RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Michel Roche, “L’éclatement des fédérations soviétique, yougoslave et tchécoslovaque dans le débat sur la question nationale au Québec: de l’échec de Meech au référendum de 1995.” Un article publié dans la revue Bulletin d’histoire politique, vol. 4, no 2, printemps 2007, pp. 151-176. Montréal: Éditions Lux. [Autorisation conjointe accordée le 19 décembre 2007 par l'auteur et le directeur de la revue Bulletin d'histoire politique, M. Robert Comeau, historien, de publier cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

Michel Roche 

L’éclatement des fédérations soviétique,
yougoslave et tchécoslovaque
dans le débat sur la question nationale au Québec :
de l’échec de Meech au référendum de 1995
”. 

Un article publié dans la revue Bulletin d’histoire politique,
vol. 4, no 2, printemps 2007, pp. 151-176. Montréal : Éditions Lux.
 

Table des matières 
 
Introduction
 
Sur le nationalisme
Sur la reconnaissance des nouveaux États
Sur l’éventuelle association avec l’ancien État partenaire
Sur les coûts de la sécession
 
Conclusion

INTRODUCTION

 

Si la naissance du mouvement indépendantiste québécois s’est inscrite dans le contexte plus large de la décolonisation, la crise politique inaugurée par l’échec de l’Accord du lac Meech a eu pour toile de fond internationale l’éclatement des États multinationaux de l’Europe centrale et orientale, soit l’URSS, la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie [1]. La plupart des nouveaux pays indépendants qui ont émergé sur la scène mondiale dans les quelques années qui ont précédé le référendum de 1995 au Québec provenaient de ces trois «fédérations». Il devenait ainsi inévitable que les camps souverainiste et fédéraliste se référeraient à leurs expériences. On se souvient de l’influence qu’ont pu avoir sur les membres du RIN et d’autres organisations indépendantistes les luttes menées pour la libération de l’Algérie et autres mouvements anticoloniaux. Les historiens ont généralement tenu compte de ce contexte pour offrir une explication plus complète de l’émergence du mouvement indépendantiste québécois et de ses orientations. Par contre, l’histoire écrite n’a pas encore insisté suffisamment – sans doute par manque de recul – sur le contexte international particulier de la première moitié des années 1990. Une partie du travail a été accomplie du point de vue de l’économie politique, notamment en ce qui concerne le contexte spécifique de la libéralisation des échanges, de la mondialisation, de l’intégration européenne, de la montée du régionalisme, etc. Le but de cet article consiste à mettre en lumière l’un des éléments importants de ce contexte, l’éclatement de trois fédérations consécutif à la chute du «socialisme réel». 

Même si son influence a sans doute été marginale dans le choix et les préoccupations des électeurs, l’éclatement de ces fédérations a eu un certain impact sur l’argumentation développée par les partisans du OUI et du NON dans la période qui a précédé le référendum de 1995, notamment dans les questions relatives au droit international, aux conséquences économiques de la séparation, aux conflits armés qu’elle peut susciter, etc. L’intérêt d’une telle recherche est double : d’une part, elle permet d’examiner de quelle manière des événements internationaux particuliers ont interféré dans le débat qui a cours au Québec sur la question nationale; d’autre part, elle permet de révéler les limites imposées par le débat politique québécois dans la compréhension de l’éclatement des fédérations de l’Est européen [2]

Les comparaisons entre les fédérations de l’Est et le Québec ont commencé à apparaître dans les médias, dans les débats politiques et chez les intellectuels à partir du moment où, suite à l’échec de l’Accord du lac Meech, et alors même que les libéraux de Robert Bourassa étaient au pouvoir, les sondages démontraient une très forte avance de l’option de la souveraineté. Le début des années 1990 a justement été marqué par l’implosion de l’URSS, la guerre et la politique de «purification ethnique» de Yougoslavie et par la séparation non violente des peuples tchèque et slovaque. 

Dans les pages qui suivent, nous examinerons brièvement comment l’éclatement des trois fédérations de l’Est a influencé les débats : 1) sur le nationalisme, 2) sur la reconnaissance des nouveaux États, 3) sur l’éventuelle association avec l’ancien partenaire et 4) sur les coûts de la sécession. 
 

SUR LE NATIONALISME

 

Indépendantistes et fédéralistes se sont toujours opposés dans le débat très fondamental sur la place du nationalisme dans l’évolution du monde contemporain. Si les premiers insistent sur l’augmentation numérique du nombre d’États-nations ayant un siège aux Nations Unies, les seconds mettent l’accent sur les regroupements d’États et de communautés nationales au sein d’entités plus larges, comme c’est le cas pour l’Union européenne. Mais les années 1991 à 1993 ont vu se multiplier le nombre d’États indépendants, dont 15 pays qui ont succédé à l’URSS, 5 à la Yougoslavie et 2 à la Tchécoslovaquie. 

La multiplication du nombre d’États fournit des arguments aux partisans de la souveraineté qui, tel le député péquiste David Payne, y dénotent une tendance mondiale au respect des identités compatible avec une intégration plus poussée : 

Le soir du 30 octobre prochain, le monde entier aura les yeux rivés sur le résultat de la campagne référendaire. La décision historique que les Québécois auront à rendre s’inscrit dans une courant international de respect des identités. Le mouvement d’indépendance des anciennes républiques tchécoslovaques, des pays baltes en est une première facette; Maastricht en est une deuxième [3]

Dans un texte postérieur à la période étudiée, Jacques Parizeau, sensible à l’argument identitaire ou culturel véhiculé par la mouvance souverainiste québécoise, explique que la frontière politique n’a plus de signification économique, du fait de la globalisation : 

Plus on prend conscience qu’un pays n’est jamais trop petit pour être prospère et que ce pays se définit par sa culture, moins on s’étonne du paradoxe qui fait que dans un monde de plus en plus globalisé, il y a de plus en plus de pays indépendants. Pas plus qu’il ne faut s’étonner qu’à peu près tous les pays où se côtoient des cultures différentes éprouvent de sérieuses difficultés de coexistence (Belgique, Espagne, Grande-Bretagne, Canada, Tchécoslovaquie, et bien sûr, Yougoslavie, etc.) [4]

En somme, aux dires de Parizeau, l’expérience de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie, comme celle d’autres pays non socialistes qu’il mentionne, enseigne que des cultures différentes peuvent difficilement cohabiter, à l’exception, prend-il soin d’ajouter, de la Suisse. Le politologue souverainiste Denis Monière se situe dans le même paradigme : 

Les contraintes de l'économie de marché ou celles plus étouffantes de l'internationalisme prolétarien n'ont pas réussi à extirper la volonté d'indépendance des peuples. Ainsi, en Union soviétique et en Yougoslavie, le désir d'indépendance des peuples subjugués a fait éclater ces deux fédérations pour donner naissance à de nouveaux pays indépendants [5]

La «volonté d’indépendance des peuples» constituerait la cause première de l’éclatement des fédérations de l’Est. Paradoxalement, d’une manière générale, le camp fédéraliste adhère à ce type d’explication. L’URSS, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie ayant été des dictatures, la thèse voulant que l’affaiblissement du pouvoir central allait forcément libérer des forces centrifuges trop longtemps contenues est rapidement devenue la plus populaire. Suite à l’élection d’un gouvernement indépendantiste en Slovaquie (juin 1992), le directeur des pages éditoriales du Soleil et actuel ministre des Finances, Michel Audet, après avoir donné un aperçu des ressemblances entre la question québécoise au Canada et la question slovaque en Tchécoslovaquie, avance ceci : « Au plan historique, les Tchèques et les Slovaques ont été unifiés de façon artificielle sur les ruines de l’Empire austro-hongrois. Il n’y a donc pas eu une volonté clairement exprimée de deux peuples de former un pays » [6]. Des exemples de ce genre d’analyse existent à profusion. 

Donc, tant du côté des souverainistes que des fédéralistes, on estime que c’est d’abord du côté des identités nationales bafouées qu’il faut chercher l’origine de l’éclatement des fédérations de l’Est dans le contexte de l’affaiblissement du pouvoir central. Dans le cas des souverainistes, l’éclatement des fédérations résulte de l’action positive et inévitable de peuples cherchant à s’émanciper, quel que soit le caractère du régime. Chez les fédéralistes canadiens et québécois, l’action des peuples procède négativement d’une réaction à une union artificielle dans le cadre d’un régime répressif. Dans un débat politique concret, il revient aux détracteurs du mouvement souverainiste d’expliquer que les aspirations nationales des peuples des fédérations de l’Est se distinguent de celles des Québécois. L’apparition soudaine de 22 nouveaux États-nations a semblé, dans l’immédiat, conforter davantage le paradigme nationaliste du camp du OUI que le paradigme «intégrationniste» des fédéralistes. D’ailleurs, les fédéralistes se sont plus d’une fois fait rappeler que le Canada a été parmi les premiers pays – parfois le tout premier – à reconnaître l’indépendance de ces nouveaux pays, alors qu’il hésite à reconnaître le droit à l’autodétermination (incluant la séparation) des Québécois. 

 

SUR LA RECONNAISSANCE
DES NOUVEAUX ÉTATS

 

L’indépendance d’un État ne devient effective qu’avec la reconnaissance internationale. Dans le cas du Québec, la reconnaissance internationale pose un véritable dilemme à la «communauté internationale». Le Canada, réputé démocratique, ouvert et accueillant, entretient d’excellentes relations avec le reste du monde. Comment, dès lors, concilier le principe du « droit des peuples à l’auto­détermination », inscrit dans la Charte des Nations unies (articles 1 et 55), avec celui du respect de l’intégrité territoriale, que rappelle la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux [7] ? 

Les juristes étrangers invités par la Commission d’étude des questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté ont clairement rappelé que la reconnaissance internationale d’un Québec souverain proviendrait non pas du «droit des peuples à disposer d’eux-mêmes» mais d’une situation de fait, l’existence de l’État n’étant pas un problème de droit [8]. Les juristes ne peuvent que «constater l’existence» d’un État, comme l’a fait la Commission européenne d’arbitrage pour la Yougoslavie dans son avis no. 1 du 29 novembre 1991. Ce constat implique qu’une autorité effective s’exerce sur le territoire et la collectivité du nouvel État souverain et ce, de manière stable. D’après cette Commission, l’éclatement de la Yougoslavie a révélé que dans le cas d’un État de type fédéral, «l’existence de cet État implique que les organes fédéraux représentent les composantes de la Fédération et disposent d’un pouvoir effectif»[9]. Sur la base de cet avis rendu par la Commission européenne d’arbitrage pour la Yougoslavie, les juristes en concluent que « La non-participation du Québec aux institutions fédérales constituerait donc un indice de sa sécession » [10], l’autorité de l’État fédéral canadien se trouvant considérablement affaiblie dans au moins l’une de ses composantes. Le droit international n’aurait qu’à en prendre acte. Ultimement, il reviendrait aux autorités des principaux pays du monde à reconnaître ou non un Québec indépendant.

Même si le droit international limite singulièrement la possibilité de former un nouveau pays au détriment d’un État existant, hormis dans le cas évident d’une situation coloniale, la reconnaissance internationale résulte donc d’un choix éminemment politique. Ainsi, dans la mesure où le pouvoir central soviétique était affaibli et résigné, que la Russie elle-même proclamait son indépendance en adhérant officiellement à l’idéologie libérale et au capitalisme, la communauté internationale a reconnu l’indépendance des républiques baltes et de l’Ukraine, puis de toutes les autres républiques fédérées. Par contre, la Tchétchénie, qui a déclaré son indépendance en 1991, n’a jamais joui d’une telle reconnaissance. Seul le régime paria des Talibans d’Afghanistan a reconnu la « République d’Itchkérie ». En conséquence, la guerre de Tchétchénie reste à ce jour considérée comme un problème de la politique intérieure russe, hormis en ce qui a trait à la violation des droits humains. 

Le constitutionnaliste Daniel Turp réfute l’idée selon laquelle le principe de l’intégrité territoriale l’emporterait sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Si tel était le cas, aucun peuple ne pourrait accéder à la souveraineté, ce qui « réduirait ainsi l’universalité du droit à l’autodétermination des peuples » [11]. Il se réfère à la sécession des États baltes et autres républiques de l’ex-URSS, de l’ex-Yougoslavie et aux consultations attendues en Ukraine et en Slovaquie pour conclure «qu’il n’existe aucune pratique uniforme et constante allant dans le sens de cette interdiction». « Au contraire, ajoute-t-il, un droit à la sécession démocratique est en train de voir le jour et tend à démontrer l’universalité du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » [12]

Tant que la souveraineté ne serait pas reconnue, le Québec ne pourrait adhérer à quelque organisation internationale que ce soit à titre d’État indépendant. Il va de soi que « L’accession à la souveraineté peut être facilitée par la reconnaissance du nouvel État souverain par l’État dont il fait partie, comme en fait foi la reconnaissance des républiques baltes par l’État soviétique » [13], mais il est loin d’être acquis que le reste du Canada serait disposé à reconnaître le Québec. D’ailleurs, un sondage CROP-Environics effectué en février 1995 révélait que 57% des Canadiens refusaient de reconnaître au Québec le droit à la sécession [14]. Le Canada, faut-il le rappeler, a été le premier pays à reconnaître l’indépendance de l’Ukraine. 

Les ténors souverainistes ont généralement soutenu que le Québec pourrait automatiquement ou assez facilement devenir membre des organismes internationaux dont le Canada fait déjà partie, tels l’ALENA et l’OMC, pour ne mentionner que ceux-là, en vertu du principe de la présomption de succession. Ainsi, au sujet des relations entre les États-Unis et un éventuel Québec indépendant, le ministre Richard Le Hir déclarait à l’Assemblée nationale en mars 1995, 

[qu’] en ce qui concerne l’application de la présomption de succession, il s’est produit récemment toute une série de cas où les États-Unis ont appliqué la présomption de succession, notamment avec toutes les républiques soviétiques, anciennement soviétiques, qui se sont fractionnées de l’URSS, et également dans le cas de la Tchécoslovaquie, et également dans d’autres cas (…) [15]

Ce point de vue du ministre provient vraisemblablement d’un « Avis sur les conséquences de l’indépendance du Québec en ce qui a trait aux traités et accords conclus avec les États-Unis d’Amérique ». Cet avis, produit par les juristes David Bernstein et William Silverman de la firme new-yorkaise Rogers & Wells, et qui fait une large place à l’attitude du gouvernement américain face aux États successeurs des fédérations de l’Est, rappelle que les États-Unis ont pour priorité le maintien de la stabilité et de la continuité. Cette préoccupation de Washington explique que les ententes conclues entre les États-Unis et les fédérations de l’Est s’appliquent à leurs États successeurs – sauf avis contraire formulé par les nouveaux États – et ce, jusqu’à ce que de nouveaux accords aient été conclus, si besoin est [16]

Tous les États issus des fédérations de l’Est ont pu, sans exception, adhérer à l’ONU, au FMI et autres organisations internationales d’importance majeure. Plusieurs de ces États n’ont jamais eu d’existence propre dans le passé. Il en est ainsi des républiques d’Asie centrale, de l’Ukraine, de l’Azerbaïdjan, de la Slovénie, de la Macédoine, de la Moldavie. Il va sans dire qu’une telle situation renforce davantage l’argumentaire souverainiste que celui de leurs adversaires et ce, d’autant plus qu’on peut difficilement considérer tous ces nouveaux pays comme d’anciennes colonies [17]. Mais force est d’admettre également que l’appui de la communauté internationale aux nouveaux États indépendants relève d’autres considérations que du seul principe du droit des peuples à l’autodétermination : il s’agissait surtout d’encourager le passage rapide au capitalisme, fût-ce au prix de la désintégration des États multinationaux, et d’extraire certains territoires de la sphère d’influence de la Russie, seul pays en mesure de s’opposer aux intérêts des autres grandes puissances. D’ailleurs, à partir du moment où la transition au capitalisme a été consolidée, le principe du droit des peuples à l’autodétermination a cédé la place à celui de l’intégrité territoriale, comme en fait foi l’appui de la communauté internationale au gouvernement fédéral russe dans sa guerre contre les indépendantistes tchétchènes. Il n’en demeure pas moins que l’effondrement des fédérations de l’Est a enrichi la jurisprudence internationale en matière de reconnaissance de nouveaux pays qui ne peuvent invoquer un passé colonial. 

 

SUR L’ÉVENTUELLE ASSOCIATION
AVEC L’ANCIEN ÉTAT PARTENAIRE

 

Depuis la fondation du Parti québécois en 1968, l’éventuelle association économique d’un Québec souverain avec le Canada se situe au centre de l’argumentaire du mouvement indépendantiste. Même dans la frange la plus hostile au concept de souveraineté-association, on estime généralement que diverses circonstances inciteront le Canada à négocier une forme de partenariat avec le Québec devenu souverain. Ici encore, l’éclatement des fédérations de l’Est a eu un impact sur le débat, avantageant nettement, cette fois, le camp fédéraliste. 

L’implosion de l’URSS a entraîné la création de 15 pays formellement indépendants, avec autant de nouvelles banques centrales, de nouvelles monnaies, etc. Dans l’immédiat, 11 des anciennes républiques, dont la Russie, ont créé la Communauté des États indépendants (CEI), organisation peu contraignante et totalement étrangère au concept de supranationalité. Pour résumer, aucune forme de « souveraineté-association » n’a émergé de l’éclatement de l’URSS, pas même entre les entités qui avaient des affinités évidentes, telles les trois républiques baltes, les trois républiques slaves ou les cinq républiques d’Asie centrale. 

En Yougoslavie, l’éclatement de la fédération a entraîné violences et «nettoyages ethniques». Les républiques les plus riches – Slovénie et Croatie – se sont tournées vers l’Union européenne. 

Seules les deux composantes de la République fédérative tchèque et slovaque offraient l’espoir de négociations pouvant mener à l’émergence d’États « souverains-associés » et ce, d’autant plus qu’il s’agissait là des vœux exprimés par les «souverainistes» slovaques, qui disaient d’ailleurs s’inspirer du projet du Parti québécois [18]. Le gouvernement tchèque a refusé toute solution de compromis : c’était l’acceptation du régime fédéral en vigueur ou la séparation pure et simple. Cette dernière option l’a finalement emporté. Lysiane Gagnon l’a rappelé aux lecteurs de La Presse, quelques jours avant le référendum de 1995 : 

L’histoire de cette partition, en effet, n’a rien de bien enthousiasmant, surtout si l’on se place du point de vue des Slovaques, qui se retrouvent aujourd’hui totalement « séparés » sans l’avoir voulu. (…) Meciar voulait garder la monnaie commune : l’arrangement n’aura duré que 39 jours. Les Slovaques croyaient pouvoir conserver le droit de circuler librement, notamment pour aller travailler en Tchéquie, mais des postes-frontières ont été érigés sur la frontière. (…) Au-delà des analogies qui frappent l’imagination, une seule leçon – mais elle est irréfutable – se dégage de cette histoire : ce n’est pas parce qu’on a rêvé d’un nouveau partenariat qu’on est assuré de l’obtenir [19]

Le cas tchéco-slovaque enseigne que l’entité sécessionniste doit bénéficier d’un poids économique et démographique important pour obtenir des concessions. Le député libéral Geoffrey Kelley l’a fait savoir à l’Assemblée nationale, en reprenant l’exemple de l’échec de l’union monétaire entre la République tchèque et la Slovaquie, pour rejeter toute possibilité d’entente de partenariat entre le Canada et le Québec : 

Nous avons un exemple de ce genre de négociation. En 1993, la République tchèque et la République slovaque ont décidé de mettre fin à la Tchécoslovaquie. La partie tchèque représente les deux tiers de la population. On a proposé d’utiliser une monnaie commune entre les deux nouveaux pays. Résultat : le chaos économique; chute de la valeur du «koruna»; mobilité prononcée du capital grâce aux communications modernes d’aujourd’hui. Après 39 jours seulement, l’abandon de la monnaie commune. Négociations entre deux pays tenues en catastrophe. À la fin, la république la plus puissante et la plus peuplée, celle des Tchèques, a dicté leurs termes aux Slovaques [20]

Quand le premier ministre Parizeau a évoqué l’éventualité que le Québec conserve la monnaie canadienne, l’opposition lui a rappelé l’expérience tchéco-slovaque : « Les remous occasionnés par la séparation, dévaluation, inflation et taux d’intérêts galopants ne pouvaient être supportés par la banque centrale. Ainsi, M. le Président, le premier ministre sait très bien l’aboutissement de sa démarche, mais se garde fort bien de la dévoiler au peuple québécois » [21]. L’argument a été repris quelques jours avant le référendum par le ministre fédéral des Finances Paul Martin, qui prévenait ses interlocuteurs qu’« une monnaie slovaque séparée a dû être créée, et elle a rapidement perdu de sa valeur. La même situation pourrait survenir dans un Québec séparé » [22]. Le lendemain, c’était au tour du premier ministre Jean Chrétien d’attaquer la crédibilité d’une association économique qui comporterait l’utilisation de la même monnaie en se servant de l’exemple slovaque [23]

 

SUR LES COÛTS DE LA SÉCESSION

 

En ce qui concerne les coûts relatifs à la sécession, les souverainistes québécois peuvent difficilement trouver des arguments positifs à l’Est en termes économiques ou de paix sociale. Une partie du problème réside dans la baisse dramatique de la production et du niveau de vie qu’on subi tous les pays successeurs des trois fédérations, sans exception. Ces résultats négatifs sont certes largement redevables à la transition du «socialisme réel» au capitalisme néolibéral. Néanmoins, les sécessions ont également eu pour effet de démanteler les structures économiques qui liaient les différentes composantes des fédérations. 

Quelques jours avant le référendum, alors que le OUI poursuit son ascension dans les sondages, le chef du camp du NON, Daniel Johnson, utilise «un exemple autre que des études ou des statistiques pour expliquer les jours sombres que vivra le Québec au lendemain d’une victoire du OUI au référendum», rapporte le journaliste Jean Maurice Duddin [24]. « Ce qu’il soutient, c’est qu’à l’instar des Slovaques après une partition à l’amiable de la Tchécoslovaquie l’an dernier, les Québécois vivront des déceptions énormes au lendemain d’une séparation du Canada. » Alors qu’il participait à une séance de formation des partisans pour l’opération porte-à-porte du camp du NON, « M. Johnson a donné l’exemple des lendemains difficiles de la partition de la Tchécoslovaquie pour faire réfléchir les indécis. » Johnson explique que dans le cas de la Tchécoslovaquie, qui a été «le plus doux et de velours, comme on disait», la Slovaquie a connu une baisse du niveau de vie de 35%, des échanges commerciaux de 40%, des postes frontières ont été installés, la monnaie commune n’a duré que 39 jours, les citoyens devaient choisir une seule des deux nationalités. «Ce sont des choses réelles. C’est le dernier cas en date, peut-être un peu comparable avec celui du Québec, où un pays existe et se scinde. La brisure a créé un réveil brutal pour tout le monde». 

Le partage des actifs entre le Canada et le Québec pourrait également causer des problèmes majeurs. Quelle part de la dette canadienne serait assumée par un Québec souverain? Un rapport remis à la Commission d’études des questions afférentes à la souveraineté rappelle que l’Allemagne a demandé au G7 de refuser l’admission de l’Ukraine, de l’Azerbaïdjan, de la Géorgie et de l’Ouzbékistan au FMI tant que ces pays n’auraient pas conclu une entente sur la part de la dette soviétique qui serait assumée par chacun [25]. Comment seraient partagés les équipements et effectifs militaires ? Le contentieux entre l’Ukraine et la Russie au sujet de la flotte de la mer Noire s’est terminé par une nette victoire de cette dernière, qui a conservé 82% des quelque 800 navires [26]. Cet exemple « peut indiquer qu’une situation de partage impliquerait de multiples compromis nécessaires et des concessions, surtout de la part du Québec » [27]

L’analyse des coûts territoriaux de la sécession est certainement celle qui a suscité les commentaires (sinon les menaces) les plus radicaux dans le camp fédéraliste. Dès 1991, alors que la situation demeure incertaine quant à l’avenir des fédérations de l’Est et que le Québec a amorcé des débats sur son avenir à la suite de l’échec de Meech, des universitaires du Canada anglais évoquent le spectre de la violence. L’ouvrage collectif dirigé par les historiens de l’Université de Toronto Jack L. Granatstein et Kenneth McNaught, intitulé English Canada Speaks Out [28], contient des articles qui n’hésitent pas à recourir à l’exemple des conflits interethniques qui ont alors cours dans les Balkans et le Caucase pour faire des mises en garde advenant l’indépendance du Québec. Pour McNaught, l’éclatement d’un État entraîne toujours un risque de violence, comme le démontrerait l’exemple des fédérations de l’Est [29]. Son collègue Ian Ross Robertson réfère explicitement au cas du Nagorny Karabakh, une région peuplée majoritairement d’Arméniens mais enclavée dans le territoire Azerbaïdjanais. La question du Nagorny Karabakh a provoqué une guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en 1988, guerre qui n’a toujours pas mené à une solution définitive. Pour Robertson, « the prospect of Canadian enclaves within an independent Quebec raises the spectre of Nagorno-Karabakh, an Armenian area within Azerbaijan » [30]. Puisque, écrit-il, le maintien des frontières actuelles causerait plus de souffrances humaines et de bouleversement de population que la partition, cette dernière doit être envisagée, mais d’une manière qui évitera les violences qu’a connues le Nagorny Karabakh : 

it would be wise to accept as a fundamental principle that only minority areas within Quebec that are geographically cohesive and either contiguous with the land mass of Canada are facing open water could vote for continued membership in Canada. They would enter Confederation as a new province (possibly as more than one new province), so as not to increase the dominance of Ontario within the new Canada [31]

Et l’auteur avance que la nouvelle frontière devrait passer en partie sur l’île de Montréal. Ces comparaisons avec les situations de violence qui ont suivi la déclaration d’indépendance de certains pays ont été entendues au Québec et ont même été reprises en haut lieu. Ainsi, le 26 septembre 1995, soit un mois avant le référendum, le ministre des Affaires étrangères, André Ouellet, a fait la déclaration suivante, alors qu’il était en visite à l’ONU : « Au Canada, nous, on ne s’est pas encore tués ou entretués et j’espère que l’exemple de l’ex-Yougoslavie ne s’appliquera jamais au Canada ». L’homme d’affaires et ex-ministre québécois Guy Saint-Pierre a de son côté affirmé qu’au lendemain d’un OUI au référendum, les entreprises québécoises, un peu comme celles de l’ex-Yougoslavie, pourraient avoir du mal à réaliser des affaires à l’étranger. Les propos de Ouellet et de Saint-Pierre ont d’ailleurs choqué les Casques bleus du 22e régiment en poste en Bosnie-Herzégovine [32]

La question de l’intégrité territoriale a fait l’objet d’une étude commandée par la Commission sur les questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté à des juristes étrangers spécialisés en droit international [33]. Le principe de l’uti possidetis, ita possideatis («comme tu as possédé, tu posséderas») a été appliqué en droit international dans le cadre de la décolonisation. D’une manière concrète, il s’agissait de faciliter la transition des anciennes colonies à l’indépendance en limitant dans la mesure du possible les frictions entre les nouveaux États sur des questions frontalières. Ainsi, même héritées du découpage effectué par les puissances coloniales, les frontières n’ont pas été modifiées. Au Québec et au Canada anglais, nous l’avons vu, plusieurs ont évoqué l’éventualité d’une partition du territoire québécois advenant l’indépendance pour permettre aux minorités anglophones, aux autochtones et aux régions frontalières de demeurer au Canada. Dans les cas les plus extrêmes, un Québec indépendant aurait été confiné à la partie nord de la vallée du Saint-Laurent. Le droit international ne reconnaissant pas le Québec comme une colonie, ses frontières, aux dires de certains experts qui prônent la partition, ne seraient pas protégées par les conventions en vigueur. Or, les juristes étrangers, s’inspirant en cela de l’expérience de l’éclatement des fédérations de l’Est, ont exprimé leur désaccord avec cette thèse : 

Bien qu’il eût été appliqué en des circonstances très diverses et bénéficiât d’une certaine consécration jurisprudentielle, la doctrine a longtemps hésité à voir dans l’uti possidetis un principe d’application universelle qui s’imposerait en dehors du cadre de la décolonisation. Le doute n’est cependant plus permis aujourd’hui. (…) L’affirmation de l’applicabilité du principe de l’uti possidetis dans tous les cas d’accession à l’indépendance, en dehors même du cadre de la décolonisation correspond à une pratique que l’actualité récente a rendue relativement abondante : qu’il s’agisse des États de la Communauté des États indépendants ou de ceux issus de démembrement de la Yougoslavie, tous ont accédé à l’indépendance dans le cadre des limites administratives qui étaient les leur [sic] antérieurement et qui ont été reconnues par les États tiers comme leurs nouvelles frontières [34]

Un autre aspect du droit international qui a été influencé par l’éclatement des fédérations de l’Est réside dans la condamnation de l’utilisation de la force dans le cadre d’une tentative sécessionniste pour modifier les limites territoriales de l’une ou l’autre des entités concernées : 

C’est, en tout cas, ce que l’on peut déduire de la réaction du Conseil de sécurité des Nations Unies face aux événements de Yougoslavie et, en particulier, de la résolution 713 (1991) du 25 septembre 1991, dans laquelle il a constaté que la prolongation des combats, pourtant purement internes, constituait une menace contre la paix et la sécurité internationales justifiant le recours aux dispositions du chapitre VII de la Charte et l’imposition de sanctions économiques. Le droit international vient ainsi renforcer le droit constitutionnel canadien qui exclut le recours à la contrainte pour modifier les limites des provinces [35]

Citant différentes déclarations qui confirment leur point de vue, les juristes ne manquent pas de rappeler que la secrétaire d’État aux Affaires extérieures du Canada, Barbara McDougall, a clairement précisé, le 7 octobre 1991, que « No territorial gains or border changes within Yugoslavia brought about by force are acceptable » [36]. Ces questions juridiques ne peuvent toutefois aucunement occulter la réalité du rapport de force sur le terrain. Le droit international n’empêche ni les guerres, ni les soulèvements de tous ordres. Le politologue et spécialiste de l’ex-URSS Jacques Lévesque a construit sa réflexion sur la base de ce qui s’est passé à l’Est depuis 1990, pour justifier son appui au NON [37]. Conscient de l’importance des différences entre le Québec et les fédérations de l’Est, il constate néanmoins des «similarités troublantes» : 

D’une part, l’accentuation du nationalisme des uns, aussi démocratique soit-il, réveille et stimule toujours le nationalisme des autres qui peut être beaucoup moins démocratique et beaucoup plus virulent. Il en résulte une dynamique qui échappe très facilement aux parties en cause. D’autre part, l’éclatement d’un État multinational induit toujours une dynamique de «fission» qui se répercute immédiatement à l’intérieur des nouveaux États qui en sont issus. En bref, ce n’est pas tant l’éclatement du Canada qui est à craindre (d’ailleurs, celui de l’URSS et même de la Yougoslavie s’est fait assez facilement), mais bien davantage les tendances à l’éclatement du Québec qui vont suivre. 

À ses yeux, la Slovaquie ne constitue nullement un exemple : 

La Slovaquie qui a connu «le divorce de velours» qu’on nous cite si souvent en exemple (et qui s’est fait sans consultation populaire parce que la population n’en voulait pas) a vu s’aggraver considérablement les tensions avec son importante minorité hongroise. La Slovaquie est devenue plus vulnérable aux pressions de la Hongrie. Celle-ci l’a fait placer sous surveillance des organisations internationales. Elle n’éclatera pas mais devra peut-être se fédéraliser. 

Il cite également l’exemple de la Géorgie indépendante et dont désormais les Abkhazes veulent se séparer alors que l’indépendance n’avait jamais été à l’ordre du jour; même chose en ce qui concerne les Ossètes. Il estime que les Autochtones du Québec, mus par de semblables forces centrifuges, pourraient chercher à se séparer d’un Québec indépendant. 

Jacques Lévesque soutient par ailleurs que le partenariat entre le Québec et le Canada serait plus qu’hypothétique. Même si le reste du Canada consentait à négocier, qui serait habilité à le faire et pour négocier quoi ? Le Canada anglais, atteint lui-même par la dynamique de fission, serait «plongé dans une crise existentielle profonde». « Ici encore, l’expérience de l’Europe de l’Est et de l’ex-URSS (même celle moins malheureuse de la Tchécoslovaquie) enseigne que l’accès à l’indépendance déclenche au moins autant d’irrationalité que de rationalité et autant d’imprévisibilité que de prévisibilité. » 

Le premier ministre Chrétien tenait un discours semblable en comparant la Tchécoslovaquie et le Canada : 

Le Canada n’est pas comme l’ancienne Tchécoslovaquie, composée de deux républiques aux contours clairement définis. Le Canada est une fédération composée de provinces qui ne sont pas homogènes et dont les intérêts varient. Le Canada avec le Québec forme un pays. Personne ne sait ce qui en resterait sans le Québec. Nous devrions savoir que le reste du Canada n’est pas un pays. Qui a le mandat pour parler au nom du soi-disant reste du Canada? Est-ce que ce sera le parlement et le gouvernement du Canada avec une représentation du Québec à 25 pour cent? Compte tenu de l’étendue des conséquences de la séparation pour chacune des autres provinces, rien ne porte à croire qu’elles seraient disposées à donner carte blanche au gouvernement fédéral pour établir les termes de la dissolution du pays. Par définition, le reste du Canada ne pourrait même pas penser à négocier les termes de la séparation du Québec avant de prendre la décision de rester uni [38]

Pour les tenants de la souveraineté-association ou d’un hypothétique partenariat entre le Québec et le Canada anglais, le destin des États issus des fédérations de l’Est ne fournit aucun argument convaincant.

 

CONCLUSION

 

L’implosion des trois fédérations de l’est constitue l’essentiel de la plus importante vague de déclarations d’indépendance depuis le mouvement de décolonisation de l’après-guerre et ne pouvait donc pas être ignorée dans les débats sur la question nationale au Québec. L’apparition de 22 nouveaux États a indéniablement apporté du matériel neuf aux argumentaires du OUI et du NON. 

Que l’échec de l’Accord du lac Meech se soit produit dans la mouvance de la chute du Mur de Berlin et de la conquête spectaculaire de la liberté chez des centaines de millions de citoyens de la partie est de l’Europe et au-delà ne pouvait pas ne pas nourrir de grands espoirs au Québec. Pendant plusieurs mois, l’attention du monde entier était braquée sur cet immense mouvement de masse. Dans le cas particulier de l’apparition de nouveaux États, les indépendantistes y voyaient une confirmation de leurs thèses. 

Puis, l’enthousiasme, à l’Est, a fait place à la désillusion, à des degrés variables selon les pays. Le printemps des peuples a été suivi d’une chute dramatique du niveau de vie dans la plupart des pays en transition, et de la guerre civile pour certains d’entre eux. Cette fois, c’est le camp fédéraliste qui pouvait s’alimenter des déboires des nouveaux États même si, faut-il le rappeler, le débat portait surtout sur les aspects internes des rapports Québec-Canada. 

Sur le plan juridique, toutefois, force est d’admettre que la jurisprudence internationale s’est enrichie de l’expérience de l’éclatement des fédérations de l’Est au profit du projet indépendantiste québécois. Le principe de l’uti possidetis a été invariablement appliqué à tous les nouveaux États. La communauté internationale serait bien mal avisée de le refuser à un Québec souverain. Par ailleurs, le principe de présomption de succession appliqué notamment par les États-Unis à tous les États issus des fédérations de l’Est, y compris les plus pauvres et les moins influents, ajoute du poids à l’idée qu’un Québec souverain n’aurait pas à reprendre à zéro les négociations pour la continuation d’accords internationaux auxquels il souscrivait à titre de membre de la fédération canadienne. 

En outre, l’expérience de l’éclatement des fédérations de l’Est enseigne que l’indépendance d’États non coloniaux peut bénéficier d’une reconnaissance internationale, mais démontre aussi toute la difficulté d’établir des partenariats supra-étatiques entre entités jusqu’alors regroupées au sein d’un même État. Tant les fédéralistes que les indépendantistes québécois ont pu trouver à l’Est ce qui les confortait sur le plan politique. 

 

ENCADRÉ 1.

Chronologie des événements (1990-1995)

 

1990 

Québec-Canada

 

22 juin : échec de l’accord du lac Meech

11 juillet-26 septembre : crise d’Oka

6 novembre : début des travaux de la Commission Bélanger-Campeau sur l’avenir politique du Québec

 

URSS et États successeurs

 

Janvier : violences interethniques au Caucase

Février : émeutes au Tadjikistan

 

Yougoslavie et États successeurs

 

Mars : sanglants affrontements au Kosovo 

23 décembre : les Slovènes se prononcent par référendum à 90% en faveur de l’indépendance

 

1991

 

Québec-Canada

 

15 juin : le Bloc québécois se transforme officiellement en parti politique 

20 juin : création de la Commission d’étude des questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté

 

URSS et États successeurs

 

9 février : référendum sur l’indépendance en Lituanie 

3 mars : référendums sur l’indépendance en Lettonie et en Estonie 

17 mars : 76,4% des Soviétiques votent OUI au maintien de l’Union; les trois républiques baltes, l’Arménie, la Géorgie et l’Arménie refusent de participer au référendum 

18-21 août : tentative de putsch à Moscou, dans le but d’empêcher l’effondrement de l’URSS 

20-31 août : proclamations d’indépendance des parlements estonien (20 août), letton (21), ukrainien (24), biélorusse (25), azerbaïdjanais (29), kirghiz (31) et ouzbek (31); proclamation de l’indépendance de la Moldavie le 27 août 

17 septembre : admission des trois républiques baltes à l’ONU 

21 septembre : les Arméniens se prononcent par référendum sur l’indépendance de l’Arménie qu’ils approuvent à 99,4% 

1er décembre : les Ukrainiens votent OUI à l’indépendance dans une proportion de 90,3% 

8 décembre : la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie annoncent la fin de l’URSS et la création d’une Communauté des États indépendants 

16 décembre : proclamation de l’indépendance du Kazakhstan 

25 décembre : démission de M. Gorbatchev du poste de président de l’URSS

 

Yougoslavie et États successeurs

 

19 mai : les Croates se prononcent par référendum à 94% en faveur de l’indépendance 

25 juin : les républiques de Slovénie et de Croatie proclament leur indépendance; une courte guerre entre la Slovénie et l’armée fédérale yougoslave se termine le 7 juillet. Bilan : une centaine de morts. Une guerre beaucoup plus longue et sanglante opposera l’armée croate à l’armée fédérale yougoslave 

8 septembre : 90% des Macédoniens votent en faveur de la souveraineté

 

1992

 

Québec-Canada

 

28 août : accord sur un texte de réforme constitutionnelle entre le gouvernement fédéral, les provinces anglophones, les deux territoires et les autochtones à Charlottetown 

29 août : Robert Bourassa fait accepter ce projet de réforme au Parti libéral, ce qui lui permet d’éviter un référendum sur la souveraineté 

26 octobre : victoire du NON, à 55%, au référendum portant sur l’accord de Charlottetown 

 

URSS et États successeurs

 

31 janvier : la Russie remplace l’URSS à titre de membre du Conseil de sécurité de l’ONU 

20 juin : l’Estonie est la première république de l’ex-URSS à se doter de sa propre monnaie; la Lituanie et la Lettonie l’imiteront respectivement les 25 juin et 20 juillet suivants 

1er décembre : en Moldavie, un référendum entérine l’indépendance de la Transdniestrie, peuplée majoritairement de Russes; la guerre civile éclate en mars 1992 

13 décembre : en Géorgie, le Congrès du peuple Ossète réclame la réunification de l’Ossétie du Sud avec l’Ossétie du Nord

 

Yougoslavie et États successeurs

 

25 janvier : la CEE reconnaît l’indépendance de la Slovénie et de la Croatie 

1er mars : victoire du OUI à l’indépendance en Bosnie- Herzégovine, dans un référendum boycotté par la minorité Serbe; début d’une guerre sanglante avec les Serbes mais aussi les Croates 

6 avril : la CEE reconnaît l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine 

27 avril : proclamation par les parlements de Serbie et du Monténégro de la «République fédérale de Yougoslavie» (RFY), non reconnue par la communauté internationale 

31 mai : l’ONU décrète un embargo contre la Serbie et le Monténégro

 

Tchécoslovaquie et États successeurs

 

5-6 juin : victoire de Vladimir Meciar en Slovaquie, ce qui ouvre la voie à l’éclatement de la Fédération des Tchèques et des Slovaques 

31 décembre : fin de la Tchécoslovaquie

 

1993

 

Québec-Canada

 

25 octobre : victoire des libéraux de Jean Chrétien aux élections fédérales; pour la première fois de son histoire, le Québec envoie à Ottawa une majorité de députés souverainistes qui forment l’Opposition officielle 

15 décembre : Daniel Johnson fils succède à Robert Bourassa

 

Yougoslavie et États successeurs

 

8 avril : la Macédoine est admise à l’ONU

 

Tchécoslovaquie et États successeurs

 

1er janvier : la République tchèque et la Slovaquie forment deux États indépendants

 

1994

 

Québec-Canada

 

12 septembre : retour au pouvoir du Parti québécois; Jacques Parizeau est élu premier ministre 

6 décembre : dépôt à l’Assemblée nationale d’un avant-projet de loi sur la souveraineté, prélude au lancement d’une vaste consultation dans les régions du Québec

 

URSS et États successeurs

 

11 décembre : le président russe Boris Eltsine envoie des troupes en Tchétchénie; le conflit fera plus de 80,000 morts et se terminera provisoirement en 1996

 

1995

 

Québec-Canada

 

12 juin : entente entre les chefs du PQ, de l’ADQ et du Bloc québécois sur une offre de partenariat au Canada advenant un OUI au référendum 

30 octobre : courte victoire du NON au référendum sur la souveraineté du Québec

 

Yougoslavie et États successeurs

 

11 juillet : prise de contrôle de l’enclave de Srebrenica par les forces serbes de Bosnie; massacre de prisonniers bosniaques par la Serbes 

29 août-20 septembre : frappes massives de l’OTAN et intervention de la Force de réaction rapide contre les forces serbes de Bosnie

21 novembre : Accord de Dayton, en vertu duquel les présidents de Bosnie, de Croatie et de Serbie acceptent un accord de paix en Bosnie-Herzégovine



[1] Pour simplifier le texte, ces trois pays seront désignés par l’expression «fédérations de l’Est».

[2] Cet aspect de la comparaison fera l’objet d’un deuxième article.

[3] Journal des débats, 13 septembre 1995.

[4] Jacques Parizeau, «Note sur la stratégie politique des souverainistes», 22 septembre 2001.

[5] Denis Monière, «Les débats idéologiques», L'année politique au Québec 1990-1991, Québec/Amérique, 1992.

[6] Le politologue souverainiste Guy Laforest parle du «nationalisme unitaire artificiel qui a été l’une des causes de l’éclatement de fédérations comme l’URSS et la Yougoslavie». Guy Laforest, «Donner un exemple au monde», Le Devoir, 19 octobre 1995, p. A6.

[7] «2. Tous les peuples ont le droit de libre détermination; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel.» «6. Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies.» Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux, Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1960.

[8] Thomas M. Franck, Rosalyn Higgins, Alain Pellet, Malcolm N. Shaw, Christian Tomuschat, «L’intégrité territoriale du Québec dans l’hypothèse de l’accession à la souveraineté», Commission d’étude des questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté, Exposés et études, Volume 1, Les attributs d’un Québec souverain, Québec, 1992, p. 409.

[9] Avis no. 1 de la Commission d’arbitrage pour la Yougoslavie, préc. N. (8), p. 264, cité par Thomas M. Franck, Rosalyn Higgins, Alain Pellet, Malcolm N. Shaw, Christian Tomuschat, op. cit., p. 411. Albert Legault partage ce point de vue : «Le cas de la Yougoslavie d’aujourd’hui est un exemple typique de l’instabilité d’une société. Il reflète l’incapacité du régime fédéral de Zagreb [sic!] à maîtriser son pays. En gardant à l’esprit les difficultés qui sévissent dans de tels pays, il faut se rappeler que la stabilité, dans une société, le contrôle effectif des nombreuses compétences administratives conformes aux normes internationales communément admises, et la capacité de les faire respecter, sont sans doute les conditions minimales auxquelles un État doit pouvoir satisfaire pour qu’on lui reconnaisse ses compétences en matière de souveraineté.» Albert Legault, «Dans l’hypothèse où le Québec deviendrait un État souverain», Commission d’étude des questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté, Exposés et études, Volume 2, Les implications de la mise en œuvre de la souveraineté : les aspects juridiques; les services gouvernementaux, Québec, 1992, p. 374.

Thomas M. Franck, Rosalyn Higgins, Alain Pellet, Malcolm N. Shaw, Christian Tomuschat, op. cit., p. 411.

[11] Daniel Turp, «Exposé-réponse (Processus d’accession à la souveraineté), Commission d’étude des questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté, Exposés et études, Volume 1, Les attributs d’un Québec souverain, Québec, 1992, p. 664.

[12] Ibid.

[13] Ibid., p. 669.

[14] Lise Bissonnette, «Une relation malsaine» (éditorial), Le Devoir, 18 février 1995, p. A12.

[15] Journal des débats, 14 mars 1995.

[16] «L’avenir dans un Québec souverain : étude 1 : avis sur les accords conclus avec les États-Unis», par David Bernstein et William Silverman, Sainte-Foy, Québec : Publications du Québec, [1995?].

[17] À titre d’exemple, la Slovénie et la Croatie étaient les entités fédérées les plus riches de l’ancienne Yougoslavie; en Slovénie, le revenu par habitant était plus de deux fois supérieur à la moyenne «nationale».

[18] Le 20 février 1992, le président du Parti national slovaque (PNS), Jozef Prokes, est venu à Montréal dans le cadre d’une tournée nord-américaine et s’est rendu au siège social du PQ. Un article de La Presse a dressé un parallèle entre le PNS et le PQ. Mario Fontaine, «Le Parti national slovaque a d’importantes affinités avec le PQ», La Presse, 21 février 1992, p. B-10.

[19] Lysiane Gagnon, «Québec et Slovaquie», La Presse, 24 octobre 1995.

[20] Journal des débats, 13 septembre 1995.

[21] Intervention du député libéral Régent Beaudet, Journal des débats, 12 septembre 1995.

[22] Allocution du ministre des Finances et responsable du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Paul Martin, devant l’Association des professionnels en développement économique du Québec, le 17 octobre 1995, disponible à l’adresse suivante : http://www.fin.gc.ca/news95/95-083_3f.html

[23] Allocution du Premier ministre Jean Chrétien devant la Chambre de commerce et d’industrie du Québec métropolitain, le 18 octobre 1995, disponible à l’adresse suivante.

[24] Jean-Maurice Duddin, «Selon Daniel Johnson fils : Le Québec pourrait subir le sort de la Slovaquie», Le Journal de Montréal, 16 octobre 1995, p. 6.

[25] Claude Gendron et Daniel Desjardins, «Aspects juridiques du partage des actifs et des dettes en matière de succession d’État : le cas Québec-Canada», in Commission d’étude des questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté, Exposés et études, volume 4, Les implications de la mise en œuvre de la souveraineté : les aspects économiques et les finances publiques (Deuxième partie), Québec, 1992, p. 820.

[26] Yann Breault, Pierre Jolicoeur et Jacques Lévesque, La Russie et son ex-empire, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2003, p. 122.

[27] Charles-Philippe David, «La défense d’un Québec souverain : ses pièges et ses possibilités», Commission d’étude des questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté, Volume 2, Les implications de la mise en œuvre de la souveraineté : les aspects juridiques; les services gouvernementaux, Québec, 1992, p. 402.

[28] J.L. Granatstein and Kenneth McNaught (ed.), «English Canada» Speaks Out, Toronto: Doubleday Canada, 1991.

[29] Kenneth McNaught, «A Ghost at the Banquet: Could Quebec Secede Peacefully?», in J.L. Granatstein and Kenneth McNaught (ed.), op. cit., p. 80-93, plus particulièrement p. 87.

[30] Ian Ross Robertson, «The Atlantic Provinces and the Territorial Question», in J.L. Granatstein and Kenneth McNaught (ed.), op. cit., p. 167.

[31] Ibid.

[32] Denis Arcand, «Les casques bleus n’aiment guère voir le Québec comparé à l’ex-Yougoslavie», La Presse, 21 octobre 1995, p. B-11.

[33] Thomas M. Franck, Rosalyn Higgins, Alain Pellet, Malcolm N. Shaw, Christian Tomuschat, «L’intégrité territoriale du Québec dans l’hypothèse de l’accession à la souveraineté», op. cit., pp. 375-452.

[34] Ibid., pp. 413-415.

[35] Ibid., p. 417.

[36] Ibid., p. 416.

[37] Jacques Lévesque, «L’ex-URSS et l’Europe de l’Est : des exemples éloquents? 1- Ce n’est pas tant l’éclatement du Canada qui est à craindre que les tendances à l’éclatement du Québec qui vont suivre, Le Devoir, 14-15 octobre 1995, p. A11 et «2- La négociation avec le reste du Canada», Le Devoir, 16 octobre 1995, p. A9.

[38] Allocution du Premier ministre Jean Chrétien devant la Chambre de commerce et d’industrie du Québec métropolitain, le 18 octobre 1995, op. cit.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 30 décembre 2007 7:16
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref