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REGARD ÉTHIQUE SUR DES OUTILS D'ANALYSE
DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX :
CONTRIBUTION À DE NOUVELLES MÉTHODES
POUR JAT CONSULTING
Introduction générale
- « Connaître et penser,
ce n'est pas arrivera une vérité certaine,
c'est dialoguer avec l'incertitude »
Edgar Morin
Le National Environmental Policy Act (NEPA), relatif à la prise en compte des préoccupations environnementales dès la conception des plans et activités des agences américaines, est l'acte juridique précurseur de l'évaluation des impacts sur l'environnement. Il a été adopté le 22 Décembre 1969, puis promulgué le 1er Janvier 1970 par le président américain Richard Nixon.
Depuis, plusieurs actes juridiques d'envergure mondiale ou régionale ont formulé des dispositions en faveur de la protection de l'environnement, en donnant une grande importance aux Etudes d'Impact sur l'Environnement (EIE). Il s'agit entre autres de la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement humain de Stockholm de 1972, de la Résolution 37/7 du 28 Octobre 1982 relative à la Charte Mondiale de la Nature [1], et de la Déclaration du Sommet de la Terre à Rio en 1992 [2], de la Convention sur la Diversité Biologique adoptée en 1992 [3] et de la Convention de Lomé IV ACP-CEE. [4]
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De plus, plusieurs banques de développement et agences d'aides bilatérales ont adopté des procédures d'EIE qu'elles appliquent dans le cadre des projets qu'elles financent. Par ailleurs, les États se sont lancés dans la course à l'adoption de textes sur la protection de l'environnement au nombre desquels les EIE occupent une place fondamentale.
Les EIE peuvent être perçues comme un mécanisme permettant d'évaluer les incidences sur l'environnement des projets économiques. Elles font partie d'une gamme plus importante d'outils qui servent aux évaluations environnementales de manière générale. Celles-ci comprennent en plus des EIE, l'Analyse environnementale [5], les Audits Environnementaux [6], les Evaluations Environnementales Stratégiques [7] et les Evaluations Environnementales de Site. [8]
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Cet intérêt croissant pour les EIE ressortit d'une posture responsable : en effet, en raison des modes de production et de consommation « voraces » [9], caractéristiques de la société contemporaine, qui entraînent une dégradation extrêmement rapide de l'environnement, il s'est inscrit, dans le cycle des projets de développement, une conscience universelle qui a consisté à adopter des mesures prudentielles en vue de sauvegarder les ressources environnementales. La raison en est que les EIE sont un outil de contrôle de la pertinence de l'activité économique, elle-même destinée à satisfaire les besoins de l'être humain dans la durée.
Aujourd'hui, les études d'impact sur l'environnement sont une réalité. Elles sont considérées comme un outil de décision. Aussi, ont-elles pour objectif de définir un ensemble de problèmes environnementaux qu'on peut anticiper en incorporant dans les actions de développement les mesures d'atténuation les plus appropriées. Celles-ci impliquent de déterminer les bénéfices et coûts environnementaux du projet, ainsi que son acceptabilité économique, environnementale et sociale. Le développement des évaluations environnementales, en raison des impératifs du développement durable, a conduit à une plus grande intégration de la dimension sociale dans la réalisation des EIE. La conséquence de cette évolution se marque au plan de l'expression par le passage de la terminologie d'« Etude d'Impact Environnemental » au concept d'« Etude d'Impact Environnemental et Social ». En effet, la réalisation du développement durable exige la mise en place d'un système de gouvernance efficace. Celle-ci nécessite une grande participation des parties prenantes qui se trouvent être prioritairement intéressées par le bien-être attaché à ce développement durable. Comme l'observent Pierre André, Claude E. Delisle et Jean-Pierre Revéret, « Le développement durable a besoin d'une mosaïque d'institutions, de politiques et de valeurs : en un mot, il a besoin d'une bonne gestion des affaires publiques qui crée un écosystème politique à même de créer un écosystème naturel ». [10] Ainsi, les intérêts des bénéficiaires d'un projet doivent être pris en compte à travers une participation du public. Dans le cadre de cette étude, nous emploierons invariablement les expressions « étude [13] d'impact sur [11] l'environnement (EIE) » ou « étude d'impact environnemental et social (EIES) » pour désigner la même réalité.
Parallèlement aux développements d'ordre philosophique et conceptuel à propos des études d'impacts sur l'environnement, de nombreuses méthodes scientifiques et techniques ont été élaborées par des chercheurs en vue d'identifier et d'évaluer les impacts que les projets de développement sont susceptibles de provoquer sur l'environnement de manière globale.
Ces méthodes d'identification et d'évaluation des impacts, dites méthodes d'analyse des impacts potentiels sur l'environnement, sont l'objet de la présente étude. Imaginer et concevoir des outils d'analyse des impacts potentiels est une activité qui n'est assujettie au respect d'aucune réglementation particulière. Par ailleurs, il est possible de déterminer dans chaque méthode les différentes conceptions qui dénotent de la place faite à l'humain dans les projets de développement et dans la nature. C'est dire que derrière chaque modèle utilisé pour mesurer les impacts, il y a des a priori scientifiques et méthodologiques.
Ce travail dans le cadre du Master en Ethique et Gouvernance, option Ethique économique et Développement durable au Centre de Recherche et d'Action pour la Paix (CERAP) voudrait, en utilisant les enseignements en Evaluations Environnementales (EE), spécialement en Etude d'Impact Environnemental et Social (EIES) et en Ethique Economique et Sociale mettre en évidence les a priori des méthodes d'analyse d'impacts. Ce premier niveau de connaissance peut être précieux pour fonder quelques suggestions afin de mieux prendre en compte l'humain comme étant le centre de la réflexion dans une éthique du développement durable.
Afin que cette étude ne soit pas une monographie sans assises concrètes provenant d'une réflexion purement idéologique, elle s'appuiera sur la pratique de JAT Consulting, un bureau d'évaluations environnementales, sis à Lomé au Togo qui a bien voulu nous accueillir dans le cadre de notre stage de formation. Aussi, c'est en regard des méthodes déployées par ce bureau que la contribution recherchée s'opérera. Et c'est ici qu'apparaît [14] sa principale limite : en effet, l'inculturation des méthodes d'analyse des impacts potentiels sur l'environnement dans les études d'impact environnemental et social de JAT Consulting ne reflète pas nécessairement les exigences de l'art. Les manières de faire de JAT intègrent un ensemble de croyances, de spécificités d'ordre managérial et même d'imprécisions qui colorent les pratiques et peuvent s'éloigner de ce que doit être au sens pur une EIES.
Mais cette faiblesse altère peu l'ambition de la recherche. En effet, en justifiant l'orientation recherche-action par laquelle cette étude devrait se caractériser, elle nous permet de participer au développement du service que rend JAT Consulting à l'économie et à la société togolaise. En suggérant des pistes tant sur l'utilisation des méthodes que sur le contenu des grilles d'évaluation (en particulier en mettant l'accent sur le développement humain), les outils utilisés au Togo pourront s'orienter vers une plus grande pertinence. Tel est du moins le désir que manifeste notre recherche.
Cette recherche fait l'objet d'une subdivision pour en assurer l'intelligibilité : un premier chapitre (Chapitre I) fixe un cadre conceptuel nécessaire pour assurer la convenance entre la problématique à traiter et les légitimes appréhensions du lecteur, spécialiste ou profane de la matière des études d'impact environnemental et social. Le deuxième chapitre (Chapitre II) expose le cadre physique et institutionnel de l'étude, dans le but de préciser le paysage dans lequel JAT Consulting évolue. Le troisième chapitre (Chapitre IU) fait une présentation des méthodes employées par JAT Consulting et présente les différentes caractéristiques qui motivent un besoin d'amélioration. Le quatrième chapitre (Chapitre IV) propose une réflexion sur les bases éthiques pouvant mieux prendre en compte la place des humains au sein des outils d'analyse d'impacts. Le dernier chapitre (Chapitre V) formule quelques recommandations pour JAT Consulting et plus largement pour les bureaux d'étude togolais, en vue de la mise au point d'éléments pouvant être utilisés pour un nouvel outil d'analyse des impacts potentiels dans le cadre d'une EIES.
[1] Selon le Principe 11, « les activités pouvant avoir un impact sur la nature seront contrôlées et les meilleures techniques disponibles, susceptibles de diminuer l'importance des risques ou d'autres effets nuisibles sur la nature seront employées, en particulier : (a) les activités qui risquent de causer des dommages irréversibles à la nature seront évitées ; (b) les activités comportant un degré élevé de risques pour la nature seront précédées d'un examen approfondi ; (c) les activités pouvant perturber la nature seront précédées d'une évaluation de leurs conséquences et des études concernant l'impact sur la nature des projets de développement seront menées suffisamment à l'avance ; au cas où elles seraient entreprises, elles devront être planifiées et exécutées de façon à réduire au minimum les effets nuisibles qui pourraient en résulter ».
[2] Son Principe 17 stipule : « une étude d'impact, en tant qu'instrument national, doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs importants sur l'environnement et dépendent de la décision d'une autorité nationale compétente ».
[3] L'article 14.1 de cette convention exige que « chaque Partie contractante, dans la mesure du possible et, selon qu'il conviendra, (a) adopte les mesures permettant d'exiger l'évaluation des impacts sur l'environnement des projets qu'elle a proposés et qui sont susceptibles de nuire sensiblement à la diversité biologique, en vue d'éviter et de réduire au minimum de tels effets, et s'il y a lieu, permet au public de participer à ces procédures ; (b) prend les dispositions voulues pour qu'il soit dûment tenu compte des effets sur l'environnement de ses programmes et politiques susceptibles de nuire sensiblement à la diversité biologique ».
[4] Son article 37, al.2 stipule ceci : « Pour les projets d'envergure et ceux présentant un risque important pour l'environnement, il est fait recours, le cas échéant, aux études d'impact environnemental ».
[5] V. dans ce sens Mamadou CISSE, Syllabus du Cours d'Evaluations Environnementales, Master en Ethique et Gouvernance, option Ethique économique et Développement Durable, Ecole des Sciences Morales et Politiques d'Afrique de l'Ouest (ESMPAO), 2011-2012, p.5 : l'analyse environnementale ou profil environnemental « est une étude diagnostique qui dégage les principaux problèmes d'environnement d'une entité donnée (naturelle ou humaine) en déterminant les causes et les impacts de ces problèmes. Du fait de sa nature, l'Analyse environnementale est antérieure et en amont des autres formes d'évaluation environnementale dont elle facilite la mise en œuvre ».
[6] Selon l'article 2-5 de la Loi n° 2008-005 portant loi-cadre de l'environnement au Togo, l'audit environnemental est un « outil de management permettant d'apprécier, de manière périodique, l'impact que tout ou partie de la production ou de l'existence d'une entreprise génère ou est susceptible, directement ou indirectement, de générer sur l'environnement ».
[7] L'Evaluation Environnementale Stratégique réfère à « l'évaluation systématique et complète des effets sur l'environnement d'une politique, d'un plan et d'un programme et des solutions de rechange ». V. dans ce sens Mamadou Cissé, op.cit., p.6.
[8] II s'agit d'un processus systématique par lequel un évaluateur recherche des preuves afin de déterminer si une propriété ou un site est ou peut être sujet à une contamination. Il s'agit donc pour l'évaluateur d'analyser le passé d'un site et de mesurer si les répercussions des activités antérieures et actuelles sur ce site ont un impact environnemental aujourd'hui. Définition disponible sur le site AQVE, consulté le 20/02/2013.
[9] V. dans ce sens Hans Jonas, « Pour une Éthique du Futur », Éditions Payot et Rivages, Paris, 1998, p. 106-107.
[10] Pierre André, Claude E. Delisle, Jean-Pierre Revéret, L'évaluation des impacts sur l'environnement : processus, acteurs et pratique pour un développement durable, Presses Internationales Polytechnique, 3è édition, Québec, Canada, 2010, p.24.
[11] II convient de remarquer qu'en employant « étude d'impact sur l'environnement », nous nous mettons dans une perspective de développement durable où le social est pris en compte. L'acronyme « EIE » n'est donc pas à comprendre comme étude d'impact environnemental, qui ne laissait pas de place au volet social dans l'évaluation environnementale envisagée.
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