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La dialectique du monde sensible.
Avertissement
La première édition de la Dialectique du monde sensible avait paru à Strasbourg en 1921. Elle forme le 4e fascicule des Publications de la Faculté des Lettres. Elle avait été tirée à 1.000 exemplaires dont 70 furent mis à part comme exemplaires de thèse. C’est cette œuvre en effet, la première qu’il ait écrite, que Louis Lavelle présenta en Sorbonne comme thèse de doctorat. A l’origine, comme on le verra dans une note, elle ne comportait pas de préface et s’offrait ainsi dans une grande nudité. La préface ne fut écrite qu’à la demande de Léon Brunschvicg.
Cette œuvre avait été écrite par Louis Lavelle pendant ses années de captivité, au cours de la première guerre mondiale. Il avait fait la guerre de tranchées comme soldat de 2e classe dans la Somme, puis sur le front de Verdun, où il fut fait prisonnier le 11 mars 1916. Envoyé au camp de Giessen, il ne devait être libéré qu’à l’armistice. C’est là, dans la dure vie du camp, soumis à toutes les corvées et à toutes les privations, qu’il composa cette Dialectique. Il n’avait pas de livres à sa disposition. Il n’en désira pas. Il trouvait dans la solitude où il était réduit la possibilité d’une activité parfaitement pure. En écrivant cette Dialectique du monde sensible, il avait déjà conçu le projet de l’œuvre métaphysique qui devait remplir sa vie : la Dialectique de l’éternel présent, qu’il n’a pas eu le temps d’achever et à laquelle ce premier ouvrage sert en quelque sorte d’introduction.
Ce premier livre est aussi le dernier qui ait occupé son esprit. Au moment où la mort l’a interrompu, le ler septembre 1951, il en préparait une nouvelle édition. Il ne désirait pas en modifier le texte comme il l’a fait pour De l’Être, mais seulement préciser dans des notes la portée de quelques paragraphes ou indiquer les points où sa pensée d’aujourd’hui complétait ou redressait celle d’il y a trente ans. Il n’eût fallu que quelques jours pour que ce travail fût achevé. Les notes s’arrêtent au chapitre de la Déduction [VI] de la qualité, à la dernière page de la partie intitulée « Sens du mouvement ».
Avec ces notes, il avait le projet d’écrire une préface pour cette seconde édition. Nous n’en avons que quelques lignes. Cette préface était destinée à marquer le lien entre les premières démarches de sa pensée et son achèvement, à préciser encore les lignes suivies depuis la naissance de son œuvre où toutes ont leur point de départ, à expliquer le sens de leur évolution. Il eût ainsi marqué la cohésion et l’unité de toute sa philosophie de l’Être et, sans doute, avec la rigueur qui lui était propre, eût-il indiqué à la fois les inflexions de sa propre pensée au cours de son développement et les points de rencontre ou de divergence avec les pensées voisines et contemporaines. Nous ne pouvons que présenter tel qu’il l’a laissé un travail pour lequel nul ne peut se substituer à lui.
M. L.
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Le lecteur trouvera ici sans aucun changement le texte intégral et les notes de la première édition. Les notes nouvelles, au lieu d’être indiquées par un numéro comme les anciennes, sont marquées par des astérisques. On trouvera de plus quelques sous-titres en italiques qui n’existaient pas dans l’édition originale et, à la fin de chacun des chapitres qui ont été revus, une note d’un caractère plus général qui est une sorte de commentaire sur le chapitre lui-même. Ces sous-titres et ces notes terminales sont tous de l’auteur.
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