Plan de présentation
Introduction (différentes initiatives pour l’accès libre aux publications scientifiques, dont les bibliothèques numériques)
- Première partie : réflexion sur certains freins et obstacles au libre accès et sur la fonction de diffusion et de préservation
- Deuxième partie : Les Classiques des sciences sociales et sa contribution au libre accès aux publications scientifiques
- Conclusion
- Questions
Introduction:
accès libre aux publications scientifiques
Dans l’optique de la science ouverte (open science), nombreuses sont les initiatives issues de différents pays et de différentes régions du monde qui donnent en partie ou en totalité un accès libre à des publications scientifiques en sciences humaines et sociales.
En voici quelques-unes:
- Plateformes de revues et collections de livres: Érudit, DOAJ, Revues.org, AJOL, AsiaJOL, REDALYC, etc.
- Plateformes de livres: OpenEdition Books
- Dépôts institutionnels et archives ouvertes : Archipel (UQAM), eScholarship (McGill), HAL, etc.
- Sites Internet de réseautage social de recherche et plateformes: Academia.edu, Social Science Research Network
- Projets qui proposent des collections de livres électroniques: Project Gutenberg, portail Europeana, etc.
- Bibliothèques numériques : Open Library, SciELO, Gallica, Wikisource, Les Classiques des sciences sociales, etc.
Première partie
Réflexion sur sur certains freins et obstacles
au libre accès, notamment
la course à la publication
et l’évaluation de la productivité
- Point de départ
Dans le contexte où il y a un manque de reconnaissance de la contribution scientifique des professeurs-chercheurs à des projets ouverts, libres de droits ou rendus publics, s’interroger sur l’accès libre aux publications, en particulier dans le cas des Classiques des sciences sociales, ne nous semble pas possible sans réfléchir parallèlement aux freins et obstacles au libre accès.
Ce qui nous amène à identifier certaines « barrières » au libre accès.
- Barrières au libre accès
1. « Impératifs » de publier (le fameux « publier ou périr ») pour ceux qui aspirent à une carrière universitaire, les étudiants-chercheurs, ceux qui sont au début et même pour les chercheurs séniors : porte d’entrée nécessaire pour les bourses (doctorales et postdoctorales) et subventions de recherche, obtenir un poste dans une université, promotions et avancement de la carrière, demandes d’agrégation, etc.
- Foisonnement de livres, de guides et de Site Internet sur comment publier et améliorer son capital citationnel : Chamayou (2009 ): « Petits conseils aux enseignants-chercheurs qui voudront réussir leur évaluation »
- Sites Internet : Academicproductivity.com.
2. Hiérarchie des médias de publication : publier dans des revues « reconnues et prestigieuses »
- - Facteur d’impact correspond à l’indice de citation d’une revue (revues indexées dans le Scientific Journal Informations de Thomson Reuters)
- - Mesure la réputation, performance et rayonnement d’une revue
- - Avantage clairement les revues anglo-saxonnes
- - Pratiques de citation diffèrent selon les disciplines
3. Évaluation de la performance et de la productivité des chercheurs (facteur h)
- - Facteur h pour quantifier la productivité scientifique des chercheurs : combine le nombre de publications (articles) qui sont recensées dans les grandes bases de données bibliographiques et le nombre de fois qu’elles ont été citées (visibilité).
- - Limites de la « bibliométrie individuelle » (Gingras, 2005) : ex. défavorise les jeunes chercheurs qui ont moins de publications, utilise les grandes bases de données bibliographiques
- - Évaluation de la performance du corps professoral intégrée dans plusieurs classements.
- - Dans le contexte actuel de l’internationalisation des universités (Knight, 2008) les classements universitaires sont vus comme des outils qui permettent notamment de faire la promotion de son université sur la scène internationale (« World-Class Universities »), de compétitionner au plan national et international pour attirer des étudiants internationaux (attractivité) qui rapportent énormément aux universités (Olds, 2010).
- - Les universités font également l’objet de classements internationaux qui se développent dans une logique de rentabilité et de marchandisation du savoir et des institutions d’enseignement supérieur (ex. Classement de Shanghai, World University Rankings, etc.).
4. Marchandisation de la connaissance et régime de propriété : Un « mouvement d’enclosures » (Azam, 2007) ? 2 exemples.
- A. Prix des abonnements et licences d’accès aux revues scientifiques
- - Les bibliothèques universitaires sont les souscripteurs principaux des éditeurs scientifiques (Salaün, 2004; Pignard-Cheynel, 2005). Les bibliothèques doivent négocier et acheter des licences d’accès pour les revues électroniques, auxquelles sont liées différentes formules d’achat et d’accès pour les versions imprimées.
- - Les revues électroniques ne sont pas achetées, on y a accès le temps que dure l’abonnement.
- - Flambée des tarifs d’abonnement liée à la concentration observée dans le marché de l’édition scientifique.
- Barrières au libre accès
- B. Google Books et Google Library Project
- - Google a numérisé à ce jour plus de 15 millions de livres (Beaudry, 2011)
- - Principalement à partir des fonds des bibliothèques universitaires et des bibliothèques publiques
- - Vendre des abonnements aux bibliothèques pour qu’elles aient accès, notamment à leurs propres fonds numérisés
- - Exclusivité sur l’indexation de ces collections
À côté du mouvement pour le libre accès, le modèle commercial traditionnel, celui de la marchandisation de la diffusion et de la mise en circulation des connaissances est bien vivant (Pignard-Cheynel, 2005).
Questions (première partie)
1. Les grandes bases de données commerciales (ex. Social Science Citation Index SSCI de Thomson Reuters et Scopus d’Elsevier) sous-représentent la production scientifique en sciences humaines et sociales (Archambault et Larivière, 2010).
- - Exclusion par certaines bases de données des livres et autres documents importants dans les stratégies de communication des sciences sociales
- - Surreprésentation des revues anglophones et de la production nord- américaine et européenne
2. Que valent ces classements et évaluations de la productivité scientifique et de l’impact d’une revue ?
3. Est-il possible de prioriser l’accès libre face aux classements et évaluations, notamment de la productivité académique (facteur d’impact à partir d’indices comme le H index, g-index, hc index, etc.) qui transforment le professeur-chercheur en « chercheur-entrepreneur » alors même que certains auteurs ont montré que l’accès libre peut être associé avec une augmentation de citations pour les auteurs et les revues ?
4. Comment s’assurer de ne pas perdre les fonctions de diffusion et de préservation à long terme eu égard au changement de paradigme : acquisition AVEC paiement vers la logique accès AVEC abonnement payant (ex. Google) ?
Deuxième partie
Les Classiques des sciences sociales
et sa contribution au libre accès
aux publications scientifiques
Quelques données
1. Existence et statut
- - Existe depuis 1993 en Intranet
- - Depuis 2000 accessible sur internet grâce à la coopération avec l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) qui héberge le site.
- - Incorporation depuis 2006 en organisme à but non lucratif dont la mission est de « donner accès librement et gratuitement » aux oeuvres en sciences sociales et en philosophie de langue française.
2. Objectifs
- - Faire (re)découvrir les auteurs classiques
- - Mettre en relation des auteurs classiques avec les auteurs contemporains
- - Diffuser (et préserver) en accès libre des publications scientifiques en français
- - Contribuer à faire connaître les travaux de chercheurs québécois et de chercheurs originaires de la francophonie
- - Dynamiser les sciences sociales en rendant les travaux des chercheurs accessibles à tous, grâce à Internet et au numérique.
Organisation de la bibliothèque
3. Les collections (8)
- 1) Les auteurs classiques
- 2) Les auteurs contemporains ou Les sciences sociales contemporaines
- 3) Méthodologie en sciences sociales
- 4) Désintégration des régions du Québec
- 5) Les sciences du développement
- 6) Documents
- 7) Histoire du SaguenayLac St-Jean
- 8) Les sciences de la nature (la toute dernière née)
4. Plusieurs sous-collections (quelques exemples) :
- 1) Anthropologie médicale
- 2) Les sociétés créoles
- 3) Chine ancienne
- 4) Sociologie de la famille
- 5) Civilisations de l’Inde
- 6) Chine ancienne
- 7) Civilisation arabe
- 8) Révolution française
Fonctionnement
Le travail est entièrement réalisé par des bénévoles avec le soutien d’institutions publiques
- - Centralisation pour la mise en ligne de contenu
- - Décentralisation pour tout le travail derrière la création de l’édition électronique des textes
Plus de 225 000 heures de travail à ce jour, par plus de 75 bénévoles.
Diffusion et téléchargements
Qu’est-ce que la bibliothèque diffuse ?
- - Donne un accès libre à plus de 5500 titres des œuvres contemporaines et classiques de plus de 1400 auteurs différents
- - Des œuvres pour lesquelles une édition électronique est créée.
- - On peut y télécharger (mais également consulter, copier, etc.) gratuitement et en différents formats :
- • Des publications récentes encore en circulation dont les auteurs (ou leurs ayant-droit) et/ou les éditeurs ont donné leur accord pour qu’elles soient publiées
- • Des publications tombées dans le domaine public au Canada (Ex. Camus, Mauss)
- • Des œuvres inédites non éditées de chercheurs souhaitant qu’elles soient plus accessibles (ex. Robert Fossaert, Bernard Dantier, Martin Blais, etc.).
- - La plus grande partie des œuvres diffusées sont des œuvres contemporaines de chercheurs et professeurs d’université québécoises.
- - En mettant ensemble les collections auteurs contemporains et classiques : 61% des auteurs sont des contemporains
- - Cependant, les téléchargements d’auteurs classiques sont plus élevés.
-
-
Qui publie dans les classiques ?
Plusieurs chercheurs chevronnés ont choisi de diffuser certaines de leurs œuvres dans cette bibliothèque plutôt que dans les circuits de l’édition commerciale.
Des chercheurs proposent
la diffusion de leurs oeuvres
À partir de 2003, les Classiques communiquaient avec les auteur(e)s pour obtenir leur permission de diffuser telle ou telle œuvre
Il est de plus en plus fréquent maintenant que les auteurs (ou leurs ayants droits) prennent eux-mêmes l’initiative de proposer la diffusion de leurs œuvres
- Quelques exemples : Dorval Brunelle, Jacques Grand’Maison, le Centre Technique National d’Études et de recherches sur les Handicaps et Inadaptations (CTNERhi), Michel Bergès, Alain Touraine, Georges Gusdorf, Vladislav Rjéoutski, Mondher Sfar, etc.
Quels types de documents retrouve-t-on ?
Un pourcentage important d’articles de revues
Des articles de chercheurs en fin de carrière ou dont la carrière est bien assise et qui n’ont « plus rien à prouver »
Qu’en est-il du côté des jeunes chercheurs ?
Partenariats de diffusion
ACSALF : diffusion de tous les actes de colloques passés et à venir
Réseau québécois en études féministes : diffusion des actes de colloques passés et à venir
Centre Technique National d’Études et de recherches sur les Handicaps et Inadaptations (CTNERhi) : diffusion de la revue interactions et documents de recherche du CTNERhi
Partenariat avec la Bibliothèque Hélène de l’Université de Paris pour les étudiants non voyants: fichiers auteurs classiques convertis en braille.
Conclusion
L’accès aux publications scientifiques doit être pensé en relation avec la diffusion et la préservation à long terme d’un bien commun plutôt que d’un bien économique marchand.
Les Classiques des sciences sociales, comme bien d’autres initiatives, donnent accès à des publications scientifiques, les diffusent et les préservent à long terme, mais il y a toujours beaucoup de freins et d’obstacles :
- Pression à publier, hiérarchie des médias où publier en relation avec l’évaluation de la productivité des chercheurs et des universités, l’appropriation privée de biens communs, etc.
Questions
1. Quels partenariats est-il possible de développer avec des institutions, associations, organismes de recherche et autres, pour continuer et accroître la diffusion libre des publications scientifiques dans les Classiques des sciences sociales ? Ex. Érudit
2. Partenariats avec des dépôts institutionnels qui dans certains cas sont trop peu utilisés ?
3. Partenariats avec d’autres associations et sociétés savantes ?
4. Peut-on promouvoir davantage des formes de publication non éditées ou non évaluées par les pairs ou non éditées mais évaluées par les pairs ? Est-ce souhaitable ? Est-ce possible de prendre ce tournant pour de jeunes chercheurs ou étudiants-chercheurs alors que la valeur attribuée à ces publications est moindre, voire nulle ?
4. Une bibliothèque numérique peut-elle imaginer mettre en place des mécanismes de contrôle de la qualité pour évaluer des articles ou textes destinés à y être diffusé librement et gratuitement ?
5. Les Classiques des sciences sociales 2.0 ? Une avenue ?
6. Les universités, soucieuses de leur position dans les classements internationaux peuvent-elles encourager la publication des travaux dans d’autres média que les revues scientifiques ?
7. Plusieurs chercheurs IGNORENT leurs droits. Que faire ?
- Ex. Chercheurs qui souhaitent rendre disponibles leurs travaux dans Les Classiques des sciences sociales, mais apprennent qu’ils n’ont plus de droits (cédés à l’éditeur) même pour un ouvrage discontinué et chercheurs qui souhaitent rendre disponibles leurs travaux dans les Classiques, mais ne savent pas que certains éditeurs y sont favorables, même pour des textes encore en circulation
8. Droits d’auteurs versus droits d’éditeurs ?
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