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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Socialisme utopique et socialisme scientifique (1880):
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Friedrich Engels (1880), Socialisme utopique et socialisme scientifique. Traduction française, 1950.

INTRODUCTION
  • b. L'agnosticisme anglais, matérialisme honteux
  • c. Croissance sociale de la bourgeoisie
  • d. Émancipation de la bourgeoisie
      La réforme protestante
      La révolution anglaise, naissance du matérialisme
      Matérialisme du XVIIIe siècle et Révolution française

  • e. La bourgeoisie anglaise contre le matérialisme et la révolution
  • f. Apparition du prolétariat anglais
  • g. Servilité de la bourgeoisie anglaise
  • h. Il faut une religion pour le peuple
  • i. Malgré tout, le prolétariat anglais s'affranchira
  • a. L'Angleterre, berceau du matérialisme

Cette étude est une partie d'un tout plus important. Vers 1875, le Dr Eugen Dühring, privat-docent à l'université de Berlin, annonça soudain et avec assez de bruit sa conversion au socialisme et se présenta au publie allemand avec une théorie socialiste complète, comportant tout un plan de réorganisation pratique dé la société: comme de juste, il tomba à bras raccourci sur ses prédécesseurs; il s'en prit surtout à Marx sur qui il déversa les flots de sa rage.

Cela se passait à peu près au temps où les deux fractions du parti socialiste allemand - le groupe d'Eisenach et les lassaliens – fusionnaient et acquéraient de ce fait, non seulement un immense accroissement de forces, mais ce qui est plus important encore, le moyen de mettre en jeu toute cette force contre l'ennemi commun. Le parti socialiste était en train de devenir rapidement en Allemagne une puissance. Mais pour devenir une puissance, il fallait que l'unité nouvellement conquise ne fût pas menacée. Or le Dr Dühring se mit ouvertement à grouper autour de sa personne une coterie, le noyau d'un parti séparatiste de l'avenir. Il était donc nécessaire de relever le gant qui nous était jeté et, bon gré mal gré, d'engager la lutte.

L'affaire n'était pas extraordinairement difficile, mais de longue haleine. Nous autres Allemands, comme chacun le sait, nous sommes d'une Gründlichkeit terriblement pesante, profondément radicale ou radicalement profonde, comme il vous plaira de la nommer. Chaque fois que l'un de nous accouche de ce qu'il considère comme une nouvelle théorie, il doit commencer par l'élaborer en un système embrassant le monde entier. Il doit démontrer que les premiers principes de la logique et que les lois fondamentales de l'univers n'ont existé de toute éternité que pour conduire l'esprit humain à cette théorie nouvellement découverte et qui couronne tout : sous ce rapport le Dr Dühring était à la hauteur du génie national. Ce n'était rien de moins qu'un Système complet de philosophie de l'esprit, de la morale, de la nature et de l'histoire, qu'un Système complet d'économie politique et de socialisme et enfin qu'une Critique historique de l'économie politique - trois gros in-octavo, aussi lourds de forme que de contenu, trois corps d'armée d'arguments mobilisés contre tous les philosophes et économistes antérieurs en général et contre Marx en particulier, en réalité, une tentative de complet « bouleversement de la science » - voilà à quoi je devais m'atteler. J'avais à traiter de tout et d'autres sujets encore ; depuis les concepts de temps et d'espace jusqu'au bimétallisme, depuis l'éternité de la matière et du mouvement jusqu'à la périssable nature de nos idées morales, depuis la sélection naturelle de Darwin jusqu'à l'éducation de la jeunesse dans une société future. Néanmoins, l'universalité systématique de mon adversaire me procurait l'occasion de développer en opposition à lui, et pour la première fois dans leur enchaînement, les opinions que nous avions, Marx et moi, sur cette grande variété de sujets. Telle fut la principale raison qui m'engagea à entreprendre cette tâche, d'ailleurs ingrate.

Ma réponse, d'abord publiée en une série d'articles dans le Vorwärts de Leipzig, l'organe principal du parti socialiste, fut ensuite imprimée en un volume sous le titre : M. Eugen Dühring bouleverse la science. Une deuxième édition parut à Zürich en 1886.

Sur la demande de mon ami Paul Lafargue, je remaniai trois chapitres de ce volume pour former une brochure qu'il traduisit et publia en 1880 sous le titre de Socialisme utopique et socialisme scientifique. Une édition polonaise et une espagnole furent faites d'après le texte français ; mais en 1883 nos amis d'Allemagne firent paraître la brochure dans sa langue originelle; depuis, des traductions faites sur le texte allemand ont été publiées en italien, en russe, en danois, en hollandais et en roumain, de telle sorte qu'avec cette présente édition anglaise, ce petit volume circule en dix langues. Je ne connais aucun autre ouvrage socialiste, pas même notre Manifeste communiste de 1848 et Le Capital de Marx, qui ait été si souvent traduit : en Allemagne il a eu quatre éditions formant un total de 20 000 exemplaires...

Les termes économiques employés dans ce livre correspondent, dans la mesure où ils sont nouveaux, à ceux de l'édition anglaise du Capital de Marx. Nous désignons par « production des marchandises » cette phase de l'économie dans laquelle les denrées ne sont pas produites seulement pour l'usage du producteur, mais en vue de l'échange, c'est-à-dire comme marchandises, et non comme valeurs d'usage. Cette phase s'étend depuis les premiers débuts de la production pour l'échange jusqu'à nos jours ; elle n'atteint son plein développement qu'avec la production capitaliste, c'est-à-dire avec les conditions dans lesquelles le capitaliste, propriétaire des moyens de production, occupe pour un salaire des ouvriers, gens privés de tout moyen de production à l'exception de leur propre force de travail, et empoche l'excédent du prix de vente des produits sur ses dépenses. Nous divisons l'histoire de la production industrielle, depuis le moyen âge, en trois périodes :

1- L'artisanat, petits maîtres-artisans assistés de quelques compagnons et apprentis, où chaque ouvrier fabrique l'article entier.

2- La manufacture, où un assez grand nombre d'ouvriers, groupés dans un grand atelier, fabrique l'article entier selon le principe de la division du travail, c'est-à-dire que chaque ouvrier n'exécute qu'une opération partielle, de sorte que le produit n'est terminé qu'après avoir passé successivement entre les mains de tous.

3- L'industrie moderne, où le produit est fabriqué par une force, et où le travail de l'ouvrier se borne à la surveillance et à la correction des opérations accomplies par la mécanique.
  Suite: a. L'Angleterre, berceau du matérial

Retour à l'auteur: Friedrich Engels Dernière mise à jour de cette page le dimanche 14 mai 2006 20:16
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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