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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Sven HEDIN (1865-1952)LE TIBET DÉVOILÉ. (1910.
Extrait 1: Découverte des sources du Brahmapoutre


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Sven HEDIN (1865-1952)LE TIBET DÉVOILÉ. Traduction et adaptation de Charles Rabot. Première édition française: Librairie Hachette, Paris, 1910, 256 pages + 69 gravures hors texte + une carte. Une édition réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

Extrait 1

Découverte des sources du Brahmapoutre

En tout pays, en matière de gouvernement et d’administration, il y a la manière forte et la manière douce. Après avoir subi la première, nous expérimentons maintenant la seconde. Comme son collègue de Tradoum, le chef du district de Chamsang me témoigne une bonne volonté sympathique. Sans se faire prier, il m’autorise à m’écarter de nouveau de la route qui m’a été imposée et me permet d’aller visiter les glaciers du Koubi-Gangri, d’où sort le Brahmapoutre. Je vais donc pouvoir fixer la position des sources du grand fleuve tibétain demeurée jusqu’ici indéterminée et remplir ainsi un des points principaux de mon exploration.

La région du Brahmapoutre supérieur a été visitée par trois expéditions, celles de Nain-Sing en 1865, de Thomas Webber en 1866 et de Rawling-Ryder en 1904. Le pundit Nain-Sing place l’origine du fleuve dans la haute chaîne située au sud du Marioum-la. Il vit de loin cette crête, mais ne poussa point jusqu’aux sources mêmes du Brahmapoutre. Webber, après avoir suivi une route au sud de celle de son prédécesseur, n’a guère éclairci la question. La carte jointe à sa relation porte dans le bassin supérieur du fleuve la légende : Snowy ranges unexplored. Son texte indique que la source se trouverait aux glaciers du Gourla. Or, cette montagne située à 100 kilomètres plus à l’ouest n’a rien à faire avec le Brahmapoutre. La mission Rawling- Ryder, partant également de Chamsang, traversa le Marioum-la, et fila au nord du Gountchou-tso pour atteindre le Manasarovar. Si, dans son rapport, Ryder semble considérer le Marioum-la comme la source du Brahmapoutre, une lettre reçue récemment de ce savant voyageur rectifie cette impression. J’ai toujours cru, m’écrit cet habile topographe, que le fleuve naît dans le grand massif neigeux situé au sud-ouest et dont j’ai porté les sommets sur ma carte.

Pour résoudre la question, il me fallait prendre une route au sud de celle de Rawling et de Ryder.

Près de Chamsang, confluent les torrents dont la réunion forme le Brahmapoutre supérieur : le Koubi-tsangpo venant du sud-ouest, et le Tchema-youndoung issu de l’ouest et grossi, à une journée en amont, du Marioum-tchou, originaire du Marioum-la. Avant tout, il importe de reconnaître quel est le plus important de ces trois cours d’eau. Pour cela, le 8 juillet, je procède à des jaugeages. A sa jonction avec le Koubi-tsangpo, le Brahmapoutre, ou plutôt le Martsang-tsangpo, comme on l’appelle ici, a un débit de 44 mètres cubes à la seconde, tandis que le Tchema-youndoung, et le Marioum-tchou réunis n’ont que 10 mètres cubes à la seconde. Le Koubi-tsangpo est donc la branche principale du fleuve ; quand j’aurai découvert sa source, le problème de l’origine du grand fleuve tibétain sera résolu.

Le 9 juillet, avec trois Ladakis et trois Tibétains armés, je m’achemine vers la vallée supérieure du Koubi-tsangpo, pendant que la caravane sous le commandement de Gouffarou se dirige vers le Marioum-la.

Faisant route à l’ouest-sud-ouest, je coupe le Tchema-youndoung au-dessus du confluent du Marioum-tchou. Son débit n’est plus là que de 4 mètres cubes. Franchissant ensuite un petit col, j’atteins le Koubi-tsangpo. Ses eaux chargées de sédiments décèlent son origine glaciaire.

11 Juillet. — La vallée offre un des plus magnifiques paysages de montagnes que j’ai contemplés. De tous côtés, un horizon de cimes grandioses. Entre le nord-ouest et le nord-est apparaissent des crêtes magnifiques du Transhimalaya, découpées par des vallons tributaires du Brahmapoutre, tandis qu’au sud jaillit un hérissement de pics couronné de neige et frangé de puissants glaciers. Dans cette direction culmine le Ngomo-dingding, un puissant relief, dont les nappes de glace fournissent un abondant contingent au Koubi-tsangpo. A l’ouest-sud-ouest, autour du Dongdong on distingue un glacier très étendu. Les cimes à droite de ce massif, où le Tchema-youndoung prend sa source pour se diriger ensuite vers Chamsang, portent le nom de Tchema-young-doung-pou. Dans le sud-est, par delà les montagnes les plus rapprochées, on devine la position du Nangsa-la, d’où sort le Giang-tchou.

... De tous côtés d’anciennes moraines, des lacs morainiques, des blocs erratiques et des dépôts de graviers.

12 Juillet. — Route au sud-ouest. Le Koubi-tsangpo divague au milieu d’alluvions torrentielles, entre des dépôts glaciaires et des sables.

Au coucher du soleil, les nuages accrochés aux flancs des cimes s’envolent en longs filaments laiteux, découvrant les magnifiques glaciers du Ngomo-dinding, encadrés de puissantes moraines. L’obscurité est déjà venue dans la vallée que longtemps encore entre le sud-ouest et le sud-est de hauts sommets demeurent illuminés ; tels des fragments d’un autre monde perdu dans les airs, qui seraient éclairés par un autre soleil.

Autour des sources du fleuve sacré sublime, en vérité, est le décor. Jusqu’ici, seuls, de primitifs pasteurs l’ont contemplé. C’est de ces magnifiques glaciers que sort le Brahmapoutre qui apporte la vie au Tibet, et, qui, après avoir scié le colossal rempart de l’Himalaya, s’en va arroser les fécondes plaines de l’Assam.

Le 13 juillet, je m’achemine vers la source même du fleuve. Le temps est radieux. Sur un ciel admirablement pur, l’idéale blancheur du Koubi-Gangri se détache en vigueur.

Devant nous s’élèvent de puissantes moraines, hautes de 150 mètres environ, produits d’un paroxysme passé dont les glaciers actuels ne sont que d’humbles vestiges. Ces énormes dépôts ont été découpés en profonds ravins par des ruisselets qui sourdent de tous côtés. En revanche, les blocs erratiques sont relativement rares et de petites dimensions ; le plus volumineux ne dépasse guère 8 mètres cubes. La partie centrale de la vallée est occupée par des terres noyées, couvertes d’une herbe drue, avec çà et là de petites nappes d’eau peuplées d’oies sauvages.

Brusquement, à un détour de la vallée, se découvre un magnifique glacier, issu d’un vaste bassin de névé et situé à l’ouest du massif de Mouktchoung-simo. Entre une moraine ancienne et la moraine frontale actuelle passe un large torrent, dont les eaux chargées de sédiments indiquent l’origine glaciaire. Un peu en aval de ce dernier rempart, il se mélange à de nombreux ruisseaux également bourbeux ; le plus gros vient du pied du superbe massif du Mouktchoung. A quelques centaines de mètres au delà du confluent, les eaux troubles du glacier se distinguent encore des eaux vertes venant de plus haut. La rivière coule ensuite au nord-est en nombreux méandres, puis, près du camp où nous avons passé la nuit dernière, reçoit un important tributaire sorti des glaciers situés plus à l’est. Tous ces torrents réunis forment le Koubi-tsangpo, la branche maîtresse du Brahmapoutre supérieur.

Pour avoir une vue d’ensemble, j’escalade l’ancienne moraine. De ce monticule se découvre une assemblée de pics noirs, droits et élancés comme des clochers de cathédrales gothiques, de sveltes pyramides, de crêtes fantastiques, et, au milieu de cette forêt de rochers, l’éblouissement des neiges vierges !

Tandis que les chevaux pâturent, je dessine cet incomparable panorama.

Face à mon observatoire, descend du Koubi-Gangri un grand glacier alimenté par trois cirques neigeux, sur lequel se détachent deux longues levées noires de moraines médianes. Plus bas, il devient si chargé de débris que la glace se trouve partout masquée. Au milieu de cette surface grise, des mares font de petites taches, les unes bleues, les autres jaunes. Des crevasses marginales situées plus en amont sont encore remplies de neige.

La porte du glacier d’où sort le torrent est située à l’altitude de 4 864 mètres. Cette cote est donc celle de la source principale du Brahmapoutre.

A pareille hauteur, les nuits sont froides. Le lendemain matin, 14 juillet, le thermomètre minima marque — 8°. Très rapidement la température s’élève ; à sept heures du matin, elle est déjà de + 7,8°.

Seulement le 15, je me décide à abandonner cette région si intéressante. En deux jours, je traverse trois cols pour atteindre le Tchema-youndoung supérieur, originaire d’un vaste glacier appartenant au massif du Tchema-young-doung-pou.

Pas très dispendieuses, les excursions au Tibet. La visite aux sources du Brahmapoutre m’a coûté en tout 110 roupies, soit 183 francs !



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 16 juillet 2007 9:10
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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