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Introduction à la philosophie
Plan de l'ouvrage
Dans la première des trois parties de cet ouvrage, nous résumerons de manière schématique la suite des péripéties intellectuelles par lesquelles la pensée philosophique a passé et doit repasser, à partir de l’expérience commune comme l’accepte le sens commun, pour arriver aux diverses formes de l’idéalisme ; et de là aux deux philosophies qui peuvent être considérées comme ayant été les pôles de la philosophie française au début du XXe siècle. Il ne faut pas chercher dans cet exposé à proprement parler une histoire : il n’en a ni la précision, ni l’objectivité. C’est la reconstruction idéale et simplifiée d’un itinéraire, dégagé des accidents et des détours que son invention a comportés, la route substituée par une administration au parcours de l’explorateur qui a découvert le pays. Au cours de cet exposé, nous introduirons les notions et les termes les plus usuels de la pensée et de la langue philosophique. Si soucieux que l’on soit, en ces matières d’intérêt humain, d’éviter la technicité, on ne peut laisser ignorer les expressions, ou indispensables à la netteté de la pensée, ou utiles à la condensation du discours, ou seulement courantes.
La deuxième partie sera consacrée d’abord à l’exposé sommaire de la philosophie d’Hamelin, prise comme l’exemple le plus récent d’idéalisme absolu et personnel, puis, en opposition [2] avec elle, à celui de la philosophie de Bergson ; enfin quelques pages concerneront la philosophie existentielle, moins pour en préciser les détails que pour en indiquer l’esprit.
À l’inverse des connaissances qui s’acquièrent par addition de résultats, la philosophie présente cette difficulté qu’il faut en connaître le tout pour en comprendre les parties, bien que, semble-t-il aussi, ce tout ne puisse être embrassé par l’esprit qu’après qu’il en aura compris les éléments. C’est à cette difficulté que la troisième partie de cette introduction obvie, dans la mesure du possible, en proposant aux lecteurs l’esquisse d’une philosophie de l’esprit assez ouverte pour que toutes les études spéciales qui prendront place dans cette collection d’ouvrages puissent en recevoir leurs raisons.
Le lecteur ne s’étonnera pas que cette introduction aboutisse à des conclusions qui, si indéterminées qu’elles restent, indiqueront la structure d’une philosophie positive. Il y a une manière de passer en revue des doctrines, comme des religions ou des institutions, qui semble impliquer l’indifférence de celui qui expose envers tout ce qu’il expose. Il est à craindre que cette indifférence n’aide guère à pénétrer dans l’intimité génétique des connaissances qu’elle se contente d’étaler : ce ne sont pas les gens qui errent dans un musée avec un regard distrait qui renouvelleront l’art. Ce détachement convient moins encore à la philosophie. Elle est sérieuse par essence : le sérieux, c’est ce qui, en se présentant comme systématique et constructif, satisfait les tendances les plus profondes de l’esprit, à la fois comme pensée et comme âme. Ce serait donc dans une introduction comme celle-ci trahir [3] la philosophie que de ne pas proposer une conclusion, assez coordonnée pour ne pas décevoir le besoin spirituel d’unité, assez souple pour qu’elle permette à chacun de l’orienter et de la nuancer de la manière qui convienne à son caractère et à sa visée. On y verra l’idéalisme s’achever en spiritualisme : l’esprit peut-il finir en concluant contre l’esprit ?
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