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Dossier de candidature de Jean-Marie Tremblay
au rang de Chevalier de
l'Ordre National du Québec 2012.

Conclusion


Un document Word (.doc) de 3 pages de 88 K. à télécharger.


Alors que nous terminions, mes amis et moi, — c’est ce que je croyais du moins —, la confection de la première mouture de mon dossier de candidature à l’Ordre National du Québec, Maude et Charles me suggèrent de conclure la présentation de ce dossier.

J’ai immédiatement pensé en dedans de moi : “Ah non, pas une autre tâche qui va m’empêcher de poursuivre la numérisation d’un beau livre de Gustave Le Bon, « Les premières civilisations », publié en 1889, et qu’un ami des « Classiques » m’a fait parvenir de Suisse il y a quelques semaines !”

Je trouve plus difficile de parler de soi que de son travail. Et aussitôt qu’on me demande de faire autre chose que mon travail d’édition numérique, je sens le temps s’envoler.

En fait, je me sens comme un boulanger-artisan qui travaille dans sa boutique, qui aime faire du pain. Que du pain! Et rien d’autre! Ça sent bon !

Alors, comme les clients du boulanger, je ne suis pas surpris lorsque les internautes m’écrivent pour me dire qu’ils apprécient ce que nous faisons. Au boulanger, on dirait que son pain est bon et à nous, on nous dit toute l’estime pour l’œuvre que nous construisons.

Du plus loin que je me souvienne, je voulais devenir “missionnaire”. Maman m’avait parlé, enfant, du Curé d’Ars, Jean-Marie Vianney — c’est en son honneur qu’elle m’a appelé Jean-Marie— et c’est resté un modèle pour moi. Je ne suis pas devenu missionnaire, au sens religieux du terme, parce que j’avais un problème non pas avec le vœu de chasteté, mais plutôt avec le vœu d’obéissance. En fait, j’ai toujours eu un problème avec l’autorité. Je me posais des questions, je cherchais et ne voulais pas me soumettre à des règles de conduite qui m’auraient empêché de suivre ma voie qui était non de servir, mais d’aider autrui et de partager quelque chose avec lui.

Je me rappelle quand maman donnait à manger à un monsieur qui passait par chez-nous lorsque j’étais enfant. Je me souviens aussi de la bonté et de la générosité de grand-maman. Des sourires de joie sur leur visage. De leur tendresse et de leur attention au prochain. On disait dans le temps “charitables”!

Je voulais faire de la recherche en sortant de l’université, mais mes habiletés informatiques ne me permettant pas d’être autonome en ce début de la préhistoire de la micro-informatique individuelle, la voie de l’enseignement s’est présentée à moi tout à fait par hasard et j’ai dit oui. Je ne l’ai jamais regretté. Et j’aime encore davantage enseigner aujourd’hui qu’il y a 30 ans.

Mais mon enseignement ne comblait pas cette soif d’aider, de partager. Ce n’est qu’à l’âge de 50 ans que j’ai eu le sentiment d’avoir retrouvé mon “âme”, mon “unité” lorsque j’ai commencé à rendre accessibles à mes élèves du collège des œuvres qui m’importaient : Durkheim, Tocqueville, Montesquieu, Freud, Marx, Proudhon. Et quelques mois plus tard cela devenait « Les Classiques des sciences sociales ».

J’ai préparé beaucoup de matériel pédagogique pour mes élèves au cours de ma carrière dans l’enseignement de la sociologie : des guides, des manuels de sociologie, des bases de données, des outils informatiques, un centre de documentation et un site pédagogique sur internet pour donner accès à tous ces outils à mes élèves.

C’est comme si tous les efforts que j’avais faits au cours de ma vie m’avaient conduit à pouvoir développer cette belle cathédrale, que sont « Les Classiques des sciences sociales », où chaque livre correspondrait à une pierre de cette cathédrale. Et cette cathédrale est devenue une œuvre collective parce qu’immense. Seul, c’était une tâche à la hauteur d’un dieu ; en groupe, cela devient à notre portée d’êtres humains heureux de partager et de coordonner tous nos efforts pour donner un aussi beau résultat.

Mes enfants ont le goût de la recherche, j’espère avoir donné le goût à mes élèves d’apprendre, de comprendre, de s’intéresser à l’explication des faits sociaux. J’ai vu beaucoup de beaux visages au cours de toutes ces années et cela me réconforte.

J’ai le sentiment d’avoir réussi ma vie. La société a été généreuse envers moi en me permettant, malgré toutes les difficultés rencontrées et elles ont été nombreuses, d’apprendre tant et de m’épanouir. En partageant, j’ai le sentiment de redonner un peu de ce que j’ai reçu.

Ça me touche que les gens de chez-nous puissent librement accéder aux savoirs que nous diffusons, grâce à la généreuse coopération des chercheur(e)s et professeur(e)s d’université. Mais ce qui me touche le plus, c’est de savoir que des jeunes, des étudiant(e)s de pays dont les bibliothèques sont moins bien nanties que les nôtres, puissent librement et gratuitement accéder, grâce à nos efforts et notre persévérance, à ces connaissances.

J’ai alors le sentiment que ce partage permet, grâce à Internet et au numérique, d’accéder d’une manière équitable aux savoirs, que nous soyons dans un petit village du Québec ou une petite ville du Togo, du Burkina Faso, de Côte d’Ivoire ou d’Haïti.

Ce partage avec des plus démunis me remplit le cœur et me donne l’énergie de poursuivre aussi longtemps que j’en aurai la santé et la capacité.

Pour conclure, je voudrais dire que je suis ému par ce que mes amis, Maude et Charles, ont écrit sur moi. Je suis touché par les paroles de considération des personnes qui soutiennent ma candidature.

Je ne me sens pas seul. Nous sommes plusieurs à espérer, à rêver et nous sommes plusieurs à matérialiser ce rêve : partager le savoir.

L’Ordre National du Québec permettrait aux « Classiques des sciences sociales » de rayonner encore davantage, de telle sorte que sa mission de démocratisation des savoirs serait favorisée.

Merci.

Jean-Marie Tremblay
Professeur de sociologie
Cégep de Chicoutimi,
2 novembre 2011.


Retour à la page des bénévoles Dernière mise à jour de cette page le mercredi 2 novembre 2011 9:23
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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