Introduction
Pourquoi présenter un mémoire?
La question des «accommodements raisonnables» a occupé récemment une place importante dans l’espace médiatique. Elle a fait l’objet de débats animés et parfois houleux, pas toujours marqués du signe de la raison.
Le moment est venu de transcender les débats et de passer à l’action. Passer à l’action signifie d’abord réfléchir sérieusement sur la question pour déterminer les besoins et les orientations à suivre dans l’élaboration d’une politique d’accommodement.
On devine que les dirigeants politiques ont ici une responsabilité à jouer en ce domaine. Notre nation se définissant essentiellement comme une «société d’accueil», les chefs politiques ont le devoir de gérer harmonieusement l’intégration des nouveaux et des anciens arrivants. D’où la nécessité d’élaborer, dans la foulée des accommodements raisonnables, une politique d’immigration.
À Saguenay, nous sommes conscients de cette réalité et nous ne voulons pas être pris au dépourvu. Au Québec, les responsabilités des municipalités dans la gestion régionale de l’immigration ne sont pas encore bien définies. Voilà pourquoi, à maintes reprises, des dirigeants municipaux au Québec ont eu à faire face à des cas litigieux concernant les «accommodements raisonnables». Tôt ou tard, Saguenay sera confrontée à cette réalité. On ne peut alléguer le fait que très peu de cas se sont présentés jusqu’ici. Ce qui se passe ailleurs aura inévitablement un effet d’entraînement chez nous, d’autant plus que notre ville accueille chaque année un nombre grandissant d’étudiants qui fréquentent notre université (UQAC) et des familles d’immigrants qui choisissent de s’établir chez nous, à la demande des responsables des ministères de l’Immigration qui encouragent les nouveaux arrivants à s’établir en région. Voilà pourquoi, notre population se diversifie de plus en plus sur les plans culturel et religieux, à l’image de celle de la Province et du Canada.
Dans cette perspective, Saguenay veut réfléchir sur la question des accommodements raisonnables et se demande comment réagir en présence de revendications émanant de groupes religieux. Elle est consciente du malaise que peut éprouver une société devant un phénomène qui remet en question certaines valeurs identitaires essentielles. Elle veut prévenir ces remises en question et agir avant qu’elles ne dégénèrent en attitudes de racisme et de xénophobie. Elle veut être aussi en mesure de réagir devant des demandes d’accommodement formulées par des groupes «extrémistes» ou très conservateurs.
Saguenay veut également se pencher sur les effets à court terme de l’inclusion des individus et les effets à long terme visant l’intégration des communautés. Dans l’élaboration d’une saine politique d’inclusion et d’intégration, elle veut savoir jusqu’où elle doit répondre aux demandes spécifiques des citoyens immigrés. Qu’il s’agisse d’inclusion ou d’intégration, les individus et les communautés doivent-ils conserver intactes leurs valeurs propres ou doivent-ils concéder certaines de ces valeurs? Intégration veut-elle dire uniformisation?
Ces questions mettent en cause deux modèles de comportement: l’un favorisant les ghettos, l’autre exigeant un rapprochement au plan des valeurs à respecter et à conserver, de façon à consolider les liens sociaux à la base de la citoyenneté. Nous sommes conscients que la question des accommodements raisonnables n’est pas uniquement un sujet d’actualité. Elle est aussi un sujet de fonds, car elle touche à la vie même des communautés culturelles. Une culture s’enrichit selon sa capacité d’accueillir et d’intégrer celle des autres. Nous sommes d’avis que la société québécoise, se définissant essentiellement comme «une terre d’accueil», peut trouver dans les accommodements raisonnables un moyen de contribuer à son propre enrichissement culturel et religieux.
Toutes ces questions entrent dans une «éthique de responsabilité» qui oblige les dirigeants politiques à tenir compte du rôle que doivent jouer nos institutions en cette matière. Jusqu’ici, la question des accommodements a surtout été gérée par les responsables juridiques. Il faut maintenant sortir du cadre étroit des tribunaux pour la confier aux dirigeants politiques et à d’autres acteurs sociaux comme l’Église, les théologiens, les éthiciens, les philosophes, les anthropologues, les sociologues, les historiens, etc., à qui il appartient maintenant de prendre la relève.
Notre but, dans le présent mémoire, n’est pas d’élaborer un essai sur la question des accommodements raisonnables, mais de présenter quelques aspects importants à considérer dans l’élaboration d’une politique en ce domaine. Ces aspects s’adressent en particulier à la Commission Bouchard-Taylor chargée d’éclairer le Gouvernement sur cette importante question.
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