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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jean-Pierre Côté [Directeur général, Direction générale des bibliothèques, Université de Montréal], “Entre deux utopies: la bibliothèque virtuelle.” Un article publié dans l’ouvrage sous la direction d’André Turmel, Culture, institution et savoir. Culture française d’Amérique, pp. 181-204. Québec: Les Presses de l’Université Laval, 1997, 230 pp. [Autorisation formelle accordée par l’auteur de diffuser cet article le 20 janvier 2006.] Introduction
Les bibliothèques universitaires traversent une zone de turbulences. De nombreuses pressions tant internes qu'externes s'exercent sur elles et les poussent au changement. Mais les périodes de changements rapides sont habituellement habitées de contradictions : les images d'un présent vulnérable s'opposent souvent à celles d'un futur idéalisé. Elles doivent pourtant élaborer une vision qui leur permette d'abord de survivre aux difficultés du présent et déjà de préparer le futur. Les bibliothèques universitaires ne peuvent plus isolément développer de vastes collections capables de supporter l'ensemble des programmes d'enseignement et de recherche de leur établissement. Plus précisément, la « crise des périodiques » qui sévit dans les secteurs scientifiques, techniques et médicaux vient limiter leur capacité de supporter la recherche, une composante essentielle de leur mission. L'augmentation exponentielle du nombre de revues savantes conjuguée à l'augmentation annuelle de leurs coûts depuis plus de deux décennies expliquent cette situation dont nous ne voulons pas refaire ici le portrait, celui-ci ayant déjà été amplement exposé ailleurs (Cummings et al., 1992). Puisque année après année leurs budgets d'acquisition n'augmentent pas au même rythme que les augmentations de coûts - en fait ils n'augmentent plus et parfois même décroissent -, les conséquences sont faciles à comprendre : leur pouvoir d'achat diminue inexorablement et chaque année elles doivent effectuer des rondes d'annulations d'abonnements ; les collections de périodiques s'homogénéisent d'une bibliothèque à l'autre ; la part du budget d'acquisition nécessaire au maintien des abonnements courants augmente au détriment de la part restante pour l'achat de monographies. Cette série de conséquences a pour résultat global un appauvrissement institutionnel et collectif qui force un double constat : la fin de l'autarcie documentaire et l'inauguration du règne de l'interdépendance. Un article de Richard De Gennaro publié en 1984 a exercé une profonde influence sur les bibliothèques universitaires. Pour contrer ces difficultés, il préconisait un changement d'accent dans leurs priorités et le passage d'une organisation basée presque exclusivement sur le développement de riches collections et misant sur l'acquisition matérielle des documents à une organisation basée en grande partie sur le développement de l'accès aux sources externes d'information et de documentation. Ce changement de paradigme caractérisé par le passage de la propriété à l'accès apparaît maintenant inévitable et même généralisable à l'ensemble de la société. influencés par la communauté des grandes corporations, les gouvernements des pays industrialisés encouragent le développement de l'autoroute de l'information et le considèrent comme un préalable essentiel à la croissance économique, indispensable au maintien et au développement de la compétitivité nationale dans un contexte de globalisation de l'économie. Les compagnies de téléphonie, de câblodistribution, de communication par satellites, d'informatique, de médias de masse et d'édition font de plus en plus souvent la une des grands quotidiens. De nombreux projets d'achat, de fusion et d'alliance stratégique [1] poursuivent tous un même objectif ultime : l'accès des produits de l'industrie de l'information au domicile du consommateur potentiel. Avec de telles promesses d'accès individualisé aux sources d'information, nombreux sont ceux qui y voient des sources importantes d'économie, certains allant jusqu'à remettre en question la pertinence d'intermédiaires tels les bibliothèques, les librairies, les maisons d'édition et jusqu'aux maisons d'enseignement. Les bibliothèques universitaires se trouvent donc dans une situation paradoxale. En même temps que leurs activités croissent, se diversifient et se complexifient, leurs ressources diminuent. Par ailleurs, les options d'accès et de diffusion de l'information se multiplient sous l'influence des technologies de l'information, grâce à la dissociation qu'elles permettent d'effectuer entre le contenu intellectuel et l'objet matériel, entre la propriété de l'objet et l'accès au contenu intellectuel [2]. Enfin, on attend de la bibliothèque universitaire des services de plus en plus spécialisés compte tenu de l'importance stratégique que revêtent l'information et l'accès aux connaissances pour le développement de l'individu, des entreprises et de la société. En 1977, le ministère de l'Éducation, de concert avec les vice-recteurs aux études des universités, formait un comité chargé d'évaluer la situation des bibliothèques universitaires québécoises (Québec, 1979). Ce dernier « formulait au gouvernement, aux universités et aux bibliothèques elles-mêmes des recommandations centrées sur une stratégie d'intervention à trois niveaux : un redressement budgétaire et un financement adéquat des bibliothèques, une incitation au développement complémentaire et au partage des ressources et un développement accéléré des infrastructures technologiques aptes à garantir l'efficacité de ce partage » (Bonnelly, Côté et Ormsby, 1992 : 6), mais aussi à exploiter la grande variété d'options d'accès et de diffusion de l'information offertes par l'entreprise privée, pourrions-nous ajouter 20 ans après. [1] Seulement pour un trimestre en 1993, la valeur des fusions corporatives totalisait 86 milliards $US. Quelques noms de corporations mises en cause : ATT, McCaw Cellular Communications Inc., Viacom, Blockbuster Entertainment Corp., Nymex, QVC (télé-achat), Telecommunications Inc., Paramount. [2] Version imprimée d'un document, disponible sur place dans les collections locales ou obtenue soit par prêt entre bibliothèques soit par l'entremise d'une entreprise commerciale, livrée par la poste, publique, privée ou électronique ; version électronique d'un document disponible sur un serveur éloigné ou sur un serveur local, entreposée sur disques durs, CD-ROM, etc.
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