En 1960, un jeune Frère Mariste éducateur amenait la population de notre Province de Québec à se poser des questions sur certains problèmes que vivait le monde de l’éducation. Ses prises de positions avant-gardistes ont suscité alors tout un débat en sonnant une sorte d’alarme. Deux camps se sont affrontés à son sujet : les pour et les contre. Une sorte de tornade a failli réduire définitivement cet auteur insolent au silence… et à l’inaction.
Frère Jean-Paul Desbiens sous le pseudonyme de Frère Untel - avait mis notre système d’enseignement en cause…Des membres du gouvernement d’alors lui ont demandé, en 1964, quatre ans après la parution des Insolences, de participer lui-même à la recherche et à l’application de solutions aux problèmes qu’il avait notés. Dans ce but, Jean-Paul Desbiens pouvait faire appel à des équipes de collaborateurs choisis. Le travail fut fait et bien fait. Après ce tourbillon amorcé par un tout petit livre de 154 pages et au coût d’un dollar, sont sortis le Rapport Parent, une réforme des programmes d’enseignement, les cégeps, l’Université du Québec et dix autres modifications. Tout cela avait un lien direct ou indirect avec ce petit livre à idées.
Soyons honnêtes : l’Église, chez nous, a joué, et longtemps, un rôle très important dans le monde de l’éducation. Qui pourrait le lui reprocher? Les Collèges classiques, avec des budgets fort limités, ont formé chez nous une pléiade d’hommes de grande valeur qui ont servi efficacement leur pays. Ces Collèges ont accepté, dans un souci de coopération, de jouer un rôle important dans la création des cégeps. Le Département de l’Instruction publique, pour sa part, a favorisé les progrès de nos écoles publiques dans villes et gros villages en offrant, avec les années, les 4 classes du cours secondaire aux options variées y compris les 4 premières années de l’enseignement classique. Tout le monde reconnaît le rôle historique des Collèges classiques et rend hommage aux personnes, dont de nombreux prêtres et religieux-prêtres, qui ont participé, avec dévouement et compétence, à l’enseignement dans ce milieu d’élite.
Dans cet effort d’éducation chez nous, l’histoire est là pour nous le rappeler, les Soeurs et les Frères ont aussi joué un rôle clef dans l’enseignement public et dans l’enseignement privé. Mais il fallait aller plus loin; il fallait faire plus, et si, possible, il fallait faire mieux au profit d’une plus large clientèle dans le but de faire progresser l‘application d’un principe : la démocratisation de l’enseignement.
Cinquante ans après la parution de Les insolences du Frère Untel, on peut relire avec profit ce petit livre qui résonnait alors comme un coup de clairon. Adoptant une langue nerveuse et choisie, l’auteur lançait une invitation pressante : une invitation à corriger ensemble ce qui ne va pas. Nous sommes à même de nous livrer maintenant à une sorte d’évaluation de l’impact en éducation que ce petit livre a exercé chez nous. Pour cela, il convient d’avoir soin de saisir et d’étudier aussi ce qui s’est fait dans les autres Provinces canadiennes durant cette même période, celle de 1960 à nos jours. Nous verrons sans doute alors, et avec plaisir, que durant ces cinquante ans, le Québec n’est pas resté à la traîne.
Les grands débats, parfois acerbes, autour des Insolences se sont apaisés. Des études ont été menées; des modernisations nous ont donné le système éducatif dont nous jouissons maintenant. Force nous est d’admettre que nous avons été sages d’écouter jadis ce cri d’alarme insolent et d’y avoir répondu par des initiatives dont la valeur ira se révélant de bonne qualité. Mais, tout n’est pas terminé… Les lecteurs de ce petit livre à un dollar ancien - maintenant gratis en téléchargement sur Internet - poursuivront leur tâche : améliorer chez nous la langue, les écoles, les cégeps, les universités toujours en direction d’un perfectionnement progressif. Cet effort conscient et coordonné vers l’avenir et le progrès nous empêchera sûrement de dormir sur nos lauriers.
L’initiative qui se propose de souligner en 2010, et avec un certain éclat, la parution des Insolences publiées il y a 50 ans est heureuse car elle nous permettra de percevoir, d’une façon sereine, où en sont les objectifs réels que Jean-Paul Desbiens poursuivait. Nous verrons alors que loin d’être un démolisseur, comme on l’a parfois perçu et représenté, Jean-Paul Desbiens a toujours voulu construire, édifier, même s’il a fallu, pour bâtir du neuf, sacrifier quelques structures existantes qui, par ailleurs, avaient rendu à notre société des service éminents par le passé.
Les diverses activités qui souligneront les 50 ans de Les insolences du Frère Untel nous permettront de dresser un bilan, au moins sommaire, de cette période historique riche en événements : 1960-2010.
Laurent Potvin, fms
Château-Richer, Qc.
12 juin 2008. |