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Collection « La désintégration du Québec et des régions »

Les régions du Québec en crise. Bilan, enjeux et voie de solution
Jean Tremblay, maire de Saguenay


Les régions du Québec en crise. Bilan, enjeux et voie de solution. Saguenay, novembre 2002.

Appendice

LA PARTICIPATION RÉGIONALE
AU RENDEZ-VOUS GOUVERNEMENTAL



Une délégation de 18 personnes formée majoritairement de personnes non élues re-présente le Saguenay-Lac-St-Jean au Rendez-vous national des régions initié et convoqué par le gouvernement du Québec. La délégation y porte neuf propositions mises de l’avant par le Conseil régional de concertation et de développement. Bien que présentées comme des propositions distinctes, ces neuf fiches laissent ressortir une certaine conception qu’on pourrait résumer comme suit :

1. Un objectif social : l’atteinte d’un bilan démographique (migratoire) positif.
2. Un gouvernement régional (à terme) : doté de juridictions et de moyens d’intervention adéquats.
3. Des moyens financiers, fiscaux et réglementaires.

  • Le transfert à la région de la propriété des ressources naturelles.
  • Un mot à dire sur le mode de répartition des fonds publics de service entre les régions..
    Par le biais d’une Commission nationale permanente sur l’équité interrégionale conseillant l’Assemblée Nationale..
  • Un fonds d’investissement privé.
    Un outil de stimulation du secteur privé par la création d’un fonds régional privé, alimenté à même les fonds publics (fédéraux et provinciaux) et les fonds de pension des citoyens de la région.

4. Quelques projets ciblés.

  • Sur l’industrie du secteur primaire et secondaire (bois, agro-alimentaire).
  • Sur la création de créneaux d’excellence (développement durable, éducation post-secondaire).

Sous le dehors de propositions apparemment distinctes et thématiques, il y a un pro-jet de société régional. Il devient dès lors légitime et nécessaire d’examiner comment une délégation, qui se dit représentative de tout le Saguenay–Lac-Saint-Jean, part mener un combat vital pour sa région en crise. Sont donc examinées ici les caractéristiques majeures de cette participation régionale au Sommet.

1. La représentation de la région :

  • La délégation est formée majoritairement de non élus, donc de personnes qui, dans cette fonction de représentation, n’ont et n’auront aucun compte à rendre à la population par le truchement de mécanismes démocratiques.
  • La participation de quelques élus municipaux n’y relève d’aucune conception démocratique d’ensemble. Sauf erreur, les élus participants ne se sont pas appuyés sur des mandats émanant de leurs commettants.
  • Souvent à l’intérieur des propositions, il est explicitement écrit « la région s’engage à »…Sur quelle base et sur quelle imputabilité institutionnelle à l’endroit des citoyennes et citoyens de la région, ces affirmations se basent-elles ? ( Louis XIV pouvait dire : “L’Etat, c’est moi ”. Est-ce que la région, c’est eux ? )
  • Le CRCD n’a pas jugé pertinente la résolution des élus de Ville Saguenay qui réclamaient une place aux Élus reflétant la part de population qu’ils représentent. La participation tolérée de Ville Saguenay devait même, selon le CRCD ne pas déborder le cadre des propositions faites par l’organisme.
  • Paradoxalement par rapport aux institutions démocratiques du Québec, ce sont des administrateurs et des agents de corporation publiques ou privées qui décident de la pertinence ou non d’inclure des élus dans la représentation de la région.

Il faut donc conclure que la représentation régionale au Rendez-vous national des régions reflète la conception et la manière de faire propre au CRCD. Point.

2. Les bases objectives du projet de société proposé :

  • À part un catalogue rempli de bonnes nouvelles pour les régions-ressources et de statistiques très majoritairement encourageantes (fournies gracieusement aux CRCD par le Ministère des régions), le CRCD ne dresse aucun bilan des résultats atteints en matière de développement.
  • La délégation va réclamer des pouvoirs sans précédent pour la région sans aucune démonstration sur les faits évolutifs qui justifieraient des changements et des pouvoirs de l’ampleur de ceux qu’ils réclament. À la rigueur, cette délégation pourrait s’y faire demander par n’importe lequel compétiteur pour les “largesses” de l’Etat : « C’est quoi ton problème ? »
  • Faute de problèmes à résoudre, la délégation n’est porteuse d’aucune analyse des causes d’éventuels problèmes qui confronteraient notre région. Ainsi, l’effondrement démographique de la région peut être imputé, en tout ou en partie, à un processus naturel inexorable ou encore à l’irresponsabilité de la région elle-même qui n’aurait pas su se fabriquer une prospérité tout en disposant d’autant de ressources.
  • En l’absence de causes relevant de facteurs naturels ou décisionnels identifiés et nommés, sur quelles hypothèses reposent leurs solutions, sur quelle base réclament-ils ce que tous les autres exigent aussi ou détiennent déjà ? Sur quoi, fondent-t-ils ces propositions ?

Il faut bien constaté qu’on a évité d’établir un bilan mesurable et réel des résultats régionaux et québécois en matière de développement. On a aussi omis d’identifier formellement les causes éventuelles des performances en cette matière.

Dans ce contexte de négociation où on s’en remet au bon vouloir du gouvernement , il faut se demander si implicitement, on n’a pas instauré au Saguenay–Lac-Saint-Jean un procédé original, une nouvelle division du travail de revendication. La recette se résumerait comme suit :

1) laisser à quelques personnes ciblées la tâche d’analyser la réalité et de mettre sur la table les constats négatifs et l’analyse des causes. Leur laisser en exclusivité, l’analyse des causes pouvant remettre en question les orientations prises par le gouvernement ;

2) se servir ensuite de la situation créée par la publication de ces analyses pour réclamer plus de pouvoir sans jamais remettre en cause soi-même l’autorité gouvernementale;

3) enfin, pour bien montrer son respect pour l’autorité gouvernementale (afin, éventuellement, d’obtenir ses faveurs), voir à semer le doute et le discrédit sur les “pessimistes et misérabilistes” qui se complaisent à décrire les faits négatifs (sans voir tout le positif ainsi laissé aux postulants du pouvoir économico-administratif). En bonne politique, on dit souvent qu’il faut « graisser la roue qui grince ». La nouveauté ici, consisterait à profiter des grincements de quelques-uns pour que d’autres, plus opportunistes, se sauvent avec la graisse.

4) un raffinement supplémentaire serait de faire des dénonciateurs (décrits en 1) la cause des maux qu’ils dénoncent. A titre d’exemple fictif, bien sûr, un sociologue dénonçant les bilans migratoires négatifs pourrait être trans-formé en cause majeure de l’exode des jeunes (voir l’annexe 2). Un peu comme si, en abusant de la bonne foi des gens, un club de pyromanes bavards pourrait espérer faire emprisonner à leur place les pompiers… qui, chose étrange, sont toujours aperçus sur le lieu des incendies.

A moins, et cela ne manque pas d’être plausible, que ce comportement découle de l’expérience antérieure du CRCD dans des situations où il risquerait d’être confronté au gouvernement.

À ce sujet, un éditorial du Quotidien, paru le 13 mars 1998 et signé par Monsieur Carol Néron, illustre assez bien l’évolution de l’action du CRCD : […]

« L’arrivée d’une nouvelle équipe de direction après le départ annoncé, il y a environ deux ans, de Jean Wauthier et de Serge Chiasson, a passablement calmé les ardeurs contestataires naissantes ( et inhabituelles) du CRCD.

Les choses ont commencé à se gâter pour l’ex-président et son directeur général quand ils ont décidé, contre toute attente, de tenir des états généraux à caractère socio-économique qui visaient essentiellement à mettre le gouvernement québécois de l’époque, dirigé par Jacques Parizeau, face à ses responsabilités régionales. L’événement a eu lieu, des propos plus ou moins aigres-doux ont été échangés entre les décideurs locaux et les représentants politiques. À partir de ce moment, il était dès lors prévisible que la sauce tournerait mal pour le duo Wauthier-Chiasson.

Car les gouvernements – les péquistes un peu plus que les autres peut-être? – détestent souverainement être remis en question par leurs propres créatures …

Un lobby discret mais influent, dont l’origine est connue, a fait comprendre à Jean Wauthier qu’il était temps pour lui de prendre une retraite méritée à titre de président du CRCD; quant au directeur-général Serge Chiasson, après une séance publique de lynchage particulièrement dévastatrice, il s’est retrouvé rapidement sur une tablette pour cause de « réingénierie admistrative ».
L’alerte passée – la première et sans doute la dernière de toute son histoire – le CRCD est redevenu ce qu’il a toujours été, c’est-à-dire un club bon chic bon genre de type onusien où beaucoup de problèmes sont abordés et discutés mais où les initiatives structurantes à valeur ajoutée ne courent pas nécessairement les rues !

Le Conseil régional de concertation et de développement fait de la rectitude politique sa caractéristique principale. » […]


Retour au document: Les régions du Québec en crise Dernière mise à jour de cette page le samedi 24 février 2007 13:34
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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