On m’a demandé de vous écrire un petit mot sur cette œuvre, Les Classiques des sciences sociales. Alors, voici, brièvement.
Si je n’avais pas enseigné, je pense que jamais l’idée n’aurait traversé l’esprit d’entreprendre l’édification de ce que j’appelle maintenant une “cathédrale intellectuelle”!
Tout cela a commencé parce que je voulais faire découvrir les sciences sociales et la philosophie à mes étudiants. Parce que je voulais qu’ils découvrent l’importance et la pertinence des sciences sociales dans l’explication des faits sociaux et des problèmes sociaux. Parce que je souhaitais qu’ils aiment ces disciplines et les phénomènes qu’elles cherchent à décrire et expliquer.
Les Classiques des sciences sociales, c’est une grande bibliothèque, mais différente de celle du lieu physique où nous allons souvent, qu’il s’agisse de la bibliothèque municipale, de celle du collège ou de l’université. C’est une bibliothèque numérique spécialisée dans un domaine : celui des sciences sociales et la philosophie. C’est une bibliothèque dans laquelle toutes les œuvres qu’on y trouve sont en traitement de texte et téléchargeables en plusieurs formats numériques à partir d’un ordinateur connecté à internet, quelque soit l’endroit où l’on se trouve dans le monde.
La bibliothèque compte près de 5,000 œuvres à date regroupées en différentes collections.
Que vous connaissiez ou non à date cette bibliothèque, vous la découvrirez si vous cherchez, sur internet, des renseignements sur un auteur ou une problématique abordée dans une des œuvres disponibles dans cette bibliothèque numérique.
Comment est-ce possible ? À cause de descripteurs accompagnant chacune des œuvres sur le site web, les moteurs de recherche, tels Google ou autre, vont trouver la page web où cette œuvre est disponible sur le web.
Il y a quelques années, j’avais un collègue, professeur de philosophie au Cégep de Chicoutimi. Il était en train de lire dans son journal, Le Devoir, un article sur la pensée sur l’éducation du philosophe français, Alain (ou Émile Chartier). On y parlait des PROPOS SUR L’ÉDUCATION de cet auteur. Ce collègue tape alors dans la fenêtre de recherche de son navigateur “PROPOS SUR L’ÉDUCATION D’ALAIN” et immédiatement son navigateur lui identifie le site web et la page web où l’œuvre intégrale était disponible. Ce collègue a alors téléchargé, librement et gratuitement, ce livre, le parcourir et y lire le chapitre qui l’intéressait.
Il en fut émerveillé.
Les Classiques des sciences sociales, c’est donc une vraie bibliothèque numérique, avec des auteurs, des livres, des articles scientifiques, un moteur de recherche. Mais quoi d’autre ?
La gratuité. Voilà une de ses caractéristiques fondamentales. Toutes les œuvres y sont accessibles, à tous, librement et gratuitement, et en plus toutes téléchargeables pour assurer la plus grande autonomie possible aux internautes.
Comment pouvons-nous assurer la gratuité d’accès aux œuvres diffusées dans cette bibliothèque numérique ? Simplement parce que l’Université du Québec à Chicoutimi coopère étroitement au développement de cette bibliothèque en nous donnant un accès libre, gratuit et direct à son serveur internet, en nous donnant accès à tous les livres de notre choix que nous pouvons alors numériser et éditer électroniquement. Aussi parce que nous avons le soutien de la direction du Cégep de Chicoutimi ainsi que celui de la municipalité, Ville de Saguenay. Et surtout parce que tous ceux qui y oeuvrent travaillent bénévolement.
Plus jeune, je souhaitais changer le monde et contribuer à la réduction des inégalités sociales. Alors j’ai aujourd’hui le sentiment d’œuvrer en ce sens en participant à l’édification de cette grande bibliothèque numérique où l’on y vient d’aussi loin que le Japon, La Réunion, Sao Paulo au Brésil, d’Haïti, de Roumanie ou encore de la France.
Au début de ce petit texte, je vous disais que cette bibliothèque comportait près de 5,000 œuvres regroupées en catégories. En fait, la bibliothèque regroupe deux type d’œuvres : celles du domaine public et celles des intellectuels contemporains. Les œuvres du domaine public sont celles dont les auteurs sont décédés depuis 50 ans et plus au Canada et que nous pouvons diffuser librement, sans demander de permission à personne, puisque la loi canadienne du droit d’auteur l’autorise. Quant aux œuvres contemporaines, nous pouvons les diffuser librement parce que leur auteur, généralement des professeurs d’université et des chercheurs universitaires, nous accordent gracieusement leur autorisation.
Les œuvres diffusées, qu’elles soient du domaine public ou non, sont regroupées en 7 collections :
- 1) Les auteurs classiques, tels que Alain, Henri Bergson, Sigmund Freud, Émile Durkheim, Marcel Mauss, Montesquieu, Karl Marx, Proudhon, Lucien Lévy-Bruhl, Lucien Febvre, etc., etc.
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- 2) Les auteurs contemporains ou Les sciences sociales contemporaines. On y retrouve notamment les œuvres du sociologue Guy Rocher, celle de l’anthropologue Marc-Adélard Tremblay, des politologues Léon Dion, Gilles Bourque, Vincent Lemieux, Gérard Bergeron, des économistes Louis Gill, des criminologues Denis Szabo, Jean-Paul Brodeur, Alice Parizeau, Marie-Andrée Bertrand, etc.
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- 3) Méthodologie en sciences sociales, dirigée par mon ami, sociologue français, Bernard Dantier, directeur des études à l’Institut de Pédagogie Supérieure Faculté d’Éducation, à Paris.
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- 4) Désintégration des régions du Québec, animée principalement par les travaux du sociologue Charles Côté et de l’historien Daniel Larouche;
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- 5) Les sciences du développement dirigée par M. Michel Maldague, professeur émérite de l’Université Laval, et centrée principalement sur les outils de développement des pays de la zone tropicale.
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- 6) Documents. On retrouve dans cette collection des œuvres servant de matériaux d’étude, tels les discours précédant l’adoption de la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État en France, les Contes des Mille et une nuits, etc.
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- 7) Enfin, la dernière collection qui témoigne de notre ancrage : Histoire du SaguenayLac St-Jean. On y retrouve notamment plusieurs travaux de l’historienne Russel Aurore Bouchard.
Pour donner le goût d’entrer dans cette bibliothèque, j’ai créé plusieurs portes d’entrée ou sous-collections. Pour ce faire, il s’agissait d’identifier sur une page web un certain nombre d’œuvres traitant du même sujet.
C’est ainsi que j’ai regroupé des œuvres sur les thèmes suivants, ou sous-catégories :
- Anthropologie médicale, dirigée par Jean Benoist, médecin et anthropologue;;
- Sociologie de la famille;
- Sociologie de la santé;
- Les sociétés créoles, dirigée par Jean Benoist, médecin et anthropologue;
- Criminologie;
- Handicaps et inadaptations, avec la collaboration du Centre technique national d’Études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations [CTNERHI], à Paris;
- Les Rencontres internationales de Genève, avec la collaboration de l’historien Georges Nivat;
- Et dernièrement, Les Actualités des sciences de l’éducation.
J’ai aussi créé quatre autres portes d’entrée, ou sous-collections, susceptibles d’intéresser les internautes :
- La Chine ancienne;
- La civilisation arable;
- Les civilisations de l’Inde;
- La Révolution française.
Vous voyez, cette bibliothèque nous ouvre au monde et nous donne accès à des études sur les populations, leur culture, leur organisation sociale, leurs luttes, leurs mœurs.
C’est ainsi que nous avons mis en ligne en 2010 plusieurs œuvres sur l’histoire, l’économie, le système politique en Haïti en vue de nous aider à comprendre ce pays à la suite du désastre qui a affligé sa population en janvier 2010.
La plus grande partie des œuvres contemporaines sont des œuvres de chercheurs et professeurs d’université québécoises afin de témoigner de la richesse de notre patrimoine intellectuel en sciences sociales et le rendre accessible à toute la francophonie internationale, mais aussi à la nouvelle génération d’étudiants, de professeurs et de chercheurs.
De plus en plus de professeurs utilisent maintenant les ressources documentaires de cette bibliothèque dans leurs cours, leurs notes de cours et leur enseignement. Parce que nous leur donnons la permission. Ce qui permet ainsi d’accéder à beaucoup d’œuvres fondamentales, en version intégrale, et pas simplement à quelques extraits choisis.
C’est grâce aux Classiques des sciences sociales que j’ai pu faire découvrir la criminologie à mes étudiants parce que MM. Denis Szabo, le fondateur de la criminologie au Québec, nous a autorisé la diffusion de toutes ses publications. J’ai pu faire comprendre les causes de la délinquance juvénile au Québec parce que M. Maurice Cusson, aussi de l’Université de Montréal, nous a autorisé la diffusion de plusieurs de ses publications, etc, etc.
J’ai pu faire découvrir et aimer et montrer toute la pertinence de la sociologie, de l’anthropologie, de l’économie politique, de l’histoire, de la science politique, du travail social, de la psychanalyse notamment, parce que de nombreuses recherches et études récentes étaient disponibles, librement et gratuitement, sur internet.
Pour y arriver, il me fallait simplement faire des liens, à partir de mon site pédagogique, organisé par cours de sociologie, vers les œuvres susceptibles d’intéresser mes élèves.
Je voudrais dire que ce qui me fait le plus plaisir, c’est que toutes ces œuvres sont accessibles, grâce au format numérique, aux non-voyants, aux prisonniers en institutions carcérale, aux étudiants, chercheurs et professeurs de lycées, de collèges et d’universités, d’ici aussi bien que dans des pays en voie de développement ou dans des pays dont les bibliothèque sont faiblement garnies.
Je m’arrête là. Je pourrais continuer encore longtemps.
Cette bibliothèque a été amorcée dès 1993 et elle est devenue accessible sur internet en 2000 grâce à la coopération de l’Université du Québec à Chicoutimi. Si autant d’œuvres sont disponibles, c’est parce que de nombreux bénévoles se sont joints à moi, ici au Québec, en France, en Belgique et en Suisse.
Ne cherchez pas à apprendre l’adresse web du site de cette bibliothèque numérique, tapez plutôt dans la fenêtre de recherche de votre navigateur internet “Les Classiques des sciences sociales” ou “Jean-Marie Tremblay” pour accéder directement à cette bibliothèque.
J’ai préparé beaucoup de matériel numérique pour mes élèves : bases de données, questionnaires informatisés, guides d’utilisation, notes de cours et, bien sûr, ma bibliothèque numérique, Les Classiques des sciences sociales.
C’était la disponibilité de ce matériel pédagogique numérique qui fait que j’ai aimé enseigner jusqu’au moment de prendre ma retraite après 34 années.
Voici maintenant quelques exemples d’utilisation des Classiques des sciences sociales dans mon enseignement de la sociologie :
Accédons d’abord à mon site pédagogique :
http://jmt-sociologue.uqac.ca/
Exemple 1.
Cours de sociologie: Perspective sociologique
Leçon 3 : L’étude d’idéologies particulières
Exemple 2. Cours de sociologie: Sociétés et diversités culturelles
Leçon 4 : Étude d’une culture
ou d’une civilisation particulière
Exemple 3.
Cours de sociologie: Défis sociaux et transformation des sociétés
Recherche avec traitement statistique
en santé mentale et physique
Je voudrais terminer en disant que Les Classiques des sciences sociales, c’est bien plus qu’une bibliothèque numérique, c’est un lieu de travail et de diffusion des savoirs certes, mais un lieu habité avec une “âme” je n’ai pas de meilleur terme. Les chercheur(e)s et les professeur(e)s s’y sentent à l’aise. Les auteurs et les bénévoles ont des rapports chaleureux, de coopération et d’estime. Jamais Google ne connaîtra cela.
Les Classiques des sciences sociales, c’est le résultat de la coopération de trois institutions publiques de Saguenay : notre université régionale, l’Université du Québec à Chicoutimi, le Cégep de Chicoutimi et la municipalité de Saguenay. Bien sûr sans oublier les bénévoles qui y oeuvrent et les gens des bibliothèques qui cataloguent les œuvres et les répertorie. Et ce sont les étudiant(e)s avec leurs professeur(e)s et les chercheurs qui viennent s’y abreuver.
Merci,
Jean-Marie Tremblay
Professeur de sociologie
Cégep de Chicoutimi,
27 mai 2011.
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