérieur de l'ensemble des deux provinces
R1 sauf la ième sont égales à zéro, et la ième variable
R1 prend pour valeur 1. Il découle des précédentes :
∆a1 = 0, ∆a2 = 0, ∆R1 = 0, Rj = 1
d'où (2) s'écrit :
(3)
On aurait de même, pour une fonction de productivité moyenne de travail :
(4)
où
et pour une fonction de productivité marginale du travail :
(5)
où
Donc l'analyse des différences de productivité moyenne est également une analyse des différences de productivité marginale, quant l'élasticité de la production par rapport au travail est supposée constante de région à région.
Pour calculer séparément le pourcentage de variation de productivité entre deux régions imputable aux économies d'échelle, on fait la différence entre les deux premiers termes du membre de droite de (4) ou (5) et le pourcentage que l'on obtiendrait si les rendements étaient constants à l'échelle, soit :
(6) où
* Jean-Pierre Wampach est professeur agrégé au département d'Économie Rurale, Faculté d'Agriculture, Université Laval.
[1] Les sources et le degré de précision de ces chiffres et des suivants sont étudiés dans les annexes 1 et 2.
[2] La mesure du travail agricole qui a servi a l'établissement des chiffres cités ne tient pas compte du temps de travail dépensé en dehors de l'exploitation. Si on l'élimine, ce qui est possible en 1961. les productivités deviennent respectivement : $1 ,636, 13,990 et $8 ,927.
[3] II est théoriquement possible que les productivités marginales soient les mêmes dans les trois régions alors que les productivités moyennes divergent. (9, p. 753)
[4] On pourrait citer, par exemple, l'agronomie, la démographie, le droit, l'économie, la géographie, la géologie, l'histoire, la politique, la psychologie, la sociologie.
[5] La productivité du travail agricole n'est pas le seul déterminant du revenu agricole, qui s'alimente encore des fruits du travail en dehors de l'exploitation et des allocations, pensions et placements.
[6] Selon SCHULTZ (17, pp. 146-151). le développement économique d'un pays démarre dans des centres urbains et industriels et l'agriculture s'adapte à ce développement avec un délai d'autant plus grand qu'elle est éloignée de ces foyers de développement.
[7] Rappelons que la valeur de la terre et des bâtiments par ferme est chez BRYANT le facteur le plus important du revenu agricole per capita et soulignons que ce revenu est d'origine agricole et non-agricole.
[8] Par système d'exploitation. l'O.CD.E. entend un certain type d'activité agricole qui serait prédominant, comme le coton et le tabac dans le sud-est des Etats-Unis (15, p. 29).
[9] Dans son étude d'une fonction agrégée de la production agricole aux Etats-Unis, GRILICHES ne rejette pas l'hypothèse que l'élasticité de substitution est égale à l'unité.
[10] Sur ce point et sur le biais possible qu'entraîne une mesure en valeur des services producteurs, voir GRILICHES (7).
[11] Pour éviter la singularité de la matrice des moments des variables indépendantes, on a supprimé une variable 0-1 dans chaque régression (voir 16). Les effets de localisation doivent s'interpréter par rapport à la région des environs de Montréal au Québec, par rapport à la région d'Ottawa en Ontario et par rapport à la région des environs de Montréal dans les régressions portant sur les deux provinces réunies. Par exemple, l'effet de localisation pour la Gaspésie-Côte Nord a un coefficient de 0.083 en 1961 ; ceci veut dire qu'à niveau égal d'intrants dans la région des environs de Montréal et en Gaspésie-Côte Nord, la production par ferme est inférieure de 21% dans la dernière région (1.21 s antilog 0.083).
[12] Lorsqu'on substitue, en 1961, la mesure du travail par la population active agricole (Recensement de la population) à celle, plus précise, basée sut des donnés du Recensement de l'agriculture, le coefficient de régression de la variable travail diminue (0.16 avec σ 0.056 au lieu de 0.532 avec σ = .143 pour le travail familial seulement).
[13] L'élasticité de la production par rapport au travail étant supposée constante de région à région, l'analyse des différences de productivité moyenne est aussi une analyse des différences de productivité marginale (voir annexe 3).
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