Présentation du colloque
Les étudiantes et les étudiants consultent fréquemment Wikipédia pour l’élaboration de leurs travaux. La grande majorité d’entre eux considère qu’il s’agit là d’une source valable d’information. Pour leur enseignante ou enseignant, l’encyclopédie virtuelle ne saurait être à elle seule une source crédible d’information. Pourtant, les articles qui y figurent sont passés sous la loupe de milliers d’internautes qui sont appelés à les corriger, à les ajuster ou à les modifier. Est-ce suffisant pour accorder de la crédibilité aux informations qui s’y trouvent? Quels sont les dessous de l’encyclopédie virtuelle? Quelle est la valeur de Wikipédia? Relève-t-elle d’un réel exercice démocratique? Pour certains, Wikipédia est une révolution comparable à l’invention de l’imprimerie. Son succès sonnera-t-il la fin des encyclopédies traditionnelles? Voilà tant de questions qui méritent d’être soulevées. C’est pourquoi le Département de philosophie vous invite à une réflexion collective sur la valeur de l’encyclopédie libre et virtuelle qu’est Wikipédia. Liste des conférenciers
Liste des conférences
M. Simon Villeneuve,
professeur de physique au Cégep de Chicoutimi et wikipédien
Wikipédia est l'un des 10 sites Internet les plus visités au monde avec plus de 300 millions de visiteurs uniques par mois. Son influence grandissante suscite maintes réactions dans tous les milieux, principalement de l'éducation, des médias et de l'édition.
La plupart des gens qui se prononcent sur Wikipédia ne connaissent pas l'outil. Le but de la conférence est de vous présenter sommairement le fonctionnement de cette encyclopédie. Je commencerai par vous faire un bref historique de Wikipédia et de la Wikimedia Foundation. Ensuite, je vous présenterai les principales pages liées à un article de Wikipédia et j'éditerai un article pour montrer un exemple concret de construction de l'encyclopédie.
M. Christian Nadeau,
professeur de philosophie de l’Université de Montréal
Internet au service de la démocratie?
Le pour et le contre.
Il s’agira ici de voir dans quelle mesure internet, et en particulier Wikipédia, sont des instruments au service de la démocratie et de la démocratisation. On entend souvent dire que toute diffusion du savoir est nécessairement bonne pour la démocratie. Mais on oublie souvent que comme n’importe quel outil, une encyclopédie en ligne peut être bien OU mal utilisée. Sa valeur politique est neutre.
M. Christian Vandendorpe,
professeur retraité de l'Université d'Ottawa en sémiologie
Oublier Babel : l’impact de Wikipédia
D’ores et déjà, l’intérêt de Wikipédia dépasse de loin celui d’une simple encyclopédie et est à analyser comme un fait de civilisation majeur, dont l’impact excède probablement déjà celui qu’eut en son temps l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. La rédaction collective et anonyme des articles en respectant un impératif de neutralité de point de vue tend à introduire dans le domaine des sciences humaines des modalités de travail qui se rapprochent de celles en vigueur dans les sciences dures en soumettant toute contribution à la rigueur d’une révision par les pairs. La coprésence, dans un même environnement, de collaborateurs actifs issus d’aires linguistiques et culturelles variées crée un forum permanent de dialogue des cultures, où les antagonismes ancrés dans le passé doivent être surmontés pour que le travail de rédaction puisse avancer. Tout cela contribue à faire de Wikipédia une remarquable entreprise d’éducation collective, figure de proue d’un monde globalisé où la survie de l’humanité semble de plus en plus devoir passer par l’intégration de tous au sein d’un dialogue guidé par le respect des faits et la volonté de construire un avenir commun.
M. François Bégin,
professeur de philosophie au Cégep de Jonquière
Wikipédia et les experts
La popularité de Wikipédia auprès des internautes est directement proportionnelle au déni dont elle fait l’objet dans les milieux intellectuels. L’idéologie égalitariste à la base du projet, qui permet à quiconque de rédiger et corriger des articles, semble a priori incompatible avec les principes scientifiques de validation de la connaissance, qui exigent un processus de révision rigoureux par des personnes compétentes. En effet, quelle valeur peut avoir une connaissance tirée d’un espace où règnent l’anarchie et la loi sinon du plus fort, du plus obstiné? Et pourtant… Les partisans de Wikipédia affirment que la crédibilité des informations qu’on y trouve est comparable aux sources d’information traditionnelles, voir supérieure, précisément à cause de sont aspect égalitaire, qui permettrait la confrontation et la complémentarité des perspectives. Au-delà des cas cocasses et épisodiques de vandalisme, la dynamique dialectique inhérente à Wikipédia, constamment ouverte à la critique et la remise en question, tendrait inexorablement vers la vérité.
Entre les deux camps, un dialogue de sourds. Les « experts » ont-ils raison de bouder Wikipedia, qui pourtant participe à l’idéal scientifique de la diffusion et du partage des connaissances? Les wikipédiens, de l’autre côté, peuvent-ils prétendre à un réel savoir, sans la contribution d’experts reconnus comme tels? De quoi dépend la véracité d’une affirmation? Quel rôle pour les experts à l’ère de Wikipédia?
M. Jean-Marie Tremblay,
professeur de sociologie du Cégep de Chicoutimi et fondateur du projet
« Les Classiques des sciences sociales »
Les nouveaux modèles de diffusion du savoir
Les Classiques des sciences sociales, c’est bien plus qu’une bibliothèque numérique, c’est une véritable lutte sociale et éducative. Une lutte pour l’accès aux savoirs, notamment les savoirs en sciences humaines et la démocratisation des savoirs en y donnant un accès libre et gratuit. Les Classiques des sciences sociales, c’est le résultat d’une volonté de partage des savoirs, c’est un pied de nez au système capitaliste dans lequel on vit, car très peu d’aide nous est octroyée.
Wikipédia et Les Classiques des sciences sociales participent chacun à leur manière à cet idéal démocratique. Si Wikipédia donne de manière anonyme des renseignements de toutes sortes, sans que l’on sache d’où ces renseignements proviennent, les Classiques des sciences sociales diffusent de leur côté essentiellement les oeuvres de chercheurs et professeurs d’université. Quels impacts sociaux auront ces nouveaux modèles de diffusion du savoir ? Quels sont leurs rôles respectifs ? Que leur réserve l'avenir ?
M. Pierre Assouline,
journaliste français, romancier, biographe et titulaire du blogue :
« La république des livres »
« […] C’est le principe de Wikipédia qui demeure toujours aussi discutable, cette idée bien dans l’air du temps que, au fond, tout le monde est encyclopédiste puisque tout le monde est déjà journaliste, cinéaste, critique d’art, critique littéraire, critique de cinéma, critique gastronomique, photographe etc. Voudrait-on nous faire croire que Wikipédia est à l’Universalis ou la Britannica ce que la démocratie d’opinion est à la démocratie représentative que l’on ne s’y prendrait pas autrement. On ne nous a pas encore fait le coup de “l’encyclopédie citoyenne” mais, au train où va la démagogie qui sous-tend cet état d’esprit, ça ne devrait pas tarder. […] »
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